SIRIUS RESTAIT INTERDIT, assis à terre, face à Aria qui commençait à faire les cents pas. La jeune fille réfléchissait à vive allure, marmonnant des morceaux de phrases que le Gryffondor avait du mal à saisir.

- Justice, tu te fatigues pour rien... commença mollement Sirius, qui tentait de faire bonne figure alors que son coeur battait furieusement entre ses côtes.

Elle ne répondit pas. Constatant qu'elle ne lui prêtait plus aucune attention, il se leva le plus calmement possible, épousseta ses vêtements humides à cause de la rosée et alluma une cigarette.

- Bon, déclara-t-il en s'éloignant, ce ne fut pas agréable de passer cette matinée avec toi, mais je vois que je te suis plus d'aucune utilité, donc je vais tranquillement me casser de...

Un petrificus totalus informulé le fit tomber face contre terre. Aria l'entendit grogner dans son coin, puis crier d'une voix étouffée :

- Tu vas arrêter de vouloir ruiner mon magnifique visage, espèce de cinglée ?!

La Serpentard le relâcha de ses liens invisibles d'un geste, puis lui lança sa baguette qui atterrit dans un petit bruit à côté de son visage. Sirius resta quelques instants allongé sur le ventre à maudire son ennemie, puis se mit sur le dos. Il vérifia que son nez n'était pas cassé ou que son visage ne comportait aucune égratignure, puis se résigna à rester allongé à terre, puisque dans tous les cas cette furie de Justice s'arrangerait pour qu'il reste avec elle. Il frissonna, marmonna un accio afin de faire venir son blouson de son dortoir jusqu'à lui, et il l'enfila, désireux de se réchauffer. Il voyait sa rivale, du coin de l'oeil, s'agiter de plus en plus; et tenta de faire diversion en s'adonnant à ce qu'il faisait le mieux avec elle : la faire sortir de ses gonds.

- Eh, Justice ?
- Mmh ? répondit-elle d'une voix absente, tout en continuant son charabia. J'avais pourtant lancé un humanum revelio, je les aurais détecté s'ils s'étaient cachés...
- Eh oh, Justice ? tenta à nouveau le jeune homme, voyant qu'elle s'approchait peu à peu de son secret.
- Quoi, Black ? répondit-elle avec agacement.

Elle se retourna vers lui et remarqua qu'il était allongé à terre. Il avait allumé une autre cigarette, la précédente ayant misérablement roulé jusque dans une flaque d'eau lorsqu'il s'était retrouvé au sol quelques instants plus tôt.

- Mais qu'est-ce que tu fiches à terre, espèce d'idiot ?
- C'est toi qui m'a mis là y a même pas deux minutes, espèce de harpie, répondit Sirius sur le même ton qu'elle en l'imitant grossièrement.

Voyant qu'il avait enfin son attention, il se leva avec grâce et s'avança vers elle, une main dans la poche de son blouson et l'autre tenant sa cigarette entamée entre son index et son majeur.

- Justice, si t'es tant embêtée par le fait que tu ne sois pas venue au duel, pourquoi est-ce qu'on en ferait pas un ici et maintenant ?

Il avait croisé les bras et la regardait, un sourire au coin des lèvres. Aria, qui était perdue dans ses pensées depuis quelques minutes, mit un instant avant de réellement comprendre ce qu'il lui proposait, et croisa elle aussi les bras avec agacement. Il tirait avec nonchalance sur sa cigarette, mais avec une grâce telle qu'Aria ne put s'empêcher de l'admirer un peu. Elle avait beau être grande, il la dépassait d'une tête et ses yeux gris, éternellement rieurs, la toisaient de haut. Il passait de temps à autre la main dans ses longs cheveux noirs, dont quelques mèches venaient parfois chatouiller son nez droit et fin. Oui, bon, d'accord, il était vraiment très attirant. Plus elle le regardait, plus elle comprenait le groupe de filles de Gryffondor du match de Quidditch, qui l'aimaient éperdument.

Mais la Serpentard sortit bien vite de sa rêverie lorsque Sirius se mit à lui souffler sa fumée dans la figure pour la réveiller.

- Eh ? T'entends ce que je te dis ? râla-t-il.
- Qu... Quoi ? toussa-t-elle, un air de dégoût sur le visage.

Sirius Black était peut-être très beau, mais il était aussi très énervant. Et elle n'aimait vraiment pas l'odeur de la cigarette. Encore une invention moldue dont elle se serait bien passée (elle avait une peur bleue des grille-pains, mais se gardait bien de le dire à qui que ce soit).

- Alors ? Ce duel ?
- Hors de question, Black, tu ne me piègeras pas une seconde fois ! Et puis, en plein jour ?!
- Bah quoi ? dit-il en haussant les épaules.
- Je n'ai vraiment pas envie de me faire coller pour un mois de plus, babouin.

Sirius grommela qu'il n'était pas un babouin tandis que la jeune fille s'éloigna pour reconstruire le fil de ses pensées. Mais qu'avait-elle vu dans le regard du Gryffondor ? Était-ce de la panique ? Visiblement, il y avait quelque chose qu'il ne tenait pas à ce qu'elle découvre... Et cela avait un rapport avec le fait qu'il sache une chose sur elle, qu'elle n'avait dit qu'à très peu de personnes, et dont elle avait justement parlé la veille avec Will. C'était étrange qu'il ne se soit pas présenté au duel, s'il avait entendu cette partie de la conversation. Comment avait-il fait ?Était-il venu un temps puis avait changé d'avis ? Aria n'avait pas lancé d'humanum revelio toutes les deux minutes. Se seraient-ils fait prendre par Hagrid, lui et ses amis, tout comme elle et sa cousine ?

- Mais on aurait entendu Hagrid les réprimander... murmura-t-elle.
- Plaît-il ? demanda Sirius, qui commençait à trouver le temps long et qui ne savait pas quoi faire pour la distraire.

Si jamais Aria Justice découvrait que lui et les Maraudeurs étaient des Animagi, il ne donnait pas cher de sa peau. Elle serait bien capable de le dénoncer à Dumbledore, voire même aux autorités compétentes, et adieu la belle vie. Il frissonna en pensant à la prison d'Azkaban. Il n'irait quand même pas en prison pour ça, non ?!

- Quoi ? répondit Aria d'une voix absente.
- Tu me parlais, tenta de la persuader Sirius, qui se grattait l'arrière de la tête.
- Quoi ? Non, pas du tout, je...

Elle le fixa tout à coup intensément. Sirius eut l'impression de rougir, tant le regard de la jeune fille était insistant. Aria s'était rappelée, en voyant Sirius se gratter la tête, du chien de la veille, dont les poils étaient étrangement similaires aux cheveux du Gryffondor.

- Non... murmura-t-elle, n'en croyant pas ses déductions.

Sirius Black était-il un Animagus ? Le chien de la veille, qui semblait ne pas vouloir qu'elle le touche et qui comprenait tout ce qu'elle racontait, était-ce lui ? Tout semblait correspondre.

- Mais alors le cerf..., avait-elle recommencé à marmonner tandis que Sirius se forçait à lever les yeux au ciel d'un air ennuyé, mais était réellement pris de panique. Qui... Lupin ? Non... Mais comment... Pourquoi...

Elle s'assit à terre en état de choc, face à Sirius qui était toujours debout et venait d'entamer une troisième cigarette sous le coup du stress. Mais pourquoi n'arrivait-il pas à trouver quelque chose pour le sortir de cette situation ? Lui, qui avait la répartie acérée et habituellement réponse à tout, pourquoi ne parvenait-il pas à jouer de ses mots avec elle ?!

- Sirius Black, toi et tes copains êtes-vous des Animagi non déclarés ?! lui demanda soudainement Aria, le regard grave.

La première réaction de Sirius fut de rire tout en s'accroupissant face à elle, mais sa voix sonnait faux et son regard était fuyant. Merde, merde, merde ! Que dire, que faire ?! Sentant le désespoir dans ses faux rires, Sirius cessa bien vite et tira avec ferveur sur sa cigarette, désespéré de ne pas avoir de réponse à cette question et surtout, de ne pas avoir ses amis à ses côtés. Qu'est-ce qu'ils fichaient, ceux-là, d'abord ?! Ils savaient bien que lui et Justice ne pouvaient pas de voir en peinture, et ils ne venaient même pas à son secours ? Ils n'avaient pas créé la Carte du Maraudeur pour rien, ce n'était pas si difficile de le retrouver, quand même...

Pendant ce temps, Aria l'observait, ce grand garçon prétendument si fier et courageux, qui avait l'air complètement paniqué et qui faisait tout pour éviter son regard. Stupéfaite d'avoir si facilement deviné la chose, elle balbutia :

- Mais quoipourquoicomment ?

Il ne répondit pas, puis elle se rendit tout à coup compte d'une chose.

- Mais vous avez dix-sept ans ! s'écria-t-elle d'une voix aiguë.

Il se contenta d'allumer une quatrième cigarette en toussant un peu, puis de faire craquer ses doigts, signe de nervosité chez lui. Il était partagé entre l'envie de lui prouver que oui, il était doué à ce point; et le besoin (pour lui comme pour ses amis) de garder le secret. Il opta pour la sagesse.

- J'ai rien dit du tout, Justice, tu t'emballes toute seule pour rien, comme d'habitude...

Mais tout dans son attitude prouvait le contraire. Aria prit ça pour un aveu, paniqua, et se mit à balbutier.

- Vous êtes beaucoup trop jeunes c'est un acte de magie très avancé il faudrait être incroyablement brillants mais vous n'étudiez jamais mais comment est-ce possible comment vous avez fait vous n'êtes pas déclarés je suppose c'est complètement illégal...

Elle s'interrompit tout à coup lorsque Sirius l'attrapa par les épaules et approcha son visage à quelques centimètres du sien. Aria et lui n'avaient jamais été si proches, et cela leur créa à tous les deux un sentiment étrange qu'ils n'avaient jamais connu auparavant, à mi-chemin entre la peur et l'anticipation. Chassant bien vite de son esprit cette pensée qui allait certainement l'empêcher de dormir, Sirius garda son calme et menaça la jeune fille en plantant ses yeux gris droit dans ses iris bleus :

- Tu peux faire tout ce que tu veux avec cette information en ce qui me concerne. Tu me dénonces à qui tu veux, tu me fais du chantage, tu me traînes dans la boue, tu me fais enfermer à Azkaban, je m'en fous royalement.

Aria plissa les yeux et s'apprêta à lui répondre, mais il l'en empêcha en reprenant :

- En revanche Justice, dit-il d'un ton si glacial qu'elle en eut des frissons, je te jure, sur la tête de tous ceux que j'aime et sur toutes mes possessions, que si tu tentes quoi que ce soit, n'importe quoi, qui ferait du mal ou du tort à mes amis, tu vas le payer très, très cher. Retiens bien ce que je viens de te dire avant de reprendre la parole, Aria Justice.

Ils restèrent tous les deux face à face dans cette position pendant quelques longues minutes, durant lesquelles ils ne se quittaient pas du regard, Sirius ayant gardé ses mains sur les épaules de la jeune fille. Sa cigarette se consumait lentement entre ses doigts, la brise fraîche de ce matin d'automne remuait tranquillement leurs mèches rebelles, et leurs vêtements commençaient à prendre l'eau aux endroits où ils touchaient le sol.

Les quelques minutes où Sirius regardait Aria l'air déterminé, et Aria regardait Sirius en retenant son souffle, semblèrent durer une éternité. Qu'est-ce qui faisait que Sirius n'arrivait pas à regarder ailleurs, alors que sa cigarette était sur le point de lui brûler les doigts ? Et pourquoi donc Aria ne parvenait plus à penser correctement tout à coup, alors qu'elle avait habituellement un cerveau en constante ébullition ?

- Eh ! dit-on soudainement non loin d'eux.

Comme brûlés à vif par leur bref contact physique, les deux ennemis sursautèrent et s'éloignèrent vivement l'un de l'autre; Sirius tombant sur le dos et Aria se relevant avec précipitation. James Potter, qui menait Remus Lupin, Peter Pettigrow et Will Justice d'un pas décidé, venait d'entrer dans la cour intérieure.

- Vous vous êtes pas encore entretués ? s'étonna faussement Remus d'un air choqué.

Ses amis rirent à cette remarque, alors qu'ils s'arrêtaient près de Sirius et Aria. Le Gryffondor ne répondit que par un doigt d'honneur, tandis qu'Aria tentait d'éviter le regard insistant de sa cousine.

- Allez, y a rien à voir ici, annonça tout à coup Sirius.

Il s'en alla vers les terrains arrières de Poudlard en entraînant ses amis avec lui, qui le harcelaient de questions. Avant d'être hors de vue, il se retourna vers Aria et lui lança un regard indéchiffrable, qu'elle prit pour un avertissement. La conversation était loin d'être terminée.

- Aria, pourquoi t'es toute rouge ? demanda innocemment Will.

La Serpentard ignora la question de sa cousine et les battements étrangement désordonnés de son cœur.