Tout le monde se bat contre la peur

OST SNK qui se prêtent bien à l'ambiance =

-Titan Fem~9chiku

-Army-Attack

-Shingeki Pf 20130218 Kyojin

…()…

Le lendemain de leur arrivée, dès six heures, Mike vint toquer à la porte d'Eren et de Mikasa pour les réveiller. Les deux jeunes, habitués à se lever avant l'aube, sautèrent du lit et enfilèrent leurs uniformes d'entraînement. Mike les fit manger puis leur ordonna de le suivre à l'extérieur. Intrigués, ils s'engagèrent à sa suite, et il les mena jusqu'à la forêt qui bordait le terrain de terre battue.

-On va apprendre à utiliser l'équipement tridimensionnel, c'est ça ? » demanda Eren, serrant les poings avec empressement.

S'il y avait bien quelque chose qu'il avait envie d'apprendre, c'était utiliser l'équipement tridimensionnel. Ce devait être incroyable de pouvoir s'envoler dans les airs ! Mais Mike secoua la tête avec une expression décidé, brisant ses espoirs :

-Non. La manœuvre tridimensionnelle, ce sera pour une autre fois.

-Pourquoi ? protesta Eren en faisant un pas en avant. Normalement, c'est ce qui est le plus difficile à maîtriser, donc il faut commencer le plus tôt possible non ?

-C'est vrai, rétorqua Mike sans se départir de son calme. Mais la majorité de votre temps, vous vous déplacerez à pied. »

Eren se rembrunit en serrant les dents, vexé de trouver son argument logique. Il les avaient laissé en plan avant même le début de la formation, et maintenant il venait faire le donneur de leçon !

-Je veux d'abord voir de quoi vous êtes capable à pied. Vous allez courir dans cette forêt chacun de votre côté. Vous avez cinq minutes, puis je pars à votre poursuite. Faites-vous attraper le plus tard possible.

-On va jouer à trappe-trappe ?! s'insurgea Eren. C'est une blague ?!

-Non. Et si à la fin de cet exercice tu n'es pas capable de me dire pourquoi je vous l'impose, alors je reculerais la formation tridimensionnelle d'un jour.

-C'est complètement injuste ! »

Eren serra les poings et les dents, prêt à défendre ses droits bec et ongles. Même la main de Mikasa sur son épaule ne suffisait pas à le calmer. La jeune fille jaugeait elle aussi Mike du regard, mais Eren n'était pas sûr que c'était pour les même raisons.

L'instructeur se pencha vers le jeune homme, les sourcils froncés avec désapprobation :

-Est ce que tu te sens prêt à commencer les Hunger Games tout de suite ? interrogea-t-il avec dureté. Est ce que tu te sens prêt à tuer des hommes, échapper aux Titans et trouver des sources d'eau et de nourriture sans aucun problème ? Je t'apporte mon expérience. À toi de voir si tu en veux ou non. »

Il recula juste avant qu'Eren ne cède à son envie de lui flanquer son point dans le visage et dégaina un chronomètre.

-C'est parti. Vous avez cinq minutes pour fuir le plus loin possible. »

Eren tiqua au terme de ''fuir'', une autre réplique agacée sur le bout de la langue, mais Mikasa se tourna vers lui et l'entraîna vers la forêt.

-Allons-y, suggéra-t-elle. Si on trouve toujours que c'est un mauvais instructeur après, on avisera. Mais on devrait lui laisser une chance. »

Eren déglutit et ravala sa mauvaise humeur. Il hocha la tête, et les deux se mirent à courir en partant dans des directions différentes.

Tout en courant, Eren réfléchit quel était le but de cet exercice, alors ? L'endurance, pour être capable d'échapper à un poursuivant ? Est ce que ça voudrait dire qu'ils feraient ce genre de chose tous les jours ? Ou bien la vitesse, pour distancer les Titans ? Non, on ne pouvait pas distancer un Titan.

Il trébucha sur une branche morte qui céda sous son poids et se redressa aussitôt, dévalant une courte pente. Est ce que Mike était spécialiste de la course à pied ? Il avait beau se creuser le cerveau, il n'arrivait pas à se rappeler dans quelles circonstances il avait gagné les Hunger Games. Peut-être était-ce il y a trop longtemps pour qu'il s'en souvienne. Il dérapa sur la boue pour effectuer un virage serré et esquiver des ronces.

Il finit par repérer un arbre à branche basse, et un éclair de génie lui traversa le cerveau. Et s'il grimpait en hauteur ? Il se ferait repérer bien plus tard, et pourrait même sauter de branche en branche pour échapper à son instructeur ! Il s'agissait probablement d'un exercice pour échapper aux humains, pas aux Titans, donc il pouvait se permettre cette tactique. Satisfait de son idée, il sauta sur la première branche et commença à grimper.

Après avoir trouvé un poste confortable d'où il pouvait voir une partie de la forêt, il compta mentalement le temps qu'il avait mis pour trouver une cachette. Il avait passé au moins quatre minutes à courir partout. Mike ne devrait pas tarder à partir à leur poursuite.

Il s'adossa au tronc et ferma brièvement les yeux pour savourer un peu de calme. Le vent commençait à se lever et il n'entendait que le craquement des branches et les oiseaux. Un peu comme à Shinganshina. Il fronça les sourcils et se reconcentra pour ne penser à rien. Son père et sa mère lui manquaient. Dès qu'il avait un peu de temps pour penser, comme la veille avant de s'endormir, il y pensait. Armin lui manquait. Il espérait qu'il était en sécurité et qu'il ne se sentait pas trop seul. Lui était avec Mikasa, au moins, alors qu'Armin était tout seul. Cela dit, il était presque sûr que Hannes viendrait régulièrement lui tenir compagnie.

-Bien pensé, remarqua une voix derrière lui. Si tu étais plus concentré, ça aurait marché.

-AAh ! » hurla-t-il alors que son instructeur surgissait de derrière lui.

Le cœur battant à tout rompre, Eren fit volte-face, et manqua de tomber de son poste si Mike ne l'avait pas retenu par le bras. Il se dégagea aussitôt :

-Comment vous avez fait pour arriver si vite ?!

-Descends donc, répliqua Mike avec un petit sourire qui lui hérissa les poils, et je vais t'expliquer. »

Eren, la main sur son cœur, devait admettre qu'il était curieux. En combien de temps l'instructeur l'avait-il rejoint ? Même pas cinq minutes ? Il dévala l'arbre pour se tenir aux côtés de Mike, qui commença par lui pointer le tronc de l'arbre qu'il avait escaladé.

-Tu vois les traces de boue sur les branches et le bas du tronc ? »

Il se mit à marcher et Eren lui emboîta le pas, sourcils froncés. C'était tout ?

-Et comment vous avez fait pour grimper sans que je vous entende ? »

Mike leva l'index et le majeur :

-Le vent faisait vibrer les arbres, et tu étais distrait. »

Eren déglutit. Il ne pouvait pas nier la deuxième raison. Il n'empêche, il aurait au moins dû l'entendre quand il était juste derrière lui ! Son instructeur pointa le sol :

-Des traces de bottes dans la boue, qui t'ont trahie quand tu a grimpé à l'arbre. »

Eren réalisa avec ébahissement qu'ils refaisaient l'exact chemin que le jeune homme avait emprunté.

-Une branche cassée en deux en plein milieu du chemin. » ajouta Mike laconiquement.

Ils refirent ainsi tout le trajet alors que Mike désignait divers indices qui lui avaient permis de retrouver Eren. En arrivant à l'orée de la forêt, Eren était abasourdi. Il n'avait jamais remarqué que la forêt regorgeait d'autant d'informations ! Il devait avouer que Mike gagnait un peu de respect à ses yeux, et il se sentit un peu gêné de l'avoir apostrophé de cette façon.

-Et Mikasa ? finit-il par demander pour reprendre contenance.

-Je m'apprête à la poursuivre.

-Quoi ? Mais elle aura beaucoup trop d'avance par rapport à moi ! »

Mike lui répondit par un sourire un peu narquois :

-J'ai pensé que tu avais plus besoin qu'elle de comprendre le véritable but de cet exercice, et que tu méritais un vrai encadrement, donc je l'ai laissé courir. »

Je retire ce que j'ai pensé, c'est un connard, fulmina Eren alors que Mike repartait.

Les couleurs et les formes de l'horizon s'évaporaient et formaient des ondes tremblantes qui s'élevaient vers le ciel. Il faisait chaud à en crever. Le bitume de la cour sur laquelle donnait le labo de Hansi brillait sous les rayons du soleil de fin de matinée. Marcher sans chaussure dessus, ç'aurait été comme se caler des braises sous la plante des pieds. Jean pouvait renifler cette odeur d'ici, un concentré de cramé étouffé avec une légère pointe de mouillée, comme si le goudron pouvait transpirer aussi sous la chaleur.

Un cri strident l'arracha à ses pensées et il pivota sa tête, qui glandait sur sa paume, vers le tableau où Hansi venait de lâcher l'écran de vidéoprojection. Jean ne savait pas lequel des deux avait le plus ruiné ses oreilles : le claquement de la toile qui s'était repliée avec fracas au dessus du tableau ou le cri de surprise nasillard de son instructeur.

-Hahem, nous disions donc… les Titans ne sont même pas des gros dormeurs, c'est juste que pour une raison inexpliquée encore à ce jour, ils ne se meuvent jamais durant la nuit. Ah oui, parce qu'en effet, les Titans ne dorment même pas ! Pour récapituler, ils n'ont aucun besoin vital, que ce soit le repos ou l'alimentation. Il est donc tout bonnement impensable de prévoir une stratégie de siège sur les Titans. (Hansi saisit une craie avec entrain et commença à gribouiller nerveusement ce qui ressemblait à l'anatomie d'un Titan, son bras gauche s'agitant de concert avec l'énergie que dégageait ses paroles.) Il faut confronter le problème à sa source et juste les éliminer : voici où se trouve leur unique point faible ! »

Hansi avait marqué d'une grosse croix blanche la nuque du Titan dessiné, puis y avait ajouté un cercle rouge, puis une flèche bleue qui pointait vers la nuque. Jean était à peu près sûr d'avoir saisi où le prof voulait en venir. Il soupira et se retourna vers la fenêtre.

Les propos de Hansi s'évanouirent dans ses tympans, il préférait écouter ses propres pensées. En scrutant le ciel d'un bleu uniforme, il se rappela les après-midi d'été où il coupait du bois dans la forêt. Il avait dû y faire encore plus chaud qu'au campus des tributs mais il aurait donné n'importe quoi pour retourner suer sous les ombres des pins et se réjouir de voir le nombre d'ampoules qu'il avait aux mains diminuer avec l'habitude. Ça n'avait rien d'excitant. C'était juste moins frustrant.

Une sorte de liberté d'entreprendre ce qu'il voulait dans l'enceinte du District Sept, le droit d'avoir une vie tranquille. Ça lui manquait déjà cruellement.

Le babil de son prof ne montrait aucune trace de fatigue alors il se remit à scanner les environs : le bureau auquel lui et Minha étaient assis en face du tableau où Hansi baragouinait et s'extasiait sur des humanoïdes gigantesques et nus qui bouffaient des hommes pour leur bon plaisir, les tables de derrière qui étaient destinées aux expériences, les placards qui contenaient toutes sortes de fioles (remplies de substances dont il ne voulait rien savoir sur la provenance) ou de tubes à essai.

Hansi sautillait, debout, et s'appuyait contre le dossier de sa chaise d'avant en arrière, à la cadence de son débit de paroles, c'est-à-dire à un rythme chaotique. Minha l'observait attentivement, un sourire poli au coin des lèvres et hochait la tête à la fin de chacune des phrases de leur instructeur. Elle avait l'air attentive, comme si elle croyait qu'elle avait ses chances ou alors elle ne voulait pas manquer de respect aux enseignements de l'autre excité. Dans tous les cas, c'était débilement triste.

Un bruit sourd et très proche retentit devant Jean et un courant d'air manqua de lui fouetter le visage en même temps, dû à la vitesse avec laquelle Hansi avait abattu ses mains sur le bureau du tribut distrait. L'instructeur le considérait de ses yeux globuleux, tressaillant de curiosité, une espèce d'étincelle malsaine illuminait son visage.

-Jean ! Question : les Titans ont-ils un appareil digestif ?! »

L'ancien apprenti bûcheron était consterné, il ne put réprimer un grincement de surprise à cette question sortie de nulle part. Il n'avait pas la moindre idée, ni quoi que ce soit à battre, de la réponse. Hansi avait un peu reculé et se tenait droit en toisant son élève du regard, le doigt pointé vers lui, attendant de pied ferme la réponse. Jean sentait la gêne brûlante de Minha (qui virait écarlate à ses côtés) venir jusqu'à lui, pourtant la soudaine colle posée par son mentor ne lui faisait ni chaud ni froid.

Il lâcha un énième soupir et joignit les mains derrière sa tête en rendant à Hansi son regard de braise : la curiosité impatiente contre la détermination insolente.

-J'imagine que oui, mais j'en ai un peu rien à secouer, en fait. »

Hansi baissa les bras et posa ses mains sur les hanches, faisant non de la tête. Son regard n'avait pas quitté celui de Jean et le jeune homme non plus n'avait pas baissé les yeux.

-Je peux comprendre ton agacement, Jean. Mais c'est primordial pour toi de t'investir et d'écouter, il en va de ta survie. Je pense que t'en as quelque chose à secouer de ta survie, non ? » s'enquit-il en inclinant la tête sur le côté comme s'il parlait à un môme.

Le sang monta au visage de Jean comme son champ de vison qui s'éleva alors qu'il se dressait pour faire face à Hansi. La chaise tomba à la renverse après un crissement aigu. Minha était muette de stupeur, Jean exubérant de frustration.

-En effet, j'en ai quelque chose à secouer, et c'est pour ça que je passerai pas une seconde de plus dans cette salle à me tourner les pouces comme si j'étais à l'école alors qu'on m'envoie à l'abattoir dans un mois ! »

Il traversa la pièce et s'arrêta sur le seuil de la porte pour jeter un dernier coup d'œil à Hansi. Il ne sut même pas ce qu'il était censé lire dans son regard : un mélange de surprise, d'intérêt et d'excitation ? Il en avait sa claque des situations tarées qui lui tombaient dessus et ne prit même pas la peine de fermer la porte.

Il donna un coup de pied dans un caillou qui se trouvait malencontreusement sur le bitume de la cour, décidé à rejoindre le centre du campus et son terrain plus naturel pour espérer se détendre un peu sur l'herbe, voire près de la forêt.

-Jean ! Attends, s'il te plaît ! »

Il fit volte-face à l'appel de son nom. Minha s'arrêta essoufflée devant lui, les mains sur ses genoux. Elle se redressa ensuite et poursuivit dans une respiration encore rauque :

-Je t'en prie, retourne dans le laboratoire pour qu'on continue le cours. La situation est aberrante mais il ne faut pas qu'on se morfonde sur notre condition, sinon on est sûrs d'y passer. On doit fournir le plus d'efforts possibles et Madame Hansi a de quoi nous aider. Attends de voir…

-Qu'ils aillent se faire foutre, les efforts ! Rappelle-moi où j'ai signé pour faire ça ?! On va crever, Minha ! Il serait temps que tu te fasses à l'idée et que t'arrêtes de te voiler la face. Le plus tôt sera le mieux ! »

La jeune fille baissa la tête, rouge. La fatigue de lui avoir couru après ?

-Je…

-Alors si tu veux bien m'excuser, je vais aller passer le peu de temps qui me reste à vivre à faire autre chose que m'aveugler sur mon sort ! »

Il tourna les talons, préparant déjà ce qu'il allait répondre à Minha une fois qu'elle aurait agrippé sa manche pour le retenir. Mais la jeune tribut l'avait laissé s'éloigner. Il serra le poing à s'en faire percer les os à travers la peau.

Ça lui foutait la gerbe, il voulait vomir son impuissance.

Bertholt descendit l'escalier de leur logis à toute vitesse, bien après le lever du soleil, paniqué d'avoir manqué le début de l'entraînement. Il déboula en trombe dans la pièce.

-Je suis désolé ! Je n'ai pas... ! »

Ses excuses moururent dans sa gorge alors qu'il détaillait le tableau qui s'offrait à lui : Annie était debout à côté du canapé, fixant son contenu.

-Annie ? Qu'est ce qu'il y... »

Bertholt fut interrompu par un ronflement vibrant et sursauta. Il rejoint en quelques pas Annie et découvrit Pixis, avachi en travers du canapé, deux bouteilles vides au sol et une troisième dans sa main qui s'échappait dangereusement de sa prise. Il avait la bouche ouverte, la bave aux lèvres, et le visage rosé.

Il dormait ? Alors qu'ils étaient censés commencer leur formation ? Ils avaient un nombre incalculable de choses à apprendre, de compétences à acquérir ! En tout cas, Bertholt avait beaucoup à apprendre ! Si c'était comme ça que les choses se dérouleraient, Bertholt commençait à vraiment craindre pour sa survie.

-Il est comme ça depuis que je me suis levée, indiqua Annie, la voix neutre.

-Il ne s'est pas réveillé du tout ? » demanda Bertholt en se tournant vers la jeune fille.

Sa voix, familière, redonna un peu d'aplomb au plus grand. La jeune fille avaient les paupières et les lèvres tombantes, comme à son habitude, mais Bertholt crut distinguer un plissement de sourcils alors qu'elle secouait la tête en réponse. De la contrariété ? Il s'autorisa à la contempler plus en détails, cherchant à comprendre ce qu'elle éprouvait. Ses cheveux blond vanille étaient coiffés pour ne pas la gêner, laissant son visage à découvert malgré sa tendance à garder la tête baissée. Ses traits étaient dépourvus d'expression, mais elle froissa le nez une brève seconde. Bertholt se sentit étrangement satisfait de l'avoir remarqué.

Il reporta son attention sur Pixis et se rapprocha de lui pour s'accroupir et lui tapoter le bras :

-Monsieur Pixis ? Monsieur Pixis ? Réveillez vous, s'il vous plaît. »

Aucune réponse. Bertholt saisit son épaule et secoua plus fort, mais l'instructeur se contenta de grogner et de se retourner dans son sommeil, renversant une partie du contenu de sa bouteille sur les coussins. Bertholt grimaça, en murmurant une excuse aux employés chargés du linge, puis il se tourna vers Annie.

-Qu'est ce qu'on fait ? »

Annie plongea son regard dans celui de Bertholt. Le jeune homme eut l'impression d'être transpercé, comme un papillon épinglé. Consterné, il sentit ses joues chauffer, et déglutit pour reprendre contenance. Ce n'était pas le moment de se tourner en ridicule ! Ils étaient dans une situation critique. Puis Annie haussa les épaules, et sortit.

Stupéfait, Bertholt la regarda se diriger vers la porte avec des pas décidés, sans lui porter plus d'attention. Ce ne fut que lorsqu'elle ouvrit la porte qu'il se ressaisit et bondit sur ses pieds :

-Annie... ! » s'écria-t-il à l'exact instant où elle claquait la porte de la baraque.

Elle était partie.. ? Juste comme ça ? Avec une lourde inspiration, Bertholt sentit la panique s'insinuer dans ses poumons. Qu'allait-il faire ? Son instructeur était tout bonnement incapable de leur apprendre quoi que ce soit, et sa partenaire venait de le larguer au milieu de leur baraque. Que pouvait-il faire ? Il déglutit, assis en tailleur, mais sa salive fut incapable de diluer le nœud d'anxiété qui s'était niché au creux de sa gorge. Ses doigts se refermèrent sur l'ourlet de ses manches alors qu'il observait le visage de Pixis sans le voir, et il pressa la paume de ses mains sur ses yeux en serrant la mâchoire. Soudainement, les souvenirs auxquels il avait essayer de ne pas penser ces dernières heures jaillirent au devant de ses paupières.

Il revit toutes les images qu'il avait aperçues auparavant, juste avant que sa grand mère change de chaîne, ou dans de grandes affiches publicitaires dans la rue. Il entendit à nouveau les discussions de certains de ses camarades sur les morts les plus sanglantes dont ils avaient été témoins.

Pixis grogna à nouveau, plus fort, et Bertholt sursauta, sa vision se focalisant brutalement sur ses propres ongles. Il venait d'échapper de peu à... Il poussa un soupir chargé et se redressa, puis se remit à secouer l'épaule de son instructeur.

Erwin parlait d'une voix posée et suave, intimant l'écoute et le respect à la jeune fille. Christa savait qu'elle se devait de prêter toute l'attention qu'elle détenait aux enseignements de son instructeur, mais elle ne pouvait s'empêcher de l'admirer. Ses bras croisés reposaient sur le bureau alors qu'il parlait sans les lâcher du regard. Il leur tourna finalement le dos pour écrire à la craie sur le tableau, ce qui arracha Christa à ses considérations.

Elle lança un bref coup d'œil vers Reiner qui prenait assidûment des notes à ses côtés. Ce dernier la remarqua et lui adressa un petit hochement de tête, qu'elle lui repaya avec un timide sourire avant de se concentrer pleinement sur ce qu'Erwin déclamait.

-Il s'agit de frapper la zone de la nuque la plus fragile, c'est-à-dire les vertèbres cervicales (il entoura ce à quoi il faisait référence d'un coup de craie). Si vous le faîtes avec suffisamment de précision et de force, vous serez capable de neutraliser votre adversaire rapidement. »

Le coup du lapin. Ça ne venait pas d'un des contes avec des animaux qu'on lui lisait étant petite, c'était une technique de chasse, de chasse à l'homme. C'était une façon de tuer quelqu'un. Cette pensée la transit d'effroi. Elle déglutit et reporta son attention sur ce qu'elle avait noté dans l'espoir d'apaiser la sueur froide qui lui lacérait le dos.

Elle n'avait pas réussi à s'endormir la veille. Ça y est. Elle était prise aux Hunger Games et Reiner l'avait rejointe comme promis. Elle ne se réveillerait pas de ce cauchemar là.

Avoir Reiner à ses côtés semblait idéal sur le papier, mais ce n'était qu'une preuve de plus à ses yeux qu'elle n'était pas taillée pour survivre aux jeux.

Elle frémit. Elle ne suivait plus ce que disait Erwin ! Elle envoya un regard affolé à Reiner qui indiqua d'un doigt calme le chapitre du manuel que leur professeur était en train d'aborder. Christa le gratifia une fois de plus d'un léger signe de la main. La voix d'Erwin lui parût plus claire maintenant qu'elle avait saisit le contexte dans lequel ses propos se plaçaient.

-Le cœur se trouve donc entre la quatrième et la cinquième côte. Il est accessible même au couteau, il s'agit juste de bien savoir le repérer sur votre adversaire et de planter votre dague profondément au bon angle. Prenez garde à retirer le couteau après d'ailleurs. Sinon l'hémorragie ne surviendra pas. »

Un bruit sourd engloutit les oreilles de la demoiselle, comme si elle coulait sous une vague, malmenée par les océans. Hémorragie. Elle s'imagina un torrent de sang qui se déversait et poissait sur ses mains. Son propre sang qui quittait son corps et la laissait à l'état livide et insignifiant de vulgaire cadavre, morte pour quoi ? Pour distraire ? Pour la paix entre les murs ? Non, pour rien. Juste parce qu'elle avait eu entre douze et dix-huit ans ce jour fatidique et que le sort avait décidé qu'elle mourrait à la télévision.

Ses membres tremblaient, elle ne sentait plus son corps. Elle avait juste l'impression de flotter, emportée à la dérive par cet océan de sang qui la submergeait jusqu'au plus profond de son être. Il n'y avait pas d'échappatoire. C'était comme si Christa avait oublié comment nager.

Elle voulait se débattre, atteindre la surface, extirper sa tête hors de l'eau pour reprendre son souffle, alors elle leva le bras aussi haut qu'elle le pouvait en suppliant le ciel et l'air pur et respirable de venir à elle.

-Oui, Christa.

-Pourrai-je sortir un instant, s'il vous plaît ? » demanda-t-elle d'une voix craintive.

Erwin acquiesça et Christa se dirigea vers la sortie, croisant le regard inquiet de Reiner avant d'atteindre la porte. Elle n'avait même plus la force de lui sourire.

En titubant, elle se rendit aux toilettes du rez de chaussée, juste à côté de la salle de cours théorique. La jeune blonde resta quelques secondes à fixer son reflet dans la glace. On avait toujours complimenté son teint pâle, caractéristique d'une jeune fille pure, mais il y avait un pas affreux à franchir entre pâle et cadavérique. Elle comprit pourquoi Reiner l'avait autant examiné depuis leur départ en train.

Elle faisait peur et peine à voir.

Le flot de l'eau qui s'échappait du robinet offrit un son ruisselant qu'elle voulait apaisant, elle le laissa donc couler et chercha à respirer le plus doucement possible. Inspiration. Expiration. L'eau coulait. Tapait contre le céramique blanc. Se fracassait sur ce blanc fragile. Fracturait l'os. Le sang coulait. Inspiration. Expiration. Elle allait mourir dans un mois. Elle ne savait même pas comment. Titan ? Assassinat ? Poison ? Longue agonie ou violent choc qui abrégerait ses souffrances ? Le sang continuait de se fracasser sur la céramique blanche du robinet. Inspiration. Expiration.

Son cœur lui remonta jusque dans la gorge et lui brûla le palais. Dans un réflexe presque surhumain, elle s'accroupit au dessus de la cuve des toilettes et ouvrit la bouche. Ça continuait de couler.

Le dégoût et le désespoir qu'elle n'avait toujours pas digérer se déversèrent. Christa ne pouvait rien faire à part gémir d'une voix rauque et étouffée par les sanglots. Ça s'arrêta et elle ne put rien faire d'autre que cracher pour essayer de laver un tant soit peu sa bouche souillée par la perspective de sa propre mort.

Puis une nouvelle vague fonça sur elle, la secouant de toute part. Elle se cramponnait sur la cuve des toilettes pour tenir le coup et faisait sortir tout ce qu'il y avait de sale en elle. Elle voulait s'en sortir. Une note salée se glissa dans sa bouche encore baveuse. Les vagues ? Ou ses propres larmes ?

Elle cracha encore avant de succomber à une violente quinte de toux. Elle voulut s'assurer qu'elle n'avait pas vomie sa voix et lâcha une lamentation étranglée par les restes de douleur encore présents au plus profond de son être. Cela la convainquit qu'elle ne l'avait pas perdue.

Christa se redressa donc péniblement, toujours en s'appuyant sur la cuve et tira la chasse d'eau en reniflant. L'eau continuait de couler. Elle en recueillit un peu au creux de ses mains et se lava le visage.

Elle finit par interrompre le flot du robinet. L'eau ne coulait plus. Et elle n'était pas sure d'avoir pleinement digéré ses peurs.

…()…

Notes de Fin : Tout le monde: en pleine crise d'ado Bertholt: un petit chou à la crème