BOUM ! Une chaise vola en éclats, tandis que Will laissait échapper un long soupir.

- Je suis vraiment nulle ! râla-t-elle.

Aria considéra un instant les débris de chaise qui s'étaient éparpillés à travers la salle, puis le coussin sur lequel Will était supposée s'entraîner, resté intact à quelques mètres d'elle.

- Non, tu es loin d'être nulle, la rassura Aria en réparant ses dégâts d'un coup de baguette. Mais pour une poursuiveuse aussi douée que toi, c'est assez étonnant que tu aies autant de difficultés à viser.
- Je te l'avais dit, ça sert à rien ! J'ai jamais été bonne en duels... gémit Will en tapant du pied à terre.
- De toute manière, lui répondit sa cousine, tu n'auras à te battre que si Black me met K.O.

Elle agita sa baguette et ledit coussin explosa, les plumes composant son intérieur voletant tout autour d'elles.

- Et ça ne risque pas d'arriver.

Elles étaient dans une salle de classe vide du troisième étage et avaient passé l'après-midi à s'entraîner en vue du duel qui avait lieu le soir même. La veille, après avoir passé une bonne heure à réconforter sa cousine qui avait été très secouée par sa dispute avec Black, Aria lui avait proposé un entraînement intensif, pour lui remonter le moral. Will avait accepté, souhaitant faire mordre la poussière à son ami.
Elles avaient enchanté un mannequin du cours de Défense Contre les Forces du Mal afin de simuler un duel, puis à la fin de l'après-midi avaient revu les sortilèges de base en s'entraînant sur des coussins. Will avait plutôt bien réussi la première partie, mais face à des objets inanimés elle semblait étrangement perdre tous ses moyens.

- Je crois que nous sommes juste fatiguées, constata Aria.

Will grogna pour toute réponse.

- Nous avons encore deux heures avant le dîner, tu devrais aller dans ta salle commune. Il vaut mieux que nous soyons reposées pour ce soir.

Will approuva, et se dirigea vers la porte. Elle se retourna vers Aria, qui n'avait pas bougé.

- Tu viens ?
- Non, je vais rester un peu. J'ai quelques petites choses à revoir, encore. On se voit au dîner ?

Sa cousine sortit de la salle et Aria s'assit sur une table, pensive. Elle n'avait pas de doute sur ses capacités à dueller, car elle maîtrisait assez bien ce sport, mais elle avait peur pour sa cousine. Et si Black réitérait ses insultes à l'encontre des Justice, lors du duel ? Will parviendrait-elle à passer outre et garder son sang-froid ? Mine de rien, ses mots avaient été cruels et même Aria avait ressenti une pointe de tristesse face à ses accusations. Mais Will était la plus fragile d'entre elles, et elle ne pouvait pas se permettre de craquer elle aussi. Elle devrait garder la tête haute pour deux, et tant pis si Black détruisait petit à petit sa confiance en elle.

Elle repensa aux paroles du Gryffondor. Certes, ses parents étaient très souples concernant les traditions, et c'était plutôt son oncle et ses grands-parents du côté de son père qui approuvaient les actions du Mage Noir. Mais Aria se demanda si elle valait mieux qu'eux en restant de ce côté de la balance, en se protégeant ainsi derrière la valeur de son sang et le pouvoir de sa famille. Elle aurait pu, elle aussi, tourner complètement le dos aux membres plus problématiques des Justice et rejeter tout ce qui les concernait; mais elle n'avait pas de problèmes avec ses parents et n'avait surtout nulle part où aller. En voyant la situation de Will qui était visiblement tiraillée entre sa volonté d'être acceptée par ses parents, et ses idéologies politiques qui allaient à l'opposé des leurs; elle n'était pas sûre de vouloir vivre la même chose.

En un sens, elle comprenait pourquoi Black était persuadé qu'Aria était une mangemort en puissance : elle n'avait jamais réellement publiquement désapprouvé le comportement de ses camarades à Serpentard ni les idéologies de sa famille. Elle restait éloignée des nés-moldus et avait toujours été plus ou moins méprisante avec ceux qui l'entouraient, sans réellement s'en rendre compte, ni le vouloir. On l'avait élevée en lui rabâchant qu'elle était supérieure aux autres; mais même malgré sa prise de conscience progressive au fil du temps, elle ne pouvait s'empêcher d'agir parfois comme une parfaite peste égoïste : encore récemment, avec Pettigrow, elle avait été d'une méchanceté et d'une condescendance sans nom.

Aria soupira en lançant quelques sorts informulés sur le mobilier de la salle. Elle avait besoin de passer ses nerfs, et de rester sereine et positive avant le duel. Il ne fallait pas que son esprit flanche, ou Black aurait vite le dessus et elle ne pouvait pas se le permettre. Elle était trop orgueilleuse pour ça.


La Grande Salle était incroyable en ce soir d'Halloween. Des citrouilles flottaient au-dessus des têtes à la place des bougies usuelles, accompagnées de dizaines de chauves-souris qui poussaient de temps à autres des petits cris perçants. Les fantômes peuplant Poudlard s'étaient donnés rendez-vous pour assister au festin et traversaient la salle de part en part, offrant parfois un sursaut de peur à quelques première années en apparaissant juste devant eux. Vers le milieu de la table, Nick Quasi-Sans-Tête, le fantôme de Gryffondor, racontait à qui voulait l'entendre l'histoire de sa mort, arrivée ce même jour plusieurs centaines d'années auparavant.

Quelques élèves plus âgés s'étaient déguisés, ainsi que certains professeurs : Dumbledore arborait une magnifique citrouille en guise de couvre-chef. Mais les grands gagnants de cet Halloween étaient, sans aucun doute, les Maraudeurs. Tous les ans, ils jouaient au jeu du déguisement d'Halloween avec sérieux, et parvenaient à faire de cette fête un évènement incroyable, à grand renfort de farces et d'histoires terrifiantes. Mais pour ce dernier Halloween qu'ils passaient au château, ils s'étaient surpassés.

Après que tout le monde se soit installé à table, Dumbledore s'était levé afin de prendre la parole, mais au même moment, les quatre Gryffondors avaient fait leur entrée dans la Grande Salle. À peine avaient-ils franchi la porte que tous les élèves avaient éclaté de rire. Triomphants, ils s'étaient avancés dans l'allée principale et avaient fait une révérence à leur directeur, qui riait de bon coeur sous sa citrouille. Et pour cause : Potter était déguisé en Rusard, Lupin en Dumbledore, Pettigrow en Hagrid, et Black en McGonagall. Même Aria avait ri en les voyant habillés de la sorte. Le silence était peu à peu revenu et Dumbledore avait enfin pu prononcer son discours, essuyant des larmes au coin de ses yeux.

- Merci à Messieurs Potter, Black, Lupin et Pettigrow pour cette arrivée flamboyante ! Les petites farces de ce genre sont les bienvenues par les temps que nous vivons.

Il avait repris son sérieux, et observait ses élèves au-dessus de ses lunettes en forme de demi-lune.

- Les nouvelles d'hier, hélas, étaient bien tristes et toutes mes pensées vont envers les camarades de Judith et Marcus Gucknoff. Il va sans dire que nous sommes entrés dans une sombre période de notre Histoire. C'est pourquoi je vous recommande de choisir avec soin vos amis, et surtout vos ennemis. Le monde magique doit s'unir pour combattre l'ignorance et la haine : Poudlard est un lieu sûr, mais nous professeurs n'avons pas la même autorité qu'ici à l'extérieur de ces murs. Pensez bien à tout cela la prochaine fois que vous vous disputerez avec l'un de vos camarades : cela en vaut-il la peine ? Ne vaut-il mieux pas faire équipe ensemble face à l'adversité ?

Aria eut l'étrange impression que ces mots lui étaient destinés. Un peu plus loin dans la tablée, Black regardait Dumbledore avec incrédulité, tandis que Potter s'était tourné vers lui avec un air de "je te l'avais bien dit".

- C'est aussi pourquoi il faut profiter des moments de fête ! Pensons à des choses plus joyeuses en dévorant notre fabuleux festin !

Il tapa des mains et des mets plus succulents les uns que les autres apparurent sur la table. Aria ne savait que choisir parmi l'avalanche de plats et de friandises. Les rires et les conversations reprirent tandis que les couverts s'entrechoquaient sur les assiettes. Après quelques minutes de silence, Will se tourna vers Aria.

- Dis, tu crois qu'on devrait annuler le duel ?

Aria s'était aussi posé la question, les paroles de Dumbledore résonnant encore dans son esprit. Elle tourna la tête vers les Maraudeurs, et son regard se durcit lorsqu'elle vit Black, qui riait avec une Pouffsouffle de sixième année.

- Non. Tout sera fini lorsque j'aurai gagné et qu'il m'aura présenté ses plus plates excuses, à genoux.

Will suivit son regard et haussa les sourcils, semblant réaliser quelque chose alors qu'un sourire se dessinait lentement sur ses lèvres. Elle regarda à nouveau Aria qui s'était remise à manger tranquillement.

- Quoi ? lui demanda-t-elle, la bouche pleine.
- Mais non... murmura-t-elle, l'air à la fois choquée et amusée.
- Mais quoi ? s'impatienta Aria, qui avala sa nourriture.

Will ne lui répondit pas et recommença à manger lentement, avec le même air étrange sur le visage. Son esprit semblait tourner à mille à l'heure. Aria resta quelques instants à la regarder, la fourchette en l'air, alors que Will mangeait en silence, le regard dans le vide. De temps à autre, elle se mettait à pouffer de rire en secouant la tête et jetait un regard en biais à sa cousine. Aria abandonna vite l'idée de la faire parler. Will pouvait être si mystérieuse, parfois...


Remus regardait la lune d'un air mauvais. Il suivait ses amis avec lenteur, ses muscles encore douloureux de sa dernière transformation, qui avait eu lieu quelques jours auparavant. Peter lui prêtait main forte de temps à autre, il avait quelques difficultés à marcher sur le sol inégal entourant le château. Ils se dirigeaient vers la Forêt Interdite, James ouvrant la marche, Carte du Maraudeur en main, Sirius à ses côtés; et les deux autres quelques pas derrière.

- Allez Lunard, on y est presque, s'impatientait Sirius.
- Eh, ça va, on a le temps, il est même pas encore onze heures trente !
- Oui, remarqua James d'un ton joyeux, mais si on traîne trop on risque de se faire prendre ! Et la cape est pas assez grande pour qu'on tienne tous les quatre.
- La faute à qui ? pouffa Peter.
- J'y peux rien si mes gènes ont fait de moi un si grand et bel homme, s'excusa faussement Sirius en haussant les épaules. Et puis, qu'est-ce qu'il te prend, Cornedrue ? Toi, t'inquiéter de se faire prendre ?! Tu passes trop de temps avec Lily en ce moment.

James rougit, ce qui passa inaperçu dans l'obscurité.

- Que veux-tu, elle est folle de moi ! Elle le sait pas encore, c'est tout...
- Tu parles, je suis sûr que tu passes ta vie à l'emmerder quand vous faites vos rondes.

Il se mit à imiter James grossièrement.

- "Eh, Evans, tu savais que le lys c'était ma fleur préférée ? Parce que t'es une belle plante !" Franchement mon pote, tu t'es vraiment pas amélioré en techniques de drague, après toutes ces années ça fait peur.

James lui donna un coup sur l'arrière de la tête, et Sirius et lui se mirent à rire. Remus leva les yeux au ciel.

- Ce duel était vraiment une idée fantastique, Cornedrue ! s'exclama Sirius. J'ai une de ces patates ! Je suis super prêt à écrabouiller de la vermine de Serpentard !

Il fit mine d'écraser quelque chose avec son pied. James hocha la tête, incertain.

- Quoi ? lui demanda son meilleur ami.

Ils étaient arrivés à la lisière de la Forêt et s'y engouffrèrent sans peur, comme s'ils entraient chez eux. Ce qui était un peu le cas. Les quatre garçons avaient passé tant de temps à arpenter les alentours de Poudlard les soirs de pleine lune depuis près de deux ans, qu'ils connaissaient ses abords par coeur. Ils en avaient exploré une grande partie, mais n'avaient jamais eu le temps d'en faire entièrement le tour le temps d'une nuit.
James rangea la Carte et regarda Sirius, qui venait de s'asseoir sur un tronc d'arbre déraciné. Il remonta ses lunettes sur son nez.

- Je t'ai déjà dit, je ne suis plus sûr que toute cette histoire soit une très bonne idée.
- Mais non, lui répondit Sirius en passant une main dans ses longs cheveux noirs. C'est très bien, comme tu l'as dit, après tout ça, on sera enfin tranquilles et plus personne n'embêtera personne. J'ai hâte de la voir ravaler sa stupide fierté et me supplier d'accepter ses excuses.
- Franchement, j'ai parfois du mal à te comprendre Patmol, dit soudain Remus.

Il s'était assis en face de James et Sirius, sur un gros rocher, tandis que Peter à ses côtés s'amusait à faire voleter des brindilles en écoutant la conversation.

- De quoi tu parles ? demanda nonchalamment Sirius en allumant une cigarette.

James plongea la main dans la poche du blouson de cuir de Sirius afin de lui en prendre une de son paquet.

- Parce que, généralement, c'est toi qui causes les bagarres entre vous deux.
- N'importe quoi, répondit Sirius en rejetant l'idée d'un geste de la main. Cite-moi une fois où c'est arrivé par ma faute.
- En fait, réalisa James, il a raison mon vieux. Pour cette année, en tout cas. L'année dernière, je m'en rappelle pas.
- Mais, pas du tout ! protesta Sirius.
- En fait, si, remarqua Peter en comptant sur ses doigts. La première de cette année, c'était au terrain de Quidditch après le cours de Potions, et c'est toi qui es allé la provoquer. Après, il y a eu la fois dans la bibliothèque, d'après Lunard, c'est toi aussi qui t'es énervé tout seul juste parce qu'elle était là...
- Il y a eu la fois en cours de Potions parce que tu la croyais pas pour les sorts informulés... continua Remus.
- Et hier matin, où tu t'es littéralement attaqué à elle sans trop de raison, termina James, soucieux.

Sirius les regardait, un sourire froid aux lèvres.

- Wow, ça fait toujours plaisir de se faire trahir comme ça par ses meilleurs amis.

James soupira.

- Mon cher Patmol, si on te disait pas la vérité, on serait pas tes amis. Sérieusement, qu'est-ce qu'elle t'a fait pour que tu la laisses jamais tranquille ?! Elle est pas méchante, comme fille... Bon, elle est à Serpentard donc vos personnalités sont loin de coller, mais bon...
- Et puis, ajouta Remus, elle est assez brillante.
- Alors toi, dit Sirius en pointant vers lui un doigt accusateur, je comprends pas pourquoi t'es impressionné par un truc aussi commun que de savoir lancer des sorts informulés alors que nous trois ici présents on a réussi, en cinquième année, à devenir des Animagi. On est plus brillants qu'elle.
- Je n'ai jamais dit le contraire, soupira Remus. Mais, c'est quelqu'un qui travaille dur et qui a beaucoup de volonté. Et malgré tout, elle est très importante pour Will. Elles passent leur vie ensemble, cette année. Tu connais Will. Si elles sont si proches, c'est qu'Aria n'est pas si mauvaise que tu le penses.

Le visage de Sirius se ferma en entendant le nom de Will.

- Elle a vraiment très mal pris ce que tu lui as dit, Patmol, dit doucement James.

Ce dernier ne répondit pas et continua de tirer sur sa cigarette, en regardant dans le vide. Ses amis se regardaient en silence. Ils le connaissaient assez bien pour savoir qu'il regrettait d'avoir fait du mal à Will, mais qu'il était trop fier pour l'admettre. Il jeta son mégot à terre et soupira lourdement.

- Je sais que j'aurais pas dû dire ça. Des fois, j'arrive pas à contrôler ce qui sort de ma bouche.

Sirius fit craquer ses doigts nerveusement. James posa une main sur son épaule, compatissant.

- On sait, Patmol. On sait.

Une dizaine de minutes plus tard, James et Sirius avaient commencé un concours de lancer de bâton que Remus arbitrait, tandis que Peter comptait les points. Alors que tous s'étaient mis à la recherche de nouveaux projectiles à lancer, ils entendirent des voix féminines d'approcher de l'orée de la Forêt Interdite.

- Vite, cachez-vous ! chuchota Sirius.

Ses amis le regardèrent avec incompréhension.

- J'ai envie de soigner mon entrée, expliqua Sirius, l'air hautain.

En pouffant de rire, Peter sortit la cape d'invisibilité de sa poche et la jeta sur Remus et lui-même.

- Eh, et nous ? râla James à voix basse.
- Y a pas assez de place pour nous tous là-dessous, chuchota Sirius en mettant les mains sur ses hanches. On se cache où nous, maintenant ?

Ils entendirent la voix de Remus leur répondre avec ironie.

- Vous êtes des gars brillants, non ? Messieurs les Animagi ?