Une jeune fille retombe lourdement sur le sol. Elle ne proteste pas, elle sait que c'est la punition pour avoir tenté de s'enfuir. Déjà blessée quand ils l'ont rattrapée, elle ne peut plus se défendre contre les coups qui pleuvent sur elle depuis une éternité. Mais cela ne lui importe pas. Elle sait que les deux autres sont sains et saufs. Elle reçoit un autre coup au ventre. Elle ne crie pas, n'a plus la force pour ça. Elle attend la fin. Mais elle sait que celle-ci ne viendra pas tout de suite.

Allongée par terre, dans la cour intérieure de la maison de jade, ainsi appelée de par sa matière de construction, entourée des autres filles de la maison, elle sait que sa correction servira d'exemple pour toutes.

Le voile qui lui masque le visage tombe, révélant son visage à toutes les personnes présentes. Les filles retiennent leur souffle. C'est la première fois qu'elles la voient sans. Des chuchotements se répandent.

Une voix s'élève, faisant taire immédiatement toutes les personnes présentes, même les gardiens.

«- Tu as voulu t'enfuir, en emmenant ta servante et ton fils. Cet acte mérite punition. Tu as bravé les lois, assume les conséquences. Mais avant, réponds-moi. Où est passé la servante et ton fils ? Où sont-ils ?

- Je ne sais pas.» Le sang lui coule dans les yeux, sur son bras blessé, jusqu'à tomber par terre en petites gouttes. Elle entend le petit flop de chaque goutte. Elle sait qu'elle en a perdu trop.

«- Tu mens !» la voix se fait accusatrice.

«- Pourquoi mentirais-je ? Je lui ai dit de partir, en emmenant mon fils. Elle sait comment faire. Et j'ai confiance en elle. Ils ne reviendront pas.

- Que lui as-tu dit ? RÉPONDS !

- …

- Tu fais ta forte tête ? Voyons si tu résisteras plus que lui.»

Elle lève la tête pour voir, les mains clouées sur une planche, Axel, le chef de ses gardes. Des blessures de toutes sortes parcourent son corps recouvert d'un simple pagne, malgré la froideur de l'aube. Le jeune homme, un athlète aux cheveux sombres et aux yeux noirs, est inconscient.

Deux gardes la saisissent et la lient à côté du jeune homme. Elle le regarde, l'appelle, mais devant le manque de réaction, elle ne peut qu'accepter le fait qu'il soit trop tard pour lui. La voix reprend, accusatrice, grave, un peu folle.

«- Vous avez voulu enfreindre mes règles. Que votre punition serve d'exemple. Je suis déçu par ton comportement. Avec tout ça, tu ne m'as même pas expliqué quel rôle avait eu Axel, lui à qui j'avais demandé expressément de vous surveiller.»

Une idée fixe la taraude : le faire parler le plus possible, pour laisser le temps à sa servante de s'enfuir. Qu'elle mette son fils à l'abris.

«- Il était … mon amant. Je l'aimais.

- Tu … ton … NON ! Tu n'as pas le droit ! Tu dois m'aimer moi !

- Je ne peux pas. Je l'aimais lui.

- JE REFUSE ! C'est moi qui t'ai tout donné ! Qu'avait-il à t'offrir de plus que moi ? Il était sans-nom, orphelin, je lui ai donné toute son éducation ! J'ai un nom, une richesse matérielle, et je t'ai tout donné ! Alors pourquoi ne m'aimes-tu pas ?

- … Je ne sais pas. C'est lui que j'aimais.

- Et maintenant ?» L'homme semblait avoir oublié les filles et les gardes autours.

«- Tu l'as tué. Mon cœur est mort. Je ne suis plus rien.

- Je te donnerai un nom. Tu auras toutes les servantes que tu voudras, les bijoux, les habits, tout. Tu seras quelqu'un, tu es quelqu'un. Ma favorite.

- Il est mort.»

La voix de la jeune fille faiblit. Sa tête se penche, retombe sur son torse. Elle se laisse pendre à ses liens, malgré la douleur qui irradie de son bras blessé et des coups qu'elle a reçu. L'homme se durcit. Son visage s'assombrit. D'implorant, il passe à furieux.

«- Alors tu mourras. Gardes ! Appliquez la sentence pour tentative de fuite. Il est ironique, Sibel, de voir que c'est la deuxième fois que tu es punie depuis que tu es là, et qu'à chaque fois, c'est pour le même motif.»

L'homme se détourne et prend place sur un siège installé en face de la jeune fille. Les gardes s'approchent, fouets, bâtons et autres instruments à la main. Le premier coups tombe. D'autres suivent. Douleur. Cris des filles. Rires des gardes. Douleur.

Au moment où elle ne peut plus tenir, à la limite de l'inconscience, elle s'aperçoit que les coups se sont arrêtés. A la place des gardes se tient un homme à la chevelure noire bleutée, à la stature droite, au visage impassible. Elle sourit à l'hallucination.

«- Adieu Dorian.»