"Ce que le monde peut être capricieux bordel" pensa l'Amiral de Glace en observant la mer.

Il esquissa un sourire en observant sa position, assis sur la poupe en fixant l'horizon. Il faisait cela depuis qu'il avait vu sa jeune disciple le faire et il devait bien admettre que c'était un endroit idéal pour faire ses siestes. Mais une fois cette idée passée, son sourire mourut rapidement, la noirceur de pensées trop encombrantes faisant à nouveau surface.

Aokiji leva les yeux vers le ciel se teintant d'orange, invitant le soleil de laisser place à la Lune. Logique, pragmatique, analytique, Aokiji n'était pas le genre de personne se laissant facilement déstabilisé, peu de chose l'étonnait encore et les situations qui pouvaient l'angoisser n'existaient presque pas. Alors pourquoi ? Pourquoi avait-il senti ce pic de cortisol et d'adrénaline se déverser dans son sang lors des paroles du premier commandant de Barbe-Blanche ? Pourquoi a-t-il laisser ses émotions prendre le dessus lorsque ce dernier parla d'emmener sa disciple avec lui ?

Son surnom, « Amiral de Glace », il l'avait hérité de son fruit du démon, mais également de son caractère. Ne pas faire dans l'émotionnel, ne pas se prendre la tête, une justice et une vie pépère, telles avaient toujours été ses convictions. Comment expliquer qu'une gamine d'à peine 1 mètre 60 avait-il réussi à le faire flancher, lui, l'une des plus grandes puissances de ce monde ?

Buvant un whisky qui lui brûla la gorge, il prit une profonde inspiration. Il avait le sentiment, la certitude que cette jeune fille était bien plus qu'il n'y paraissait. Il n'en avait pas encore toutes les pièces mais il savait qu'un puzzle immense venait de s'ouvrir à lui en acceptant cette jeune fille dans sa vie.

Un bordel. Un bordel sans nom. Voilà dans quoi il venait de s'embourber.

Pourtant, il ne ressentait aucun regret.

Cette gamine, cette enfant, cette ado arrogante et violente. Pourquoi ressentait-il ce besoin viscérale de la protéger ? De la préserver ? De la sauver ?

Sengoku l'avait pourtant mit en garde, Smoker aussi, même Garp de nature si confiante avait émit des réserves. Il n'avait rien écouté, poussé par une foie inébranlable que seuls les téméraires connaissent, comme s'il avait capté une essence que personne n'avait saisit. Il a vu.

Il a vu qui elle était.

Au moment même où il l'a vu, dans cette clairière, sur cette île perdue pourtant si proche de la base de la Marine.

Le géant fronça ses sourcils noirs en pensant à cela, aux mots du Phénix tout en ingurgitant de nouveau l'alcool ambré, lui brûlant toujours la gorge mais lui permettant de rester concentré.

"Le Gouvernement mondial connaît et encourage l'existence des 7 clans".

Était-ce vrai ?

Une sensation de dégoût le prit avant qu'il ne boive encore une autre gorgée de Whisky. Il était seul. Après ses paroles auprès d'elle, il savait que sa disciple ne se montrerait pas de sitôt. Mais elle allait venir.

Car elle était têtue, trop. Beaucoup trop. Parfois même pour son propre bien.

- Elle est la foudre, dit-il au silence du coucher de soleil.

Comme une confidence à l'Univers, un secret qu'il ne pouvait garder pour lui.

"Qui est au courant ?" se demanda-t-il anxieux.

L'homme aux cheveux frisés s'allongea, partagé entre l'angoisse de l'avenir, le stress du présent et l'envie de faire une sieste.

Un pincement au coeur le prit lorsqu'il pensa à Malorie.

Il voulait la protéger de sa destinée. Elle n'avait pas à porter cela, elle n'avait rien demandé.

Elle n'y était pour rien, elle n'avait fait qu'une erreur : celle de naître. Et cette idée lui comprima violemment la poitrine.

Malorie allait devoir vivre une vie de combat, de mort, de responsabilités, uniquement car elle était la foudre de cette foutue prophétie vieille de centaines d'années.

Il voulait croire que cette prophétie était oubliée ou bien qu'elle ne parlait pas de sa disciple. Mais il fut bien obligé de se rendre à l'évidence : si Sylvers Raileigh, Shanks le Roux, Marco le Phénix (et par prolongement Barbe-Blanche) avaient déjà établis le contact avec elle à peine 7 mois après son entrée dans la Marine, ce n'était pas un hasard.

Cette fin de journée-là Aokiji Kuzan, Amiral de la Marine, l'un des bras armé le plus puissant du Gouvernement mondial se fit une promesse : celle de protéger sa disciple toute sa vie, de toute son âme, de la protéger et l'arracher à ce destin trop lourd et sombre pour elle, s'il existait.

Sa vie pour la sienne.

- Je ferais tout ce que je peux pour te protéger. Je tuerais quiconque essayerait de te faire du mal. Tu le sais n'est-ce pas ?

Kuzan ne prit même pas la peine de se relever pour observer qu'elle était bien là. Elle était là, derrière lui. Il savait, il sentait sa présence. Un léger sourire naquit sur ses lèvres. Sans la voir, il se doutait de sa position : statique, le visage stupéfait qu'il l'ait entendu arriver sans qu'elle n'ait fait aucun bruit.

- Je ... Oui je le sais, dit-elle un léger tremblement dans la voix. Bien sûr que je le sais !

La seconde partie de sa phrase révéla une voix plus assurée que la première.
- Tout ce que j'ai fais, je fais et ferais, ce sera pour ton bien et te garder en vie, continua-t-il.
-Je ne vais pas mourir ! Dit-elle d'une voix qui se voulait pleine d'assurance mais qui trahissait une angoisse refoulée.

- Malorie, dit-il avec son calme de toujours. Tu ne peux pas me promettre de ne pas mourir. Moi en revanche, je peux te promettre de tout faire pour te garder en vie, quitte à mourir avant toi.

Un léger claquement retentit dans l'air, suivi d'un second et d'un troisième. Pour une fois rare depuis des mois, Aokiji se redressa en renonçant à sa sieste tant désirée et posa son regard sur sa jeune disciple.

Cette dernière n'émit aucun son. Dans la pénombre promettant une future nuit sans Lune, il vit des filets d'électricité s'échapper de la soldate. Ce phénomène réhaussa l'un de ses sourcil malgré lui. Le géant avait déjà remarqué que cela lorsqu'elle ressentait une émotion intense qu'elle taisait au fond d'elle.

- Cela t'arrive de plus en plus souvent.

Ce n'était pas une question, mais une observation implaccable de la part de ce gradé à qui rien n'échappait si cela la concernait.

- Je ne sais pas pourquoi, avoua la jeune fille.

Aokiji soupira, en terminant son verre d'une traite. Le visage maussade, il désirait sincèrement que cette journée se termine. Sa disciple devenait de plus en plus puissante, tant et si bien que son pouvoir se manifestait sans la volonté de sa détentrice.

- Pourquoi j'ai l'impression de venir de vivre un tournant important de ma vie ? Lui demanda-t-elle sans détour.

L'Amiral ne pu cacher sa suprise. Vive, ne durant à peine que quelques seconde. Sur l'île, la remontrance à laquelle elle avait eu le droit l'avait complètement figé. Il ne pensait pas qu'elle oserait remettre cela sur le tapis en si peu de temps.

Mais elle était têtue.

- Pourquoi me dis-tu cela ? Demanda l'homme pour voir jusqu'où pouvait aller le raisonnement de la jeune fille.

- Parce que … Je ne sais pas. C'est un ressentit. J'ai eu l'impression qu'on vient de découvrir quelque chose de grand … De beaucoup plus grand que ma petite histoire de clan.

- Si tu pouvais être un peu plus limitée ça m'arrangerais Malo, dit-il en soupirant calmement en se pinçant l'arrête du nez.

Kuzan ne su si l'expression touchée de la Marine était due à son affirmation à peine cachée ou au fait qu'il l'ait pour la première fois appelé par son surnom.

- Tu es forte. Tu es puissante. Tu es spéciale. Mais cela tu le sais déjà non ? Après tout tu as déjà rencontré Shanks le roux et le second du Seigneur des Pirates.

- Le Second de …

- Rayleigh, le vieil homme de la plage.

Malorie afficha une mine décomposée. Aokiji avait chargée Kalifa de la surveiller lorsqu'il ne se trouvait pas lui même dans les parages. Il savait tout. Cela lui fit penser que Sakazuki avait dû l'apprendre à présent. Il eu soudainement envie de se servir un autre verre de Wisky. Lui qui préférait le thé en toutes circonstances, son envie d'alcool lui prouvait combien le destin de cette fille lui tenait à coeur.

- Mais pourquoi serais-je spéciale ?! Et d'ailleurs, que voulait dire Marco quand il a parlé de la foudre ?! Rayleigh aussi m'en a parlé.

- Rayleigh t'en a parlé ?

Le ton de l'Amiral se révéla dur malgré lui. Se sentant réprimandée, Malorie se referma instantanément, le gradé le sentit à son aura et éprouva secrètement une pointe de culpabilité.

- Que t'a-t-il dit ? Demanda-t-il froidement.

- Je ne sais plus vraiment. Il a parlé de la foudre mais, il m'a dit de ne jamais douter de moi. Il m'a aussi dit qu'il voulait me prévenir que quoi qu'il se passe, je devait rester à vos côtés.

Le coeur de l'Amiral s'arrêta brutalement. Seul le bruit des vagues contre la coque du bateau cassait le silence pesant qui prit place suite à cette révélation.

Kuzan avait tout comprit. Tout, ou presque, venait de se mettre en place.

- Malorie, dit-il avec un paternalisme mélangé à une sévérité froide.

La jeune fille eu peur, il sentit son coeur accélérer.

- Je ne veux pas que tu parles de ce qu'il s'est passé dans la plaine.

- Pourquoi ?

- Peu de gens savent utiliser le Haki des Rois. Et comme tu sembles avoir naturellement celui de l'observation, je ne veux pas que tu en parles.

- Que j'ai quoi ? Le quoi ?

- Malorie, j'ai noté que tu ressentais facilement la force des gens qui t'entouraient, comme tu as sû ma puissance à l'instant même où nous nous sommes rencontrés.

- Et alors ? Vous aussi vous …

- Moi je l'ai travaillé, toi ce Haki te semble … inné. Même si tu ne sais pas l'utiliser et que tu ne reconnais que les auras.

- Les auras ?

- Chaque personne dégage une aura, une énergie. Je sais que tu les ressens mais je ne sais pas vraiment à quel point.

- Je …

- Malorie, dit-il faussement serein. Ce pouvoir que tu as utilisé dans la plaine, ce pouvoir qui nous a permis de survivre nous deux … Peu de personnes le possède, je ne le possède pas. Les autres Amiraux non plus, je ne suis même pas sûr que l'Amiral en Chef le possède.

Les yeux de sa disciple trahirent un effroi sans nom. Il aurait voulu la prendre dans ses bras mais il s'en empêcha. Elle devait savoir, en partie du moins. Faire face. La rassurer ne serait que lui mentir, elle devait être consciente de son pouvoir, aussi terrifiant, mortel et dévastateur soit-il.

- Cette foudre … commença-t-elle.

- Je ne veux plus que tu en parle, trancha-t-il.

- Mais …

- N'en parle qu'à moi tu entends !

- Amiral … dit-elle.

- J'ai peur.

Encore une fois et trop souvent depuis qu'il l'avait rencontre, son coeur se pinça. Il plongea ses yeux onyx dans l'océan des pupilles de sa disciple. Ce qu'il y vit le blessa prfondément : une peur, une angoisse sourde face à un futur inconnu de tous.

Malorie D. Husunu avait été élevé pour ne rien ressentir. Elle avait été formée à tuer sans somation, à prendre la relève d'un clan tellement puissant et bestial que chacun s'accordait à dire que ces histoires tenaient des légendes.

Depuis qu'il l'avait prise sous son aile, elle ne démontrait que peu de sentiment, hormis la haine, la rage, la violence.

Pour la première fois, il la vit. Il vit la jeune fille de 16 ans qu'elle était et qu'il oubliait parfois.

- J'ai peur de vous conduire à votre perte, dit-elle.

Une seule et unique larme coula sur la joue de la jeune soldate.

L'Amiral percuta une chose à laquelle il n'avait jamais fait attention : les émotions (aussi rares soient-elles) les plus vives de sa disciple se montraient lorsque cela le concernait lui. Et les seules fois où l'Amiral de Glace perdait le contrôle de son rôle froid et distant, c'était lorsque ça la concernait elle.

Il existe des liens inexplicables. Certaines âmes sont faites pour se rencontrer, pensa-t-il.

Une seule question hantait ses pensées : pourquoi ?

- Je sais que vous avez peur, dit-elle.

Aokiji étonné, gardait un visage impassible.

- Je ressens la présence des gens. Lorsqu'ils sont puissants, je ressens leur force. Je peux même sentir la présence des 5 mouettes qui volent à nos côtés depuis le départ de l'île. Mais vous … Je ressens tout, en décuplé. Je ressens même certaines de vos émotions. Pourquoi ?

- Te dire que je comprends ce lien entre nous serait un mensonge Malorie.

Il se leva et se placa devant elle. Ce que la taille de la soldate pouvait être dérisoire face à la grandeur du gradé.

- Ce que je sais Malorie, c'est que tu es vouée à de grandes choses. Le hasard n'existe pas pour moi. Notre rencontre devait être. Le monde est vaste, capricieux et parfois horrible.

Il se rendit compte qu'elle avait baissé la tête, presque tremblante. Se postant à sa hateur, il posa son index et son pouce de sorte à lui lever la tête, l'obligeant à le regarder dans les yeux.

L'Amiral Aokiji affichait un visage insondable à quiconque ne le connaissait pas. Néanmoins, il trahissait une détermination capable de ravager le monde en un claquement de doigt.

Cette flamme que chaque Marine possédait, il l'avait retrouvé. Plus forte, plus intense, plus destructrice.

Froide et explosive, agressive mais protectrice, sereine et pourtant si puissante, il savait que sa disciple captait chaque vibration de son aura.

- Le monde est horrible mas je serais toujours là pour que tu ne vois que le meilleur. Je serais toujours à tes côtés Malorie D. Husunu. Je vais te dire la même chose que Rayleigh : ne doutes jamais de toi. Tu es forte, physiquement mais aussi mentalement. Tu as une vie à vivre, alors vie là libre et fais toujours ce qui te semble juste.

- Mais … Husunu et … Les pirates et …

Il la força à le regarder à nouveau dans les yeux.

- Vis sans regrets et en suivant tes rêves. Restes libre. Le reste, je m'en occupe. Avances toujours et quoi qu'il se passe, je serais toujours avec toi, de près ou de loin, je serais là. Je te le promets.

- La journée a été longue, clama Aokiji sans même s'accaparer de politesse face à Smoker qui l'attendait sur le pont.

- Eh bien elle risque de ne pas être finie, déclara Smoker.

- Ils sont au courant ? Demanda Aokiji d'un ton las.

- Oui ils sont au courant ! Hurla Garp qui arrivait vers le gradé avec une rage non dissimulée. Sengoku m'a contacté par escargophone durant la trajet du retour ! Où est-elle ?!

- Elle dort dans la cabine. Malorie ! Lèves-toi !

- Tu pensais nous informer lorsque Barbe-Blanche allait arriver ici ?!

- Aucun pirate ne viendra la chercher ici, soupira Aokiji.

- Je ne sais pas qui elle est Kuzan mais …

- Vous savez qui elle est à présent, trancha Aokiji. Elle ne nous causera pas de tord.

- Ce n'est pas elle le problème Kuzan, répondit Garp le visage grave.

- C'est sa place en ce monde le problème, continua Smoker.

- Kuzan, emmène le cul de ta disciple dans le bureau de l'Amiral en chef. On va mettre les choses au clair et je pourrais enfin la tuer de mes mains.

- Et en quel honneur Sakazuki ?

- Parler à des Yonkou, j'appelle cela de la hautre trahison.

Aokiji sentit son coeur se serrer en voyant au loin l'uniforme rouge partir dans en direction du bâtiment principal de la base.