N'essaie pas de t'en tirer avec de belles phrases !
OST SNK qui se prêtent bien à l'ambiance = Shingeki St-Hrn-Gt 20130629 Kyojin
Fem-Male ← Titan
Counter Attack-Mankind
Shingeki St-Hrn- Egt 20130629 Kyojin
A1GU
E.M.A
Two-Lives
7-B §
Thanksat
Zero Eclipse (Instrumental)
… ()…
« Après une semaine intense, loin des regards et des caméras, l'attente touche à sa fin ! Ils vous ont manqué ? Il est temps de les retrouver : ils sont vingt quatre, ils sont jeunes, ils vont se battre ! Jusqu'où se sont-ils entraînés ? Mesdames et Messieurs, l'heure du premier Entraînement à 24 a sonné ! »
…
Lorsque Jean pénétra dans le gymnase, l'espace de quelques secondes, il crut qu'il s'était trompé d'endroit.
La désagréable impression de vide qui imprégnait les murs blancs et le plafond dégarni était ici complètement effacée par la quantité tout simplement ahurissante de banderoles et de caméras. Jean manqua de trébucher de surprise en voyant toutes les caméras se braquer sur lui et Minha alors qu'ils rentraient à la suite du District Six.
Il avait soudain plus envie de se terrer dans un trou de taupe plutôt que d'affronter ce qui l'attendait. Tout en face, le mur était troué pour révéler une grande baie vitrée rectangulaire, où il pouvait apercevoir les sponsors qui se désaltéraient en observant l'entrée des tributs. Derrière eux, il y avait une seconde baie vitrée donnant vue sur la salle des prestations individuelles, et Jean n'avait pas vraiment hâte à la sienne. Il ne s'était pas spécialement illustré dans quelque arme que ce soit, donc il était prêt à parier qu'il allait se coltiner une épreuve théorique.
Sur les murs de chaque côté étaient placardées de gigantesques affiches au fond noir avec les photos qu'ils étaient venus prendre la veille en leur demandant des poses ridicules, leurs noms écrits juste en dessous en lettres dorées. Une quantité impressionnante de journalistes se tenaient dans des espaces délimités, caméras à l'épaule.
Jean déglutit et croisa le regard de Minha. Le visage de la jeune fille était pétrifié dans un masque d'indifférence, mais elle était tendue des pieds à la tête, et le jeune homme ne se sentait pas très différent. Hansi les avaient longuement préparés la veille : ils devaient être endurant, car l'entraînement durait de 12:00 à 18:00, un travail de longue haleine. Ils devaient montrer de quoi ils étaient capables, suffisamment pour attirer l'œil des sponsors, mais sans révéler leur véritable potentiel aux autres tributs. Ils avaient beaucoup à faire, en somme, et Jean avait l'impression de marcher sur un fil tendu au-dessus du vide.
On les fit tous s'aligner soigneusement devant la vitre des sponsors et saluer, la main sur le cœur. Offrir son cœur pour le divertissement d'un peuple. Quelle merde. Il inspira profondément et expira, se forçant à desserrer les sourcils.
-Conny ! chuchota furieusement sa voisine. Conny, c'est la droite, putain ! »
Jean se pencha de quelques millimètres et vit que le tribut masculin du District Huit, un jeune homme plus petit que lui au crâne rasé de près, avait utilisé sa main droite pour le salut. Un murmure de gloussement se répandit alors que le dénommé Conny poussait un cri de panique un peu ridicule et se corrigeait précipitamment. Jean se retint de pouffer, et toute envie de rire lui passa subitement lorsque son regard s'arrêta sur les voisins de Conny. L'allumé du balcon ! Il adressait un petit sourire désolé à Conny, comme pour s'excuser de ne pas pouvoir l'aider. De plus près, Jean remarqua qu'il avait une sacrée collection de tâches de rousseurs disséminées sur tout le visage, ce qui le rendait très reconnaissable. Tant mieux pour lui. Pendant les entraînements à 24, il fallait être le plus distinctif possible.
Le regard de Jean glissa vers sa partenaire, et il fut aussitôt inquiété par l'expression sévère qu'elle affichait, fermement campée sur ses deux pieds. Si le garçon du District Neuf, Marco, avait l'air d'être la douceur incarnée en cet instant, alors elle était plus dure et rugueuse qu'un rocher. Jean se promit de la garder à l'œil et de mesurer de quoi elle était capable. Elle avait l'air dangereuse.
Enfin libérés après un court discours d'accueil des sponsors que Jean n'avait malheureusement pas du tout écouté, les vingt quatre tributs marchèrent d'un pas assuré vers la gigantesque zone d'entraînement, truffée de râteliers d'armes, d'ordinateurs de simulation et d'espaces de combats. Jean et Minha avaient déjà décidé de se mêler aux autres tributs, pour mesurer leur force, et former d'éventuelles alliances. Même si Jean avait l'impression que la jeune fille serait beaucoup plus abordable que lui.
Il se dirigea vers un râtelier, où deux autres tributs se trouvaient déjà, l'une avec un vrai visage de renard, et l'autre avec une coupe au bol, et semblaient se disputer sur la marche à suivre. Marlow et Hitch, comprit-il en jetant un œil vers les murs, du District Trois. Ces affiches allaient être fichtrement pratiques pour retenir les noms et les visages de tout le monde, songea-t-il avec un sourire. Il s'empara d'une lame à sa taille et suffisamment légère, et se tourna vers le terrain le plus dégagé, réservé aux affrontements. Reiner du District Un maniait distraitement une lance. Bertholt et Annie du District Deux s'étiraient ensemble. Son cerveau turbinait pour imprimer les visages dans sa mémoire, pour passer le plus vite possible à une observation plus approfondie.
Ses pensées s'arrêtèrent de défiler d'un seul coup alors que son regard accrochait la plus belle chevelure qu'il ait jamais vu. Une jeune fille venait de passer à côté de lui, et ses cheveux mi-longs se soulevaient doucement au rythme de ses pas pour frôler délicatement ses épaules, accrochant la lumière des projecteurs.
Son cerveau décida de stopper toute pensée cohérente pour lui ordonner de rattraper la jeune fille, et il obtempéra aussitôt.
-Euh...excuse-moi. »
La jeune fille se tourna vers lui et wow son visage aussi était gracieux.
-Je...je voulais juste dire, commença Jean en se maudissant de bafouiller. Je trouve que tu as de très beaux cheveux.
-Oh ? Merci... fit la jeune femme, l'expression neutre, en replaçant une mèche.
-Mikasa, est-ce que t... »
Un autre jeune homme intervint pour la rejoindre, son partenaire probablement. Eren Jäger, il s'en souvenait comme un des rares volontaires. Il s'était interrompu dans sa phrase pour regarder Jean de travers.
-Qu'est ce que que tu veux ? demanda-t-il aussitôt, se rapprochant de la fameuse Mikasa.
-Eren... soupira la jeune femme.
D'accord, le type était nerveux. Jean pouvait comprendre qu'il soit tendu, mais ce n'était pas une raison pour lui parler comme ça.
-À toi ? Rien, rétorqua Jean, déjà agacé par son ton. C'est à elle que je parle.
-Dommage, elle n'a rien à te dire. » fit le jeune homme avec dureté.
Ce culot !
-Et qu'est ce que t'en sais ? fit Jean d'un ton condescendant en croisant les bras sur son torse. Tu la connais si bien pour parler à sa place ?
-On est amis d'enfance, attardé. » siffla-t-il.
Il remarqua à peine le moment où leurs visages s'étaient rapprochés avec défiance, tordus dans une grimace de colère. Il venait d'entendre Minha qui lui disait de se calmer, et quelques autres voix qu'il ne connaissait pas, mais il avait juste envie de lui fermer la bouche avec un bon coup de poing dans la mâchoire.
-Ah ouais ? Dommage, ça change rien au fait que je vais te péter la gueule si tu continues à me parler sur ce ton, annonça-t-il en empoignant le col d'Eren.
-Amène-toi, enfoiré ! »
Le poing d'Eren fusa vers son adversaire, et Jean ne parvint à l'esquiver qu'à moitié, les phalanges raclant sa joue. Il est timbré !
-Mais vous êtes malades ! »
Fulminant, Jean répondit par son propre poing dans l'épaule d'Eren, mais il se prit aussitôt un coup au visage qui le désarçonna. Il s'apprêtait à charger à son tour, quand un bras solide vint s'interposer entre eux deux.
-Bon, ça suffit ! » s'écria le jeune homme blond qui venait d'intervenir
Il sentit deux personnes agripper ses bras et le ramener en arrière.
-Jean, arrête ! » fit Minha en serrant son poignet.
Il se débattit brièvement alors qu'il revenait à ses sens. L'autre type qui le retenait était plus grand que lui et il avait les mêmes cheveux rasés de près que Conny. Jean souffla bruyamment et hocha la tête, lassé. Ils le relâchèrent et il se tourna vers Eren, en espérant ne pas avoir été le seul à s'être fait arrêté. Il le regretta immédiatement : Mikasa était la seule à ses côtés et lui parlait, une main sur son épaule, mais il la repoussa avec agacement.
Jean se tendit à nouveau, mais la main de Minha retint son biceps aussi sec, et il reçut un regard noir de la jeune fille. Elle secoua la tête et pointa du menton la vitre des sponsors. Jean sentit son estomac remonter dans sa gorge lorsqu'il vit leurs regards désapprobateurs. Oh.
Merde. Il venait de se donner en spectacle de la pire des manières. Cette altercation avec Eren tenait plus du drama de basse cour que d'un véritable affrontement de tributs, et les sponsors l'avaient probablement déjà catégorisé comme un gamin soupe au lait qui s'énervait à la moindre contrariété. Merde.
Il soupira et se pinça le nez un bref instant. Le pire, c'est qu'ils avaient raison. Il s'énervait parfois beaucoup trop vite, et il s'était pourtant promis de maîtriser son humeur. Il releva la tête et adressa un hochement de tête à Minha.
-C'est bon, je suis calmé.
-Tant mieux, fit-elle avec un sourire. Allez viens, il faut qu'on s'entraîne avec les autres. »
…
-Eren…
-Laisse, c'est bon. » grinça le jeune homme en repoussant la main de sa partenaire.
Sans regarder si elle le suivait, Eren s'éloigna. Ses poings le démangeaient, il aurait aimé toujours tenir le col du connard arrogant pour pouvoir lui péter une ou deux dents et se calmer. Il fallait qu'il déverse sa rage sur quelque chose.
Toujours sur le même pas assuré, il jeta un discret coup d'œil en arrière. Mikasa s'était rendue vers des ateliers de traction où traînaient aussi Ruth, Samuel et Minha. Son humeur massacrante s'adoucit : elle veillait à le laisser un peu seul, comme il lui avait demandé.
Il retourna la tête afin de scanner les environs, il passait près des ateliers de tirs. Arcs, dagues, arbalètes étaient de mise mais au lieu de viser leurs cibles, les tributs présents verrouillèrent leur regard sur Eren.
Il avait vraiment dû s'illustrer dès le début grâce à ce crétin de première catégorie. Le jeune tribut ne comptait pas s'exposer encore plus qu'il ne venait de le faire. Il tînt les regards amusés, hésitants et curieux de Sasha, Marco et Ursula. Eren ne regrettait pas sa récente prise de risque : il leur avait montrer à tous qu'il valait mieux pour eux de ne pas toucher Mikasa, sous peine de se faire étriper ! À moins que son statut de volontaire ne lui ait donné cette réputation auprès des autres…
-Hey, Eren ! Ça va ? Je suis désolé de t'avoir interrompu comme ça… »
L'intéressé pivota vers la voix qu'il avait reconnue. Thomas se tenait à quelques pas de lui et se grattait le sommet du crâne, attendant sa réaction.
-Ouais, ça va, lâcha Eren.
-Oh. Okay, tant mieux alors ! Vu que t'es parti juste après, je me demandais si je t'avais vexé, se justifia le grand blond dans un gloussement gêné.
-Je suis juste parti m'entraîner.
-Tu t'entraînes pas avec Mikasa en fait ? Je pensais que tu serais avec elle… » s'étonna l'autre tribut.
Le sang d'Eren ne fit qu'un tour. Il ne savait pas par où commencer : que Thomas s'inquiète de s'être mis à dos un de ses futurs meurtriers ? Ou qu'il sous-entende qu'Eren devait rester dans les pattes de Mikasa comme un boulet ?
-Non. Je vais aller taper sur des mannequins, là. Je me suis assez reposé sur elle pour aujourd'hui ! » affirma-t-il en tournant les talons.
C'était reparti pour un tour, il dépendait encore de Mikasa. Ça faisait même pas une heure qu'ils étaient là et tout le monde avait déjà grillé. Il répondit au « Bon courage ! » enthousiaste de Thomas par un signe de main distrait et se dirigea vers l'atelier de combat.
« Christa Lenz ! Christa Lenz ! »
La voix sifflante résonna dans les haut-parleurs de la salle avec un crépitement strident et le fit sursauter. Les prestations individuelles commençaient. Et à priori, c'était les dames d'abord. Il lâcha un râle : il serait donc le dernier à passer ! Il allait devoir économiser ses forces à fond tout en montrant aux autres qu'il pouvait s'en tirer sans Mikasa… un sacré programme. Un grand merci à la cervelle vide de tout à l'heure pour l'avoir empêtré dans cette situation !
...
Eren se rapprochait : les bruits étouffés des coups que les mannequin absorbaient l'informaient de la présence d'autres tributs à l'atelier de combat à mains nues. Il y reconnut Annie et Bertholt, les discrets du District Deux, ceux qui s'entraînaient régulièrement au combat dans la journée et qu'il avait déjà surpris.
Il les rejoignit et se posta devant un des mannequins. Il était plus grand et large que lui, noir avec des cercles rouges plus ou moins prononcés pour indiquer l'emplacement des points sensibles. Il le frappa d'un poing sec et maîtrisé dans le plexus solaire, réprimant un grognement d'effort entre ses dents. La cible en latex souple pivota sur elle-même et ses bras ballants vinrent cingler les épaules d'Eren.
-Aïïeuhh ! » beugla-t-il avec un mouvement de recul.
Il fallait qu'il travaille aussi son esquive. Le tribut ne put résister à la tentation et hasarda un coup d'œil éclair vers les deux autres. Annie rouait de coups les côtes du mannequins en bondissant sur ses appuis, elle en évitait toutes les contre-attaques. Et Bertholt le fixait, lui, d'un air intrigué et inquiet. Mais c'est pas vrai ! Arrêtez de me regarder que quand je fais de la merde !
-Vas-y, Eren ! Montre à ce mannequin de quel bois tu te chauffes !
-Ouais, fais lui bouffer les pissenlits par la racine à ce gros tas de latex ! »
Le jeune homme fit volte-face, rouge de colère. Conny et Sasha agitaient les bras quelques mètres plus loin.
-Vos gueules ! »hurla-t-il, frustré, avant de s'éloigner.
Il lui fallait une pause, sinon il allait empirer la situation, se ridiculiser encore plus jusqu'à ce que Mikasa ne lui vienne en aide et achève sa dignité. Il continua de reculer de quelques pas en essayant de respirer moins fort quand une idée jaillit dans son esprit.
Il revînt sur ses pas, dépassa Bertholt qui avait repris son exercice et fit une halte près d'Annie.
-Tu veux bien m'affronter ? » lui lança-t-il.
L'exclamation étouffée de Bertholt fut la première réponse qu'il obtînt mais ce n'était pas celle qu'il cherchait. La jeune femme finit par tourner la tête vers lui et replaça une mèche blonde derrière son oreille avant d'acquiescer. Eren sourit d'excitation. Il avait observé Annie sans qu'elle le sache, il avait un avantage sur elle !
Les deux adversaires s'étaient décalés sur le petit ring à coté et Bertholt les avait suivi. Eren ferma les poings et fléchit les genoux, prêt à encaisser le premier coup. Lorsqu'elle attaquait, Annie commençait très souvent par une balayette. Il cligna des yeux à son adversaire pour lui signaler qu'elle pouvait commencer.
En deux secondes, Annie avait foncé sur lui et entamé sa célèbre balayette droite. Eren abaissa le poing, la bloqua, lança une fulgurante droite vers le nez de la tribut mais fut bloqué par la paume de son adversaire. Aussi vive qu'un éclair, Annie se retourna, dos à Eren, le poing du jeune homme toujours dans la main. Elle le ramena sur son épaule et lui saisit le coude. L'élan que lui avait donné ce mouvement soudain fournit à la jeune blonde toute la force nécessaire pour envoyer Eren valdinguer au dessus d'elle. Annie était l'éclair et Eren, la foudre qui s'abattait sur le sol.
Eren avait cru lire une lueur de stupeur dans le regard de son adversaire alors qu'il avait arrêté sa balayette, mais là il ne pouvait pas penser à autre chose qu'à son menton et à sa nuque qui lui faisaient un mal de chien.
-Ça va, Eren ? Annie vient de passer sa prestation individuelle en combat à mains nues, t'as pas pris le meilleur domaine pour te mesurer à elle, lui avoua Bertholt.
-Encore une fois ! implora-t-il en se relevant tant bien que mal.
-Non, fit-elle d'un regard glacial, Bertholt va t'affronter.
-Hein ?! T'es sûre, Annie ? s'affola le grand brun alors que sa camarade le pointait du doigt.
-C'est plus équitable, se justifia la demoiselle.
-Merci, ça fait plaisir… déclarèrent les deux jeunes hommes en cœur.
-Aw, t'es certaine, Annie ? Tu veux pas continuer à rétamer Eren ? C'est assez plaisant à voir, pourtant. » persifla une voix non loin de là.
Eren fusilla Floch du regard. Le roux se tenait au bord du ring, un sourire narquois aux lèvres et les mains dans les poches. Les poings du jeune brun ne demandaient qu'à faire comme ses yeux verts mais Bertholt le retînt par les deux épaules.
-Ne recommence pas, Eren ! »
Le grand brun avait bien raison mais il était hors de question que ce nouveau spécimen de prétentieux se foute ouvertement de lui comme ça.
-Non mais Floch, tu le fais exprès ou quoi ? Tu te rappelles ce que notre prof a dit ? On doit pas faire de grabuges. »
Sandra - si Eren se souvenait bien - la camarade de Floch, lui asséna un coup de poing dans l'épaule pour le détendre et l'emmena plus loin. Bertholt relâcha alors Eren et, après une lourde expiration du jeune homme, les deux prirent place.
Le tribut du District Douze se remit en position de combat. Il ne voulait pas refaire l'erreur de sous-estimer un des deux martialistes du District Deux mais la posture de Bertholt le laissa penser qu'il avait ses chances : le grand brun était cambré, les poings bas et les genoux mal positionnés. Une balayette et c'était réglé.
-Allez Eren ! Tu peux le faire ! Quand t'auras battu Bertholt, ce satané mannequin n'aura plus qu'à faire ses prières ! beuglèrent encore Sasha et Conny.
-Mais vous avez rien d'autre à foutre ?! » s'offusqua l'intéressé en les foudroyant de ses prunelles.
Les deux comiques prirent un air choqué et pointèrent du doigt vers Eren. Déconcerté, le jeune homme se retourna. Bertholt lui fonçait dessus ! Il esquiva le coup de poing du grand brun mais sentit un courant d'air lui rafler le nez.
Eren riposta lui aussi par une série de poings mais Bertholt les barrait de ses coudes. Ses phalanges claquaient contre les os mais le jeune homme n'allait pas en démordre. Le rythme de ses coups s'affaiblit et Bertholt en profita pour lancer une contre-offensive. Eren dressa à son tour ses coudes et le para.
Bertholt frappait et Eren cogitait. Le grand brun semblait plus endurant que lui. Trouver une ouverture, sinon il s'épuiserait.
Le discret élève d'Annie ramena son poing vers lui pour le diriger à nouveau vers Eren. Un quart de seconde. Ça lui suffit. Eren lança le sien vers le ventre de son adversaire. Son rythme cassé, Bertholt paniqua et redirigea à moitié le coup d'Eren en abaissant son bras encore libre. Les jointures d'Eren touchèrent la chemise d'entraînement du grand brun.
Il ne devait pas se faire emporter par l'élan ! Bertholt repartait à l'attaque ! Eren se vrilla pour retenir ses coups avec les paumes. Il resserra son emprise sur les poings de Bertholt qui remuaient frénétiquement. Eren ne le laisserait pas s'échapper.
La fermeté de son adversaire l'étonna. Bertholt avait beau être plus tendu qu'un fil de fer, il avait de la force dans les bras ! Et maintenant le grand brun se servait de la prise d'Eren sur ses poings pour le déstabiliser, il essayait de les écarter pour tenter une clé de bras. Eren serra les dents.
Bertholt relâcha un peu la force d'un de ses bras. Une ouverture ! Eren invoqua toute sa puissance. L'instant de concentration lui fit perdre le contrôle, Bertholt déplaça son poing et celui d'Eren. Les bras du jeune homme se retrouvèrent l'un sur l'autre. Bertholt appliqua une pression dessus et commença à faire descendre Eren.
Merde ! Bertholt poussa sur les bras d'Eren. Il allait le mettre à genoux. S'il y avait un moment pour tenir, c'était là ! Il bloqua ses genoux. Ils devaient être solides comme du bois, non, du métal ! Il ne put contenir le grognement que l'effort lui demandait. Bertholt le fixait avec une grande concentration… et un peu de peur ?
Eren perdit subitement l'équilibre et tomba au sol. Bertholt venait de lui faire une balayette. Bien sûr ! Il était l'élève d'Annie, forcément qu'elle le lui avait appris ! Il rebondit au sol avec un grognement de douleur. Il avait perdu.
-Waouh, c'était quelque chose ! T'as besoin d'aide ? fit Bertholt en lui tendant la main.
-Merci. T'as plus de force que ce que je croyais, confia Eren alors qu'il se relevait avec l'aide de Bertholt.
-Ma prestation individuelle portait sur ma force physique. J'essaie de la développer. Je crois que ça a plu aux sponsors. »
Eren demeura interdit un instant. Il se décida à répondre au moment où le grand brun se mit à l'observer d'un air inquiet.
-Pourquoi tu me racontes tout ça ? C'est censé être privé. Si tu veux gagner les jeux, c'est super con, lâcha-t-il.
-Oh, c'est juste une question de principe. Je te devais des explications après notre combat, voilà tout. » se justifia Bertholt, tout sourire.
Annie les avait rejoint et elle hocha la tête en réaction aux propos de Bertholt, ce qui fit briller les yeux du grand brun. Eren se frotta la tête, puis fit s'échapper un léger soupir d'agacement.
-Moi, je… suis une formation sur la survie en forêt… on observe tout ce qu'il peut y avoir comme indices à récolter là-bas. » marmonna-t-il.
Le visage de Bertholt s'illumina encore plus.
-Ça a l'air passionnant ! En plus c'est super enrichissant pour les questions plus pratiques qu'il faudra se poser…
-Bon, bah j'vous laisse ! Merci ! » le coupa Eren en descendant du ring.
Non seulement il n'avait pas envie de continuer à parler des jeux à venir avec ses futurs victimes, mais il venait d'apercevoir Reiner passer. Qu'importe s'il allait se prendre une troisième défaite consécutive, celui-là, il fallait qu'il l'affronte !
Alors qu'il courait après le blond, il se réjouit de voir que Conny et Sasha avaient déguerpi.
-Qu'est-ce que tu veux ? »
La question froide posée par Reiner l'arracha à ses pensées. Le blond massif s'était retourné et le toisait d'un air méfiant.
-Voir ce que je vaux contre toi. » répliqua Eren d'un ton tranchant d'honnêteté.
Cela eut au moins le mérite d'arracher un sourire au tribut du District Un. Il prit instantanément une position de combat.
-Attends, on fait ça là ? Tu veux pas aller sur un ring ?
-Y aura pas de ring dans la forêt.
-Ha ! Bien dit ! » s'exclama Eren en se préparant à affronter le favori des sponsors.
Sans attendre le moindre signal de la part de son adversaire, il chargea sur Reiner… et s'arrêta net à quelques centimètres du torse. La main de Reiner, plaquée sur son front, le retenait. Il n'avait même pas le bras assez long pour le frapper !
-Attends…
-Merci, j'attends, oui ! Tu fous quoi, putain ?! »
Il manqua de tomber en avant quand Reiner enleva sa main. Eren fit volte-face et vit le blond partir vers la zone d'entraînement au tir. Non mais j'hallucine, il m'a oublié ou quoi ? Bougonnant, il lui emboîta le pas : hors de question de le laisser partir sans ce match !
Il suivit Reiner jusqu'à un râtelier d'arcs et d'arbalètes en tout genre, quelques pas plus loin. Le blond massif discutait auprès de Marco, ce dernier tenait une arbalète. Eren pouvait maintenant entendre ce qu'ils disaient. Il comprit très vite ce qui se passait : Reiner était en train d'aider Marco !
-Tu devrais plutôt mettre tes doigts comme ça, tu vois ? »
Marco hocha la tête vigoureusement, Reiner lui redonna l'arbalète. Le jeune homme aux cheveux noirs s'appliqua à placer ses doigts comme Reiner venait de lui montrer, puis il plaça l'arme dans sa ligne de mire et se tourna vers une des cibles. Avec un calme assez déconcertant, il tira un carreau mais manqua la cible.
Reiner prit son menton entre deux doigts, Marco pivota vers lui et Eren.
-Peut-être que je peux ajuster le télescope de l'arbalète… comme un fusil ?
-Hmm, ça vaut le coup d'essayer. Tu maîtrises bien les fusils ?
-Ouais, plutôt bien. Mon père m'a emmené chasser quelques fois. Mais bon, c'est dommage pour moi qu'il n'y en ait pas aux Hunger Games. répondit Marco, les yeux rivés sur le télescope de l'arme qu'il manipulait. Okay, je réessaie. »
Le tribut du District Neuf plaça le fût sur son épaule, doigt sur la gâchette, yeux sur la cible. La concentration intense de Marco continua de donner des frissons à Eren : il ne l'avait jamais vu comme ça. Marco avait cette réputation de garçon au cœur sur la main, mais là Eren voyait le futur tueur en lui s'éveiller.
Marco appuya sur la gâchette. La carreau partit dans un sifflement et se planta dans la cible. Le jeune homme avait raté le mille mais maintenant il savait tirer à l'arbalète. Eren détourna le regard vers Marco qui rayonnait de joie et tapait dans la main de Reiner en le remerciant. Eren allait réclamer son match à Reiner quand la voix enjouée du grand aux cheveux noirs l'interrompit.
-Merci à toi aussi, Eren !
Merci pour quoi ? Le large sourire dessiné sur les lèvres de Marco provoqua comme un pincement au cœur d'Eren. Ils étaient censés être ennemis, démontrer l'étendue de leur force et ne pas s'entraider, alors pourquoi se disait-il qu'il aurait aimé l'avoir aidé pour de bon ?
…
-Qu'est ce que tu veux ? demanda Reiner, méfiant, au gamin qui le regardait avec des étoiles dans les yeux.
-Voir ce que je vaux contre toi. »
Reiner fut aussitôt amusé par l'enthousiasme vibrant d'honnêteté du jeune homme. Ce fameux Eren avait l'air d'en avoir dans le ventre. Reiner sentit l'adrénaline se frayer un chemin dans ses veines alors qu'il se mettait immédiatement en position.
-Attends, on fait ça là ? Tu veux pas aller sur un ring ?
-Y aura pas de ring dans la forêt. » rétorqua-t-il avec un ricanement.
Mais juste derrière Eren, Reiner aperçut Marco, le garçon qui l'avait abordé à la bibliothèque il y a deux jours, et s'était mis à discuter avec lui sans aucune raison apparente. Il était à deux doigts de se faire très mal avec la corde ! Aussitôt, il arrêta Eren et lui passa devant pour rejoindre le jeune homme aux tâches de rousseur.
-Marco. »
L'interpellé se tourna vers lui et, fort heureusement, détendit sa prise sur la corde.
-Oh, bonjour Reiner ! Ç'a été, ta prestation individuelle ? »
Encore une fois, le tribut était surpris par l'amabilité du jeune homme. C'était comme s'il n'y avait pas une once d'agressivité dans son cœur ! Et Reiner appréciait infiniment la petite bulle de confort qu'il offrait à tous ceux qui lui parlaient.
-Oui, je pense que oui, répondit-il. Qu'est-ce que tu fais avec cette arbalète ?
-Eh bien comme tu le vois, fit Marco avec un sourire penaud, j'essaie de tirer avec.
-Donne-moi ça. »
Marco lui tendit l'arme avec hésitation et Reiner entreprit de lui expliquer comment s'en servir.
-Ces arbalètes sont des modèles plus imposants, l'extrémité du fût ne se coince pas contre l'aisselle, mais s'aligne sur ton épaule. Et si tu le tiens comme ça (il se mit dans la position que Marco avait), tu vas t'arracher les doigts parce que la corde va claquer dessus. Tu devrais plutôt mettre tes doigts comme ça. »
Marco acquiesça avec énergie, les sourcils froncés de concentration. Dès que Reiner lui rendit l'arbalète, il se remit en position et plissa les yeux pour viser. Le tribut du District Un se sentit fier d'être capable d'enseigner quelque chose à son tour. Il n'en avait jamais eu l'occasion auparavant, avec tout ce qu'il devait apprendre de ses professeurs et ses entraîneurs, et il devait admettre que le sentiment n'était pas désagréable.
Toute l'attention de Marco était focalisée sur sa cible, ses traits doux accentués par sa concentration, et Reiner sentit une sorte de détermination affûtée émaner du jeune homme, comme s'il n'avait d'autre but dans la vie que de tirer droit dans le centre. Il se prit à s'inquiéter pour quiconque aurait le malheur de se retrouver sur le chemin de cette détermination.
Il rata sa cible, mais son échec ne fit rien pour le déterrer. Le menton entre deux doigts, Reiner réfléchit. Comment pouvait-il faire pour que Marco réussisse à mieux viser ? Il voulait aider ce jeune homme qui l'avait abordé à la bibliothèque, qui l'avait sorti quelques instants du tourbillon de pensées qui l'oppressait. Il voulait lui rendre la monnaie de sa pièce. Mais apparemment Marco se débrouillait très bien tout seul pour trouver ce qui lui convenait :
-Peut-être que je peux ajuster le télescope de l'arbalète… comme un fusil ?
-Hmm, ça vaut le coup d'essayer. Tu maîtrises bien les fusils ?
-Ouais, plutôt bien. Mon père m'a emmené chasser quelques fois. Mais bon, c'est dommage pour moi qu'il n'y en ait pas aux Hunger Games, répondit Marco, les yeux rivés sur le télescope de l'arme qu'il manipulait. Okay, je réessaie. »
Reiner le regardait faire les ajustements nécessaires, le cœur un peu battant. Il avait l'impression d'assister en direct à l'évolution du jeune homme, et il avait hâte de voir ce que ça allait donner. Du coin de l'œil, il vit que Eren les avait suivis. Heureusement, il avait été bon joueur et s'était retenu de les déranger, se contentant d'observer. Reiner l'en remercia silencieusement.
Marco tira, toujours avec la même concentration. Le carreau se ficha dans la cible avec un bruit satisfaisant. Objectif accompli ! Marco fit volte-face vers lui en tendant le bras, et pendant un instant Reiner ne sut que faire, avant de se rappeler de ce que le jeune homme attendait de lui. Il frappa dans sa main avec un léger temps de retard, répondant à son large sourire par son propre rictus amusé.
-Merci pour ton aide, Reiner ! Et merci à toi aussi, Eren ! »
Reiner lui assura qu'il n'y avait pas besoin de le remercier, et d'un coup Eren était à nouveau dans ses pattes.
-Bats-toi avec moi, Reiner ! » exigea-t-il en serrant les poings, comme un enfant persuadé qu'on va lui refuser son jouet.
« Eren Jäger ! Eren Jäger !»
Le visage d'Eren se décomposa brutalement alors qu'il entendait son appel. Marco éclata de rire et Reiner cacha un pouffement derrière sa main pendant que le jeune homme traînait des pieds vers la vitre des sponsors, non sans avoir assuré Reiner qu'il reviendrait le chercher.
Le tribut devait avouer que l'insistance d'Eren était déconcertante. Il n'hésitait pas du tout à affirmer ce qu'il voulait et à venir le chercher, dans un tourbillon d'énergie qui ne manquait pas de rebondir sur les autres et de les influencer à leur tour. Il avait lui-même soudainement envie de se mesurer à quelqu'un. Comme son partenaire auto-proclamé venait de se faire appeler, il décida de rejoindre la zone des combats à mains nues, sous la scrutation inquisitrice de quelques caméras.
Son regard se porta sur les deux tributs du District Deux, Annie et Bertholt, et il trouva que c'était une bonne idée. Il était déjà familier avec eux, particulièrement Bertholt avec qui il avait beaucoup discuté dans la bibliothèque, et Annie serait un adversaire de taille. Si elle parvenait à entraîner Bertholt jusqu'à ce qu'il atteigne son niveau, les deux serait inarrêtables. Ils faisaient partie de ceux que Reiner devrait soit entraîner dans une alliance, soit éliminer sur-le-champ, se rappela-t-il en déglutissant.
Il s'accouda au bord du ring pour les observer. Le regard de Bertholt accrocha aussitôt le sien, et le plus grand lui adressa un rapide sourire qui donna tout le temps à Annie de l'envoyer au sol, et Reiner grimaça en entendant le son résonner. Ce ne fut qu'après avoir rétamé Bertholt qu'Annie se tourna vers lui pour lui adresser un bref hochement de tête, qu'il lui rendit.
Bertholt se releva presque aussitôt alors qu'Annie lui parlait :
-Fais attention à ne pas te laisser distraire par ton environnement. »
Il acquiesça avec volonté et posa une ou deux questions à propos de leur combat.
-Quand tu me fauches les pieds comme ça, est-ce que je devrais plutôt essayer de t'emporter avec moi en arrière, ou plutôt m'éloigner pour reprendre de la distance ?
-Ça dépend. Fie-toi à ton instinct pour ça. »
Reiner le suivit des yeux alors qu'ils reprenaient. Bertholt était discret, et tenace. Reiner se demanda s'il aurait jamais remarqué sans s'intéresser au personnage. Il encaissait les coups, mais se relevait aussitôt. Il attaquait et défendait, mais sans une once d'animosité. Il était le plus grand et probablement un des plus faciles à repérer parmi les tributs, mais il n'attirait jamais l'attention. Était-ce intentionnel, ou simplement dans sa nature ?
Il se rendit compte que de tout le match, il n'avait fait qu'observer Bertholt, et se fustigea. Il était là pour observer ses adversaires, d'accord, mais il fallait qu'il observe tout le monde ! Il secoua la tête pour se reconcentrer et sauter à l'intérieur du ring. Les deux se tournèrent vers lui avec curiosité.
-Annie, est ce que tu veux bien m'affronter ? »
La jeune fille le sonda de ses yeux clairs, et malgré le fait qu'il devait baisser la tête pour la regarder dans les yeux, il se trouva désarmé par la nonchalance qui imprégnait ses gestes. Derrière lui, Bertholt les observait, dans l'expectative. Apparemment, Annie avait déjà esquinté pas mal de monde, mais le jeune homme ne pouvait probablement pas s'empêcher de s'inquiéter au moins un peu pour sa partenaire. Reiner le comprenait, d'une certaine façon. Mais il ne comptait pas se laisser faire.
-D'accord. » lâcha Annie.
Reiner se mit aussitôt en position, et Bertholt recula pour leur laisser de l'espace.
-Bon courage, vous deux ! » lança-t-il en enjambant la barrière.
Ils se regardèrent dans les yeux un moment, pendant que Reiner évaluait la position de la jeune fille. Elle était prête à frapper fort et vite, et comptait probablement sur sa vitesse. À l'inverse, Reiner se positionnait plutôt de façon à être capable d'encaisser quelques coups. Presque d'un seul mouvement, ils commencèrent à tourner lentement en rond, chaque pas calculé et contrôlé, sans que l'un ne se décide à attaquer l'autre.
Reiner déplaça sa jambe d'appui très légèrement, créant une ouverture pour inciter Annie à l'attaquer. La réaction de la jeune fille le surprit : elle fronça les sourcils brusquement, puis se jeta sur lui. Elle chargea droit sur son ventre, et Reiner ne put l'arrêter que de justesse en balayant son poignet. Mais la jeune fille profita de l'élan supplémentaire pour plier son bras, et son coude percuta les abdominaux de Reiner avec force. Il n'y avait aucun doute qu'elle avait visé son plexus solaire.
Reiner encaissa le choc et se glissa sur le côté, dans l'objectif d'attraper la tête d'Annie et la plaquer contre son épaule. Mais la jeune fille était souple comme une anguille et plongea au sol pour percuter son genou avec son coude. Reiner vacilla, mais agrippa son épaule pour l'entraîner avec lui. Elle se dégagea pendant la chute et roula hors de portée. Reiner bondit sur ses pieds, juste à temps pour la voir lui foncer dessus à nouveau comme un chat sauvage. Les dents serrés, il tordit son bassin pour l'intercepter avec son épaule.
Elle l'esquiva et se faufila derrière lui avec une vitesse qu'il n'avait pas encore vue chez elle. Incapable de se dégager, il la sentit s'accrocher à son dos et enserrer son cou dans une prise. Reiner était en difficulté. En vérité, il n'avait qu'à saisir le poignet d'Annie qui l'étranglait et serrer jusqu'à lui casser quelque chose (vu la finesse de sa stature, il s'en sentait capable). Malheureusement, ils étaient en entraînement et les sponsors ne lui pardonneraient pas d'abîmer une des favorites.
Il tenta de l'entraîner contre les cordes, mais elle avait heurté son genou plus fort que ce à quoi il s'attendait. Il trébucha et tomba au sol, et Annie en profita pour bloquer ses bras avec ses jambes. Il ne pouvait plus rien faire. Il sentit une panique temporaire lui ordonner de se dégager, se relever, se battre et vaincre, mais Annie desserra sa prise presque immédiatement.
-J'ai gagné. » annonça-t-elle sur le ton de l'évidence.
Elle relâcha complètement Reiner et le jeune homme s'accroupit, hébété. C'était déjà fini ? Il leva les yeux vers Bertholt qui les avait rejoints et lui tendait la main, un sourire embarrassé sur les lèvres.
-Ça va ? demanda-t-il alors que Reiner acceptait son aide. Elle n'y va jamais de main morte. »
Annie répliqua en soufflant du nez, et Bertholt laissa échapper un petit rire gêné, puis se pencha vers Reiner, et le tribut se prit à faire de même pour l'écouter :
-Je crois qu'elle n'a pas aimé que tu la provoques en laissant une ouverture exprès. »
Reiner acquiesça, les yeux écarquillés. Il l'avait vexée ? Il n'aurait jamais deviné si Bertholt ne lui avait pas dit. Bertholt serra la main de Reiner et le relâcha enfin, avant de s'excuser pour rejoindre Annie qui s'éloignait déjà, sûrement pour éviter qu'il n'insiste pour une revanche. Reiner les regarda partir, occupé à démêler le pêle-mêle de ses impressions. Annie était forte, très forte, et il devait définitivement la garder à l'œil. Mais étrangement, Bertholt l'intriguait encore davantage.
Il passa son regard sur le gymnase, interceptant les journalistes enthousiastes et les caméras infatigables qui n'avaient probablement rien manqué de cette échange. Il trouva enfin Christa, assise sur un banc, qui buvait de l'eau. Même d'ici, il pouvait voir qu'elle était tendue.
Il la rejoignit de suite, et elle leva les yeux lorsqu'il arriva dans son champ de vision. Elle avait l'air épuisée, mais elle se redressa immédiatement et referma le goulot de sa bouteille avec un air qu'il n'arrivait pas tout à fait à identifier.
Un flash d'appareil lui donna la réponse, et il foudroya du regard le journaliste qui venait de les prendre en photo, pas assez longtemps pour qu'on ne puisse l'enregistrer à son tour. Toutes ces caméras, c'était pesant pour elle, devina-t-il.
Depuis tout petit, il affrontait le jugement sans appel de son père et de ses formateurs de front, impatient de satisfaire leurs attentes. Mais Christa n'était pratiquement entourée que de son père, qui veillait sur elle avec véhémence, sa mère, et Reiner, qui faisait toujours de son mieux pour la mettre à l'aise. Les regards de milliers de personnes dardés sur elle qui guettaient ses moindres faits et gestes, et surtout le moment où elle ne parviendrait plus à garder le moral, devait être plus qu'éprouvant pour la jeune fille.
Il s'assit à côté d'elle avec la ferme intention de s'interposer entre elle et les caméras, et se réjouit d'avoir cette taille et cette corpulence. Christa lui adressa un petit sourire reconnaissant.
-Comment ça va ? demanda-t-il le plus doucement possible.
-Ça peut aller, souffla-t-elle. Je reprends un peu de forces et j'y retourne. Merci d'être là. »
Reiner se sentait fier de recevoir la gratitude de la jeune fille. Il lui répondit par son propre sourire et il restèrent assis côte à côte un instant, dans un silence posé. Il serra son poing, rappelé à sa détermination. Il aiderait Christa. Il la protégerait, il la servirait. Le doute instillé par les paroles de son mentor se dissipa, et il prononça cette promesse à lui-même.
…
Christa avait l'impression que le tissu de son pantalon d'entraînement se greffait à ses mains tellement elle le serrait. Ses yeux se perdaient dans la fixation des chiffres de l'ascenseur qui indiquait leur progression. Si elle restait immobile, elle arriverait peut-être à arrêter le temps et ne pas avoir à passer cette interview.
La jeune demoiselle secoua la tête, bien consciente que ce n'était même plus la peine de rêver et se décida à lancer un regard vers Reiner. Son compagnon de toujours se tenait une fois de plus à ses côtés, l'air grave et serein. C'était comme s'il savait à quoi s'attendre, qu'il connaissait déjà toute la configuration de la salle des interviews, seul endroit du campus où ils n'avaient pas l'accès libre. L'espace se trouvait au-dessus de la bibliothèque et n'était accessible qu'avec un ascenseur dont la clé n'était même pas confiée aux mentors.
Tout le secret et l'organisation des jeux se reflétaient dans ces lourdes précautions et Christa emprisonnait ses doigts dans le vêtement.
Heureusement qu'Erwin aussi les avait accompagnés jusqu'au vestiaire où on leur présenterait plusieurs accoutrements à enfiler pour passer l'interview, telles des stars martyres. Son instructeur avait toujours l'air assez curieux d'en apprendre le plus possible sur les coulisses du Capitole. La tranquillité que lui inspirait les bras croisés et les paupières closes de son professeur adossé au mur incita Christa à relâcher sa prise nerveuse.
La porte métallique de l'ascenseur s'était ouverte sans aucun bruit et ils furent menés vers un long couloir où se trouvaient les vestiaires, ainsi que la fameuse salle d'interview.
-Bon courage à vous deux, prenez ça comme une simple formalité. » les salua Erwin, interdit d'aller plus loin.
Reiner hocha la tête avec respect et Christa fit de même alors que leur mentor s'éloignait. Erwin pensait que les Entraînements à 24 étaient le meilleur moment pour faire ses preuves et séduire le Capitole, il ne leur avait donc rien enseigné sur les interviews. Les deux du District Un pénétrèrent dans les vestiaires et choisirent leurs vêtements confectionnés par le Capitole.
La robe carmin qu'elle avait choisie offrait un bustier moulant qui dénudait ses épaules. Une ceinture de même couleur en forme de rose nouait sa taille. Le bas de la tenue se terminait en plusieurs plis bouffants qui cascadaient derrière elle. Elle portait également une barrette, représentant trois roses carmin, qui liait sa chevelure miel.
La délicatesse de sa robe l'avait retardée sur Reiner, elle poussa la porte des vestiaires pour le découvrir, attendant dans le couloir, les mains dans les poches de son pantalon de velours noir. Il lui sourit.
-Tu es très belle.
-Merci, toi aussi. » fit-t-elle en passant la main dans sa queue de cheval.
Elle pensait ce qu'elle disait. Son garde du corps avait beaucoup de prestance dans son smoking noir en cachemire et mohair. Le nœud papillon complimentait à merveille sa chemise blanche de coton. Si le poids de sa mort imminente ne lui pesait pas autant sur les épaules, Christa se serait certainement prise à imaginer qu'elle était une princesse, prête à être conduite au bal.
Non, elle n'allait pas au bal mais à une foire d'élevage du bétail. On allait commenter sa belle robe, sa jolie taille, comment elle avait l'air heureuse et épanouie et puis elle mourrait.
Christa avait pourtant décidé de regarder la mort en face, ça ne la dérangeait plus de se savoir condamnée, mais le culot du Capitole à vouloir profiter de leurs espoirs écrasés pour se faire de l'audimat avant le début des jeux la mettait hors d'elle.
La jeune demoiselle en avait plus qu'assez d'attendre après leur tortionnaire pour qu'il se moque d'eux. Elle espérait pouvoir crever l'interrupteur rouge qui affichait ON au-dessus de la porte qui menait à la salle d'interview. Ce qui la rendait aussi rouge que sa robe, c'était aussi la désagréable angoisse qu'elle ne parvenait pas à chasser.
Elle s'était peut-être résignée à son sort, mais Reiner n'avait rien à voir là dedans ! Elle ne devait pas le condamner ! Christa avait tout fait aujourd'hui pour que personne ne la prenne pour une petite fragile et décrédibilise Reiner dans le processus, le tout en veillant à paraître à la fois douce et suffisamment charismatique pour inspirer la confiance et espérer sécuriser quelques alliances : elle était fatiguée d'avoir tant jonglé. Sa prestation individuelle avait beau s'être bien passée car, habituée aux fléchettes, elle s'était trouvée un talent pour le lancer de couteaux, Christa n'était pas prête pour une autre performance !
Une pression réconfortante s'appliqua sur son épaule en silence. Elle vira son regard vers Reiner. Il lui adressait un léger sourire confiant, un éclat de douceur dans ses prunelles dorées. Elle le gratifia d'un sourire chaleureux, comblé… et faux.
L'interrupteur s'éteint alors que le ON passait au OFF. C'était l'heure d'entrer en scène !
ooo
-Reiner, en tant que garçon favori des sponsors, vous sentez-vous capable de gagner les jeux ? »
Comme depuis le début de l'interview, Christa laissa Reiner prendre les devants. De toute façon, cette question le concernait directement.
-Mon devoir est de faire gagner les jeux à Christa, je ne compte pas les remporter, ce serait contradictoire.
-Je vois, c'est si admirable, (la journaliste se toucha la joue sous l'émotion) qu'avez-vous à dire à cela, Christa ?
-Vous n'avez pas la moindre idée… (D'à quel point ça me dégoûte !)… quel point je suis reconnaissante d'avoir Reiner à mes côtés… (Il s'est fait un point d'honneur de mourir pour moi quand je ne le mérite même pas !)… Je veux me dédier sérieusement aux jeux tout de même... (Je veux juste qu'il prenne soin de lui !) Je dois bien ça à ses efforts ! (Je sais pas quoi faire, achevez-moi bon sang !) sourit-elle.
-Je vous comprends, oui. Ça se voit que vous vous connaissez depuis tous petits… »
Reiner acquiesça à cette observation et répondit avec une fermeté convaincue qui surprit la demoiselle.
-Je considère Christa comme une amie très précieuse.
-Waouh, votre dévotion me laisse muette d'admiration, Reiner. Mais ça ne vous dérange vraiment pas de savoir que l'accomplissement de votre mission résultera en votre mort ? »
Christa retînt sa respiration.
-Non. Pour moi, mener ma mission à bien, c'est comme accomplir ma vie. » déclara Reiner.
La journaliste porta la main à sa bouche et agita la main devant Christa pour la presser de réagir. La demoiselle sentait les muscles de ses épaules se raidir sous la douleur que des sueurs froides leur infligeaient. Elle joignit les mains devant sa poitrine pour garder son calme.
-Merci infiniment, Reiner… sa voix se brisa. Du fond du cœur. »
Elle se tourna vers lui et crut voir qu'elle avait viré rouge, de fausses larmes aux yeux, dans ce que lui reflétaient les pupilles de son garde du corps. Il la regardait avec sérieux et dignité, un remerciement sincère brillait au fond de ses iris.
-Je t'apprécie énormément moi aussi et je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour que tu puisses accomplir ta vie ! » poursuivit la jeune femme.
Christa eut, pour la première fois depuis leur arrivée, l'impression d'être honnête avec son compagnon de toujours.
…
Marco sentait la moiteur de ses mains perler. D'un geste lent et discret, il fit glisser ses gants blancs le long de ses doigts, afin d'amener la peau à l'air libre. Le jeune homme adressa un hochement de tête désolé à la journaliste qui parlait à Ruth, avant de déposer les gants près de sa chaise, sur le haut-de-forme noir qu'il avait enlevé quelques minutes plus tôt. Il faisait une de ces chaleurs !
Il se focalisa sur sa respiration afin de maîtriser l'humidité de ses mains. En prenant de longues inspirations, il réussirait sûrement à se détendre et se rafraîchir. Ness lui avait conseillé maintes fois de paraître naturel aux interviews. Il ne fallait pas qu'il échoue, mais qu'il soit charismatique. Ne pas hésiter à exagérer ses réactions pour avoir l'air encore plus honnête et sympathique. S'il y avait une chose qui devait émaner de son corps, c'était la confiance en soi et rien d'autre.
Le costume était censé aider à cela mais l'ancien garçon de ferme n'avait jamais porté de tels vêtements. Ils lui étaient plus un obstacle encombrant à sa maîtrise de soi qu'un moyen de le mettre en valeur.
Il resserra la laine du pantalon entre ses doigts. Le gris ardoise qui couvrait ses jambes le déconcertait, il n'avait jamais porté ces couleurs. Il préférait des couleurs plus naturelles comme le bleu ciel ou le vert forêt, mais le noir et le gris lui étaient trop étrangers. C'étaient les couleurs de l'artifice, de la distinction, de la mort aussi. C'étaient les couleurs des Hunger Games. Et il les arborait partout : la chemise en soie blanche, la cravate gris ardoise et la veste noire. Oui, même le blanc lui paraissait sale.
-J'ai cru comprendre que vous vous connaissiez avant tous les deux, non ? Vous pourriez nous en dire plus ? » la voix mielleuse de la journaliste l'arracha à ses pensées.
Marco jeta un bref coup d'œil à Ruth afin qu'ils déterminent qui d'eux deux allait répondre, mais elle ne le lui rendit pas. Au contraire, la jeune femme s'avança au bout de la chaise, un large sourire aux lèvres. La précipitation du geste fit danser l'argent de ses boucles d'oreilles pendantes et agita la plume noire qui ornait ses cheveux.
-Haha, bien sûr ! Je connais Marco depuis toute petite ! Je n'osais jamais trop aller lui parler car je ne voulais pas l'embêter, mais il m'a toujours paru si doux, gentil, très… compréhensif, vous voyez. »
Le jeune homme n'eut même pas le temps de comprendre ce qui se passait que la soie noire des gants de Ruth se posait sur le dos de ses mains. Ruth l'incita à lui prendre la main en dépliant ses doigts. Marco obtempéra sans savoir quoi dire, ni avoir la moindre idée de ce qu'elle était en train de faire. Il sentait son sourire décliner légèrement et invoqua à nouveau ses muscles zygomatiques afin de garder ce naturel de façade qu'il arborait depuis le début de l'interview.
La mâchoire de la journaliste, elle, montrait l'exemple à Marco : un large sourire se dessinait sur le visage de leur interlocutrice, laissant voir ses dents. Une étincelle d'excitation pétillait dans son regard ébahi.
-Aw, vous êtes à croquer, comme ça !
-Vous trouvez ? Haha, merci beaucoup… » la gratifia Ruth en se massant la nuque de sa main libre.
Marco baissa les yeux vers le gant noir de sa camarade qui continuait de lui tenir la main. Il ne sentait même plus le toucher de la soie sous la pulpe de ses doigts, le bouillonnement de ses joues était trop ardent. Ruth ne l'avait prévenu à aucun instant qu'elle allait jouer une telle comédie. Il fallait qu'il la suive en tâtonnant, sinon leur interview allait se flamber. Tout ça en contrôlant les sueurs froides qu'elle lui inspirait.
-Vous comptez donc vous protéger mutuellement pendant les jeux, je présume ? Vous vous sentez capables de les gagner après cette première semaine d'entraînement ?
-Ah, je veux surtout mettre toutes les chances de mon côté pour rentrer chez moi avec Marco, même si c'est sûrement très naïf de ma part… en tout cas je me sens plus en confiance à ses côtés donc, tant que je peux être avec Marco, je donnerais tout ! répondit Ruth avec le même entrain, raffermissant son emprise sur la main du jeune homme.
-Moi aussi, je veux pouvoir être auprès de Ruth et l'aider à gagner. » renchérit Marco d'une petite voix.
Les faux semblants le contaminaient. Ruth qui jouait la fille adorable. La journaliste qui faisait comme s'ils avaient la moindre chance de gagner à deux. Et lui qui rentrait dans la danse de Ruth. La puanteur de la dissimulation les intoxiquait.
-Très bien, très bien ! Et qu'est-ce qu'ils vous disent, les autres joueurs ? Est-ce qu'il y en a qui vous ont tapé dans l'œil, en bien comme en mal, hein ? »
Marco n'avait pas besoin de laisser Ruth répondre à sa place : elle ne l'attendait pas, ne le regardait même plus. Elle était partie dans sa performance et il avait intérêt à ne rien gâcher. Au fond, il voulait juste qu'elle lui lâche la main, elle lui donnait encore plus chaud.
-Je dois avouer que j'admire assez Mikasa, Annie et Ymir. En fait, j'aimerais beaucoup être une femme de leur trempe, haha ! Ruth laissa enfin la main de Marco pour joindre les siennes dans un claquement d'enthousiasme.
-Oui c'est vrai que cette année les filles sont incroyables ! Vous aussi, Ruth, d'ailleurs.
-Aw, merci beaucoup, c'est très gentil, répliqua Ruth d'une voix doucereuse.
-Et vous, Marco ? »
Le jeune homme avait presque oublié sa propre présence. Il s'était senti si léger lorsque Ruth lui avait lâché la main qu'il avait cru s'envoler. Mais non, il était bien resté sur cette chaise et maintenant c'était à lui de répondre.
-Eh bien, je n'ai pas encore fait tous mes repérages mais je dirais que Reiner Braun et Bertholt Hoover m'inspirent beaucoup de respect, avoua-t-il en se grattant la joue d'un doigt.
-Oh, je vous comprends pour Reiner. Maintenant, je voudrais vous demander : qu'attendez-vous des jeux, à part la victoire bien entendu, haha ?
-Hmm, hésita Ruth, j'aimerais me dédier corps et âme dans la compétition pour l'honneur du District Neuf, et passer du temps avec Marco… »
Elle se frotta les épaules des deux mains, froissant au passage les longs gants qui recouvraient quasiment l'intégralité de ses bras.
Marco déglutit. Il brûlait d'envie d'enlever sa veste aussi, mais on commencerait à lui demander s'il allait bien et l'interview s'aventurerait dans des eaux dangereuses. Il continua d'inspirer et de sourire, alors que Ruth reprenait :
-Je voudrais rendre ma famille fière, acheva-t-elle en baissant la tête.
-Quant à moi, j'espère surtout pouvoir me rendre utile auprès de Ruth… »
Il lança un regard vers l'intéressée qui le lui rendit pour la première fois depuis plusieurs minutes. Elle afficha un large sourire ému qui le félicitait pour ce commentaire bien envoyé. Marco serra les poings d'un coup sec, capturant un peu de laine grise au passage, alors qu'une idée lui traversait l'esprit.
Il se pencha pour récupérer ses gants, les enfila à nouveau sous les yeux intrigués de la journaliste. Il prit la parole, sa voix le surprit, il ne pensait pas qu'elle sonnerait aussi autoritaire.
-Pourrais-je saluer ma famille ? »
Leur interlocutrice écarquilla les yeux avant de mettre la main à sa joue.
-Oh, mais bien sûr ! Ils doivent terriblement vous manquer, après tout. Puisque nous sommes à la télévision, rien ne devrait s'y opposer dans les règles des Hunger Games, se réjouit-elle avant de l'inviter d'un signe de la main. Je vous en prie. »
Marco inclina la tête vers la caméra qui se trouvait derrière la journaliste. Il ferma les yeux un bref instant pour se remémorer les visages de ses frères et sœur, de ses parents, la campagne d'Ilimio, l'odeur des champs au soleil. Il se racla la gorge pour ne pas céder à l'émotion et sourit. Il regardait l'appareil, il voyait sa famille.
-Salut, c'est moi. Je ne sais pas si vous pourrez voir ça mais, connaissant Maman, vous êtes sûrement allés chez M. Weberhart pour regarder la télévision. Bref, je vais bien. Vous me manquez et je vous aime. Ne soyez pas trop tristes et ne m'oubliez pas… s'il vous plaît. »
Sa voix manqua de se briser, il tint bon et il ne s'agit que d'un léger tressaillement. Il se retourna vers la journaliste et la remercia d'un clignement des paupières. Il était encore sous l'émotion de ses adieux. C'est pourquoi il lui fallut un peu de temps avant de se rendre compte que la femme avait les larmes aux yeux.
ooo
Dans ce long couloir où le moindre bruit résonnait, le claquement nerveux et oppressant des escarpins de Ruth s'accéléra et Marco la vit le doubler pour se dresser devant lui, un pli entre les sourcils et une lueur assassine dans ses prunelles marron. Les talons lui donnaient presque la même taille que le jeune homme.
-J'arrive pas à croire que tu puisses être aussi catastrophique à la télé ! D'abord tu suis mon mouvement, on est synchros, c'est parfait. Puis d'un coup, tu pars te la jouer solo, sans rien gérer, pour rafler la mise en jouant sur la corde sensible des spectateurs avec le coup du mal du pays ! J'appelle pas ça du travail d'équipe, moi ! lui annonça-t-elle d'un ton tranchant.
-Mais, Ruth, c'était pas du calcul, j'ai juste suivi mon instinct et j'avais envie de parler à ma famille. J'ai essayé d'être honnête comme Ness nous l'a conseillé… mais avec ta tactique, c'était presque impossible. C'est toi qui exagère, là. »
Ça devait être parce qu'ils étaient enfin sortis de cette salle d'interview, mais Marco n'avait plus chaud. Il se sentait agréablement rafraîchi. Il ne détacha pas son regard de celui de Ruth, il ne lui accorderait pas celle là. Elle s'était servie de lui pour s'attirer les faveurs des sponsors et l'accusait d'en avoir fait autant. Ruth pouvait le considérer comme un idéaliste, un naïf voire un faible, mais il refusait de la laisser croire qu'il était idiot.
Les pupilles du jeune homme devaient assez bien retranscrire ce qu'il ressentait car Ruth finit par baisser les yeux et lâcher un soupir, puis un râle. Elle retira la tiare et la plume qui avaient tenu sa chevelure en place et les rangea dans une des poches de sa longue robe noire. La tribut se frotta les yeux des deux paumes avant de fixer Marco à nouveau.
-Le problème, c'est que t'es trop honnête, Marco, commença-t-elle d'une voix moins agressive. T'as peut-être fait fort en touchant le public sur ce coup, que tu l'aies voulu ou non d'ailleurs, mais t'as aussi montré que t'étais sensible. Ça pourrait se retourner contre toi.
-Alors, comment ça s'est passé, les jeunes ? »
Le coude de Ness se posa sur son épaule, l'entraîna en avant dans un élan de camaraderie et finit d'indiquer à Marco qu'il les avait rejoints. Le jeune homme ne l'avait même pas entendu arriver. Il adressa un sourire à son mentor, qui, lui, montrait toutes ses dents.
-Vous avez été super bons aujourd'hui, bravo ! Il y a de grandes chances que vous vous retrouviez avec de sacrés sponsors. » continua-t-il, envoyant un clin d'œil complice à Marco.
Ness le lâcha pour se diriger vers Ruth et ébouriffa les cheveux bruns de la jeune fille. Celle-ci pesta en claquant sa langue sur les dents et tenta de le repousser d'un geste de la main. Ness était de trop bonne humeur pour que la froideur de la tribut ne l'atteigne. Leur instructeur encouragea Ruth à continuer leur chemin vers leur baraque.
Marco leur emboîta le pas. Il aurait aimé se réjouir de l'intervention de Ness dans sa conversation avec Ruth, mais ce que sa camarade lui avait dit ne lui faisait ni chaud ni froid.
Pas grave s'il était paru faible, il avait pu parler à sa famille une dernière fois. Il savait qu'il n'avait aucun moyen de gagner les jeux, il ne leur aurait pas dit adieu sinon.
…
-Haaah, ça fait du bien par où ça passe ! » s'écria Ymir en ouvrant la porte de la baraque d'un grand coup de pied, en partie gênée par le costume trois pièce qu'elle portait.
Nanaba lui répondit par un léger ricanement amusé alors qu'elle raccompagnait Ymir jusqu'à l'étage. Au moment même où son interview s'était terminée, la jeune femme s'était précipitée à la rencontre de Nanaba pour aller se débarrasser de toute la crasse figurative qui lui recouvrait le corps. Les deux avaient bu jusqu'à ce que Nanaba décide que Ymir en avait eu assez, et qu'il était temps d'aller se coucher. Tom sursauta alors qu'elle entrait dans le salon.
-Qu'est ce que tu fais ? demanda-t-elle.
-Je regarde les interviews, répondit le jeune homme avec hésitation. Pour trouver des informations sur les autres. »
Tu aurais dû faire ça pendant que tu les avais en face, plutôt que de fixer tes pieds.
-Tu veux regarder aussi ? proposa-t-il.
-Non. J'ai eu assez d'écran pour la journée. »
Ces interviews n'étaient qu'une façade ridicule que tout le monde affichait, tout était faux. Il n'y avait rien à en tirer.
Elle se rendit dans sa chambre et retira sa veste d'un coup d'épaule, puis s'attaqua aux boutons de sa chemise d'une seule main pour fouiller dans son armoire de l'autre. Il lui fallait quelque chose de plus confortable. Tout en se changeant, elle songea aux Entraînements à 24 avec un petit sourire. Maintenant, elle avait une idée claire sur pas mal des autres candidats. Certains avaient l'air effectivement très forts, et elle ressentait un frisson d'adrénaline la parcourir quand elle y pensait. Elle se réjouissait du défi qu'ils représentaient.
À l'inverse, certains étaient encore plus pathétiques que Tom. Elle se souvenait s'être retenue de se rouler de rire après avoir vu Floch essayer de manipuler une hache et l'avoir laissé tomber sur son pied. Il avait bien failli mourir d'une crise cardiaque, au vu du hurlement qu'il avait poussé.
Elle ricana à nouveau et entreprit de faire quelques abdominaux. Le volume de la télévision était si fort qu'elle pouvait entendre une partie des interviews à travers la porte, et elle se prit à écouter, faute de mieux.
-...Bien sûr que je m'insurge ! s'écria une voix masculine. Vous n'êtes qu'une bande de dégénérés qui profitez d'un système où vous avez la main-mise sur toutes les ressources pour plier toute la population à votre volonté ! Mais je refuse de fléchir ! C'est mon droit de refuser de répondre à vos questions ! »
Ymir retint un ricanement. Celui-là était droit dans ses bottes, mais il allait se faire bouffer tout cru par les sponsors.
-Marlow, calme-toi. ...oui, tout à fait, je trouve que … Mais vas-tu t'asseoir ?! »
-Hitch, que pensez-vous des propos de votre partenaire ?
-Oh, ...ne devriez pas l'écouter. Il pique une crise comme ça tous les jours !
-Une crise ?! »
Elle entendit les protestations du garçon qui se faisait traîner hors des lieux à grand cris insurgés, et la fille qui reprenait la conversation, presque comme si de rien n'était.
-C'est difficile, oui, et... Parfois, je...demande si je... gagner les jeux ! »
Ymir ricana, elle imaginait d'ici le sourire finaud et fière d'elle qu'elle venait d'avoir. Hitch venait de discréditer son partenaire et s'attirer la pitié des sponsors d'un seul coup. Elle se reconcentra sur ses abdominaux, et se reprit à écouter lorsque Tom monta le volume, probablement pour rester éveillé.
-Je suis pas venu ici pour mourir, ok ? Je sais pas si je vais survivre ou pas dans trois semaines, alors je profite à fond de ce que j'ai maintenant ! C'est pas tous les jours qu'on peut habiter dans le Capitole, vous savez !
-Putain, Conny, t'es censé dire que tu vas gagner les jeux, merde ! »
En voilà une autre belle brochette d'abrutis. Elle se redressa et passa à des pompes, satisfaite de sentir ses muscles trembler sous l'effort. Elle sentait déjà qu'elle allait apprécier une bonne douche après l'exercice.
-Non mais vous vous rendez compte ?! Les steaks du Capitole font cette taille ! C'est deux fois plus gros qu'un steak normal ! Et ils sont siii saignants ! Il y a juste à presser avec la fourchette et c'est une cascade de jus de viande ! Et la sauce ! Je n'aurais jamais pensé que rajouter...
-Thomas, dites-moi, demanda la présentatrice alors que Sasha continuait dans sa tangente, que pensez-vous de votre partenaire ? Avec quelle perspective abordez-vous les jeux ?
-Oh, vous savez, je n'ai pas trop le temps de m'inquiéter à propos des jeux. Je suis plus occupé à gérer Sasha et Auruo...
-Oh, même votre propre mentor ! Effectivement, la vie a l'air dure pour le District Dix ! »
Tom sursauta alors qu'Ymir claquait la porte pour lui jeter un regard.
-Je vais me coucher, baisse le son ou éteins-le. » ordonna-t-elle.
Le jeune homme fouilla fébrilement le gouffre du canapé pour retrouver la télécommande alors que la jeune femme partait prendre une douche bien méritée.
J-24
… () …
Doki : « La coupe de Floch est si moche ! C'est comme si un pigeon qui avait mangé mexicain avait déféqué sur sa tête. »
Iferil : « Aux yeux de Bertholt, Eren est un petit chihuahua vénère qui l'intimide… »
Arc caché de Reiner, 2e étape → Appliquer le high-five avec Marco
