Bats-toi !

OST SNK qui se prêtent bien à l'ambiance = Counter Attack-Mankind

Shingeki Vn-Pf 20130524 Kyojin

The Dogs

Symphonicsuite : Historia

Shingeki Pf- Adlib – C 20130218 Kyojin

… ()…

Rouillé par le stress et l'impuissance, Bertholt faisait des pompes. Il avait pris ce pli à chaque fois qu'il était tendu, ce qui voulait dire trop souvent à son goût. Au moins, ça lui avait permis de se bâtir rapidement de bons biceps qui s'étaient montrés bien utiles lorsqu'il avait fallu déménager sa grand-mère au troisième étage de l'immeuble.

Pixis ne s'était pas remis de sa cuve de la veille et n'était donc pas en état de leur proposer un cours théorique. Bertholt voulait bien s'entraîner de son côté le matin, faire des recherches sur l'équipement tridimensionnel et les Titans à la bibliothèque et s'investir du mieux qu'il pouvait, mais il attendait que Pixis leur renvoie l'ascenseur en leur apportant un support théorique précieux durant les après-midi où il était censé décuver !

Une pointe aiguë bien trop familière lui lançait les épaules. Elle lui indiquait qu'il avait encore dormi dans des positions improbables et donc qu'il était en état de stress intense. Alors il faisait des pompes. Il n'avait que ça à faire. Ça ou se lamenter sur son propre sort. Mais au moins faire des pompes lui donnerait du muscle, alors que se plaindre ne lui donnerait que du chagrin.

Un léger claquement l'arracha à ses pensées et il interrompit son exercice pour croiser le regard d'Annie qui venait de pénétrer dans sa chambre. L'expression de la jeune fille était toujours aussi calme, à croire qu'elle avait prévu chaque événement qui surviendrait dans sa vie et se contentait juste d'en observer le déroulement, comme Bertholt observait son visage. Elle baissa les yeux vers le jeune homme qui s'était assis par terre à son arrivée, les jambes pliées avec les coudes sur les genoux, et Bertholt sentit ses joues rougir. Il devait être plein de sueur !

-T'as rien à faire ? »

Son ton était clair, droit, impossible de savoir ce qu'elle pensait. Était-ce un reproche ? Bertholt se massa la nuque en se levant, il priait pour que le frottement de sa main sur sa peau l'apaise, lui et ses joues écarlates.

-Euh, non. Rien… » commença-t-il.

Annie tourna les talons, ce qui coupa le grand brun. Elle s'arrêta dans l'entrebâillement de la porte et agita sa main avec peu d'entrain mais beaucoup d'invitation. Bertholt crut lire dans ce mouvement une forme d'excitation qu'il ne voyait que trop rarement chez son amie d'enfance. Intrigué, il lui emboîta le pas.

Le chemin fut silencieux, alors Bertholt se focalisa sur la cour qui se trouvait derrière leur baraque et qu'ils étaient en train de traverser. Elle s'étendait comme une plaine, un bon endroit pour se prélasser lors d'un après-midi ensoleillé, comme le Capitole en connaissait tant à cette période de l'année. Des arbres disséminés par-ci par-là offraient des ombres salvatrices par ce temps et c'est sous une de ces ombres qu'Annie fit halte. Le sol était plat et il n'y avait pas d'herbe, juste de la terre battue, une rangée de buissons se trouvait à quelques mètres ainsi que deux bancs, l'endroit paraissait conçu pour la relaxation.

Bertholt inclina le menton vers Annie pour essayer de voir où elle venait en venir. Pourquoi l'avait-elle amené ici ? Il allait prendre la parole mais la tribut le coupa une fois de plus :

-On va s'entraîner ici.

-S'entraîner ?! Sans Pixis, mais à quoi ? »

Un regard perçant fut la seule réponse qu'il obtînt. Annie n'était pas bête, ni méchante envers Bertholt. Elle savait qu'en le laissant réfléchir deux secondes il trouverait tout seul la réponse à sa question. Le grand brun s'en voulait même d'avoir posé une question aussi débile et mit ça sur le coup de la surprise. Évidemment qu'il s'agissait du combat ! Pixis n'avait pas l'air disposé à leur prodiguer cet enseignement et Annie était une experte de renommée en arts martiaux.

Il hocha la tête pour lui signifier qu'il avait compris et, après avoir battu de ses longs cils délicats, Annie recula de quelques pas et prit une position de combat.

Ses poings, levés jusqu'à la tête, cachaient ses oreilles et les coins de son visage, lui donnaient presque un air de petit chat. Avec une jambe légèrement plus avancée que l'autre et les genoux fléchis, elle semblait avoir un parfait équilibre, bien enracinée et pourtant prête à bondir en poussant sur ses appuis pour se jeter telle une panthère sur son adversaire. Son regard était froid et concentré. Bertholt n'y lut aucune animosité (heureusement, sinon il aurait juste été paralysé par l'effroi), juste beaucoup de concentration.

Elle ne bougeait pas, Annie lui laissait faire le premier mouvement. Elle s'adapterait à son adversaire. Pour l'instant, elle l'attendait de pied ferme, prête à en découdre. Elle attendait et saisirait le moment opportun pour l'attaquer et se saisir de lui telle une lionne lâchée sur sa proie.

Bertholt espéra qu'en lâchant un beuglement déterminé il parviendrait à déstabiliser la guerrière, ou au moins à se motiver à charger sur elle. C'eut juste l'air pathétique alors qu'en quelques secondes Annie bloquait son poing (il l'avait dirigé vers le ventre de la jeune fille) entre des poignets fermes et un genoux précis qu'elle avait dressé. Le grand brun n'eut même pas le temps de chercher à se dépêtrer, son adversaire reposa son pied au sol, entraînant ainsi le bras de Bertholt vers la droite et achevant de le déstabiliser.

Une balayette de la jambe droite d'Annie le fit faire plus ample connaissance avec la terre battue.

-Bwwarff… » gémit-il alors qu'il invoquait ses biceps pour se rehausser.

Il leva le nez vers son entraîneuse, qui avait de nouveau pris la position de combat, prête à une nouvelle attaque de son élève.

-Faut que je m'entraîne au premier mouvement, c'est ça ? » renifla-t-il en reprenant la même position que lors de son premier assaut, décidé à ne pas abandonner.

Annie ne prit pas la peine d'acquiescer mais Bertholt était sûr d'avoir lu une confirmation dans ses yeux bleu glace qui lui rappelaient des myrtilles. Il chargea donc de nouveau vers son amie, sans hurler cette fois-ci, pleinement résolu à lui prouver sa valeur au combat.

Sa respiration se coupa alors qu'il retombait lourdement sur le dos. Il devait en être à son huitième claquage d'affilée, et bien que son esprit voulût rester combatif, son corps atteignait ses limites. Il s'affola, cherchant à happer l'air jusqu'à ses poumons.

Bertholt se remit enfin du choc et toussa, ravi d'avoir à nouveau la sensation de l'oxygène qui s'infiltrait en lui pour lui permettre de se mouvoir. Il redressa son torse en poussant sur ses coudes et leva les yeux vers Annie… et la trouva plus près qu'il ne l'avait prévu !. Elle s'était rapprochée à ses côtés et était légèrement inclinée vers lui. Ses sourcils étaient plus haussés qu'à leur habitude et son regard paraissait plus intrigué.

-Ne t'inquiète pas, je vais bien. » la rassura Bertholt en finissant de se relever et de tousser.

Annie se passa la main derrière l'oreille pour dégager quelques uns de ses cheveux vanille et laisser entrevoir à nouveau ses beaux yeux myrtille.

-À ton tour maintenant. »

Bertholt la considéra, incrédule : à son tour ? C'était à lui de recevoir les attaques maintenant ? S'il n'était même pas apte à déséquilibrer Annie, il ne pourrait jamais se défendre contre ses coups !

Un éclair fila vers lui, Annie ne perdait pas de temps. Très vite, il se focalisa sur ses membres pour prévoir de quel poing ou pied allait provenir l'attaque : le poing droit ! Il leva l'avant bras gauche. Les phalanges d'Annie se fracassèrent dessus.

Il serra les dents afin de pas flancher sous la douleur. La cheville gauche d'Annie se rapprocha alors dangereusement de sa hanche, il la réceptionna avec la main droite.

Il lui tenait la cheville ! Il avait de quoi la déséquilibrer. Il n'avait plus qu'à scanner d'un bref coup d'œil la situation pour trouver comment la faire tomber… pourtant tout alla si vite. Le poing droit d'Annie s'était emparé de son avant-bras gauche et elle le tira d'un coup sec vers elle. Le coude de Bertholt se tendit.

La surprise lui fit lâcher la cheville de son adversaire. Une autre balayette. Et il retrouva son nouveau meilleur ami : le sol.

Bertholt soupira en se levant, les mains sur les genoux. Il n'osait presque plus croiser le regard d'Annie, il devait être en train de la décevoir. Cependant, la voix de la jeune fille le poussa à tenter le coup :

-Tu progresses vite. »

Ses traits étaient plus doux. Elle ne souriait pas mais ses yeux brillaient et le cœur de Bertholt se réchauffa.

-Vraiment ? On continue alors ? »

….

Eren ruminait. Il avait enfin réussi à semer Mikasa ! Il n'en revenait pas que ce soit si dur de passer un peu de temps loin d'elle ! Il avait juste l'impression qu'elle voulait le garder dans un petit cocon et l'éloigner des autres. Il soupira profondément pour contenir sa frustration, la main sur les yeux. Non, il n'allait pas se prendre la tête avec ça davantage. Ça ne ferait que l'agiter d'autant plus. Au contraire, il avait besoin de décharger. Et il n'avait pas de meilleure idée que de courir sur le terrain jusqu'à en tomber de fatigue.

Dès qu'il parvint à la rangée de bosquet qui bordait le terrain (hormis pour l'entrée), il constata très vite que les lieux n'étaient pas vides. Deux candidats s'entraînaient au combat au corps-à-corps. Enfin, il le devinait au cri de guerre un peu tremblant qu'il venait d'entendre. Intrigué, il s'aplatit dans les buissons et progressa accroupi jusqu'à pouvoir les observer sans être vu.

Il arrivait pile au bon moment pour voir Bertholt, probablement le plus grand de tous les vingt quatre tributs, se faire rétamer au sol en 0.15 secondes par Annie, sa partenaire, qui devait être la plus petite de tout le groupe. Eren plaqua une main sur sa bouche, retenant un cri de surprise. Quelle genre de magie noire est ce qu'elle utilise ? Elle l'avait maîtrisé à une vitesse impressionnante !

Ses yeux se verrouillèrent instantanément sur Annie, fermement attentifs. Il scruta ses moindres faits et gestes, et y trouva une familiarité déconcertante alors qu'il l'observait esquiver, faire des pas de côté et frapper avec des gestes d'une précision chirurgicale. Elle lui rappelait Mikasa, réalisa-t-il soudainement. Maintenant qu'il y pensait, elles avaient à peu près la même carrure.

Il voulait apprendre à se battre comme elle.

Il riva son regard sur ses gestes, désireux d'absorber la moindre bribe d'information qui pourrait lui donner un indice. Mais malgré l'écoulement des minutes, il ne parvenait pas à faire autre chose que s'étonner de sa rapidité. Et ce ne fut qu'après une énième projection au sol, alors que la jeune fille se penchait vers son partenaire épuisé avec une expression qu'il supposa être relativement curieuse, qu'il réalisa qu'à aucun moment il n'avait regardé Bertholt.

Elle l'observe, se rappela-t-il. C'était naturel puisqu'elle l'avait en face d'elle, mais subitement Eren se demanda si la clé de ses techniques ne résidait pas au moins en partie sur l'observation.

Hannes lui en avait parlé une fois. Après l'avoir séparé d'un combat particulièrement féroce où il s'était fait fracasser la figure, le vieux soldat l'avait emmené de côté pour lui donner quelques conseils. Il avait notamment expliquer qu'il fallait bien observer son adversaire, pour être capable de prédire tous ses mouvements, et que parce qu'Eren était aveuglé par la rage quand il se battait, il en était incapable. À la fois vexé et persuadé que l'alcool lui donnait des idées bizarres, le jeune homme l'avait ignoré. Il n'aurait peut-être pas dû.

Un peu dérouté par sa propre réflexion, Eren recentra son regard sur les deux combattants. Ils avaient échangé leurs rôles, et le jeune homme se concentra cette fois sur les deux. Il n'arrivait pas vraiment à évaluer le niveau de Bertholt. Il avait l'air bon pour observer son adversaire, mais face à Annie c'était clairement insuffisant.

Il retint une exclamation satisfaite en voyant Bertholt empoigner la cheville qui lui fonçait dessus. Mais la seconde d'après, elle l'envoyait à nouveau au sol, et Eren grimaça au son du choc. Il devait probablement avaler la poussière, le pauvre. En tout cas, il pouvait constater que même la meilleure lecture de son adversaire ne compensait pas la vitesse de réaction. En s'éclipsant, il se promit de venir demander conseil à Annie dans les prochains jours.

….

Une fois de plus, après un maigre repas, Ruth était partie se coucher. Ou se terrer dans sa chambre. Marco voulait lui laisser le temps dont elle avait besoin pour qu'elle s'ouvre un peu plus à lui. Il ne comprenait que trop bien ce qu'elle pouvait ressentir… être piégé comme ça sans aucun autre échappatoire que la mort ou le meurtre. Il espérait simplement qu'il parviendrait à dégager un peu le ciel voilé par de gris nuages que la jeune fille avait invoqué autour d'elle, pour la connaître sous un jour plus radieux.

On lui avait toujours dit qu'après la pluie, venait le beau temps. Peut-être lui fallait-il donc faire preuve de patience jusqu'à ce que les rayons du soleil l'aident à y voir plus clair en Ruth ?

Ces considérations l'amenèrent à jeter un coup d'œil vers la baie vitrée. Le soleil de l'été était si énergique qu'il n'allait pas se coucher tout juste après le repas. Comme Marco.

Il se leva du canapé où il s'était posé afin d'aller admirer le coucher de soleil. Au plus profond de lui-même, il souhaitait que ses soucis s'évanouissent avec l'astre lumineux dans l'horizon. L'ancien garçon de ferme s'accouda à la rambarde et se laissa aller à ses pensées.

Marco voulait vraiment laisser tout le temps de l'univers à Ruth mais ''tout le temps de l'univers'' ne voulait plus dire la même chose qu'autrefois. ''Tout le temps de l'univers'' désormais, c'était moins d'un mois et il se demandait si cela serait suffisant pour lui et la jeune fille.

Il promena son regard sur la façade de la baraque du District Dix qui se tenait droit devant lui tandis que ses pensées, elles, détalaient. Il se rappela une vieille histoire que sa mère lui avait raconté et qu'il avait toujours prise très à cœur : celle du papillon qui amenait la pluie.

Elle le lui avait conté le jour où il s'était défoulé sur un cerisier de seulement quelque mois, haut comme trois pommes, en le ruant de coups pour une raison qu'il avait oubliée depuis longtemps. Sa mère lui avait expliqué que son geste avait non seulement abîmé le cerisier, mais aussi déséquilibrer la balance de la nature car les oiseaux ne pourraient plus se nourrir à cet arbre à la saison prochaine. Il y aurait donc plus d'oiseaux affamés, moins de cerises à récolter, moins de pétales de fleurs au printemps.

Elle avait enchaîné en lui faisant remarquer qu'il en allait de même pour tous les petits gestes de chacun dans le monde. Même les battements d'ailes des oiseaux dans le ciel pouvaient renforcer le souffle du vent et amener la pluie plus loin. Même un simple papillon pouvait faire la différence entre la pluie et le soleil. Il avait beaucoup pleuré après cette remontrance, se sentant coupable. Marco avait surtout fait de cette leçon un principe, un code d'honneur qui l'encourageait à toujours nourrir le plus d'efforts possibles pour orienter l'équilibre de la nature vers le meilleur résultat.

Repenser aux enseignements de sa mère raviva le souvenir de douloureuses images en lui. Des images que Marco avait essayé d'oublier. Pourtant elles n'avaient même pas cinq jours dans son esprit. Alors, même s'il avait tout fait pour les chasser, il s'en souvînt.

Le District Neuf. Sa famille. L'appel de son nom. La montée sur l'estrade alors que tout ce qu'il entendait était le résonnement de sa respiration essoufflée qui hurlait comme des sirènes dans ses tympans. Les visages effarés des autres jeunes rivés sur lui. Effarés et soulagés.

Il avait cherché ceux de ses petits frères, mais ne les avait pas trouvés dans la mare de monde. Effarés ou soulagés, il ne saurait jamais comment avaient été leur regard. Au moins, ils avaient eu la décence de ne pas s'être portés volontaires à sa place.

Mais il avait vu celui de son grand frère. Désemparé, apeuré, et surtout profondément désolé.

Une piqûre commençait à se faire sentir dans la paume de sa main. Son poing serré. Ses ongles qui perçaient dans la peau. La piqûre avait eu le mérite d'injecter de quoi chasser le parasite qui le rongeait de l'intérieur.

Marco desserra le poing et se recentra sur sa situation avec Ruth. Il devait nourrir le plus d'efforts possibles pour améliorer les choses entre eux deux.

« J'espère pour toi que tu vas être irréprochable en stratégie, en combat, en techniques de survie, et tout ce qu'il reste encore à apprendre de cet ahuri ! »

Il se ressassa les paroles de Ruth et se demanda si là n'était pas un bon point où démarrer. Marco ne voulait pas participer aux Hunger Games, bien trop conscient qu'il était incapable de les gagner. Mais rester sans rien faire n'amènerait rien à personne, et encore moins à lui. L'ancien garçon de ferme pouvait bien essayer. Juste essayer. Donner le meilleur de lui-même. Quelque chose l'attendait aux Hunger Games, sinon il ne se serait pas retrouvé là. Marco devait saisir toutes les occasions qui se présentaient à lui.

Essayer. Juste pour vivre dans son environnement mortel.

Le soleil n'avait pas encore commencé à frôler l'horizon, il continuait de descendre mais Marco avait encore du temps devant lui avant que la nuit ne tombe. Il serra les poings autour de la rambarde, s'armant de motivation au contact froid de l'acier sur ses paumes et prit une grande inspiration.

Il lâcha la barre de métal et se déplaça vers le centre du balcon. Il planta fermement ses pieds nus sur le granit encore chaud, la jambe droite en avant. Marco releva la tête et essaya de regarder le plus droit et loin possible, puis il ferma les poings en veillant bien à ce que son pouce ne vienne pas se loger sur ses phalanges ou ne parte pas se cacher sous les autres doigts repliés. Maintenant que le jeune homme était sûr et satisfait de la position de ses poings, il déplia tout le muscle de son biceps avec toute la précaution et la force dont il était capable.

Un frisson de puissance parcourut le long de son bras avant de heurter de plein fouet l'air du soir. Alors qu'il ramenait son poing droit vers son torse, il déploya le bras gauche. Même frisson d'excitation. Il reprit, encore et encore.

Puis, il se baissa afin de s'appuyer sur les paumes et le bout des pieds et entreprit plusieurs pompes, après quoi il se redressa pour redonner des coups de poings.

À chaque poing qui décollait, il oubliait un peu plus qui il était, pour se focaliser uniquement sur la maîtrise de sa force. À chaque fois qu'il poussait sur ses bras pour s'élever, il se sentait un peu plus capable d'écarter les vents et de déplacer les montagnes. À chaque repli de ses abdominaux vers ses jambes pliées, il se croyait plus léger, presque plus confiant.

L'adrénaline de l'effort lui intimait de ne jamais s'arrêter, la certitude qu'il renforçait son corps le faisait frémir d'excitation, la douleur de sa respiration haletante dans sa gorge le comblait de joie. Il devenait plus fort, il le sentait, il voulait y croire. Il prouverait à Ruth qu'il était digne de confiance et qu'il ne resterait pas passif devant les jeux.

Il jeta ses inquiétudes au loin et sa chemise à quelques mètres de là. La sueur coulait le long de son torse et de ses bras. Marco aurait pu juré avoir vu des gouttes s'évader et tomber sur le sol en granit avant de s'évaporer dans la lourde atmosphère de la nuit d'été.

Le jeune homme avait manqué le coucher de soleil. Son cœur battait la chamade, et lui, voulait continuer à battre l'air. Ses yeux s'étaient habitués à l'obscurité, rien ne l'obligeait à s'arrêter. Une source de chaleur humide dévala sur son front, il y porta la main : de la transpiration. Il saisit sa chemise et la frotta vigoureusement sur son visage avant de s'y passer le dos de la main.

Il expira un bon coup, sa respiration était saccadée, il voyait ses pectoraux se bomber et s'aplatir au rythme de son souffle frénétique, transporté par l'euphorie de l'effort, et s'y remit.

….

Jean laissa sa nuque retomber sur le dossier de la chaise avec un soupir, contemplant les nuages qui se teintaient d'orange et de rose. Sa chaise pencha et manqua de tomber contre le muret garde-corps, mais il se redressa au dernier moment avant de se taper la tête contre la rambarde. Il était sur le point de crever d'ennui, et il en perdrait presque son sens de l'équilibre.

Le bruit de la porte qui coulissait se fit entendre, mais il ne daigna pas se mouvoir. Les bottes de Minha frappèrent trois ou quatre fois le granit du balcon et elle lui tendit quelque chose dans un froissements de vêtements. Comme au bout de quelques secondes, il n'entendait plus rien, il se tourna vers elle.

Elle le regardait, les lèvres pincées comme si elle se retenait de dire ce qu'elle avait en tête. Jean lui en était reconnaissant. Il n'avait franchement pas envie d'entendre ce qu'elle avait à dire en l'instant présent. Il prit le carnet et l'ouvrit à une page aléatoire des notes sur le cours de Hansi.

Jean avait décidé de boycotter les cours théoriques de Hansi. Une partie de lui avait beau se trouver puéril, il avait pris sa décision et il s'y tiendrait. Il avait donc passé sa matinée à se balader en forêt, visiter les autres bâtiments mis à disposition des tributs et faire de l'exercice dans sa chambre.

Il feuilleta brièvement, et vit que les pages les plus détaillées étaient sur l'équipement tridimensionnel. Il soupira.

-Merci. » dit-il en essayant d'avoir l'air distrait.

-Tu devrais venir au prochain cours. »

La jeune fille lui avait presque coupé la parole, comme si la prise de parole de Jean était tout ce qu'elle avait attendu.

-Hansi commencera l'entraînement à la manœuvre tridimensionnelle. »

Jean hocha la tête presque malgré lui. Sans rien ajouter, mais l'air plus satisfait qu'à son arrivée, Minha repartit. Après s'être assuré qu'elle ne reviendrait pas, Jean revint à la première page pour commencer à lire. Il parcourra le cours en diagonal, satisfait de constater qu'il savait déjà à peu près tout ce qu'il y avait à savoir. Il finit par reposer le carnet sur la table, à côté de son matériel de dessin. Il se frotta les yeux vigoureusement, les orbites légèrement douloureux. La nuit était enfin tombée et lire avec aussi peu de lumière n'était pas très conseillé.

Il se leva pour ranger ses affaires, mais un mouvement dans le coin de son champ de vision attira son attention. Intrigué, il tourna la tête vers la baraque du District Neuf, et laissa échapper une courte exclamation de surprise.

-Hé bah ! »

Quel genre d'allumé s'entraîne jusqu'à la nuit tombée ?! Marco Bodt, s'il se souvenait bien du nom, était en train de s'entraîner, occupé à jeter des coups de poings dans le vide et s'aplatir le nez contre le sol avec une énergie qui frisait l'acharnement. Depuis combien de temps était-il là ? Probablement pas longtemps, vu l'ardeur qu'il y mettait. En tout cas, il était bien bâti pour un candidat au tout début de sa formation. Il avait probablement fait beaucoup d'activités physiques dans sa vie d'avant. Et il avait l'air d'avoir la ferme intention de continuer.

Jean s'appuya sur le balcon, la main dans le menton, pour l'observer. Ce type était tout le contraire de lui. Il passait probablement ses journées à faire exactement ce que lui ordonnait son instructeur, et il avait la tête de quelqu'un qui ne réalisait pas encore dans quel pétrin il s'était fourré. Il claqua sa langue contre les dents avec agacement, immédiatement lassé. S'il avait envie de s'échiner à la tâche, qu'il se fasse plaisir ! Ce n'était pas Jean qui allait l'en empêcher.

Frustré d'être rappelé une fois de plus à ce qui l'attendait, il rangea vite fait ses affaires et claqua la porte du balcon pour aller se coucher.

….

Christa se retourna à nouveau dans son lit, et cette fois les couvertures l'enserrèrent, l'empêchant de complètement prendre la position qu'elle désirait. Elle ne se dégagea pas immédiatement, frappée par la similitude entre les angoisses psychiques qui lui tordaient le cœur et l'étreinte des draps sur son corps.

Ses yeux étaient grand ouverts dans la pénombre, une toile parfaite pour accueillir toutes les images tourmentées que son esprit infatigable lui suggérait. Elle se voyait écrasée, dévorée, abattue, tranchée. Elle imaginait un geste, une dernière inspiration, une douleur atroce mais si creuse comparé à ce qu'elle allait subir !

Elle se retourna à nouveau, se débattant avec le linge. Pendant un court instant, elle s'imaginait être au cœur d'une toile d'araignée, épaisse et collante, s'agitant avec désespoir pour échapper à son prédateur.

Au bout d'un moment, elle n'y tint plus. Elle se redressa brutalement, ignorant les papillons noirs qui couvrirent sa vision. De toute façon, il n'y avait rien à voir. Elle dégagea les couvertures d'un coup de pied farouche et sauta à terre. Le sol lui parut glacé. Ou alors c'était elle qui brûlait. Elle ouvrit la porte de sa chambre, grimaçant en entendant le grincement lugubre. À petits pas, elle se rendit dans le salon.

Ce dernier était plongé dans l'obscurité. Elle se serait attendue à le voir éclairé par la lumière de la lune, au moins, mais celle-ci était cachée par des nuages. La seule véritable source de lumière était le lampadaire qui éclairait l'entrée de la baraque. Elle s'en rapprocha, songeant aux papillons qui s'approchent trop prêts de la flamme et finissent par se brûler les ailes.

Elle coupa son souffle brutalement, avec l'espoir vain que cela suffirait à également couper le fil de ses pensées morbides. Elle recula, et s'assit sur le canapé. La texture moelleuse pourrait peut-être la calmer, comme l'étreinte d'une mère. Pas que la sienne lui ait fait beaucoup de câlins. Mais peut-être plutôt comme ceux de sa grande sœur.

Le canapé ne ressemblait pas du tout à une étreinte. Il ressemblait à un canapé, mou, froid, inerte. Déçue, elle replia les genoux et les entoura de ses bras. La poitrine comprimée par ses cuisses, elle sentit une toute autre sorte de pression faire effet sur ses poumons. Non. Non, elle n'avait pas le droit.

Elle inspira profondément puis plaqua une main sur son visage, coupant son souffle de force. Ses yeux la piquaient, comme s'ils allaient sortir de ses orbites et qu'elle exploserait de l'intérieur. Ce serait une autre mort affreuse. Elle ferma ses paupières, tous les muscles de son corps verrouillés pour ne plus bouger d'un poil. Non, elle n'avait pas le droit.

Une inspiration sifflante se fraya un chemin difficile à travers sa gorge, et elle déglutit à sec. Elle n'avait pas le droit. Elle lui devait de rester forte, imperturbable, de faire de son mieux et de ne pas se lasser abattre.

Elle n'avait pas le droit, mais elle ne pouvait pas s'en empêcher.

Le barrage céda, et la vague qu'elle contenait depuis le premier jour s'engouffra à l'air libre, emportant dans son passage le silence et le calme. Les sanglots déchirèrent son corps, brûlant ses joues. La honte, la peur était un acide qui lui rongeait la peau. Ses muscles luttaient pour la maintenir immobile, mais elle ne faisait que trembler comme une petite feuille emportée par une bourrasque de vent, ou un galet submergé par la tempête. Un étau implacable empoignait sa gorge, la suppliant de se taire, de ne pas faire plus de bruit, elle allait réveiller Reiner… Elle retira sa main d'un geste vif avec horreur et serra ses genoux à nouveau.

Un bruit.

Ses sanglots s'étranglèrent avec un hoquet, et elle se pétrifia. Un grincement de porte, des pas sur le sol, le clic de l'interrupteur… La lumière envahit la pièce, et elle essuya précipitamment ses yeux.

-Christa ? »

La voix de Reiner était encore rauque de sommeil, et entrelacée d'appréhension et de sollicitude. Christa ne répondit pas, elle s'en sentait encore incapable. Le nœud de sa gorge s'était rétracté, pour se nicher dans son plexus, mais elle devait encore retrouver sa voix. Elle continua d'essuyer frénétiquement ses larmes avec ses manches, au bord de l'affolement. Il ne devait pas voir ça ! Elle ne pouvait pas lui infliger ça !

La main de Reiner se posa sur son épaule, l'enveloppant de chaleur, et elle hoqueta. Son toucher était léger, presque imperceptible, mais réconfortant tout de même. Dans des circonstances normales, il ne se touchaient jamais. Une autre pensée transperçante qui rappelait Christa à sa condition.

-J'ai fait un cauchemar. » balbutia-t-elle au moment où Reiner ouvrait la bouche.

Elle continua à s'essuyer les yeux jusqu'à irriter la peau, puis laissa tomber ses mains sur ses genoux. Reiner ne répondit pas tout de suite. Il était probablement rester bouche bée, à chercher ses mots, et se rappeler qu'elle le connaissait bien apaisait un peu Christa.

-Si tu en as besoin, commença Reiner comme s'il marchait sur des œufs, tu peux tout me dire. Je serais là pour t'aider. »

Un sourire amer étira les lèvres tremblantes de la jeune fille.

-Merci, Reiner. Tout va bien. »

Elle n'arrivait même pas à se convaincre.

J-27