Nous allons entraîner la bande de larves inutiles que vous êtes !

OST SNK qui se prête bien à l'ambiance:
Army-Attack
2chijou
A1GU
The Reluctant Heroes (Modv)
Len Zo 97N10 Hi Kyosetsu Mahle

...()...

Les rayons du soleil qui dardaient d'entre les poignées de nuages recouvraient Jean d'une douce chaleur, en contradiction totale avec son humeur massacrante. Le jeune homme aurait préféré une pluie diluvienne qui engloutirait le Capitole, et seulement le Capitole, et rendrait le déroulement des jeux strictement impossible. Il pouvait toujours rêver, après tout. Cela dit, la pluie aurait endommagé son carnet de croquis, et comme il n'en avait plus qu'un seul -pas qu'il en aurait besoin d'un autre, de toute façon-, il préférait ne pas risquer de l'abîmer.

Il griffonnait la forêt et le terrain, et sa mine s'enfonçait trop profondément sur le papier. Il était à deux doigts de percer la page à chaque coup de crayon, mais il n'arrivait pas à s'arrêter. Ça plutôt que de percer un trou dans le mur et de se briser le bras. Il s'était réveillé terriblement maussade après avoir rêvé de sa mère, sa maison, sa chambre, et son état d'esprit n'avait fait qu'empirer au fur et à mesure que la matinée s'écoulait.

La mine céda enfin, se brisant dans un léger crac caractéristique, et Jean balança le carnet sur la petite table du balcon avec un soupir frustré et une hargne à peine contenue. Son pied tambourinait sur le sol de granit, dans un rythme effréné qui aurait dû le calmer mais ne faisait que l'agacer davantage, l'autre jambe repliée pour reposer sur sa chaise. Il fit tournoyer le crayon entre ses doigts un moment, considérant ses options.

Il n'eut pas le temps d'y songer plus longtemps, car un toc toc léger se fit entendre à la porte de la baie vitrée.

-Jean ? résonna la voix bienveillante de Minha.

-Quoi ? » lâcha-t-il en crachant presque la syllabe.

Il ne se rappelait pas qu'une réponse verbale impliquait l'autorisation de pénétrer dans son espace personnel, mais apparemment c'était le cas pour la demoiselle. Minha fit coulisser la porte et se glissa à l'extérieur, l'air de s'excuser d'avance, et Jean émit un grognement en voyant que Hansi était juste derrière elle, impassible pour le moment.

-Jean, tu n'es pas venu au cours d'Hansi... »

Le jeune homme la vit se dépêtrer pour trouver les bon mots. Elle ne voulait pas l'accuser, car elle savait que ça ne ferait que l'énerver davantage. Elle ne voulait pas non plus rester sans rien dire, car il ne ferait que s'enfoncer plus profond dans ce comportement qui mettait toute la baraque Sept dans l'embarras. Ça faisait un moment que Jean n'avait pas mis quelqu'un dans une position aussi délicate. Sa mère lui disait toujours les choses en face, avec un bon coup de louche sur le crâne si le besoin s'en faisait sentir.

-Et... ? rétorqua-t-il, vraiment pas d'humeur à faire des efforts, les jointures blanches à force de comprimer son crayon.

-Il faut que tu viennes, affirma Minha, les sourcils froncés par sa détermination. Si tu ne viens pas, tu n'apprendras rien, ou pas assez pour survivre. »

Dans ses yeux, Jean lisait tout autre chose : ''ne me laisse pas toute seule''. Ce fut cet appel, plus que la déclaration de la jeune fille, qui le fit baisser la tête.

-Laisse moi tranquille, se contenta-t-il d'exiger.

-Jean ! »

Un silence fracassant s'abattit sur la terrasse, le cri de Minha résonnant à travers l'espace, et Jean pouvait presque l'entendre rebondir sur les murs imaginaires qui se dressaient autour d'eux. Il déglutit, désarmé, et sentit ses tempes le picoter.

-C'est à toi, ce cahier? »

La voix posée et légère de Hansi fit éclater la bulle distendue que les deux jeunes gens avaient bâti autour d'eux. La tête de Jean se tourna vers Hansi à une vitesse fulgurante pour le voir pointer son carnet d'un doigt curieux. Il hocha la tête, méfiant. Mais avant qu'il n'ait eu le temps de reprendre son bien, la main de Hansi se rua dessus pour s'en emparer.

-Hey ! Rends-le moi ! »

Il ne perdit pas de temps et commença immédiatement à tourner la page alors que Jean sautait sur ses pieds pour se précipiter vers lui, sans que Minha n'ait le temps de s'interposer. Hansi se contenta d'un pas de côté pour l'esquiver et émit un murmure appréciateur.

-Dis donc, c'est très réaliste, tout ça ! Tu m'as l'air d'avoir l'œil !

-Ren. Dez. Le. Moi ! » réclama Jean, s'élançant à chaque syllabe.

Hansi les gratifia d'un éclat de rire, puis se tut en parvenant à la dernière œuvre de Jean. Son temps d'arrêt permit à Jean de lui arracher le carnet désormais froissé des mains. Il fusilla son instructeur du regard, essoufflé. Hansi le contempla avec une drôle d'expression, qu'il était trop perturbé pour prendre le temps d'analyser, et qui disparut aussi vite qu'elle était apparue.

Puis son instructeur croisa les bras sur sa poitrine, le menton relevé, un large sourire sur le visage.

-Tu es vraiment doué, Jean ! On sent que tu maîtrises la perspective et la profondeur des décors, et que tu as le sens du détail ! »

Le jeune homme resta interdit, peinant à comprendre où Hansi voulait en venir.

-Je te félicite pour ta capacité à reproduire les données que ton œil absorbe (qu'est ce que c'était que cette formulation?) ! Et d'ailleurs, ça tombe bien, car j'aurais bien besoin de ton talent ! »

Sur ces paroles, l'instructeur dégaina un objet de sa ceinture multifonction. Jean eut un mouvement de recul face à la célérité de ses gestes, puis sa vision se focalisa sur le petit carnet à la couverture brune que Hansi brandissait.

-Vois-tu, reprit Hansi avec entrain en feuilletant son carnet pour y dégoter une page qui lui plaisait et l'afficher, j'ai tous les problèmes du monde à dessiner nos amis démesurés ! Et ça ne me ferait pas de mal d'avoir l'avis d'un professionnel dessus, surtout qu'ils sont basés entièrement sur mes souvenirs !

-Je ne suis pas un professionnel... » marmonna Jean.

C'était la seule réplique qui lui était venu. Hansi l'ignora royalement et lui fourra un peu plus le carnet dans le visage. Jean repoussa son instructeur et finit par abdiquer et prendre le carnet pour en détailler le contenu.

Les Titans étaient des êtres difformes par nature, et Jean n'en avait jamais vu de près encore, donc il était déjà assez difficile de respecter le principe de proportionnalité. Mais en effet, à un ou deux endroits, il pouvait voir où la perspective pêchait. Il leva le doigt, s'apprêtant à pointer une épaule juste un peu trop grosse par rapport à l'autre, mais s'interrompit net en voyant les yeux brillants de Hansi, ainsi que le regard curieux de Minha.

Il devina instantanément ce que son instructeur essayait de faire. Il essayait de l'investir, de faire concorder ses centres d'intérêts avec sa mission pour mieux faire passer la pilule. Il fronça à nouveau les sourcils, furieux à la fois contre Hansi de l'entraîner dans une tactique aussi basse, et contre lui-même pour l'avoir remarquer. Il aurait aimé pouvoir se laisser entraîner sans rien remarquer.

Il se contenta de continuer de feuilleter le carnet. Chaque dessin était truffé de notes inscrites dans une écriture effrénée, agrémentées parfois d'une ponctuation excessive. Il ne restait pas grand chose de blanc sur les pages, et d'un coup il eut l'impression de vraiment comprendre la fascination de Hansi pour les Titans.

-De quel taille sont les plus grands Titans que vous avez rencontrés ? demanda Minha, probablement après avoir remarqué une page où chaque Titan était dessiné l'un à côté de l'autre avec des échelles.

-Mmmh...je dirais une quinzaine de mètres, réfléchit Hansi. Ils atteignent rarement cette taille, la majorité fait entre neuf et onz...

-Pourquoi vous êtes aussi intéressé par les titans ? lâcha Jean de but en blanc.

-C'est une autre forme de vie, répondit aussitôt Hansi, avec une ferveur que Jean n'avait encore jamais entendu de sa part. Et nous la connaissons si mal ! Ce serait dommage que les administrateurs du Capitole soient les seuls à garder ce petit secret, tu ne crois pas ? »

Jean retint son souffle. Il avait l'impression d'avoir mis le pied dans quelque chose de beaucoup plus grand que lui, que Hansi saisissait, et étudiait avec frénésie.

Le cerveau bouillonnant, Jean ne releva pas, et feuilleta distraitement les feuilles du carnet, le temps de mettre de l'ordre dans ses pensées. Son regard accrocha un dessin qui ne ressemblait absolument pas à un Titan, ni même à une créature vivante. Il s'arrêta dessus, le cœur battant.

-Des harnais tridimensionnels... ?

-Oho ? »

Hansi avait clairement détecté la lueur d'intérêt dans les yeux du jeune homme, et se pencha avec son entrain caractéristique.

-Ça t'intéresse, Jean ? »

C'était le seul outil que l'humanité avait conçu qui permette de lutter contre les Titans ! Bien sûr que ça l'intéressait ! Maintenant qu'il y pensait, les gens du capitole avait peut-être déjà trouvé d'autres moyens... Mais c'était le seul qui entrerait en sa possession pendant les jeux, avec les lames striées.

Un reniflement dédaigneux fut la seul réponse qu'il lui accorda, mais celle-ci sembla combler Hansi, dont le visage s'affubla d'un large sourire amusé.

...

Reiner croisa son instructeur alors qu'il descendait l'allée dans laquelle se trouvaient les baraques districtuelles. Il le salua d'un « Bonjour » solennel en inclinant la tête, et Erwin le lui rendit sans même lui demander où le jeune homme se dirigeait. Le blond massif appréciait cette discrétion chez son mentor qui s'apparentait beaucoup à de la confiance envers ses élèves. Erwin avait, selon toutes vraisemblances, cerné le sérieux du garde du corps de la petite Lenz.

Dès le premier jour, Reiner avait senti à quel point il avait été observateur de leurs mouvements, du ton dans leurs voix ou même du rythme de leurs respirations. Erwin devait être habitué à entraîner des tributs aux Hunger Games : c'était l'instructeur du District Un après tout. Le District comportant le plus de vainqueurs de tous. S'il avait été choisi pour arborer de nouveau le symbole de la licorne sur ce maudit campus, Erwin devait avoir de grandes compétences dans l'enseignement des jeux. Et ça, il l'avait déjà démontré avec le cours de la veille où, en trois heures, il était revenu sur toutes les techniques les plus rapides qui soient pour mettre un terme à une existence en un battement de cils avec une pédagogie déconcertante.

Seulement, Erwin ne paraissait pas intéressé par la force physique, il avait l'air d'être du type à privilégier la stratégie, l'analyse, du genre à économiser ses mouvements et ses cartouches. Reiner n'avait aucun problème avec ça. Mais l'héritier Braun était toujours un peu plus rassuré s'il savait qu'il pouvait compter sur ses aptitudes physiques.

Il continua donc de marcher d'un pas rapide et déterminé vers la grande salle de sport où il pourrait reprendre son entraînement musculaire quotidien.

Le garde du corps de Christa ne prêtait pas beaucoup d'attention aux différentes baraques qu'il traversait. Dedans se trouvaient ses ennemis, ceux qu'il allait devoir exterminer afin de protéger Christa. Il n'avait pas le temps, ni même le courage, de jouer les curieux et de songer à ce que ces jeunes de sensiblement le même âge que lui pouvaient bien faire de leur troisième journée d'entraînement. Il se devait de les considérer comme des ennemis, pas même des êtres humains sinon il ne s'en sortirait pas. Ce n'était vraiment pas le moment de jouer dans les sentiments.

Ce n'était plus le moment d'être humain.

Désormais, il deviendrait une machine de guerre. Oui, un guerrier. Le chevalier servant de Christa. Il allait la protéger contre vents et marées et honorer la lignée des Braun et des Lenz dans le processus. Et, lorsqu'il ne resterait plus qu'eux deux aux Hunger Games, il mourrait pour la faire gagner. Simple, clair, son destin était tout tracé.

Il avait foi en ce destin, il mettrait tout en œuvre pour l'accomplir : il n'était né que pour ça.

Seulement, l'attitude de Christa la veille l'avait amené à s'interroger sur l'héritière Lenz et sa foi envers son destin à elle. Reiner aurait aimé ne pas y penser, ne rien avoir vu dans les yeux de cette jeune fille qu'il connaissait depuis qu'il savait compter sur ses doigts mais il l'avait vue, et il ne pouvait plus l'oublier : cette expression qu'il n'avait jamais relevée sur le visage de Christa auparavant. La peur ?

Christa était certes frêle et douce d'apparence, mais elle n'avait jamais été faible. Elle se défendait face à l'injustice et faisait toujours tout pour faire entendre sa voix quand elle n'était pas d'accord, et elle parvenait même à respecter l'étiquette de la bonne conduite des damoiselles du District Un sans aller à l'encontre de ses principes. Rien que pour ça, Reiner était comblé de pouvoir donner sa vie pour une jeune femme comme elle.

Et pourtant, là, elle avait paru terrifiée et, pire encore, n'avait pas su le cacher à Reiner. Quelque chose de grave était en train de se passer dans sa tête. Il n'y avait qu'aux discours d'élection du président du conseil des élèves que Reiner avait vu Christa dans un air similaire à celui de la veille : pâle de peur, tressaillante de terreur, fragilisée par l'effroi. Comme une poupée de porcelaine, un seul choc et elle se briserait en milles morceaux. Mais même ce jour-là, elle avait su contrôler sa peur et délivrer un discours qui lui avait valu les votes des élèves. Elle avait su placer sa confiance en Reiner qui s'était présenté comme vice-président et qui allait faire un discours après celui de Christa pour encourager à voter pour elle.

Quand elle avait confiance en Reiner, Christa n'était plus de porcelaine mais de diamant.

Cependant, la vieille, alors que la jeune héritière était revenue des toilettes, rien n'avait changé. Reiner s'était concentré sur la fin du cours, il était resté de marbre et Christa de porcelaine.

Il serra le poing avant de pousser la porte de la salle de gym. Il était prêt à remuer ciel et terre, soulever poids et haltères pour retrouver la confiance adamantine de Christa envers lui, quitte à périr.

Sûrement parce qu'il n'était que treize heures, la salle était plutôt vide. Spacieusement vide. Les pas de Reiner résonnaient, il pouvait presque les entendre dans son cœur, alors qu'il se dirigeait vers le fond de la gigantesque pièce pour trouver tout le matériel de musculation dont il avait besoin.

Il se retroussa les manches et se cramponna à une barre afin de commencer par des tractions en supination. Il était si habitué à cet exercice que la sueur n'avait pas encore commencé à perler sur son corps quand il prêta enfin plus ample attention aux trois autres personnes présentes dans la salle.

Une fille et un garçon accompagnés d'une femme plus âgée qui portait l'insigne de la licorne. Si ses souvenirs de ses adversaires étaient bons, bien qu'il n'aimât pas trop les ressasser, il s'agissait de la troupe du District Six, Ymir et Tom il-ne-savait-plus-quoi avec leur mentor, Nanaba.

Nanaba toisait ses élèves d'un regard intense et sévère pendant que les deux jeunes gens s'exerçaient au curl à la poulie. Ymir suait avec encore plus d'intensité que ce qu'on pouvait trouver dans le regard de Nanaba mais une ferveur exemplaire illuminait sa mine alors qu'elle s'appliquait à l'exercice. Tom, lui, ne parvenait même pas à ramener la poulie jusqu'à ses épaules et ne devait la tirer que sur quelques centimètres de longueur, et il était déjà exténué.

Reiner s'étonna de voir que Nanaba ne considérait même pas son élève en difficulté et accordait plutôt toute son attention à Ymir. Le jeune garde du corps en fit de même, soudainement intrigué par l'acharnement de la jeune femme.

Nanaba leva la main d'un coup sec et franc, ce qui stoppa net Ymir dans son exercice. La tribut se releva et laissa la place à son instructrice qui ramena la poulie vers elle sans quitter le regard de son élève. La guerrière expérimentée se redressa ensuite en montrant la poulie du doigt, puis en étendant ses deux poings fermés vers Ymir avant de les ramener vers son buste, tout en parlant à la jeune femme qui hochait la tête au son de ses paroles.

La tribut acquiesça une dernière fois puis se posta à nouveau à la poulie pour reprendre l'exercice en laissant ses omoplates se rejoindre. Elle se tourna vers sa mentor une fois qu'elle en avait effectué quelques uns et Nanaba lui présenta sa paume. Ymir vînt frapper dedans d'un coup sec et triomphant qui résonna à travers la salle.

Reiner n'avait pas quitté la tribut des yeux. Il reconnaissait cette fermeté, cette énergie qui émanait d'elle, cette résistance à l'usure. Elle lui causerait des soucis. Il en allait de la survie de Christa, il allait devoir la surveiller.

La sueur se mit enfin à perler sur son front mais Reiner n'était pas certain qu'elle était due à l'intensité de ses tractions.

S'il était de marbre, Ymir était de granit.

...

À chaque claquement des sabots sur la terre battue, Marco devait lutter pour contenir le rire qui pétillait dans son estomac. Il adorait galoper !

Il s'enivrait de tous les sons qui l'entouraient : la respiration soutenue de sa monture, le vent qui sifflait à ses oreilles et s'engouffrait dans les plis de son uniforme, ses propres battements de cœur qui résonnaient dans sa cage thoracique, les pépiements des oiseaux qui saluaient sa course...

Sous ses cuisses, il sentait les muscles puissants du cheval se contracter pour se plier à ses directives. Ses paumes commençaient à l'irriter à force de serrer les rênes, mais il ne voulait pas s'arrêter. Quand il tournait la tête sur le côté, les arbres et le reste de la forêt fondaient dans un amalgame de couleurs à cause de la vitesse à laquelle il se déplaçait.

Il ne savait plus où se donner la tête. À cette vitesse, il avait l'impression qu'il pouvait rattraper et même doubler le temps. Qu'il pouvait s'enfuir très loin pour échapper aux jeux et que personne ne pourrait le rattraper. Mais il ne pouvait pas infliger ça à Ruth, et l'espace dans lequel il galopait était limité. Il savourait donc ces instants de liberté autant qu'il le pouvait.

Un son de galop se fit entendre derrière lui, et quelques instants plus tard Ness était à ses côtés, un large sourire lui fendant le visage :

-Tu t'en sors très bien, Marco ! » le félicita-t-il.

Le jeune homme sentit une fierté chaleureuse se lover au creux de son estomac et ne put s'empêcher de répondre par un rire léger.

-Vous aller vous exercer ensemble, toi et Ruth ! enchaîna Ness. Vous devrez galoper côte à côte en gardant le même rythme, et je serai juste derrière vous pour voir comment vous vous en sortez. Je l'ai déjà mise au courant. »

Marco jeta un regard par dessus son épaule et effectivement, Ruth était en train de les rattraper à vive allure, la mine sombre. L'instructeur manœuvra pour que sa monture laisse passer celle de Ruth et ralentit sensiblement.

La mauvaise humeur apparente de sa partenaire était similaire à un coup de couteau dans la bulle de tranquillité de Marco, mais il décida de ne pas lui en tenir rigueur. Après tout, il avait déjà un peu d'expérience en équitation, alors que la jeune fille avait dû tout apprendre de rien en à peine deux heures. Elle devait avoir sacrément mal aux fesses, encore plus que lui.

-Ça va, tu t'en sors ? demanda Marco.

-Honnêtement, ça me gave. » marmonna-t-elle aussi sec.

Les paroles de la jeune fille fichèrent un petit pic glacé de préoccupation dans les tripes de Marco.

-Comment ça ?

-Ça sert à rien, ce qu'on est en train de faire, affirma-t-elle avec dureté. Très franchement, tu la vois la probabilité qu'on aura d'avoir un cheval pendant les jeux ? On a même pas commencé à apprendre la manœuvre tridimensionnelle !

-Ness fait de son mieux, argua Marco. Il a gagné les jeux, après tout, il a de l'expérience. »

Leur discussion avait le mérite de leur faire respecter à la lettre l'exercice pour pouvoir continuer à se parler.

-Il n'empêche qu'il a gagné d'une façon complètement improbable : tu t'imagines dompter un troupeau de chevaux sauvages comme lui pour obtenir la faveur absolue des sponsors ?! Les chevaux, c'est sa spécialité, pas la nôtre.

-Mais ça reste un avantage considérable, insista Marco, les sourcils froncés. On peut apprendre comment se faire apprécier des sponsors, juste assez pour avoir un ou deux chevaux !

-Écoute, Marco (et son nom dans la bouche de Ruth résonnait d'une manière abrupt qui le perturbait). Si tu as l'intention de le défendre jusqu'au bout, alors j'espère pour toi que tu vas être irréprochable en stratégie, en combat, en techniques de survie, et tout ce qu'il reste encore à apprendre de cet ahuri ! »

L'expression de Marco se ferma comme une huître alors qu'il encaissait les accusations de sa partenaire. Il baissa la tête sur l'encolure de son cheval alors que Ruth regardait droit devant elle. Elle n'avait pas tort. Ils avaient une quantité imposante de techniques à apprendre dans des domaines très variés, et Ness ne leur enseignait pour l'instant qu'une infime partie des compétences qu'ils seraient amenés à utiliser.

Il avait l'impression que ce genre de conversation allait être une constante entre eux deux : Marco qui faisait de son mieux pour voir les choses sous un angle positif, et Ruth qui le ramenait sèchement à la réalité.

-C'est bien, on s'arrête là ! » retentit la voix de Ness derrière eux, ignorant de leur tension.

Ils passèrent au trot et Ness revint devant pour mener la marche, leur intimant de le suivre d'un geste de la main. En quelques instants, ils étaient de retour aux écuries et à la piste de course.

-Vous vous en sortez pas trop mal, pour une première séance ! affirma Ness alors qu'ils descendaient de cheval et ramenaient les chevaux par la bride. Maintenant on va les desseller, les ramener dans leurs box et les brosser. Et après ça, vous serez libre pour le repas. »

Ruth poussa un grognement de satisfaction désobligeant à la perspective du repas, mais Marco devait admettre que l'exercice lui avait donné faim. Dans un silence studieux, les deux jeunes gens rangèrent le matériel et s'attelèrent au nettoyage de leurs montures.

Mais Marco était un peu empêché dans son entreprise par le cheval, qui ne cessait de lui flanquer des coups de têtes en se tournant vers lui.

-Buchwald t'aime bien, on dirait. » intervint Ness avec un sourire affectueux, les coudes sur la demi porte du box.

Marco laissa échapper un éclat de rire attendri, étrangement comblé de recevoir l'affection d'un cheval.

-Buchwald, hein ? dit Marco en lui tapotant l'encolure. Eh bien Buchwald, il va falloir que tu me laisses accéder à ton derrière si tu veux être propre. »

Mais visiblement, le cheval se moquait bien d'être propre, car il posa soudainement la tête sur l'épaule de Marco, avec l'intention d'y rester. Interdit, Marco se figea, bouche bée. Il tourna la tête vers Ness, qui éclatait de rire, en quête d'information.

-Haha ! Laisse-le faire, il te demande des grattouilles. »

Marco hocha la tête, et se tourna à nouveau vers le cheval, posant une main un peu fébrile sur l'encolure, avant de caresser délicatement son poil. Le cheval hennit doucement, contenté, et Marco s'enhardit. Il lui caressa les deux côtés de l'encolure, émerveillé par la chaleur qui se dégageait du cheval et qui se répandait dans son épaule.

-Tu pourrais t'entraîner exclusivement avec Buchwald, suggéra Ness. Si les sponsors voient que tu as une très bonne relation avec lui, ils sont plus susceptibles de te le confier pendant les jeux.

-Ça me va. » répliqua aussitôt Marco, ravi de l'idée.

Ness approuva d'un hochement de tête et s'éclipsa, lui rappelant distraitement de ne pas oublier de le brosser. Marco continua encore un moment de câliner le cheval, puis obtempéra.

Lorsqu'il ressortit des écuries, il avait l'esprit plus léger.

...

Un cours ! On va enfin avoir un vrai cours ! s'enthousiasma Bertholt alors que Pixis redescendait au rez-de-chaussée après avoir tonné dans le salon : « Soyez dans la salle d'étude dans trois minutes ! ». Fébrile, il fonça dans sa chambre récupérer un carnet et de quoi noter, plein d'espoir. Il croisa Annie qui sortait de sa propre chambre avec les mêmes affaires, un léger sourire aux lèvres.

Ils allaient enfin pouvoir commencer leur formation ! Il était temps ! Le poids qui lui pesait sur les épaules, qui lui semblait aussi lourd que le ciel, diminua considérablement. Il avait l'impression d'enfin avoir l'espace nécessaire pour respirer. Et en même temps que son dos était libéré, ses épaules se contractaient d'anticipation, tout son corps se tenait prêt, comme pour accompagner la détermination renouvelée de son esprit.

Ils se dépêchèrent de descendre l'escalier, ouvrant la porte de la salle d'étude avec énergie. Pixis était déjà nonchalamment juché sur le bureau, avalant une gorgée d'une flasque qu'il glissa ensuite dans sa veste.

-Eh bien, vous êtes des rapides ! s'exclama-t-il. J'avais dit trois minutes, pas trois secondes ! »

Bertholt murmura une excuse qu'il ne pensait pas vraiment alors que Pixis leur faisant signe de s'asseoir en face de lui. Il avait des doutes quant à la capacité de leur instructeur à donner cours tout en étant ivre, mais il avait l'air en meilleur possession de ses moyens que l'avant veille.

-Bon, fit Pixis après s'être assuré qu'il avait l'attention pleine et entière de ses élèves, qu'est ce que vous savez sur les harnais tridimensionnels ?

-Ce sont des appareils qui permettent de se déplacer dans les airs, répondit Annie, diligente.

-Ils fonctionnent au gaz. » ajouta Bertholt.

Le hochement de tête de Pixis les incita à décrire tout ce qu'ils savaient sur ces équipements : des câbles jaillissaient pour agripper la matière avec des grapins, il y avait une gâchette qui permettait de choisir quand lancer les grapins, le support des bonbonnes contenaient aussi des recharges de lames striées... Ils se remémoraient tous ce qu'ils avaient entendu ou vu lors des visionnages de Hunger Games.

-Mmmh...fit Pixis lorsqu'ils eurent épuisés leurs connaissance. C'est un peu moins que ce à quoi je m'attendais. Surtout pour toi, Bertholt. »

Le jeune homme déglutit, ressentant soudain le besoin de se justifier :

-Ma grand mère n'aime pas regarder les jeux, elle m'a tenu éloigné le plus possible. »

Du coin de l'œil, il vit Annie hocher doucement la tête, sans trop savoir ce qu'elle approuvait. Pixis reprit :

-Elle a tout de même limiter tes connaissances ainsi. Tu devrais prendre le temps de te renseigner sur les précédents jeux, pour rattraper. »

La main de Bertholt sauta sur le papier alors qu'il notait diligemment les conseils de son instructeur. Sa vivacité lui apporta un sourire appréciateur, puis le vieil homme, sans prévenir, commença à déverser ses connaissances sur les harnais tridimensionnels, tel un flot de rivière qui déborde. La main et le poignet de Bertholt restèrent contractés sans relâche pendant les heures qui suivirent, impatients d'absorber la connaissance comme le papier absorbait l'encre.

De temps en temps, il finissait par dériver complètement du sujet, mais Bertholt se contentait de noter dans la marge ce qui lui semblait pertinent. Il croisait le regard d'Annie régulièrement, par exemple lorsque Pixis faisait une blague qu'il ne connaissaient pas. D'ailleurs, il avait l'impression qu'elle le regardait toujours en première, et très vite il n'arrivait pas à se détacher de l'idée qu'elle le fixait, ce qui l'embarrassait beaucoup.

Lorsque Pixis eut finit, il claqua ses mains entre elles avec satisfaction :

-Voilà, ce sera tout pour les cours théoriques ! Vous m'avez l'air de perdre en concentration, et moi je perds en sobriété. On se retrouve demain après-midi, donc entraînez-vous bien le matin !

-S'entraîner ? »

Bertholt et Annie échangèrent un regard incrédule.

-Quoi d'autre ? ricana Pixis. Pourquoi vous croyez que je me lève si tard ? Vous m'avez l'air de gamins qui aiment bien s'entraîner tout seul. »

C'était donc pour ça qu'il n'avait pas pris la peine de se lever le matin ! Bertholt ressentit un terrible besoin de s'excuser, mais il n'en eut pas le temps. Face à leur surprise, Pixis leur jeta un regard suspicieux :

-Vous vous êtes entraînés, j'espère ?

-Oui, oui ! Bien sûr ! » se récria aussitôt Bertholt.

Il s'était entraîné, peut-être pas toute la matinée car il en avait passé une certaine partie à essayer de réveiller leur instructeur ou étudier le plan du campus, mais il s'était bel et bien entraîné.

-Tant mieux alors ! » conclut Pixis d'un ton jovial, avant de tourner les talons.

J-28

...()...

Doki: Vous l'attendiez? Buchwald Best Boy est arrivé! Iferil: est ce que ça se voit qu'on aime beaucoup Jean artiste?