Elle se réveille dans un grand lit confortable, dans une chambre qui l'est tout autant. Tous ses membres lui font mal, et elle a un mal de tête insoutenable. Elle essaye de s'asseoir, mais la douleur est trop forte et elle retombe mollement. Son bras gauche est plâtré de l'épaule au poignet. Des bandages lui recouvrent le corps. Elle reste là, à se demander où elle est, attendant que quelqu'un vienne.

Est-elle morte ? Cette chambre ne ressemble pas à l'enfer ou au paradis tels qu'elle se les étaient imaginés. Pourtant, elle devait être morte. Elle se rappelle la fuite, les coups, Axel, les coups, et, avant de s'évanouir, la vision de Dorian. Oui, Dorian ne peut pas être venu la chercher, donc elle doit être morte. La tristesse assombrit son regard. Morte. Elle aurait tant voulu revoir son fils encore une fois.

La porte de la chambre s'ouvre, et un homme entre. Il est grand (1m85 à vue de nez), basané, cheveux bruns, yeux bruns foncés, musclé (ça c'est un sportif ou elle ne s'y connaît pas). Il sourit en voyant qu'elle a les yeux ouverts et fait demi-tour après un rapide "je reviens".

Effectivement, il revient, mais accompagné. Il y a avec lui l'homme qui ressemble à Dorian, Eléa, sa servante, et une femme aux longs cheveux mauves qui lui sourit gentiment. C'est Eléa qui parle.

«- Le docteur est prévenu, il va arriver. Tu m'as fait tellement peur. Cela fait presque trois semaines que tu es inconsciente. Je les ai obligés à te laisser ton voile, seul le docteur a eu le droit de l'enlever. Personne n'a vu ton visage. As-tu mal quelque part ? Veux-tu quelque chose en particulier ? A manger ? A boire ?»

L'alitée refuse d'un mouvement de tête.

«- …» Les mots ne veulent pas sortir. Elle essaye, mais aucun son ne sort. Quand elle réussit, sa voix est rauque, méconnaissable. « Lé … Lénaïc ?»

Eléa sourit. Ce simple sourire rassure Sibel, qui arrête de vouloir se lever.

«- Il va bien. C'est Celiano qui s'en occupe pour le moment. Tout le monde l'adore, il est gentil comme un cœur.»

Elle sourit. Lénaïc a toujours eu cet effet.

Un homme en blouse blanche entre. Il la regarde et demande à tous de sortir. Eléa reste, prétextant qu'elle connaît bien Sibel et que celle-ci risque d'envoyer paître le docteur. Celui-ci sort ses divers instruments et l'ausculte des pieds à la tête. Lorsqu'il a fini, il rappelle tout le petit monde qui attendait derrière la porte, accompagné d'un petit garçon aux cheveux aussi noirs que ses yeux.

Le petit garçon tend les bras vers elle, et un homme aux cheveux bleus assez décoiffés, aux yeux bleu océan et au visage assez fermé le pose à côté de sa tête. Le petit l'embrasse en souriant et en babillant. Le docteur prend la parole.

«- Cette jeune fille est dans un état pitoyable. Elle ne peut ni bouger toute seule, ni, d'après ce que vous m'avez dit, parler facilement. Mais elle a eu énormément de chance, car aucun tendon, nerfs ou articulation n'est gravement touché, ce qui lui permettra de se remettre entièrement de ses blessures. Elle doit rester alitée pendant encore un moment, se reposer, reprendre des forces. Pour son bras gauche, l'os a cassé net, ce qui facilitera la guérison, et la balle n'est pas allée profondément dans le muscle. En revanche, j'aimerais savoir qui l'a mis dans cet état et dans quelles conditions.»

Tous se tournent vers elle. Elle ne répond pas, regarde son fils qui joue avec ses cheveux. Elle a décidé de ne pas répondre. Pas à ces questions.

Elle se tourne vers une personne qui avait disparu de sa vie longtemps auparavant. Il n'a pas tellement changé des derniers souvenirs qu'elle en a. Il est devenu grand (elle pencherait pour le mètre 84), ses cheveux lui tombent en dessous des épaules, il a un air neutre, ses yeux bleus seuls peuvent laisser voir ses émotions à ceux qui savent les déchiffrer.

«- Dorian ?

- Ravi de te revoir.» Aucun sourire dans la voix ou sur le visage, à la consternation des autres.

«- Tu ne devais aider qu'Eléa et Lénaïc.

- C'aurait été de la non-assistance à personne en danger.»

Elle acquiesce. Les autres les regardent avec des yeux ronds. Excepté Eléa, qui la connaît, ils doivent penser à un manque de chaleur dans les retrouvailles.

Elle ferme les yeux. Sa tête l'élance. Elle s'endort avant que tout le petit monde réuni dans sa chambre ne soit sorti, dirigé par Eléa.

Un mois. Un mois qu'elle est là. En parlant avec Eléa et ceux qui viennent lui rendre visite, elle a appris qu'elle est en Grèce, au Sanctuaire, que son frère se fait appeler Camus, qu'il est une des personnes les plus respectées, et que personne ne la frappera plus. Oh joie.

Le médecin l'a laissé partir au bout de quinze jours à condition qu'elle ne se fatigue pas, et son frère l'a installé dans son temple. Eléa vient tout les jours l'aider et lui tenir compagnie. A la grande stupéfaction de Sibel, son frère se trouve être Milo du Scorpion, ce qui ne les sépare pas trop.

Tous les chevaliers sont venus faire connaissance. Elle s'entend avec tous, mais préfère parler avec Shun, Mu, Kanon, Aiola et Ayoros. Ils lui ont raconté les guerres saintes qui se sont déroulées. Celiano, que les gens appelaient avant Masque de Mort, vient tous les jours s'occuper de Lénaïc et jouer avec lui.

Enfin, un matin, le docteur l'autorise à faire quelques pas. Les chevaliers, pour l'occasion, ont envahi le temple du verseau. Camus l'aide à se mettre debout. Il lui lâche le bras, mais reste à côté quand même. Elle fait un pas hésitant, puis un autre. Elle parcourt ainsi une dizaine de mètres avant que ses jambes ne lâchent. Camus la rattrape avant de la rasseoir sur le fauteuil qu'il lui a attribué. Elle est en nage, mais radieuse. Tous les chevaliers lui sourient.