Je me souviens de cette femme, ma mère, des ses longs cheveux ondulés qui coiffaient ses épaules d'une parure dorée, ses yeux bleus clairs comme un ciel de printemps, son corps svelte qui dansait au milieu du jardin du bonheur.

Lorsque la maladie de la mort emporta son âme vers les cieux, cette femme, ma mère, n'avait que vingt-deux ans. Ce jour-là, sans verser la moindre larme, je regardais mon père couvrir le corps de sa femme d'un linceul blanc et fermer à jamais ses paupières pâles. Pour la première fois de ma vie, je le voyais pleurer et moi, insensible, j'observais la scène qui se déroulait devant moi sans comprendre, sans y croire, sans rien attendre en retour…

Cette femme, ma mère, que j'adulais tant lorsque j'étais enfant, cette fleur de lys, pure, douce et innocente s'est éteinte sans me dire au revoir, sans me prendre une dernière fois dans ses bras frêles. Elle disparut sans laisser de traces, en emportant avec elle ses rêves, ses joies, ses peines, ses souvenirs les plus tendres.

Lorsque je ferme les yeux, je me souviens de la comptine qu'elle me chantait le soir avant de m'endormir. Le jour de sa mort, elle était censée me chanter le dernier couplet, celui que j'attendais impatiemment, le cœur battant, depuis le jour de ma naissance.

Aujourd'hui, en ce jour de décembre, je regarde les fleurs de lys se flétrir dans le jardin des pleurs. Les pétales tombent sur le sol blanc recouvert par la neige. Cette femme, ma mère, était la seule à pouvoir les faire fleurir les soirs de pleine lune.

"Te souviens-tu ?", chanta une voix d'ange.

Je me souviens de mes pas de danse au milieu des champs de lys et de leur parfum enivrant qui embaumait ma peau sucrée. - "Maman, chante-moi encore la comptine de mon enfance." Ma voix résonna dans la pièce vide, silencieuse comme un écho. - "Te souviens-tu de ce jour, maman ? Regarde-moi, je suis une princesse comme dans les contes de fées. Ma robe de flanelle blanche virevolte dans les airs, les pétales des fleurs de lys dansent autour de moi comme pour accompagner mes pas. Me vois-tu, maman ?"

Mes paupières se ferment lentement et dans le silence de la tombe de marbre blanc, j'entends ta voix chanter doucement le dernier couplet de la comptine.

Dix, la princesse des lys chante l'ivresse,

Onze, malgré ses yeux pleins de tristesse,

Douze, son corps danse avec allégresse,

Treize, le prêtre Judas récite la messe.