Chapitre 3 : Malorie D. Husunu

Le poing du colonel arriva à la tempe de la jeune fille avec une telle violence qu'elle en fut sonnée quelques instants. Néanmoins, elle essaya de relever la tête en gardant contenance, ne voulant pas donner le plaisir à l'homme de lui avoir fait mal.

Adossé à un arbre ayant un tronc d'une circonférence ahurissante, l'Amiral Aokiji observait en silence la jeune fille d'un mètre soixante, ses longs cheveux bruns coiffés en tresse sur le côté horriblement maigre qui, malgré tout, essayait de se défaire de ses liens que l'Amiral avait soigneusement confectionné à l'aide de menotte en granit marin. Cela semblait ridicule à l'homme que la jeune fille puisse penser qu'elle arriverait à se sortir de là mais il dût reconnaître qu'elle n'abandonnait pas même si son sort était écrit d'avance.

-Où sont les autres ?! vociféra le Vice-Amiral. Tu fais moins la fière maintenant n'est-ce pas ?!

La jeune fille ne détournait pas le regard mais elle ne souffla pas un mot non plus. Au vu du sang qui s'échappait de sa cuisse, la gamine devait souffrir le martyr à c ause de l'attaque que lui avait infligé l'Amiral quelques heure plus tôt.

Smoker leva à nouveau la main sur elle et un claquement glacial résulta du contact entre la paume de l'adulte et le visage de l'enfant dont un léger filet rouge coulait de sa lèvre.

Aokiji Kuzan ne pipa mot. En réalité, frapper une enfant le dégoutait mais cette même enfant se révélait être un assassin hors pair et l'Amiral faisait partie de la Marine depuis assez longtemps pour fermer les yeux sur des faits moins « conventionnels » pour arriver à ses fins. D'autant plus que si le choix était donné à la jeune fille, Aokiji était persuadé qu'elle les tuerait tous les deux dans leur sommeil.

-De toute façon tu vas te vider de ton sang et crever dans cette forêt, souffla le colonel en expirant la fumée de sa latte. Et je compte bien te regarder rendre ton dernier soupir.

Muette, la brune ne répondit rien une fois de plus. Elle continuait de fixer le colonel dans les yeux, le regard impassible. Aokiji se frotta les yeux et bâilla puis, se demanda comment s'appelait cette jeune fille, quel pouvait être son passé, quelles circonstances avaient pu la trainer à devenir ce qu'elle était aujourd'hui ?

-Tu te poses trop de questions mon ami, soupira Smoker comme lisant dans ses pensées. Je la tue ou tu le fais ?

-Elle va se vider de son sang alors à quoi bon nous salir les mains ?

Aokiji demeurait éternellement dépité, même cette mission, qui commençait pourtant à devenir intéressante ne lui apportait aucunes envies. Puis, la jeune fille hurla et se porta en avant de tout son poids mais fut retenue par les menottes. Elle avait tiré tellement fort que l'Amiral entendit le déboîtement de son épaule qui lui arracha un gémissement de douleur.

Il eut un pincement au cœur lorsqu'il vit l'afflux de sang sortir de sa cuisse et qu'elle retomba avec fracas contre le tronc d'arbre en se cognant la tête. Elle lâcha un soupir de désespoir qui transperça l'Amiral en plein cœur.

Ce gémissement de douleur et de désespoir, il l'avait entendu 5 mois plus tôt lors de la mise à mort de sa jeune disciple. Il revit en un instant les yeux noisette de Keira avant qu'elle ne rende son dernier soupir. Ses yeux marron suppliants le regardant, lui implorant de la sauver. Il se souvint brutalement de son dernier effort pour essayer d'échapper à l'emprise des deux pirates la retenant par chaque bras, de son épaule qui se déboita en tentant cela. L'Amiral se souvint et son cœur se fendit une fois de plus en deux.

Ce souvenir ne dura que quelques secondes, pourtant, Aokiji aurait juré qu'il avait duré plusieurs minutes. Alors, il leva les yeux vers la jeune fille et vit que derrière son visage impassible, elle ressemblait à un animal pris au piège tentant en vain de se libérer sentant la mort approchée. Smoker s'approcha d'elle, lui soufflant de la fumée au visage.

-Combien êtes-vous ?

Silence. La gamine ne répondait toujours pas, elle le fixait, comme elle le faisait depuis trois bonnes heures maintenant. Alors, Smoker se mit à genoux devant elle et, de sa main droite assez grande pour englober le visage de l'enfant, il la posa à plat près de la blessure et s'appuya de tout son poids sur elle.

Cela eu pour effet de faire affluer davantage de sang à l'extérieur et malgré la douleur fulgurante que la jeune fille ressentit, elle se mordit juste la lèvre sans lâcher un son. Alors de sa main gauche, Smoker la gifla une fois de plus. Ses dents s'enfoncèrent dans ses lèvres et elle saignait un peu plus.

-Dans environs 30 minutes tu perdras connaissance, ensuite tu crèveras dans ses bois, seule. Combien êtes-vous ?! s'impatienta Smoker.

La jeune fille lui cracha au visage, Smoker, hors de lui leva la main pour lui infliger un énième coup.

-Smo' stop, trancha l'Amiral d'un ton sans appel.

-Attends t'es sérieux là ?! Cette gamine a tué un homme, un père de famille, un mari ! Et toi tu trouves que je suis trop dur ?

Encore une fois il lisait dans ses pensées. Oui, il le trouvait trop dur et avait du mal à supporter le spectacle.

-Smo' ce n'est qu'une gamine ! Non mais regardes-toi, cela ressemble à de la torture. Nous ne sommes pas ainsi, nous valons mieux que cela.

Aokiji parlait d'un ton serein mais sans appel. Etant le supérieur hiérarchique de son ami, ce dernier se devait d'obéir sans rien avoir à redire. Evidemment, cela était sans connaître le colonel Smoker.

-Qui sait combien de Marines elle a tué avant nous Kuzan ?! s'énerva Smoker. Tu veux laisser la vie sauve à cette garce ?!

-Ce n'est qu'une … commença Kuzan.

-Des Marines j'en ai tué à tours de bras, dit la jeune fille sortant de son mutisme.

Sa voie s'était révélée mélodieuse, sucrée mais à la fois dure et ferme. Elle cloua sur place les deux gradés qui ne s'attendaient pas à ce qu'elle parle. Smoker la fixa d'un regard noir, avança d'un pas vers sa direction mais fut stoppé par le bras de l'Amiral qui continuait d'avoir le regard fixé sur la jeune fille. Cette dernière avait le regard uniquement plongé dans celui de Smoker.

-J'en ai tué des vieux, des jeunes, des coriaces, des faibles. Dîtes-moi une chose monsieur, êtes-vous tous aussi incompétents dans le gouvernement mondial ?!

-Ne me pousse pas à bout gamine, souffla Smoker.

-Sinon quoi ? Tellement incompétent que vous êtes obligé de taper une fille pour vous sentir viril ?

Smoker allait tuer cette fille, Kuzan en était persuadé. Son ami avait déjà tué des enfants, tout comme lui d'ailleurs. Il retint Smoker par le tee-shirt et regarda son ami dans les yeux.

-C'est ce qu'elle veut, que tu la tue.

-Et c'est ce qu'elle aura, trancha Smoker.

-Smo', va chercher nos affaires à l'auberge et appel les renforts avec ton escargophone.

-Et toi tu fais quoi ?

-Je reste avec elle.

-Kuzan …

-C'est un ordre. Tu vas finir par commettre l'irréparable. Va te calmer, tu seras en état de continuer ensuite.

Le Marine s'en alla non sans dire à son acolyte de faire attention. Le silence retomba dans la forêt. Au bout de 10 minutes à observer la jeune fille perdre peu à peu pied, Kuzan soupira de sa bonté qui le perdrait un jour et apporta une gourde à la jeune fille. Elle le dévisagea et ne bût une goutte.

-Tu devrais boire, cela te ferait du bien, dit Aokiji sans aucunes émotions dans la voix.

-Vous ne pouvez pas me laisser crever en paix ? ironisa la brune.

Kuzan stoppa un long moment son regard sur ses yeux. D'un bleu pur, ils semblaient aussi innocents qu'un nouveau-né et pourtant, semblaient avoir vécu les pires atrocités de ce monde. Kuzan se perdit en eux, il se questionna longuement sur ce que signifiait l'éclat de ses yeux, puis reprit conscience de la réalité.

Il déchira un pan de son long manteau d'Amiral et s'approcha de la jeune fille qui se colla un peu plus à l'arbre. Cela le stoppa dans sa lancée. Vu ainsi, elle ressemblait à une jeune enfant perdue et pétrifiée.

-Je vais bander ta plaie, murmura-t-il. Ne t'inquiète pas.

La réponse de la jeune fille fut un coup de pied dans la mâchoire lorsqu'il s'approcha d'un peu trop près. L'Amiral ressentit une violente douleur environ deux minutes en observant la jeune fille qui semblait bien décidée à mourir dans cette forêt.

Alors il s'assit en tailleur près de la jeune fille (pas assez près pour qu'elle ne puisse à nouveau lui porter un coup) et essaya d'allumer un feu. Le soleil se couchait calmement, minutes après minutes, sans que rien ne puisse l'en empêcher.

Lorsque Kuzan posa son regard sur la jeune fille, cette dernière se trouvait être particulièrement blanche et commençait à dangereusement somnoler. Aokiji se dit que dans quelques minutes, elle fermerait les yeux pour ne plus jamais les ouvrir. Déjà étonné de la durée qu'avait survécut la gamine avec une blessure aussi grave (il pensait qu'elle mourrait 3 heures après l'attaque), il fut également attentif de la facilité avec laquelle la prisonnière gérait la notion de la mort. Une notion définitive, presque effrayante en somme. Pourtant, lorsqu'il croisait ses yeux quand ils étaient ouverts, ils nous donnaient presque envie de tenter l'aventure. Bien évidemment, à ce stade de la journée et étant donné l'état dans lequel elle se trouvait, il se demandait si elle prenait maintenant conscience que sa dernière heure arrivait.

Puis, une minute passa, puis deux et au bout de la troisième, Kuzan se leva calmement en nettoyant légèrement son manteau couvert d'herbe, puis s'accroupi près de la jeune fille. Il mit sa main sous ses narines, un infime souffle d'air le caressa : dans quelques minutes, un cadavre serait à ses côtés.

Il l'observa, en silence, scrutant chaque trait de son visage, remarquant chaque cicatrice de son corps. Et il comprit que cette fille était un soldat. Elle en devint encore plus énigmatique. Il ne sut dire si c'était ou non à cause de Keira qu'il ressentit de la pitié.

-Qui es-tu ? souffla l'homme pour lui-même.

Soudain, il vit une larme, discrète et éphémère couler le long de la joue de la jeune fille. Soudain submergé par le remord et le regret, il soupira, énervé de lui-même et se dirigea sur le poignet de la jeune fille afin de prendre son pouls. Il remarqua en plus des battements de cœurs presque inexistants, une gourmette comprenant des chiffres : 1910. Au dos de cette gourmette était inscrit manuellement : « Malorie D. Husunu ». C'en fut trop pour l'Amiral, il lui remboîta l'épaule, prit le bout de son manteau arraché précédemment et lui fit un bandage.