Dans un salon, une petite fille de quatre ans joue avec des cubes. Elle a des cheveux mi-long noirs bleutés et des yeux bleus rieurs. Un garçon de six ans arrive, et joue avec elle un moment. Ils sont interrompus par une femme et un homme qui entrent et se criant dessus. La petite fille recule derrière le garçon.
L'homme lève la main et frappe la femme. Celle-ci recule dans la cuisine. L'homme, ivre de fureur, prend un couteau de cuisine et en assène un coup à la femme. Elle s'écroule. Les enfants, de la porte de la cuisine, regardent ça les yeux exorbités. L'homme s'acharne sur le corps de la femme, lui donnant des dizaines de coups de couteau. Les enfants reculent et courent s'enfermer dans une chambre.
Le temps passe. Le soir est arrivé. Les enfants sont toujours dans la chambre. Le garçon ouvre prudemment la porte. Il regarde dans le salon, et voit son père couché sur le canapé, des bouteilles vides tout autour de lui. Les enfants regardent à la cuisine et voient le corps de la femme à l'endroit où elle est tombée. Ils la secouent un peu pour la réveiller, mais elle ne répond pas. Le garçon prend la main de sa petite sœur et l'amène dans le salon, face à l'homme.
«- Maman ne se relèvera plus. C'est de sa faute. Tu m'aides ?
- Il faut le punir ?
- Oui, parce qu'il a fait du mal à maman.
- Il ne faut pas faire de mal aux autres. C'est maman qui me l'a dit. Dis, Dorian, elle aura fini quand de dormir ?
- Elle n'arrêtera pas de dormir. Elle ne pourra plus s'occuper de nous.
- C'est papa qui a fait ça ?
- Oui.
- Il faut punir papa, alors. Maman elle nous punit toujours quand on a fait une bêtise.»
Dorian prend la main de sa sœur, qu'il avait lâchée, et se concentre. Autour d'eux se matérialise une lumière dorée, de plus en plus intense. Il tend son autre main vers son père et la lumière en jaillit, frappant l'homme au niveau du cœur. Celui-ci a à peine le temps d'ouvrir les yeux pour voir ses enfants, avant de mourir.
Les enfants se regardent.
«- Il a mal, papa ? Il fait une drôle de tête, interroge la petite fille.
- Il n'aura plus jamais mal. Lui aussi il va dormir pour toujours.
- Qui c'est qui s'occupera de nous ? On sait pas faire à manger.
- Probablement un orphelinat .
- C'est quoi ?
- C'est un endroit où il y a des enfants qui n'ont plus de parents.
- Et on ira comment ?
- Il faudrait appeler quelqu'un. Pour les prévenir. Je vais voir la voisine. Ne bouge pas.
- Non ! Je viens avec toi ! Papa il se relève toujours pour me taper, parce qu'il dit que je fais du bruit.
- Alors viens.»
La fillette et le garçon entrent côte à côte dans un bureau. Un homme en costume est assis sur la chaise du visiteur, et la directrice de l'orphelinat les accueille en souriant. L'homme est grand, âgé d'environs 40 ans, des cheveux châtains foncés, des yeux bruns. On voit sur son visage qu'il est habitué à commander et à ce que les gens obéissent.
«- Entrez, les enfants. J'ai une bonne nouvelle pour vous.
- Vous vous êtes enfin décidée à nous donner une chambre pour nous deux ? interroge Dorian.
- Non. Mais ce monsieur l'autorisera peut être. Il a accepté de s'occuper de vous. Vous irez vivre chez lui.
- On va partir ? demande la petite fille.
- Oui Sibel, répond la directrice. Monsieur est prêt à vous emmener maintenant. Tu veux bien ?
- Je veux rester avec Dorian !
- Je vous emmène tous les deux dans ma maison, intervient l'homme. Elle est très grande, avec un grand parc. Et si cela peut te faire plaisir, vous aurez une chambre pour vous deux.
- De toute façon, on a pas le choix, dit durement Dorian.
- Dorian ! Bien sûr que si vous l'avez ! s'indigne la directrice.
- Non, parce que sinon, vous nous en auriez parlé avant de remplir et signer tous les papiers.
- C'est une grande chance pour vous d'avoir trouvé quelqu'un qui vous accepte tous les deux. Pense à ta sœur, Dorian. Tu ne crois pas qu'elle a droit à un foyer ?
- C'est bien ce que j'ai dit, on a pas le choix.
- L'aide éducatrice doit avoir fini vos bagages. Vous partez tout de suite.»
Avant de monter dans la voiture, Sibel regarde son frère.
«- Dorian ? J'ai peur. Il est méchant le monsieur.
- T'inquiète, on y restera pas beaucoup. On partira dès qu'on pourra, ok ?
- Oui. Parce que j'aime pas ça.»
Sibel et son frère sont dans une chambre, assis sur le lit. Dorian a sept ans, et Sibel cinq. Elle a déjà son visage voilé. Ils parlent à voix basse.
«- Tu as compris ? demande Dorian.
- C'est facile, répond Sibel. Et tu crois qu'on aura vraiment pas de mal à passer ?
- Certain. Il faudra courir vite, c'est tout. Et après on rentre.
- Pourquoi on s'en va ?
- T'avais raison, petite sœur, il est louche, ce gars. Je lui fais pas confiance. On doit partir, surtout maintenant. Et il n'avait pas à te faire voiler ton visage.
- Quand ?
- Demain, tu veux ?
- Oui !»
Sibel court. A côté d'elle, Dorian la presse d'aller plus vite. Derrière eux, des aboiements de chien résonnent. Un grillage se profile devant eux. Sibel se tient le bras gauche, qui est blessé. Devant le grillage, ils s'arrêtent.
«- Tu t'en vas, déclare Sibel.
- Tu viens avec moi !
- J'ai mal. Tu t'en vas, je les retiens. Les chiens sont dressés pour suivre l'odeur du sang. Je suis blessée. Ils me suivront. Va t-en. S'il te plait.
- On a pas le temps de parler ! Tu viens et c'est tout !
- Le premier qui sort retourne à la maison. L'autre le rappellera plus tard. On connaît tous les deux le numéro. Pars par là.»
Les deux se séparent. Sibel part à gauche. Elle court aussi vite que ses petites jambes le permettent. Son bras saigne, laissant de petites gouttes de sang par terre. Les chiens la rattrapent, elle le sent. Elle se force à courir encore plus vite. Son voile claque dans le vent, vole, l'empêche de voir par moments.
Elle est renversée par terre par un chien qui a bondit. Elle se défend comme elle peut contre le chien qui essaye de la mordre. Un garde arrive et rappelle les chiens. Il porte un pantalon et une veste bleu nuit et une chemise blanche. Il attrape Sibel par son bras blessé et la traîne jusqu'à une villa.
Il la jette aux pieds de l'homme de l'orphelinat.
«- Sibel, je ne te croyais pas comme ça.
- Je ne vois pas ce que vous voulez dire.
- Pourquoi as-tu voulu t'enfuir ? Tu n'es pas bien, ici ? Quelque chose t'a déplu ?
- Je voulais sortir. Seule.
- Et le grillage est le seul moyen qui existe ?
- Vous n'êtes pas sensés le savoir.
- Où est ton frère ?
- Je ne sais pas.
- Tu ne me ferais pas perdre mon temps, n'est ce pas ? Tu sais ce qui se passe quand on m'énerve ?
- Je ne sais vraiment pas. Vous allez me punir, n'est-ce pas ?
- Qu'est-ce qui te fait dire ça ?
- Quand on fait quelque chose de pas bien, on se fait punir. Ca ne sert à rien de le refuser, il faut assumer et vivre avec. C'est ce que maman disait. Donc vous allez me punir.
- N'as-tu pas peur ?
- J'assume. Vous m'aviez expliqué les règles, j'ai désobéi.
- Les gardes vont te punir. Cent coups de fouet pour la première tentative de fuite.
- Ne vous en faites pas pour moi.»
Les gardes l'emmènent. Ils l'attachent et lèvent leurs fouets.
Sibel a treize ans. Elle est installée à un piano, dans un grand salon. Elle joue une mélodie douce, presque triste. Eléa entre.
«- Dame Sibel, le chef de votre sécurité demande à vous voir.
- Fais-le entrer et apporte du thé, s'il te plait.
- Bien ma Dame.»
Un jeune garçon entre. Quinze ans, de haute taille, cheveux noirs en bataille, yeux noirs et intenses. Sibel le fait asseoir sur un sofa en cuir.
«- Vous avez demandé à sortir, ma Dame. Pour aller racheter des vêtements.
- C'est exact.
- Je suis chargé de vous dire que maître Geoffroy-Théodore a refusé votre demande.
- Pourquoi ?
- Votre sécurité. Les environs ne sont pas sûrs …
- Avec vos rondes continuelles pour éloigner les importuns ? Dans une rue marchande ?
- Ma Dame, le maître a refusé. Je n'y suis pour rien. Je serai ravi de vous escorter dans vos achats, vous le savez.
- Je sais, Axel, je sais. Je voulais sortir. Mais j'aurais du me douter que cela me serait refusé.
- Le maître a dit qu'il ferait venir des collections ici-même, au pavillon des étoiles, pour que vous fassiez votre choix.
- Comme toujours …
- Je suis désolé, ma Dame.
- Ne le sois pas. Il est tellement persuadé que je vais m'enfuir si je sors qu'il m'enlève toute promenade en dehors du domaine.
- Je dois y aller.» le jeune garçon semble gêné. «Il y a une inspection de la garde aujourd'hui.
- J'avais oublié. A tout à l'heure.
- Ma Dame.»
Le jeune homme s'incline et sort. Sibel retourne au piano et recommence à jouer la mélodie.
Un orage gronde dehors. La Sibel de quinze ans est installée devant sa coiffeuse et Eléa lui coiffe les cheveux. L'homme en costume, appelé Geoffroy-Théodore, entre dans la chambre, s'assoit sur le lit et les regarde. Eléa a fini avec les cheveux de Sibel et s'apprête à quitter la chambre. Geoffroy-Théodore l'attrape par la taille alors qu'elle passe devant le lit. Il l'assoit sur ses genoux et commence à la caresser. Eléa ne bouge pas, elle se laisse faire. La vois de Sibel arrête l'homme.
«- Je vous ai déjà demandé de ne pas passer la nuit avec mes domestiques, qu'ils soient féminins ou masculins. Laissez cette fille tranquille, je vous prie.
- J'avais oublié que tu tenais à la pureté de tes servants. Il n'y a que dans ce pavillon où les esclaves sont si bien traités.
- Ils doivent être en forme pour me servir. Je n'ai pas besoin de domestiques traumatisés.
- Il sera comme il te plaira, ma Dame. Après tout, en tant que favorite, tu peux agir comme il te plait dans le domaine. Sauf, évidemment, si cela va à l'encontre de mes ordres ou de mes règles.
- Bien. Eléa, tu peux te retirer dans ta chambre. Réveille-moi à neuf heures demain si je n'y suis pas.
- Bien ma Dame.»
Eléa s'incline et sort. Geoffroy-Théodore la regarde sortir, le désir perçant dans ses yeux.
«- Laissez cette fillette tranquille, Geoffroy-Théodore.
- Serais-tu jalouse, Sibel ?
- Pas le moins du monde. C'est une bonne domestique. Elle fait son travail rapidement et intelligemment. Elle a une belle voix et m'accompagne en contre-chant. Elle est mignonne et son sourire fait chaud au cœur. Mais vous m'avez promis de ne pas toucher à mes domestiques.
- Alors je n'y toucherai pas. Viens dormir, Sibel. Je me lève tôt demain.»
Sibel rejoint le lit, où l'attend Geoffroy-Théodore.
