Fais ton choix de sorte à ne pas avoir de regrets

SNK OST qui se prêtent bien à l'ambiance =

K21- -

- Splinter Wolf -

- Symphonicsuite 7-B $ -

- Guilty Hero -

- T-Kt -

- Attack on D -

… ( ) …

Tout le corps de Jean était crispé alors qu'il se déplaçait à travers la canopée des arbres, mais pas à cause de ses courbatures, ni à cause de sa fatigue. Ses gestes étaient fluides, maîtrisés, mais il sentait qu'il ne trouverait pas l'occasion ni l'envie de faire des figures extravagantes ou de prendre de la vitesse. Il préférait suivre l'exercice à la lettre : évoluer dans la forêt en restant éloigné le plus longtemps possible de Hansi, qui les poursuivait.

La veille, il avait perdu pied. Sa défaite face à Eren l'avait envoyé bouler dans un tourbillon de pensées négatives, et il avait laissé ces pensées échapper à son contrôle pour partir en vrille et foutre le souk dans son esprit. Et il avait forcé Minha à encaisser ce merdier, et il s'était encore servi de Hansi comme d'un mur sur lequel il pouvait buter à volonté, avec la promesse qu'iel l'arrêterait à temps.

Ce n'était pas comme ça que les choses devaient se faire. Hansi avait beau avoir un certain manque de tact avec lequel il avait tendance à se confronter, son mentor ne voulait que l'aider à progresser. Jean s'était calmé, maintenant, et il se sentait maladroit. Un peu parce qu'il devait se déplacer en ayant dégainé ses lames, mais surtout parce qu'il ne savait pas comment s'acquitter de cette dette.

Il avait décidé de ne pas faire de vagues, et de suivre l'exercice à la lettre. Il voulait montrer à ses deux partenaires qu'il était digne de confiance. Il en avait eu l'intention dès le début, peu importe la teneur du prochain exercice, et l'occasion était d'autant plus belle qu'il s'agissait de tridimensionnalité. Il avait un peu l'impression que Hansi cherchait à se faire pardonner en lui proposant un domaine dans lequel il excellait, comme pour lui montrer qu'il avait effectivement progressé.

Ou alors il se prenait encore pour le centre du monde, et ça n'avait rien à voir avec ça, et Hansi avait juste choisi cet exercice au hasard, et il n'avait plus qu'à fermer sa gueule. C'était probable.

Du coin de l'œil, il repéra des mouvements à sa gauche, et tourna la tête de quelques millimètres. Les couleurs et le rythme correspondaient, et un frisson électrique parcourut toute sa colonne vertébrale, exhortant tous ses sens à se tenir aux aguets.

-Merde. »

Aussitôt, il décrocha ses grappins et se laissa tomber en chute libre vers le sol. Grand bien lui en fit, car la seconde d'après, Hansi fonçait deux mètres au-dessus de lui à une vitesse qui l'aurait envoyé s'éclater contre les arbres !

-Trouvé, Jean ! » s'écria leur mentor.

Dans le même mouvement, iel s'appuya des deux pieds sur un tronc pour atterrir et se projeta dans sa direction, accélérant grâce au gaz.

-Pourquoi moi ?! » protesta Jean en fichant ses câbles dans un tronc plus en avant pour se hisser hors de portée.

-Je vais t'apprendre à sous-estimer les vainqueurs des Hunger Games ! »

Pardon ? Il n'aurait pas le temps d'esquiver la nouvelle attaque de Hansi ! Brandissant ses lames devant lui, il bloqua le coup et se laissa tomber à nouveau. La tactique était bonne pour esquiver hâtivement une attaque sans consommer trop de gaz, mais elle était aussi terrifiante et le rapprochait dangereusement du sol. Il allait devoir faire vite.

Hansi n'hésita pas une seule seconde à plonger avec lui alors qu'il tournait le dos au sol. Jean projeta un premier crochet dans sa direction, au moins pour l'aveugler, mais son mentor le dégagea d'un revers de lame. Iel ne put se débarrasser du deuxième crochet envoyé presque simultanément. Celui-ci frôla son épaule, et Jean constata avec un frisson d'épouvante qu'iel souriait de toutes ses dents.

Il sentit et entendit le crochet se planter fermement dans le bois, mais son idée de départ ne lui semblait plus aussi bonne. Foncer sur Hansi alors qu'iel maniait deux lames affûtés, c'était du suicide ! Il tourna sec son bassin pour se projeter sur le côté et mit les gaz à fond pour s'élever vers les hauteurs. Il dut tordre tout son corps pour esquiver la large taillade de Hansi qui tentait de l'atteindre.

Il se servit de la vitesse et de l'élan pour s'envoler vers les hauteurs, mais son mentor n'allait pas le laisser tranquille de sitôt. Qu'est-ce qui lui prenait ?! Ils étaient censés fuir, pas se battre avec iel !

-Tu vas apprendre la vie, gamin ! » s'écria Hansi avec un rire de maniaque.

-Oui bah ça va ! J'ai compris ! » rétorqua Jean par réflexe.

Hansi lui fonçait dessus à toute berzingue, comme si iel avait l'intention de le découper en deux pour de bon. Complètement malade ! Son mentor brandissait ses deux lames dans un seul sens, sur sa droite, et Jean prit un pari risqué. Au lieu de descendre ou monter, il se jeta droit vers la tête de Hansi. Avec un peu de chance, iel serait forcé de lever les bras au-dessus de sa tête pour l'attaquer en bonne et due forme, car son coude le gênerait si Hansi choisissait de simplement prolonger le geste amorcé.

Iel ne fit rien de ce que Jean avait escompté. À la place, iel lacéra le vide pour replacer aussitôt ses lames et porter un coup d'estoc. Mes bonbonnes ! Jean vrilla les hanches en s'aidant du gaz et évita de justesse à son équipement de se faire crever.

-AHA ! » s'écria Hansi.

Iel avait perdu la boule. Jean se propulsa de toute ses forces plus loin et plus haut pour reprendre son souffle, et s'accorder trois ou quatre secondes pour remettre de l'ordre dans ses pensées. Hansi avait définitivement décidé de le prendre en chasse, et vu son comportement, iel ne le lâcherait pas de sitôt. Apparemment, les règles du jeu avaient changé, et il allait devoir mettre échec et mat son mentor. Sans lui faire de mal. Avec deux lames de cutter géantes mieux affûtées que des rasoirs. Splendide.

Hansi le rattrapa en très peu de temps, et Jean réalisa à quel point il était difficile de se battre avec quelqu'un tout en essayant de lui échapper, surtout en manœuvre tridimensionnelle. Il devait tourner son bassin pour s'orienter, mais il devait aussi être prêt à observer son adversaires et parer tous ses coups.

Hansi lui fonça dessus avec un grand cri de guerre, et Jean leva sa lame droite avec précipitation pour bloquer le coup. Il sentit aussitôt qu'il était en désavantage, car lui devait lutter contre la gravité alors que Hansi s'en aidait, et il pointa immédiatement la lame vers le bas, de sorte à guider celle de Hansi vers l'extérieur.

-Pas mal ! s'écria Hansi avec enthousiasme. Mais qu'est ce que tu dis de ça ?! »

Il savait déjà de quoi son mentor parlait ! Ils fonçaient droit sur un tronc de sapin et il allait se faire foutrement mal s'il ne bougeait pas de là tout de suite ! Il vit la jambe de Hansi fouetter l'air dans sa direction, probablement avec l'intention de l'envoyer encore plus vite sur les roses. Il voulut lever son genou pour s'en protéger, mais le manque d'appui l'empêcha d'exécuter la manœuvre comme il le voulait.

-Ouch ! »

Il se prit le mollet de Hansi dans le coin du genoux et se retrouva déséquilibré et en désavantage total alors qu'il commençait à tomber. Hansi envoya ses grappins dans la même direction, donc pas loin de sa tête, et iel allait lui envoyer son genou dans la tempe s'il ne se bougeait pas !

À l'aveuglette et un peu par désespoir, il brandit sa lame pour se protéger le visage. Hansi vira sec pour éviter le choc et Jean se laissa à nouveau tomber en chute libre, pour ensuite décrire un large tour autour d'un tronc. Cette manœuvre n'était pas rapide, mais suffisante quand Hansi devait prendre le temps de changer de direction et de s'agripper au bon endroit.

Il aurait dû se douter qu'iel n'hésiterait pas à passer au travers du feuillage pour l'accueillir de l'autre côté. Hansi préférait la vitesse à la précision, maximiser les occasions de toucher pour harceler son adversaire et ne pas lui laisser autant de chances. Maintenant qu'il en était sûr, il pouvait peut-être essayer de moins se sentir submerger. Et apparemment, iel avait l'intention de ''l'éliminer'' en l'envoyant bouler dans les arbres, probablement une méthode plus sécurisée que de faire mine de lui trancher la gorge et risquer une fausse manipulation ou un dérapage. Il pouvait en tirer avantage.

Il s'éloigna juste à temps de la déflagration de feuilles pour éviter de se faire transpercer le flanc et s'appuya sur le tronc d'en face pour se propulser à la rencontre de Hansi, comptant sur le fait qu'iel serait également aveuglé. Il frappa d'une large taillade qui laissa échapper un chuintement strident quand ses lames heurtèrent celles de Hansi. Derrière ses lunettes solidement attachées, il voyait un autre sourire débordant.

Il expédia la plante de son pied dans l'épaule de Hansi en s'en servit pour se propulser hors de portée, mais un bras serpentin fusa pour crocheter la sangle au niveau de son genou gauche à deux doigts.

-Je te tiens !

-Dans tes rêves ! »

Il sabra l'air de son bras droit et la main le relâcha aussitôt avec une exclamation offusquée. Il laissa échapper un ricanement et exécuta un salto de côté pour esquiver le renvoi de Hansi, et aussi pour projeter ses grappins le plus loin possible. Il s'élança pour mettre de la distance. Il commençait à avoir une idée, et il avait besoin de réfléchir au moins quelques secondes.

Un coup d'œil en arrière lui suffit pour voir que Hansi ne lui laisserait pas ce luxe.

Iel venait de balancer un de ses grappins droit sur les siens ! Aussitôt, il remballa ses câbles et se projeta au gaz vers une branche, qu'il agrippa d'une main pour s'y stabiliser. Il fit volte-face pour se préparer, mais Hansi lui fonçait déjà dessus à toute allure. Ses lames étaient brandies en arrière pour avoir l'élan de le trancher, mais il réalisa très vite qu'iel avait l'intention de le percuter de toute la force de son coude. Il voulut sauter sur le côté mais ne réussit qu'à se prendre le coup dans l'épaule au lieu du ventre.

Il tomba en arrière, le souffle coupé par le choc, alors que Hansi éclatait de rire et bondissait hors de portée, après un dernier coup de pied pour faire bonne mesure. Il chuta à travers les branches et se protégea le visage de ses bras. Mais c'était l'occasion rêvée.

-Ouch ! Aïe ! OW ! » s'exclama-t-il à grands cris, les branches entaillant ses vêtements ou heurtant ses muscles.

Dans sa chute, il réussit à agripper une branche et à stopper net son plongeon, même si le choc d'empêcher tout le poids de son corps de tomber lui donna l'impression qu'il se déchirait le biceps. À l'aide des câbles, il se maintint à quelques mètres au-dessus du sol, reprenant son souffle sous une branche particulièrement touffue. Pour faire bonne mesure, il se releva et flanqua un violent coup de pied dans la branche d'à côté, endommagée et pourrie pour une quelconque raison. Ça l'arrangeait, et elle s'effondra au sol avec fracas.

Les yeux en l'air, il sondait le moindre éclat d'acier, mais s'efforça de ne pas faire de bruit.

-Jean ? appela Hansi depuis le perchoir qu'iel s'était probablement trouvé. Tu es mort ? »

Il retint un ricanement ironique et roula des épaules pour se décharger de la tension qui s'y était installé. Il retint une expiration en voyant Hansi se poser, et ajusta l'orientation de ses câbles à l'avance.

Son mentor sonda le sol autour de son point de chute avec les sourcils froncés, probablement à cause de la surprise de ne pas l'y trouver. Presque au ralenti, il vit Hansi se pencher en avant, dos à lui seulement pour une seconde, le temps d'observer les traces. C'était suffisant.

Un sourire fleurit sur son visage et il se rua hors de sa cachette, plantant ses câbles dans le sol plutôt que le tronc pour gagner en vitesse, et écrasa le bouton du gaz. Un pied en avant, il jaillit d'entre les feuilles avec la vitesse maximum et percuta l'épaule de Hansi de plein fouet alors que son mentor faisait volte-face pour l'esquiver.

Il encaissa le choc en serrant les dents et plaqua son adversaire au sol de son propre corps, brandissant sa lame gauche pour la planter sauvagement juste à côté du visage de Hansi, qui sursauta avec un mouvement de recul. L'impact psychologique était toujours à prendre.

-Ne bouge pas ! » commanda-t-il en fourrant sa lame droite à quelques centimètres de la nuque de son mentor.

Hansi se pétrifia et deux secondes s'écoulèrent sans qu'il n'ait à bouger. Mais il refusa de relâcher son attention tant que Hansi n'avait pas donné le signal de la fin de l'exercice. Une seconde plus tard, l'expression tendue de son mentor fondait comme neige au soleil alors qu'iel s'exclamait avec engouement :

-Bravo, Jean, bravo ! »

Aussitôt, l'oxygène s'engouffra dans ses poumons avec une telle force qu'il manqua de s'étouffer avec sa propre salive. Il se redressa et relâcha sa prise pour lui permettre de se relever, et ses jambes échappèrent à son contrôle. Il trébucha sur le sol et retomba sur les fesses, sa poitrine se soulevant avec avidité. Il ressentait le contrecoup de l'intensité de cet exercice, et il sentait déjà sa mâchoire et ses doigts le tirer douloureusement.

Il se concentrait pour reprendre le contrôle de sa respiration quand Hansi s'agenouilla en face de lui pour abattre ses mains sur ses épaules. Mais iel ne dit rien, se contentant de respirer très fort comme un gamin qui se retient d'ouvrir ses cadeaux de Noël.

-...Quoi ? » hésita Jean, un peu inquiet.

-C'était excellent, Jean ! s'exalta Hansi. Tu as eu de très bonnes réactions, tu as très bien géré à la fois tes manœuvres et mes attaques, tu as même réussi à tenir le coup contre moi. C'est pas tous les jours que des gens réussissent à m'avoir ! »

Il ne savait pas s'il devait se sentir flatté de cette dernière affirmation ou juste se moquer de Hansi pour son ego, mais les paroles de son mentor achevèrent de le détendre. L'exercice était bien fini, iel était en train de faire le bilan, il n'était plus en train de risquer sa vie.

Son cœur battait encore à tout rompre et il avait du mal à complètement enregistrer ce qu'iel disait, trop occupé à faire comprendre à la partie primitive de son cerveau que c'était bon, tout était fini, il était sain et sauf. Pendant un bref instant, il avait vraiment cru que Hansi avait voulu le tuer, et ses réflexes étaient partis au quart de tour.

-Attends trente secondes, demanda-t-il en levant la main pour récupérer un peu d'espace vital. Tu peux répéter ? »

Hansi se redressa et lui tendit la main pour l'aider à se relever, et le hissa sans arrêter son monologue :

-Je disais donc que tu t'es très bien débrouillé, car tu as réussi à alterner entre les manœuvres tridimensionnelles et le combat, et même à faire les deux simultanément parfois ! C'est un des aspects les plus difficiles à appliquer, et c'est quasiment impossible de s'entraîner à ça avant les jeux ! Je savais que c'était une bonne idée ! Petra et Naile n'arrêtaient pas de râler comme quoi j'allais finir par vous tuer avec mes exercices, mais c'est bien toi qui m'aurais tué là ! »

Iel en faisait peut-être un peu trop, mais Jean sentait la chaleur désormais familière de la fierté se lover au creux de son plexus. Avec un petit ricanement amusé, il rengaina ses lames et les détacha de ses manettes.

-Si j'ai bien compris, tu voulais augmenter la difficulté pour me pousser à bout ? Qu'est ce que t'aurais fait si tu m'avais tué ? »

Hansi se prit le menton entre deux doigts pour considérer brièvement la question, puis haussa les épaules :

-Exécution immédiate, je suppose. Mais ce n'est pas le sujet. Mon objectif n'était pas de te pousser à bout, Jean, mais de te pousser jusqu'au bout. »

Iel brandit un index pour marquer la nuance avec crânerie, et Jean haussa un sourcil.

-Comment ça ?

-Ça fait presque un mois que je vous observe, j'ai eu le temps de repérer où sont vos forces et vos faiblesses. Et une de tes faiblesses, Jean, c'est que tu ne vas jamais jusqu'au bout des choses. Tu peux toujours faire encore un peu mieux que ce que tu crois, et encore bien mieux que ce que tu veux faire. »

Jean redressa les épaules, aussitôt sur la défensive, mais se fustigea de son premier réflexe. Hansi disait peut-être la même chose que certains professeurs d'école qu'il avait déjà eu, mais ce n'était pas avec pas la même intention. Iel lui apprenait à survivre. Et d'ailleurs, son mentor reprit un air sérieux en croisant les bras avec détermination.

-Aux Hunger Games, tu ne pourras te permettre de faire les choses aux trois quart parce que tu as peur de l'échec. D'abord parce que l'échec, c'est la mort, donc si tu veux l'éviter à tout prix tu as intérêt à faire les choses à fond. Ensuite parce que si tu donnes tout ce que tu as, j'ai la certitude que tu pourras accomplir de grandes choses. »

À nouveau, il y avait dans ses paroles un double sens que Jean ne comprenait pas tout à fait, mais qu'il captait. Il hocha gravement la tête alors qu'iel plaçait à nouveau une main sur son épaule, pour l'inciter à marcher à ses côtés.

-C'est ce que je voulais te prouver avec ce changement de plan dans l'exercice. Tu t'es pratiquement retrouvé en situation de vie ou de mort, et tu es allé jusqu'à me mettre dos au mur sans me blesser d'une quelconque façon. Enfin, je sens que je vais avoir sacrément mal au dos ce soir, mais tu vois ce que je veux dire ! »

Il gloussa lorsque Hansi se pencha en avant pour se masser les épaules, et acquiesça avec reconnaissance. Il ne savait toujours pas s'il méritait autant d'attention de la part de son mentor. Mais il allait essayé d'en être digne. Avec un froncement de sourcil, il se rappela ce que Hansi venait tout juste de lui dire. Non, il en serait digne.

-Bon, je te laisse revenir tout seul et patienter au point de départ ! annonça soudainement Hansi en dégainant ses lames à nouveau. Je dois aller faire la même à Minha.

-Quoi ? À Minha ?! s'écria Jean.

-Quoi, tu crois que parce que c'est toi qui avais le plus besoin de cet exercice je ne vais pas lui en faire profiter aussi ? railla Hansi avec un large rictus. Voyons, Jean ! »

Il rougit, embarrassé de se trouver égocentré à nouveau, mais aussi inquiet pour sa partenaire. Il n'aurait pas vraiment utilisé le terme ''profiter'' pour cette chasse à l'homme féroce.

-Eh bien file alors ! grommela-t-il avec un grand geste de la main. Elle sera déjà sortie de la forêt à ce rythme ! »

Hansi décolla dans un éclat de rire clair, beaucoup plus sain que le ricanement maniaque que Jean avait entendu lorsqu'iel le poursuivait, et il réalisa qu'il ne se faisait pas tant de souci que ça.

Le regard d'obsidienne de Mikasa accrocha le sien dans un bref silence électrisant. Reiner pencha l'haltère plus près du sol afin de mieux dégager son champ de vision. Elle n'était pas à prendre à la légère.

La favorite du Capitole baissa le menton avec déférence dans sa direction. Reiner lui rendit cette politesse muette et l'observa continuer sa route vers les punching-balls du coin de l'œil. Après quoi, il reprit son exercice de la main gauche, la droite cramponnant toujours son genou.

Il lui était primordial de bien veiller à développer la force de son bras gauche, de s'assurer qu'il pouvait autant compter sur celui-ci que sur l'autre. C'était un fait que des adversaires comme Mikasa se chargeaient de lui rappeler par leur simple présence.

Reiner devait se méfier d'elle, autant - si ce n'était même plus - que d'Ymir. La dernière des trois guerrières les plus dangereuses était Annie, ses entraînements lui permettaient de l'évaluer de près et même d'apprendre d'elle. Ainsi, elle l'impressionnait moins qu'à leur arrivée : il l'avait cernée. Or, Mikasa, il ne l'avait pas encore cernée. Ils s'étaient affrontés et il avait vite compris qu'elle était redoutable, mais il avait peu d'informations à son sujet.

Quel dommage qu'Eren ne parle pas plus de sa coéquipière durant leurs entraînements ! D'ailleurs, c'était presque à croire qu'il voulait effacer l'existence de Mikasa de la surface de la terre, ou alors la garder secrètement pour lui, tellement il veillait à éviter d'aborder le sujet de sa camarade moitié sœur, moitié amie d'enfance. Tout comme avec la jeune femme aux cheveux noirs, Reiner ne parvenait pas à cerner le lien atypique qui nouait les tributs du District Douze.

Eren cherchait clairement à être séparé d'elle, il devait mal supporter la comparaison qui s'imposait d'elle-même avec sa partenaire, la favorite. Pourtant, il affichait par moments une sincère tendresse et un instinct de protection à son égard. Un réflexe affectif qui venait à coup sûr de leur éducation comme frère et sœur adoptifs ! Mais ce simple réflexe chez Eren avait évolué en un véritable sacerdoce du côté de Mikasa !

La jeune femme était assez distante et calme, bien qu'ouverte à l'entraide des plus en difficulté. Or ce qu'elle affichait avec une féroce ferveur, c'était toute sa dévotion envers Eren. Aussi rageant que cela pourrait l'être pour le jeune tribut dans les jours à venir, Mikasa s'avérerait un pilier majeur de sa survie et le protégerait du moindre danger au péril de sa vie. Et pourtant Eren voulait l'éloigner de lui !

Reiner ne savait même plus qui des deux il plaignait le plus : Eren qui ne demandait qu'à s'émanciper de son impressionnante partenaire ou Mikasa en quête d'affection et de reconnaissance ? Mais ce que Reiner pouvait comprendre c'était le besoin de reconnaissance de Mikasa.

Oui, il savait ce que ça faisait. La frustration d'être rejeté par la personne qu'on comptait le plus protéger au monde, la déception de constater qu'elle ne vous estime plus digne de confiance, vous évite, la rage de faire quelque chose pour y remédier, la douleur de n'avoir aucune idée de quoi faire. Le fol espoir de retourner dans le temps, de re-goûter au passé avec amertume, mais aussi de savourer la douceur des jours où tout allait pour le mieux. La culpabilité assassine.

Malgré l'entraînement tridimensionnel d'Erwin et d'Eren, l'approfondissement du combat par Annie, les heures qu'il passait à éplucher chaque manuel de survie à la bibliothèque, malgré tous ses efforts depuis leur arrivée, Christa ne faisait plus confiance à Reiner. Elle ne pensait plus qu'il la défendrait jusqu'à sa victoire aux jeux.

C'était ce que sa nature fuyante trahissait. Son regard, dans lequel il avait lu pour la première fois une peur inouïe, misérablement déguisée derrière des sourires gênés en coin et un ton qui se voulait rassurant, mais se révélait aveuglant d'artifice. Elle qui n'avait pas eu peur à la moindre de ses rentrées à l'académie car, dans chaque environnement nouveau, il avait été à ses côtés et sa confiance en Reiner lui avait servi d'armure.

Mais, une fois au Capitole, il lui avait fait défaut. D'une façon ou d'une autre, il n'avait pas été là quand il aurait dû et la tâche avait séché, souillant définitivement Christa. Désormais, la jeune fille se préparait à mourir, redoutait la mort, nourrissait de sombres desseins auxquels Reiner n'osait pas songer, par lâcheté. Parce qu'il frissonnait à l'idée de se retrouver confronter à son échec. Par sa faute, Christa se trouvait si souillée qu'elle n'était plus que l'ombre d'elle-même.

Il l'avait recouverte de noir.

Reiner ne s'était pas assez illustré comme son appui et elle avait perdu sa confiance en lui, s'était éloignée de lui, l'évitait. Elle n'évitait pas sa présence comme Eren faisait avec Mikasa, c'était plutôt elle qui se cachait de Reiner quand il était là. Elle se recroquevillait au plus profond de son être et ne sortait la tête pour pleurer que lorsqu'il la quittait. La seule fois où elle était redevenue elle-même avait été lors de l'anniversaire de Reiner, et il s'était lamentablement planté. Il l'avait achevée, lui qui était censé mourir pour elle, il l'avait bel et bien achevée ce jour-là.

Ils avaient beau vivre dans la même baraque, manger ensemble tous les soirs, se préparer leur petit-déjeuner dans la même cuisine, suivre les cours du même professeur privé, se partager leurs notes, ils n'avaient jamais été aussi distants. Peut-être n'avaient-ils jamais été proches pour commencer ? Peut-être que toute cette distance, cette souillure, remontait à bien plus loin. Peut-être que le protocole de bonne conduite de Christa, les exigences des parents de Reiner – et de ceux de la jeune fille - , le sort entier de l'accord commercial Lenz/Braun qui reposait sur leurs épaules les avaient englués au plus profond d'une tourbière d'angoisse et de non-dits, dont ils ne pouvaient plus se dépêtrer.

Et ce, malgré les régulières invitations de Christa à venir jouer dans l'immense jardin qui entourait sa demeure, malgré les maintes promesses de mariage en maternelle, malgré les goûters – puis les soirées – d'anniversaire, malgré les trois années consécutives en tant que présidente et vice-président du conseils des élèves de l'académie. Ils ne s'étaient jamais défaits de cette tourbière. Pire encore : à présent, ils s'enlisaient si profondément dedans qu'il leur devenait difficile de respirer.

Pourtant ils devaient en sortir, Christa au moins ! Ça n'était pas censé se passer comme ça ! Elle devait survivre aux jeux et rester présidente pour la quatrième année d'affilée, les Lenz remercieraient les parents de Reiner pour leur service par une alléchante promotion et de multiples nouvelles offres de partenariat, après avoir trouvé un nouveau garde du corps à Christa, et la jeune fille s'acquitterait aisément d'un autre vice-président de confiance. Elle devait être heureuse.

Son biceps commençait à le lancer, mais il n'avait cure des picotements.

Comparé à eux, Bertholt et Annie s'en sortaient mieux. Au fond de lui, Reiner jalousait un peu cette relation de confiance et très attentionnée qui nouait les deux candidats du District Deux. Ils se souciaient beaucoup l'un de l'autre et il était essentiel pour Bertholt d'avoir le courage de dire à sa partenaire ce qu'il ressentait pour elle. Ainsi, ils s'épanouiraient avant la fin, loin, très loin de la moindre tourbière.

Reiner détourna le regard de l'haltère et ses yeux se posèrent sur son bracelet.

Il lui était arrivé parfois de songer à la nature de ce qui les unissait, lui et Christa, de ce qui le poussait à vivre pour elle, littéralement. Très tôt, une fois qu'ils s'étaient rapprochés, on leur avait dit qu'ils allaient bien ensemble et la petite Christa de trois ans avait fanfaronné qu'elle se marierait avec lui. Reiner l'avait accepté… tout pour lui faire plaisir, si c'était là son souhait, il en était ravi, ses désirs étaient des ordres… Avec le temps, ces sentiments avaient évolué en une sorte de relation fraternelle solennelle, sur un commun accord très vague. Comme s'il s'était agi d'une évidence, mais d'une évidence insaisissable : une source de lumière brillante et inconnue qui les guidait sans jamais se laisser reconnaître.

Bien que tous deux très populaires, ils avaient toujours rejeté les avances d'une tripotée de prétendants, puis avaient continué à se côtoyer à longueur de journées, alors qu'ils n'étaient jamais dans la même classe. Pas étonnant qu'autant de rumeurs aient circulé à leur sujet. Même avec ses deux années scolaires en plus, lorsqu'il terminait avant Christa, Reiner l'attendait toujours pour la raccompagner chez elle. Et les jours où il finissait plus tard qu'elle, il passait toujours la saluer sur son chemin du retour. Et elle lui offrait toujours un délicieux thé noir accompagné de biscuits tout juste cuisinés par les domestiques et sortis du four. Et, sirotant leurs boissons chaudes, ils parlaient toujours de tout et de rien, parfois pendant plusieurs heures.

« Une amie précieuse, la plus précieuse… » qu'il se répétait encore et encore.

Reiner n'avait pas beaucoup d'amis, il ne savait pas trop à quoi on reconnaissait un ami, à vrai dire. Des connaissances, il en avait plein, certaines qu'il appréciait plus que d'autres. Des frères d'arme, il en avait aussi quelques uns, mais leur lien restait surtout cordial. Cependant, une personne avec qui il pouvait passer toute la journée, avec qui il pouvait parler jusqu'au coucher du soleil, voire radoter sans jamais se lasser ou s'épuiser, il n'en avait connue qu'une et ç'avait été Christa. L'ancienne Christa, celle qui croyait en lui. Celle qu'il avait abandonnée, souillée, achevée.

La Christa de porcelaine noire qu'il côtoyait désormais l'embourbait dans les non-dits et l'angoisse. Il avait beau se muscler, Reiner n'était pas sûr d'avoir les épaules pour supporter un tel poids. À présent, il sentait ses muscles se tendre, même son sourire se crispait et sa voix se modulait, dès qu'elle lui parlait.

Quant à Christa… Reiner avait toujours été fier qu'elle affiche une personnalité plus entreprenante et assurée en sa présence. C'était pour lui la preuve qu'elle lui accordait l'immense privilège d'apprendre à connaître des facettes de la vraie Christa. Or, maintenant il sentait que le simple fait de voir son visage suffisait à réduire le cœur de sa protégée en miettes et ses yeux en larmes.

S'il y avait eu le moindre espoir d'amour entre eux, il s'était éteint, englouti il y a bien longtemps au fond de la tourbière.

La raideur dans son bras devint insoutenable et Reiner déposa l'haltère au sol. Il joignit ses mains pour y apposer le menton, et installa ses coudes sur ses genoux. Il ferma les yeux : ce n'était pas le moment de se mettre ce genre d'idées mièvres à l'esprit ! Il était arrivé bien trop loin pour ça, il n'avait rien d'autre à faire que continuer.

Il ne survivrait pas aux jeux, c'était certain. Il ferait gagner Christa, c'était évident. Il lui prouverait qu'elle avait eu raison de croire en lui toutes ces années durant et la remercierait ainsi, c'était promis.

Vivre et mourir pour Christa, c'était écrit. Terminé.

Bertholt parcourut la distance qui séparait le gymnase de sa baraque bien plus vite qu'il ne s'y était attendu. Il fallait dire que pour une fois, il avait laissé son pas s'allonger et prenait avantage de ses longues jambes. D'une part parce qu'il n'y avait personne qui marchait à côté de lui, et d'autre part parce qu'il était enfin déterminé à aller voir Annie.

Toute la nuit, il avait songé à ce que Pixis lui avait dit, à propos de vivre sa vie, et surtout de ne pas hésiter à aller voir Annie pour lui parler. Il avait aussi repensé aux paroles de Reiner, encore avant, aux derniers Entraînements à 24. Il connaissait Annie. Il était celui qui la connaissait le mieux. Et s'il n'était pas sûr de la comprendre, alors il devait lui parler. Dans tous les cas, on lui avait conseillé de lui parler, et même son propre esprit savait qu'il ne faisait que retarder l'échéance et que c'était effectivement la bonne chose à faire.

Sa mauvaise nuit l'avait incité à prendre de la distance, sortir un peu de la routine pour se débarrasser de sa fébrilité nerveuse. Plutôt que de faire des pompes dans sa chambres, il s'était rendu au gymnase. En plus, il avait eu la chance d'y croiser Reiner, qui l'avait rejoint dans ses appuis faciaux ! Sa séance de décompression avait été bien plus efficace grâce à la présence du tribut musclé, qui l'accompagnait de ses quelques plaisanteries et de sa camaraderie.

Avec un sourire distrait, il entra dans la baraque et grimpa les marches de l'étage deux par deux, rebondissant presque sur le sol. En levant son bras pour toquer, il ressentit un petit éclair de nervosité saccader ses gestes, mais une profonde respiration dans le même mouvement ne le fit pas hésiter plus longtemps et il toqua à la porte.

-Entrez. »

Il ouvrit la porte, doucement cette fois, pour ne pas brusquer la jeune fille avec sa nouvelle détermination. Avec une brève expiration, il s'assura qu'il n'avait pas les sourcils froncés et entra. Annie était assise en tailleur sur son lit, un oreiller sur ses genoux pour y poser le livre qu'elle lisait.

-Je voudrais te parler, dit Bertholt avec soulagement quand il constata que sa voix ne tremblait pas. Est-ce que tu es libre maintenant ? »

Il devina plus qu'il ne vit les épaules de la jeune fille se tendre, et ses sourcils se froncer doucement, comme si elle se préparait à recevoir un choc. Mais elle acquiesça tranquillement et se décala pour lui laisser la place de s'asseoir à côté d'elle. Bertholt obtempéra et remercia le ciel qu'elle ne lui ait pas proposé la chaise de son bureau. Il n'aurait peut-être pas pu le faire en la regardant en face.

-Je voudrais te parler de ce qu'il s'est passé la dernière fois, au cours de Pixis. » déclara-t-il en se tournant de trois quart vers elle, les deux mains pressées sur ses genoux.

Annie hocha doucement la tête, et visiblement elle était encore un peu plus confuse. Bertholt déglutit, mais s'ordonna de ne pas trop hésiter.

-Je voudrais m'excuser, avoua-t-il dans un souffle. Pixis était en train de plaisanter, c'est vrai, mais j'aurais dû savoir que ça te mettrait mal à l'aise, et que tu n'aurais pas envie d'en entendre plus. Je veux dire, je t'ai mise dans l'embarras, et c'est un peu comme si je t'avais forcée à partir parce que je t'ai laissée toute seule. D'ailleurs, tu as peut-être commencé à m'éviter un peu à cause de ça, mais... »

Il se tritura les doigts nerveusement, en pressant méthodiquement les phalanges de sa main gauche une par une.

-En fait, continua-t-il d'une voix encore un peu plus douce, je me pose beaucoup de questions en ce moment, sur ce qu'on va devenir. »

Il fit l'effort de croiser le regard d'Annie, pour être sûr de faire passer son message.

-Je me demande si on va réussir à rester ensemble pour le début des jeux, si on va toujours s'entendre. Je me demande si je te tire en arrière, et si ça t'est toujours utile de rester avec moi. Peut-être que tu as envie de te trouver un autre partenaire, je ne sais pas. »

À ces paroles, il vit la jeune fille relever le menton, les sourcils froncés, comme si elle s'apprêtait à intervenir, mais Bertholt la supplia du regard de le laisser finir. Il ne se sentait pas le courage de reprendre après s'être interrompu. Elle hocha la tête.

-Ce que je veux dire, c'est que tu es une amie formidable. Mais j'ai peur que les jeux nous changent, sans même qu'on s'en rende compte nous-même. Ça me terrifie. Et j'espère qu'on va réussir à rester nous-même, à rester amis, et... enfin voilà, c'est surtout que je me pose beaucoup de questions, et je suis désolé de t'embarrasser parce que je n'arrive pas à me reprendre. »

Il avait baissé la tête, car le contact prolongé le rendait maladroit. Dans un murmure, il avoua une dernière chose :

-Je n'ai vraiment pas envie de te perdre. »

Et c'était pour ces mots qu'il ressentait le plus de force dans sa sincérité. Il ne voulait pas la perdre. Elle avait été une amie, une compagne de ses malheurs, une force capable de l'aider à se relever, une ancre émotionnelle dont il avait eu besoin plus de fois qu'il ne pouvait se rappeler.

Un léger reniflement amusé retentit dans le silence de la pièce, et sa tête vira vers la jeune fille avec surprise. Elle ne souriait presque pas, mais ses yeux ne contenaient aucun jugement. Seulement de la bienveillance, et peut-être un peu d'étonnement. Elle ne s'attendait peut-être pas à ce que Bertholt parte dans de telles proportions.

-Tu sais, si je suis partie à ce moment-là, c'est surtout parce que Pixis était lourd, commença-t-elle en refermant son livre avec un marque-page. Si on était restés tous les deux, ça n'aurait fait qu'empirer, donc je me suis dit que c'était une meilleure idée si je te laissais gérer. Tu t'en sors mieux avec lui que moi : je ne comprends pas quand il fait des blagues. »

La confusion se peignait sur les traits de Bertholt comme si Annie tenait un pinceau et éclaboussait de la peinture sur son visage à chaque syllabe. Cette fois, un petit sourire était bien visible sur le visage de la jeune fille.

-Et je ne t'évite pas. En tout cas, pas plus que d'habitude. C'est bien de réfléchir, mais tu as un peu tendance à juger avant de voir, parfois. »

Bertholt rougit immédiatement et se cacha la tête dans ses mains, les coudes dans ses genoux.

-Hier, continua-t-elle comme pour enfoncer le clou, je me suis dit qu'il valait mieux que tu règles les choses avec lui, de ton côté, pour que ça avance. Si je m'éloigne et que tu discutes de ce qui est vraiment important, il devrait comprendre.

-Eurrrrh… gémit Bertholt. Est-ce que tu peux prétendre que les dernières minutes n'ont jamais existé, s'il te plaît ?

-Non. »

Surpris par son ton catégorique, il s'extirpa du confort de ses mains et se tourna vers elle. Elle ne souriait plus.

-Si je faisais comme si les dernières minutes n'existaient pas, je ne pourrais pas parler de ce que tu viens de dire, et ça me semble important. »

Avec appréhension, Bertholt la vit prendre une inspiration et déclarer :

-Tu ne me ralentis pas du tout. Je suis peut-être un peu plus forte que toi, et j'ai plus de technique, mais nous allons avoir besoin de ta taille. Et puis, tu analyses peut-être beaucoup, mais tu analyses bien. Tu sais tirer. Tu as créé des liens avec les autres, alors que moi, j'ai préféré rester dans mon coin. Je ne suis pas sûre que je pourrais essayer de devenir amie avec eux... ce serait probablement trop dur à supporter si je dois les tuer plus tard. Mais toi, tu peux, et tu l'as fait. Tu te tortures la tête avec, mais tu peux supporter ça. »

Bertholt retint sa respiration, comme si les paroles d'Annie se gravaient dans l'air entre eux, et qu'il soufflerait l'impact qu'elles avaient sur lui rien qu'en respirant. Comme il l'avait déjà fait avec elle. Mais non. Les paroles d'Annie étaient plus fortes que les siennes. Au lieu de détruire ses espoirs, elles les renforçaient.

-Je n'ai pas envie de te perdre non plus. Et comme aucun de nous deux ne veut perdre l'autre, je ne pense pas que ça arrivera. »

C'était une logique facile à démonter. Même eux avaient vu des amis s'éloigner les uns des autres, juste à cause du temps qui passait, même s'ils s'étaient promis de toujours rester ensemble. Mais il avait deux façons d'y croire.

Il ne leur restait déjà plus beaucoup de temps avant qu'ils n'aient à faire face au jeux. Il y avait peu de chance qu'une distance soudaine se crée juste comme ça. De plus, c'était eux contre le monde. Ils avaient tout intérêt à rester ensemble et à se soutenir.

Et en même temps, Annie n'avait même pas besoin de cette logique. Ses yeux brillaient d'un feu calme et puissant, les braises qui persistent à briller et réchauffer sous la cendre. Elle croyait en ce qu'elle disait, de toute son âme, et Bertholt ne pouvait que croire avec elle. Il se prit à sourire, d'abord timidement, puis de toute ses dents. Il hocha la tête avec énergie, revigoré.

-Promis ? proposa-t-il en étirant le petit doigt.

-Promis, oui. » répondit-il en y joignant le sien avec un petit pouffement amusé.

Il n'avait pas fait de promesses comme ça depuis bien longtemps.

En voyant leurs petits doigts entremêlés, il sentit une petit vague d'émotion s'écraser sur sa cage thoracique. Il se sentait reconnaissant envers elle. Elle n'aimait pas parler beaucoup, elle en éprouvait rarement le besoin, mais elle avait fait l'effort de le remettre sur le droit chemin, de le rassurer. La sollicitude qu'elle avait essayée d'exprimer en laissant à Bertholt l'occasion de parler avec Pixis sans lui mettre de pression était admirable.

Annie était une personne gentille. Peu de personne pouvait vraiment le voir, mais il avait l'impression que ça ne la dérangeait pas. S'entourer de gens vraiment capables de la comprendre même s'ils étaient peu nombreux semblait lui convenir parfaitement. Et Bertholt se sentait honoré d'en faire partie. Avec un dernier sourire, il la remercia, le cœur plus léger qu'il ne l'avait été depuis qu'ils avaient mis les pieds ici.

J-10

( ) …

Hansi, la seule personne à être fière d'être presque morte

Reiner = un gros tas d'angst