Chapitre 2

Le Honky Tonk est un bar où personne ne vient jamais. Seul le barman Pore et la serveuse Natsumi âgée tout juste de dix-sept ans hantent les lieux en gardant un vain espoir de voir déambuler quelques clients égarés.

C'est un endroit désert, vide comme la mort où les ruelles sombres du quartier ne sont guère propices à un quelconque rendez-vous. Seules les âmes en peine viennent déverser quelques larmes dans la pénombre des recoins du treizième arrondissement.

C'est le bruit de la foudre qui me fit sortir de mes rêveries. Elle venait de tomber à quelques mètres de là. Je ressentais en moi les ondes électromagnétiques et un champ électrique parcourir tout mon corps.

Je pris alors dans mes mains le mystérieux bout de papier que me tendait Ban et le lu à haute voix sans en comprendre le contenu. Il s'agissait d'un message de Macubex, un ancien ami, un petit génie de l'informatique emprisonné à jamais dans le Mugenjô.

Je savais que je n'étais pas vraiment en état de comprendre le message, car au fond de moi, un pressentiment de mauvais augure faisait battre mon cœur à tout rompre dans ma poitrine. Si Macubex avait envoyé cet e-mail, il s'agissait sûrement d'un problème lié au Mugenjô, l'endroit de ma naissance, ce lieu maudit où les êtres humains finissent peu à peu par être condamnés.

Cet endroit... Ce fut le lieu de ma renaissance, celui où j'ai trouvé un père de substitution, un ami, un homme parmi tant d'autres... Teshimine san.

Je savais pertinemment que retourner au Mugenjô était délicat, mais le plus difficile n'était pas d'entrer dans cette forteresse, mais d'en ressortir vivant. Comme le gardien des Enfers qui nous emmène avec sa barque sur l'autre rive, ici, une fois la porte refermée, il n'y a pas de billet retour. Il y a dix-huit ans, je suis né dans le Mugenjô, maintenant, il est temps d'y retourner et d'affronter son passé. Ainsi est mon destin et je me doutais bien que le hasard n'avait pas sa place dans cette nouvelle aventure.

Je sentis alors quelqu'un m'extirper du bout des doigts la Prophétie des Archives, un étrange texte qui ressemblait à un extrait biblique. Il s'agissait de Kazuki, l'héritier du clan Fûchôin qui relu de sa voix douce la lettre.

La Prophétie, l'ultime prédiction du dieu de Babylone City. Celle où le destin de quelques hommes courageux s'entremêlera pour faire abdiquer la puissance divine.

Le Dieu de Babylone City vous attend, il franchi le temps sans que personne ne le guide. Il sait tout, son omniscience est sa force. Votre seul espoir est de croire en vous et non pas en vos prières. Tout n'est qu'illusion, la vérité elle-même n'est peut-être pas celle que vous croyez découvrir. Son antre n'est pas le Paradis, vaste plaine, halo de bonheur, mais le Pandémonium, capitale des Enfers… Dieu n'est jamais seul… Il y a toujours un Judas.

Je m'appelle Ginji, Amano Ginji, ce soir-là, nous avons relu plusieurs fois la prophétie sans en comprendre réellement le sens. Il était sans doute encore trop tôt… Toi, le dieu du Mugenjô, tu nous épies certainement depuis ta forteresse oubliée, tu ris sans doute de notre maladresse, mais prend garde, car un dieu à toujours un valet, un traître, un serviteur et un empereur.