Sibel descend rapidement les marches qui la ramènent aux arènes, Eléa à sa suite. Elle récupère Lénaïc, qui joue avec Shunrei, Miho et Seïka, et prend la route des limites du Sanctuaire. Aux portes, elle se tourne vers Eléa. Celle-ci lui sourit gentiment.
«- Je suis fière de toi. Tu ne peux pas imaginer à quel point je suis fière.
- Prends soin de mon frère, Eléa. Occupe-toi de le caser avec Seïka. Vu la scène qu'elle m'a faite quand je lui ai dit que je repartais déjà, je sais qu'elle rendra mon frère heureux. Préviens-la simplement de ma part …
- Comme tu as prévenu Mu ?
- On ne sait jamais. Au moins, il est prévenu.
- Nous voulons nous marier. Tu seras mon témoin ?
- Avec plaisir. Je reviendrai en Grèce pour ton mariage.
- Je sens que je vais l'organiser très vite, ce mariage … rit Eléa.
- A bientôt, alors. Prends soin de toi.
- Toi aussi, prends soin de vous deux.»
Eléa regarde Sibel prendre la route d'Athènes. Elles est satisfaite et triste à la fois. Satisfaite, car Sibel a finalement affronté son passé. Triste de la voir repartir aussitôt. Elle soupire et remonte vers la grande salle, rencontrant au passage la moitié des chevaliers qui se sont ressaisis et cherchent Sibel. Elle leur sourit bravement et les prévient que leurs recherches ne mèneront à rien.
Un mois avant le mariage d'Aiola et Marine, le téléphone sonne dans le temple de Camus. Celui-ci absent, c'est Ayoros, qui passe au moment là dans le temple, qui répond.
«- Allô ?
- Dorian ?»
Le cœur d'Ayoros manque un battement en reconnaissant la voix.
«- Non, Ayoros à l'appareil. Je peux t'aider, Sibel ?
- Oui, s'il te plait. Dis … dis à Dorian … de venir chercher Lénaïc … le plus rapidement possible. S'il te plait.
- Je lui dirai, mais où doit-il aller ?
- Là où tout a commencé.
- Où étais-tu, Sibel ? On s'inquiétait pour toi.
- Au revoir Ayoros.»
Et elle raccroche. Ayoros regarde le téléphone pendant une minute avant de se précipiter dans le temple de Milo, où Camus a été invité à boire un café. Le temps de lui expliquer clairement la situation, et Camus sort précipitamment du temple. Il court aux portes du Sanctuaire et se téléporte aussitôt.
Les autres restent là, à regarder l'endroit où il a disparu, inquiets.
Camus arrive "chez eux", dans la maison où ils ont passés la première partie de leur enfance. Lénaïc est là, dans la chambre, dormant tranquillement. Pas de trace de Sibel. Il regarde partout avant de réveiller le petit.
Une fois réveillé, celui-ci réclame un câlin -que Camus lui donne du bout des bras- et explique ce qui s'est passé.
«- Maman, elle a dit que tu allais venir me chercher, que je devais pas avoir peur. Alors j'ai dormi, parce que j'étais fatigué. Et tu étais là quand je me suis réveillé. Maman, elle avait raison !
- Et tu sais où elle est ?
- Non, elle a pas dit. Dis, oncle Dorian, c'est quoi une "aurora exécution" ?
- Qui t'en a parlé ?
- Maman a dit que tu savais, et elle se demandait comment tu faisais. Mais elle a dit qu'elle avait laissé l'idée, parce qu'elle ne savait pas le faire.
- Elle voulait faire quoi, avec l'aurora exécution ? Tu le sais ?
- Elle parlait d'un monsieur qu'elle devait aller voir. Elle disait que tous les deux vous le connaissiez.
- Ecoute, je vais t'amener au Sanctuaire, voir Eléa et Celiano, d'accord ? Et après, j'irai chercher ta maman.
- On va voir Celiano ? Et Eléa ?
- Oui. Accroche-toi à moi.»
Camus prend le jeune dans ses bras et se téléporte dans les arènes. Il laisse Lénaïc à Eléa, tout en lui résumant rapidement ce qu'il sait, et s'apprête à repartir quand elle lui attrape le bras.
«- Tu crois qu'elle est allée où ?
- Elle y est repartie.
- Oh mon Dieu … Ramène-la vite, Dorian !»
Il hoche la tête et se téléporte dans la cour du pavillon de jade, à l'endroit exact où il s'était téléporté des mois auparavant. Il entre rapidement dans le pavillon et voit les occupantes regroupées en cercle autour de deux personnes. En jouant des coudes, il parvient à l'intérieur du cercle.
Sibel est au centre, entourée par des gardes. Geoffroy-Théodore la regarde, ahuri. Après plusieurs essais, il parvient à prendre la parole.
«- Tu … tu QUOI ?
- Je te pardonne. Tout. Ces années de souffrance, le meurtre de celui que j'aimais, la manière dont tu l'as traité, la manière dont tu voulais faire tuer mon fils, les coups que j'ai pris, la vie que j'aurais voulu avoir. Je te pardonne. Je tenais à te le dire avant de partir définitivement.
- Je ne t'ai jamais fait aucun mal. Je t'ai nourrie, logée, tu avais les plus beaux habits. Que demandais-tu de plus ?
- Aimer par moi-même, sortir du domaine. J'aurais aimé … ne jamais être violée pendant si longtemps, ne pas avoir à supporter la souffrance de celles et ceux qui te déplaisaient, pouvoir les sauver, faire s'enfuir tous les autres … Mais je te l'ai dit, je te pardonne. Adieu, maintenant.
- Attends ! Ne pars pas ! Tu me manques tellement ! Reste ici ! Je ferai libérer les autres, je ne tuerai plus personne, je te le promets. Mais reste. Je t'en supplie. Au moins pour t'assurer que je tiens parole.
- Je ne peux pas rester. J'ai promis à mon fils que je ne tarderai pas à rentrer. Et je tiens les promesses que je fais à mon fils.
- Tu l'aimes donc plus que moi ?
- Il est mon fils. Je l'ai porté, je l'ai nourri, je l'ai vu grandir. Je l'ai vu apprendre à rire loin d'ici, à jouer avec des autres enfants, je l'ai vu se faire un ami auquel je n'hésiterai pas à lui en laisser la garde s'il le fallait. Il est la trace qu'il me reste que j'ai aimé un homme, dernier témoignage que tout n'est jamais complètement désespéré.»
Elle se détourne et s'approche du cercle. Celui-ci se fend devant elle. Une jeune fille blonde la regarde stupéfaite.
«- Tu es folle ! Tu es prête à refuser la vie que le maître t'offre pour un gamin ! Tu es belle, bon sang ! Belle à en mourir, profites-en !
- Belle … Mais à quoi m'a servi ma beauté ? A cause d'elle, je me suis fait enfermer pendant seize ans dans ce domaine, et violer pendant neuf ans. A cause d'elle des pierres m'ont été incrustée dans la peau, une interdiction d'enlever ce voile m'a été imposée ! Malgré ma beauté, je n'ai pas pu aider tous ceux qui mourraient sous mes yeux, ceux qui ont essayé de s'enfuir et se sont fait rattraper, je n'ai pas pu éviter des punitions absurdes. Alors réponds-moi, jeune fille : à quoi sert d'être belle et d'avoir la place de favorite si on ne peut pas aider les autres ? La beauté peut-elle remplacer la liberté ?»
La jeune fille avait baissé la tête un peu plus à chaque mot. Elle ne répond pas à la dernière question. Sibel l'écarte et sort du cercle. Elle regarde Dorian, appuyé au chambranle de la porte. Il lui sourit. Elle prend sa main.
«- Ramène-moi à mon fils, s'il te plait.»
Et sous les yeux ébahis de l'assistance, ils se volatilisent, se téléportant vers le Sanctuaire.
