T'es au courant que ce sont peut-être tes dernières paroles ?
!TRIGGER WARNING! GORE et BODY HORROR (liés aux titans)
OST SNK qui se prêtent bien à l'ambiance =
The Weight of Lives -
- Shingeki St 20130629 Kyojin -
- Eye-Water -
- Vogel im Kafig -
… ( ) …
La lisière attendait Bertholt à bras ouverts, deux branches écartées comme pour l'étreindre. Ses yeux restaient fixés sur l'ouverture qu'Annie venait de franchir devant lui, et son talon droit fut le premier à franchir la frontière. Ils s'engouffrèrent dans l'obscurité et la fraîcheur la tête la première, et Bertholt sentit les broussailles et les branchages lui griffer le visage comme pour l'empêcher d'aller plus loin. Les muscles autour de ses yeux se détendirent d'un seul coup, lui donnant presque l'impression qu'il les fermait alors qu'il arrêtait simplement de les écarquiller.
Annie détalait devant lui, le souffle court, si vite qu'elle commençait à le distancer.
Tous ses nerfs jaillissaient de sa colonne vertébrale pour dévaler ses muscles dorsaux, une carapace à la recherche du moindre impact qui viendrait profiter de son angle mort. Sa nuque, plus que tout, le piquait, et une fine couche de sueur froide perlait dessus.
Il les attendait, il les attendait avec impatience, pour tirer un trait sur ces dernières minutes, pour s'en débarrasser et pouvoir les laisser derrière et simplement avancer sans se préoccuper de rien d'autre.
Les coups de canon du premier tour tonnèrent enfin, impitoyables. Le son rebondit contre les arbres à toute allure pour frapper ses oreilles, assez fort pour qu'il soit incapable d'estimer la distance ou la direction du coup, assez fort pour continuer à ricocher dans son crâne.
Bertholt releva la tête, ralentissant pour observer à travers la canopée encore clairsemée des arbres. Quelques images persistaient, une indication pour tous ceux qui peinaient à quitter le champ de bataille, un drapeau railleur qui dominait le ciel.
Ursula. Il lui avait à peine parlé, mais il se souvenait à quel point elle lui avait paru minuscule et pleine d'énergie, comme une petite souris craintive. Tom. Lui non plus, il l'avait à peine côtoyé, mais sa frayeur constante l'avait mis mal à l'aise s'il était resté trop longtemps près de lui, chacun de ses gestes lui aurait paru hostiles. Thomas. Un garçon particulièrement avenant et diligent, à qui il aurait voulu parler encore davantage. Laura. Elle l'avait intimidé avec sa tendance à proférer des insultes à tout bout de champ, et leur altercation n'avait pas arrangé les choses. Samuel. Il était patient, mais avait tendance à l'éviter. Sandra. Il ne savait rien d'elle du tout.
À chaque visage, le soulagement gonflait ses entrailles, tiraillait son abdomen, en lutte féroce avec sa culpabilité.
Il l'ignora. La priorité était de courir, se sauver, s'éloigner le plus possible avant que les Titans ne débarquent. Plus il retardait l'échéance de sa première rencontre, mieux il s'en porterait. Annie ne s'arrêtait pas ni ne ralentissait, elle. Il devait être capable de la suivre.
Il se focalisa exclusivement sur son rythme : une foulée après l'autre, ne pas claquer le talon mais enchaîner les pas fluidement pour faire moins de bruit et ne pas secouer son squelette, garder les bras près du corps mais relâcher ses épaules, inspirer par le nez et expirer par la bouche. Le décor autour de lui n'était plus qu'une bande de couleur qui se déroulait à l'infini.
Un autre coup de canon retentit. Bertholt leva à nouveau la tête vers le ciel, mais aucun écran géant ne garnissait les nuages. Un frisson traversa sa colonne pour venir se loger dans son plexus, et il fronça les sourcils et serra les dents. Une poignée de secondes plus tard, la terre trembla, martelée par les géants difformes qui venaient à sa rencontre. Ils arrivent.
S'il n'était pas déjà en train de courir, Bertholt se serait pétrifié sur place. À la place, il pressa le pas. D'après les vibrations du sol, ils s'étaient suffisamment éloignés pour ne pas être en danger immédiat à cause de ces sales bêtes. Pour continuer à avancer, il leur fallait prendre leurs repères, savoir où ils étaient et où aller.
-Annie. » appela-t-il.
La jeune fille ne répondit pas, et ce fut le troisième signe que quelque chose n'allait pas. Il avait ignoré les deux premiers elle ne s'était pas retournée pour s'assurer qu'il la suivait, et sa vitesse se fichait de la distance entre son partenaire et elle.
-Annie ! » exigea-t-il plus fermement.
Elle continuait à cavaler, et l'urgence traversa ses veines comme de la neige fondue, qui engourdissait ses membres mais exacerbait ses sens. Ils devaient s'arrêter, quelque chose n'allait pas, il devait savoir quoi. Malheureusement pour lui, Annie était très rapide. Ses muscles se contractaient et se détendaient comme le guépard lancé à la poursuite de sa proie. Ou celui qui fuyait l'incendie de sa forêt natale.
-Annie, il faut qu'on s'arrête ! Il faut qu'on décide de la suite et qu'on arrête de courir à l'aveugle ! »
L'étau de l'effort et de la tension serrait ses poumons aussi fort qu'il empoignait les sangles des paquetages. Malgré son application à respirer correctement, il n'avait qu'un filet de voix, davantage souffle que son. Ça n'allait pas suffire pour atteindre les oreilles de la jeune fille.
Il essaya d'allonger encore ses pas, de se jeter en avant pour rattraper la jeune fille. Il n'était pas si loin devant, et l'écart ne se creusait pas si vite, il pouvait encore la rattraper. Il laissa le contrôle de sa course lui échapper, se concentrant uniquement sur la vitesse.
Un geste minuscule. Si toute son attention n'était pas entièrement focalisée sur elle, il l'aurait manqué. Un léger mouvement de la tête, pour regarder en arrière, qui lui permit d'apercevoir sa bouche tordue dans une grimace terrifiée, et Annie accéléra, manquant de trébucher sur le vide dans sa hâte de fuir. Le fuir.
Secoué, Bertholt ralentit brutalement pendant quelques précieuses secondes, et seule la vision de la jeune fille qui s'éloignait soudain beaucoup plus vite le motiva à repartir à la charge.
-Annie, c'est moi, c'est Bertholt ! »
Qu'est-ce qu'il venait de se passer ? Pourquoi le fuyait-elle lui ? Est-ce qu'elle le reconnaissait encore ? Le doute et l'angoisse ébranlaient ses gestes, mais la détermination à comprendre et la volonté d'aider sa partenaire prenaient le pas.
-Il faut qu'on fasse une pause ! Il faut qu'on décide où aller et quoi faire, et qu'on enfile l'équipement tridimensionnel ! »
Les raisonnements logiques n'eurent aucun effet sur elle. Elle courait toujours, et Bertholt la voyait perdre en contrôle, il voyait ses épaules qui se secouaient à un rythme effréné, il la voyait ignorer son manque de souffle pour continuer à tirailler son corps et foncer droit devant. Il avait peur de la voir s'élancer droit dans le vide s'ils rencontraient une falaise. Il ne l'avait jamais vu aussi affolée.
Que pouvait-il lui dire ? Quels étaient les mots qui seraient capables de l'arrêter ? Ils n'avaient pas beaucoup de temps, réalisa-t-il. Leurs forces étaient limités, il y avait peut-être des tributs dans les environs, et les Titans ne tarderaient pas à les rattraper, surtout s'ils s'épuisaient.
-S'il te plaît, ANNIE ! »
Le haussement de ton n'était clairement pas une bonne idée non plus. La jeune fille broncha et se tendit encore davantage, et Bertholt commençait à être à court d'option. Elle n'avait pas trébuché une seule fois, donc il ne pouvait pas compter sur ça. Il n'arrivait pas à la rattraper. Il n'y avait rien devant eux à part un terrain plat et des arbres. Il ne pouvait pas s'arrêter pour préparer quoi que ce soit. Il n'avait pas trop le choix.
Il pressa les sangles une dernière fois et appela à nouveau la jeune fille :
-Annie, attention ! »
Les muscles de son épaule et de son bas droit se contractèrent sèchement et il projeta le sac d'équipement de toutes ses forces en avant. Les yeux écarquillés, la jeune fille se retourna et se jeta sur le côté pour esquiver le projectile. Elle roula hors de portée et Bertholt chargea sur elle, accompagné par les clang du matériel qui rebondissait au sol. Elle se releva déjà et se faufila hors de sa prise. Il parvint à saisir son bras pour la déséquilibrer et la tira vivement en arrière. Elle se débattit avec énergie, mais sans pousser un seul cri, ce qui l'alarma encore davantage. Il parvint à passer un bras en travers de son dos et à la plaquer contre son torse, une main derrière sa tête pour la maintenir contre son épaule.
-Annie, c'est moi, tout va bien ! s'empressa-t-il d'assurer alors qu'elle se démenait avec vigueur. C'est moi ! »
Elle ouvrit la bouche et planta ses dents dans son épaule.
-Ow ! »
Bertholt laissa échapper un sursaut mais ne relâcha pas sa prise, serrant les dents alors qu'il sentait l'émail qui perçait presque la peau. Elle le relâcha presque immédiatement en constatant qu'il ne bougeait pas, la respiration lourde et erratique. Elle poussait, tirait avec ses bras sans parvenir à rassembler assez d'énergie et de précision pour se dégager.
-Je suis désolé de t'avoir interrompue comme ça, c'était nécessaire. » dit Bertholt, sans savoir s'il la rassurait elle, ou lui-même.
Il s'apprêtait à continuer, à lui murmurer des paroles rassurantes, mais elle s'immobilisa à l'entente de son ''désolé''. Les paumes qui le repoussaient empoignèrent ses vêtements, le front qui frappait ses clavicules se posa sur son épaule, et le corps qui semblait trembler de rage se mit à trembler de chagrin.
Du moins, c'est ce qu'il devina en entendant un hoquet étranglé.
-Je suis désolée, souffla Annie dans un sifflement à peine audible. Je suis désolée, je suis désolée... »
Il n'aurait rien entendu si son oreille n'avait pas été si près de son visage, et la réalisation lui fendit le cœur alors qu'il la serrait plus fort. C'était la culpabilité qu'elle avait fui de toutes ses forces. Le sang sur ses mains dont elle ne pouvait se débarrasser à moins de s'arracher la peau, de compenser avec son propre sang.
-Ça va aller, murmura Bertholt, les yeux humides. Ça va aller. Il faut survivre maintenant, sinon leur mort n'aura servi à rien. Il faut avancer.
-Je suis désolée, pardon... » continuait-elle à répéter en boucle, sans l'entendre.
En un soupir, il relâcha tout l'air qui s'était bloqué dans les recoins de ses poumons depuis leur entrée dans la forêt. Elle allait avoir besoin d'un temps qu'ils n'avaient pas. Les mains d'Annie et tout son corps grelottaient malgré la chaleur qui les enveloppait.
-Annie, je sais. Je sais que c'est dur. Respire, profondément. Avec moi. »
Elle n'arrivait clairement plus à penser, et il devait l'aider, la guider. Une main sur son dos, il inspira lentement et profondément, et réussit à inciter la jeune fille à suivre son rythme. Deux longues minutes passèrent, jusqu'à ce qu'elle parvienne à relever la tête.
Avec un peu d'appréhension, il relâcha sa prise et elle recula, se laissant tomber dans l'herbe. Il mit les mains sur ses épaules, attentif à ne pas presser les ecchymoses qu'elle avait probablement récupéré en se battant avec Reiner.
Elle poussa un soupir fatigué, et Bertholt un soupir soulagé. Sa litanie s'était enfin interrompue. Les poings qu'elle avait pressé sur son dos s'écartèrent et il ne put empêcher une inspiration sèche lorsque l'un deux passa sur la morsure qu'elle lui avait infligé.
Sa tête cingla vers le jeune homme et ses yeux injectés se fixèrent vers les deux arc de cercle humides et froissés du vêtements. D'un geste sec, elle l'écarta pour révéler la marque qui bleuissait rapidement, avec quelques entailles rouges. Bertholt sut instantanément qu'il n'aurait pas dû la laisser voir.
Tout son visage se décomposa, abandonnant la semblance de paix qu'elle avait pu récupérer, et elle se laissa tomber en arrière en relâchant sa prise, les doigts à nouveaux tremblants.
-J'ai...ils... le s...
-Annie, je vais bien ! C'est rien, c'est rien. »
Elle l'ignora et se recroquevilla sur elle-même, le visage vers le sol. Elle contempla ses mains blanches dont les frémissements devenaient incontrôlables, tremblant autant que ses yeux, et la peur avait élu domicile permanent dans les veines de Bertholt.
Hésitant, il approcha ses mains d'elle, sans oser la toucher. Il savait juste que si elle recommençait à courir, il l'en empêcherait. Elle suivit les lignes de ses phalanges et de sa paume des yeux. Il y avait de la terre et du sang dessus, et ses iris disparurent presque derrière le trou noir de ses pupilles. Sans prévenir, elle remonta vivement sa manche, les yeux fixés sur la bosse de son poignet, avec une concentration qui frisait la psychose.
-Annie... ? »
Le rythme saccadé de ses gestes empêcha Bertholt de prévenir tout danger. La seconde suivante elle dégainait sa dague et la brandissait droit sur son poignet.
-NON ! »
De justesse, il saisit la main de la jeune fille et l'arracha hors de portée, tordant son poignet pour lui faire lâcher prise sur son arme. Comme s'il lui avait retiré toute sa vitalité, elle laissa retomber son poignet au sol, l'autre main maintenue en l'air par Bertholt. Il l'empêcha de justesse de se laisser complètement tomber au sol, et vit sa poitrine se soulever de plus en plus vite. Son propre cœur battait à tout rompre dans sa cage thoracique, mais la réaction d'Annie n'était pas normale.
-Annie... appela-t-il le plus doucement possible. Écoute-moi. »
Peu importe combien de fois il pouvait encore échouer à la faire revenir parmi les vivants, il devait essayer, jusqu'à réussir. Rester sur un échec n'était pas une option. Il hésita mais finit par relâcher sa prise sur le poignet pour tenir sa main à la place.
-Ça va aller, Annie. Je sais que là maintenant, tu as envie de mourir. Mais pas maintenant, je t'en prie. Respire avec moi, s'il te plaît. C'est dur, mais il faut que tu vives. J'ai encore besoin de ton aide, de ta présence. Je ne pourrais pas m'en sortir sans toi, et je veux que tu vives. Respire, ça va aller. Nous allons nous relever, récupérer nos affaires, et chercher une base, d'accord ? Une étape après l'autre. »
Des sujets cachés au fond de son cœur et des craintes encore sans formes dégringolaient de sa bouche dans l'espoir acharné de la faire revenir. Mais autant que cela lui coûtait, quelque chose dans ses paroles eut le mérite de fonctionner. Il eut envie de remercier tous les dieux du ciel lorsque la jeune fille parvint à respirer normalement de nouveau. Ses yeux fixaient le vide, mais elle ne tremblait plus, et ses épaules s'étaient redressées très légèrement. Il la sentait qui s'accrochait encore de toutes ses forces à son souffle, et il fit de son mieux pour la guider en stabilisant son propre rythme.
-Est-ce que tu peux te lever ? » demanda-t-il.
Des questions fermées d'abord. Elle hocha lentement la tête, mais ne fit pas un geste, et Bertholt comprit. Il se remit debout et la guida vers le haut avec douceur. Distraitement, il perçut le sol qui frémissait sous ses pieds. Ils devaient se dépêcher.
-Tu peux enfiler ton équipement ?
-Oui. »
Il se retint de pousser un soupir de soulagement fébrile. Annie était en train de revenir. Il fit demi-tour pour se diriger vers les sacs qu'il avait jetés, mais Annie l'arrêta, sa main retenant la sienne.
-Je vais chercher les sacs et je reviens tout de suite, la prévint-il. D'accord ? »
Avec une réluctance qui n'était évidente que pour lui, elle lâcha sa main. Il récupéra les équipements et se réjouit de voir que l'usage atypique qu'il en avait fait ne les avait pas endommagés. Il revint vers la jeune fille et lui tendit un des deux sacs. Elle s'en saisit et, comme lui, en sortit le matériel avant de commencer à enfiler les courroies, le visage toujours baissé. Elle captait sûrement la façon qu'avait le jeune homme de scruter ses moindres gestes, mais il n'avait pas le cœur de s'en excuser. De peur de provoquer une autre crise, mais aussi parce qu'il ne voulait pas risquer de la laisser s'échapper encore.
-Est-ce que tu veux récupérer ta dague ? »
Il ne savait pas pourquoi il l'avait formulé de cette manière. Elle n'avait pas le choix, ils ne pouvaient pas abandonner des armes dans la forêt comme ça.
-Non. »
Quelques heures auparavant, il aurait paniqué, lui aurait demandé pourquoi, aurait laissé son cerveau fumer. Il n'était plus exactement le même que quelques heures auparavant. Il se contenta de récupérer la dague et d'essuyer le sang qui restait sur sa manche, puis de lui tendre, paume ouverte, pointe vers lui. Cette fois, elle l'accepta, le visage froissé.
-Allons-y. »
ooo
Ils échappèrent aux Titans. Ni de justesse, ni largement. En quelques signes de tête, ils décidèrent de se diriger vers la section des arbres géants, à l'est, où échapper aux Titans était le plus facile. Il y aurait probablement d'autres tributs dans cette zone-là, mais Bertholt doutait qu'ils puissent trouver un autre plan que celui qu'ils avaient soigneusement construit avant de commencer les jeux. En tout cas, pas avant un sommeil correct.
Ils faisaient une pause pour s'abreuver à une rivière quand un coup de canon les fit sursauter en chœur. Il était trop tôt pour une nouvelle vague de Titans, et Bertholt leva les yeux vers le ciel, contemplant l'image qui s'y afficha avec chagrin. À côté de lui, Annie faisait de même. Ils reprirent la route, et le second coup de canon qui résonna quelques heures plus tard eut le même effet.
Ils s'arrêtèrent à mi-chemin alors que la nuit tombait, après avoir repéré la cime particulièrement élevée d'un arbre, dont les branches étaient suffisamment larges pour les abriter. Ils partagèrent un repas de deux rations de nourriture.
Annie ne dit pas un mot alors qu'ils s'installaient tous les deux sur un croisement de branches, et Bertholt non plus. Pas besoin de feu, et la nuit avait beau être humide, il ne faisait pas trop froid. De fait, il fut surpris de sentir la jeune fille se presser contre son côté.
-Je suis désolée. » murmura-t-elle.
Ce murmure là était énoncé en toute conscience, et il s'en réjouit. Il n'allait pas pouvoir entendre la phrase sans que le rythme de ses battements de cœur ne double brutalement dans les prochains jours, mais il pouvait passer outre.
-On peut y arriver, redit-il une énième fois. On va y arriver. »
Il s'arrêta de justesse de promettre qu'ils rentreraient à la maison et serra les dents, s'empressant de verrouiller toutes ses pensées pour détailler avec obstination le décor qui lui faisait face. Ce n'était pas le moment d'y penser.
À côté de lui, Annie s'agita un peu, sûrement pour trouver une position plus confortable et il l'imita assez vite. Le sommeil promettait d'être difficile à trouver, et agité. Il avait l'impression qu'il allait tomber de l'arbre à chaque seconde, peu importe à quel point la branche était large et ses appuis solides. Il savait qu'il bougeait énormément dans son sommeil.
-Bonne nuit, Bertholt.
-Bonne nuit, Annie. »
Ils n'avaient même pas besoin de se concerter pour des tours de garde. Bertholt veillait tard, obnubilé par ses pensées jusqu'à ce que la fatigue parviennent à les faire taire, et Annie serait dérangée avant même les premiers rayons de soleil.
…
Les halètements saccadés qui lui parvenaient aux oreilles étaient beaucoup trop proches. Du coin de l'œil, Jean s'assura que personne ne les pourchassait, mais les seules silhouettes environnantes étaient celles des arbres. C'était sa respiration à lui, à bout de force, qui peinait à suivre le rythme staccato de ses battements de cœur et malmenait ses poumons.
Son cerveau turbinait à toute allure, plus rapide encore que ses foulées. Il devait trouver un abri en hauteur, près d'un point d'eau, soigner Minha qui ballottait derrière lui, et trouver une zone où il y aurait de quoi manger. Le premier Lâcher de Titans était pour bientôt. Ou avait-il déjà eu lieu ? Le boucan dans ses oreilles était assourdissant.
-Jean...
-Pas maintenant, la coupa-t-il. On doit d'abord te mettre en sécurité. »
Sa propre voix ressemblait à un chuintement étouffé qu'il ne reconnaissait plus. Ses biceps et ses cuisses le brûlaient d'effort, et après tout ce fiasco et l'énergie qu'il avait dépensée, il n'allait pas tarder à avoir faim. Il rajusta sa prise sur Minha et s'excusa en l'entendant gémir.
Il vira brutalement sur le côté et atterrit en quelques pas en face d'un buisson de baies. Il devait y en avoir d'autres dans le coin, il ne lui restait plus qu'à trouver un point d'eau et un arbre accessible.
-Jean, je...
-Attends, fit-il en relevant la tête pour fouiller les environs du regard. J'y suis presque. »
Le soupir qui lui caressa la nuque provoqua des sueurs froides qui s'insinuaient jusque dans ses os. Il reprit la course, un peu moins rapide. Il devait économiser ses forces pour pouvoir construire un abri après avoir pansé la blessure de Minha.
-Jean, pause, s'il te plaît. »
Il s'immobilisa, tous les sens aux aguets. La voix de Minha ne lui parvenait que comme un murmure, mais résonna comme un signal d'alarme.
-Y a un truc qui va pas. »
Malgré le sang qui se glaçait dans ses veines, il réussit à rejoindre un arbre, et y adossa doucement Minha. Elle glissa de ses épaules plus vite qu'il ne s'y attendait, le teint pâle comme la... craie. Il retira le paquetage qu'elle n'avait pas la force d'enlever elle-même. Sa main droite était enracinée autour de la flèche, soulevée par le mouvement erratique de sa poitrine. Délicatement, Jean posa sa main sur le poing et la température lui arracha un sursaut.
-T'es gelée ! »
La pulpe de ses doigts le picotait, se remettant à peine du choc.
-Je sens plus mon corps. » confirma Minha dans un grincement de dents.
Jean déglutit nerveusement. Pour savoir ce qu'il en était, il fallait qu'il observe la blessure de près, et Minha ne pouvait clairement pas bouger d'elle-même. Il approcha sa main et prit son index entre deux doigts pour l'écarter du bois, déliant petit à petit l'emprise qu'elle avait sur la flèche. La main de Minha dans sa paume, il la déposa doucement dans l'herbe. La jeune fille faisait de son mieux pour réguler sa respiration.
Jean récupéra sa dague nouvellement acquise et saisit avec précision un morceau du tissu autour de la flèche. Dans un geste sec, il déchira l'uniforme jusqu'à l'épaule. La couleur lui sauta aux yeux : le contour était constellé de bleus violacés, sa chemise immaculée était déjà tâchée de sang. Sa respiration se craquela. C'était pas normal.
Il se pencha en avant pour détailler la plaie, et recula presque aussi sec avec une grimace de répulsion.
-Du... du poison ? »
Ça peut pas être ça...C'est quoi ce délire, ils se foutent de notre gueule ! Aucune des informations qu'il avait collectées sur les armes ne mentionnait de poison sur les flèches. Est-ce que c'était Thomas qui l'avait amené avec lui ? Non, il se serait fait choppé aux douanes. Ça voulait dire qu'ils n'en avaient mis que sur quelques unes, sûrement pour pimenter le début des jeux. Une nouveauté de cette année ou un secret bien gardé ? Probablement la première option. Leur édition avait la réputation d'être plus soudée que d'autres. Qu'ils aillent se faire foutre.
L'émail de ses dents grinça si fort qu'il retînt un grognement au pic de douleur qui pulsa dans ses gencives. Toute sa mâchoire tremblait.
Pas Minha...
-Il... il va falloir que j'enlève la flèche. »
Pour seule réponse, Minha papillonna des cils. En vitesse, il détacha la trousse de secours de la ceinture de la jeune fille et l'ouvrit. Il y avait suffisamment de compresses pour la tâche. Il en prit une belle poignée et la rassembla en pelote dans sa main droite. Il se tourna vers sa partenaire, posa le tissu contre sa clavicule et enserra la hampe. Ses mains étaient moites et il ne leur faisait pas confiance.
Il inspira entre ses dents, raffermit sa prise, et tira d'un coup sec, apposant immédiatement les compresses sur la plaie pour empêcher l'hémorragie. Minha ne gémit même pas, et c'était plus glaçant que tous les cris qui auraient pu lui échapper.
Il jeta la flèche au loin, et fouilla d'une main dans la trousse de secours, priant pour y trouver ne serait-ce qu'un espoir d'antidote.
Rien. Du sparadrap, des bandages, du mercurochrome, des sutures adhésives, un ou deux anti-douleurs, des pansements (ha!), des ciseaux, des onguents de cicatrisation... mais pas d'antidote.
-Surtout t'endors pas. » ordonna-t-il en se remémorant l'attitude à adopter face à un blessé, les deux mains comprimant la plaie.
Non, il faut qu'elle se concentre sur quelque chose. Participation active et tout le barda.
-Parle-moi.
-... Elle te va bien, la cape... on dirait que tu vas t'envoler. » chuchota-t-elle.
Ses poumons réclamèrent tout l'oxygène qu'ils pouvaient emmagasiner. L'air captif les gonfla, assez pour accomplir la tâche qui lui incombait. Du moins, il l'espérait.
-Si j'pouvais voler, on aurait pas à s'inquiéter pour le ravitaillement du gaz.
-Et on se serait moins perdus en forêt.
-Arrête ton char, t'es encore là.
-Nan, je veux dire... »
Son souffle s'étrangla dans un tressaillement de poitrine. Celle-là venait de lui en coûter. Est-ce que ses mains glissaient ?
-La forêt, à la maison...
-Celle avec l'étang ? »
Elle se contenta de hocher la tête, alors Jean insista :
-C'est de celle-là que tu parles, ou d'une autre ?
-Oui.
-Oui laquelle ?
-Oui, celle-là...
-C'est marrant, j'y ai pensé aussi. Pendant que je t'avais sur le dos, il y avait un sentier qui ressemblait à celui qui mène à l'étang. T'as reconnu ?
-... oui ?
-On devait régler son compte à un saule dans le coin une fois, et il a tellement plu dans la semaine que le terrain est devenu inaccessible, complètement embourbé, et on a vraiment cru que la foudre de la tempête allait finir le boulot à notre place.
-Ha... s'essaya-t-elle.
-Du coup... fit-il, les pupilles aussi agitées que son cerveau.
-Ça y est ? T'es à court ? (Il cingla la tête vers elle.)... D'habitude, t'es pas aussi bavard...
-Hah ! En même temps c'est toi la pipelette de service, j'te rappelle ! »
Trop occupée à maquiller l'irrégularité de sa respiration, elle n'ajouta rien. Il sursauta l'humidité imprégnait sa paume à travers les compresses.
-Minha... ? Minha ! »
Son torse continuait de se soulever au rythme de sa respiration traînante, le filet de sa voix tari par la course du poison. Ils allaient devoir s'arrêter là pour la participation active.
Mais il ne pouvait rien faire d'autre. Cette flèche, c'était lui qui aurait dû se la prendre, et Minha s'était sacrifiée pour le sauver, et il ne pouvait même pas lui rendre la pareille. Combien de fois était-ce déjà arrivé ?
Non, il doit bien y avoir un autre truc à faire. Retirer le poison ? Il risquait d'en absorber au passage, mais son corps prit la décision avant lui. Il se pencha en avant, retira doucement les compresses déjà imbibées et approcha sa bouche de la plaie, dans l'espoir d'en extraire la substance.
La main de Minha entrava son chemin, repoussant sa joue avec si peu de force qu'on aurait dit une caresse. Jean la ressentit comme une gifle.
-Non... »
Son ton, en revanche, contenait toute l'autorité nécessaire pour se faire entendre. Jean obéit.
-D-D'accord, concéda-t-il en s'efforçant de garder sa voix stable. Je... je vais trouver autre chose. »
Mais quoi ? Il n'avait pas d'autres options à part la regarder mourir ! Il aurait aimé être assez simple d'esprit pour penser qu'il pouvait encore changer la donne. Mais le teint de la jeune fille était cireux. Sa respiration s'était brutalement approfondie, presque comme si elle dormait, et seule la torsion légère de sa grimace permettait de deviner qu'elle était toujours éveillée. Ses yeux fixaient le vide sans cligner, et Jean se mordit la lèvre jusqu'au sang. Il ne les avait jamais vus aussi noirs.
Son attention se rattacha à la plaie, et une goutte de sang roula le long de son torse. Non ! Il pressa à nouveau les compresses.
-Reste avec moi. » réclama-t-il.
Au moins, l'hémorragie avait l'air de s'arrêter. Sa main gauche s'empara du sparadrap et il mordit l'adhésif pour le dérouler d'un geste franc. Il relâcha la bande et en déchira une partie avec les dents pour l'appliquer sur le bord de la compresse. Il répéta l'opération trois fois, la plaie sécurisée. Il avait arrêté la course du sang, mais pas celle du poison.
Il laissa ses bras retomber sur ses cuisses, accablé. Il avait épuisé toutes ses options, et il n'avait plus qu'à se prendre de plein fouet la réalité, qui épinglait ses os à la terre.
La tête de Minha dodelina faiblement et Jean se redressa aussitôt. Il ouvrit la bouche, s'apprêtant à lui demander comment elle se sentait, ou toute autre chose qui lui permettrait de rester en contact, mais elle le devança :
-Jean... Où tu es ? »
La main de Jean vola vers celle de Minha et s'arrêta sèchement à quelques millimètres, de peur de la brusquer. Il baissa les yeux dessus, et ses doigts se posèrent sur les siens, avant de glisser vers sa paume et l'envelopper. Il pressa légèrement.
-Je suis là. » chuchota-t-il à grand-peine.
Il y avait tant de nœuds dans sa gorge qu'elle était complètement obstruée, une pelote pleine d'aiguilles qui s'attaquait aux parois et l'empêchait même d'avaler sa salive. Les doigts de Minha sursautèrent dans sa main et se détendirent, bercés par ceux de Jean.
Il la vit ouvrir la bouche, sans parvenir à en sortir quoi que ce soit pendant une poignée de secondes. Ses yeux commençaient à se fermer, et Jean était presque tenté de les maintenir ouverts pour s'assurer qu'elle restait avec lui.
-Tu peux me prendre dans tes bras ? »
Sa respiration se perdit en essayant de se dépêtrer de la pelote d'aiguilles.
Il s'approcha, posa une main sur son épaule valide et l'attira vers lui, sa tête se nichant contre ses clavicules. Il l'enlaça de ses deux bras, pressant ses épaules, et une de ses mains recouvrit le haut de sa tête pour caresser ses cheveux, avec toute la délicatesse dont elle l'avait rendu capable. Le souffle de Minha s'accéléra de nouveau, et Jean la serra plus fort, enfouissant son nez dans sa chevelure. Il pressait ses paupières si fort que ses yeux le brûlaient.
Le moment était décisif, mais il se refusait à l'encadrer, à lui accorder le luxe de sa prise de conscience.
-J'au... »
Trop tard. La voix de Minha suffisait à lui rappeler cette fichue omelette, le travail d'équipe dont ils avaient fait preuve : la main de Minha qui le freinait dans ses débordements, la sienne qui la sauvait d'une chute implacable. Les sourires goguenards, les rougissements indiscrets, les chamailleries... leur confiance.
-J'aurais aimé...chanter... toi... der... fois. »
Ces dernières paroles percèrent la bulle dans laquelle Jean essayait de se réfugier, bercé par le flot familier des souvenirs, et le fracassèrent contre la dure réalité de Minha qui mourait dans ses bras, contre son souffle qu'il n'entendait plus, contre sa poitrine qui ne se soulevait plus, contre le coup de canon qui retentit.
C'était la dernière fois que Minha s'endormait avec cette histoire.
Il resta prostré ainsi, le visage caché dans la chevelure ébène de la jeune fille. Au bout de longues et douloureuses minutes -ou d'heures, il ne savait plus-, il releva la tête, les joues sèches et les muscles rompus.
Il relâcha sa prise, la tête de Minha tomba en arrière et son regard se braqua vers le ciel. Son index et son annulaire scellèrent ses paupières. Avec effort, il se releva, passa ses bras sous ceux de Minha et l'adossa au tronc d'arbre. Un genou à terre, il saisit sa capuche et lui en couvrit le visage. Elle avait l'air de dormir.
Les muscles raides, il se releva péniblement et observa les alentours. Il les redécouvrait comme s'il y mettait les pieds pour la première fois. Il avait beau passer son regard sur les broussailles, l'herbe et les troncs, le décor refusait de s'imprimer dans son esprit.
Il était aux Jeux. Le premier jour. Des Titans progressaient depuis la clairière. S'il restait ici, il finirait dans un estomac. Ou la gorge tranchée par un tribut de passage. Il n'arrivait pas à trouver une raison suffisante de s'en alarmer. Fatigué comme il était...
… Non, ce serait trop horrible pour Hansi de voir ses deux élèves mourir le même jour. Une image de leur mentor s'insinua dans son esprit, face à la télévision, le visage grave. Peut-être qu'iel pleurait, mais il n'arrivait pas à le concevoir. Il lui devait de survivre jusqu'au lendemain.
Son corps reçut les instructions avant son cerveau. Machinalement, il récupéra le paquetage, l'ouvrit et enfila le harnais. La sensation des gaines qui encadraient ses cuisses était bien moins grisante. Il referma la trousse de soin et la rangea dans le sac désormais vide, qu'il endossa. Il attacha le fourreau de la dague à la courroie de sa cuisse gauche. Il était prêt à partir, mais pas à continuer.
Il força ses pieds à faire un pas en avant, puis un autre, avant de rebrousser chemin car il était en train de partir dans la mauvaise direction. Il devait s'éloigner de la clairière, pas s'en rapprocher. Et il devait trouver une cachette.
Il s'enfonça dans la forêt, sa meilleure amie derrière lui.
ooo
Le sol trembla sous les secousses qui se rapprochaient. Il avait beau marcher depuis quelques minutes, le son était toujours aussi imposant, et nouait ses tripes. Il se retourna pour la énième fois, et sursauta en voyant un arbre s'effondrer dans une salve de poussière. Il savait pertinemment que ce n'était pas les arbres déchus qui provoquaient ces secousses. Ils étaient proches. Combien ? Seuls ses pires cauchemars pouvaient l'imaginer.
Il était peut-être temps de trouver refuge.
Jean accéléra un peu le rythme, le nez en l'air pour se dégoter un perchoir correct. Une fois fait, il raffermit sa prise sur ses manettes et décolla pour trouver place sur une branche haute, la trajectoire impeccable. L'habitude n'avait que faire des états d'âme, et il ne savait pas s'il en était frustré ou soulagé.
Il s'agrippa d'une main sur le tronc et passa l'autre sous son menton. Les sueurs froides ne le quittaient pas. Il était situé à dix-sept ou dix-huit mètres du sol et l'arbre était épais à moins que Hansi n'ait oublié de répertorier des spécimens de vingt mètres, il était en sécurité.
Il sonda les environs et une anomalie dans le décor attira son attention. Pas plus de six mètres, une chevelure cuivre qui lui couvrait la nuque, avec des bras si longs que les phalanges raclaient le sol et des mains quasiment aussi grosses que sa tête. Il n'avait même pas envie de vérifier s'il y avait des traces de sang sur ses ongles, ou même s'il en avait.
Presque au ralenti, il le vit s'arrêter et pivoter. Il bloqua son souffle dans sa cage thoracique, comme si cette action dérisoire pouvait le rendre invisible au monde. Son nez était épaté, et il avait de splendides dents du bonheur. Hansi aurait été ravi. S'il en sortait vivant, il prendrait la peine d'en faire une esquisse.
Le Titan leva la tête et fixa son regard sur sa proie, Jean. Il eut l'impression de s'électrocuter et lâcha le tronc. Un frisson violent traversa son échine alors que le monstre faisait quelques pas pour se placer juste en dessous de lui, et Jean vit avec horreur son coude se lever. Il resta soigneusement immobile, les mains sur les manettes, priant pour qu'il ne l'atteigne pas.
Le poignet s'éleva au-dessus du bras, et la main difforme brossa l'air avant d'entraîner de son poids tout le bras en arrière. Non, il n'avait pas d'ongles. Ce pitre avait la main trop lourde !
Le temps que la créature accepte qu'elle ne pourrait pas atteindre sa friandise, Jean put calmer ses pulsations effrénées. Il l'aurait bien vue hausser les épaules quand elle se détourna abruptement pour partir à la recherche d'autres âmes plus malheureuses. Il repensa à Minha, qu'il avait laissée sans défense plus loin, mais se rappela de justesse que les Titans ne couraient pas après les cadavres.
Quelques autres créatures passèrent près de lui, toutes plus grotesques les unes que les autres, et il dut même s'éloigner lorsque l'une d'entre elles commença à gratter le tronc, un peu trop près à son goût.
Il était à la recherche d'une nouvelle cachette quand il entendit un hurlement déchirant sur sa gauche. Un cri de terreur pure. Il s'arrêta net dans sa course, suspendu à un tronc, et fouilla les lieux du regard, priant de tout son cœur pour ne rien voir. Mais le cri retentit à nouveau, et il crut entendre un « À l'aide ! » désespéré.
Il eut l'impression de sentir Minha tirer sur les fils de sa conscience, et il l'imaginait déjà se précipiter vers la provenance du cri, lui sur ses talons. Avec un soupir lourd, il la suivit.
Il lui fallut à peine quelques secondes pour apercevoir, entre deux arbres, un duo de titans qui se disputaient leur butin, l'un se cramponnant à la jambe, l'autre au torse. Au milieu d'eux gesticulait Floch.
Jean resta perché sur son arbre, pétrifié. Floch donnait des coups de pied inutiles dans les doigts qui enserraient sa jambe et griffait ceux qui tenaient son torse. Même d'ici, Jean pouvait voir une traînée rouge. Le titan qui l'agrippait le mieux abandonna l'idée de le tirer vers lui et décida de changer de tactique en avançant sa gueule. Les cris de Floch redoublèrent de volume alors qu'il brandissait ses bras dans une tentative dérisoire pour maintenir écartées les deux rangées de dents qui se rapprochaient.
Ses yeux dardaient dans toutes les directions, à la recherche d'un moyen de se sauver. Ses pupilles se verrouillèrent sur Jean et ne le lâchèrent plus.
-JEAN ! Au s'cours, dépêche ! »
Le jeune homme demeura tétanisé, incapable de faire autre chose que retenir la nausée qui grouillait dans son estomac. S'il venait l'aider maintenant, il était sûr d'y passer. Il ne savait pas encore comment les Titans s'y prenaient pour dévorer les humains, et le simple fait de l'imaginer l'engluait sur sa branche. Même ses yeux étaient paralysés et incapables de quitter le spectacle morbide.
-Putain mais ramène-toii ! » s'égosilla à nouveau Floch.
CRUNCH.
-AAAaaAArrh ! »
Le sang gicla alors que l'intérieur de la cuisse de Floch se retrouvait à l'air libre, et la brisure d'un bâton blanc ressortait du gargouillis de chair. Jean manqua vomir son haut-le-cœur. Le vertige le prit par surprise et il crut que la branche avait déjà cédé, qu'il tombait dans le vide, peut-être droit dans une gueule de Titan. Sa tête tangua et il la redressa assez vite pour se faire mal à la nuque.
-Espèce de salaud ! cracha Floch en s'époumonant. Mais viens, putain ! Sale bâtard ! »
Le mouvement de sa tête avait réveillé tout son corps et Jean fit volte-face. L'instinct de survie le propulsa plus vite que la pression du gaz. Une fois qu'ils en auraient fini avec Floch, ils s'attaqueraient à lui. Il ravala la bile qui était remontée jusqu'à sa gorge.
Les hurlements barbouillés de sanglots le poursuivaient :
-Enculé ! Va crever !... Non, reviens, attends, Jean ! JEAN ! AIDE-M- ! »
La brutalité de l'interruption força Jean à se retourner et il le regretta amèrement : les dents du Titan se refermèrent sur le corps de Floch, sectionnant son torse secoué d'une ultime convulsion de terreur. Le Titan crissa sa mâchoire, penchant la tête en arrière pour faucher les dernières fibres qui reliaient les deux morceaux. Il détourna la tête pour éviter la vision de la chute ruisselante.
Votes du Public – Résultats du Premier Jour :
1. Mikasa Ackerman – District Douze : 23 %
2. Ymir – District Six : 12, 5 %
2. Annie Leonhardt – District Deux : 12, 5 %
3. Reiner Braun – District Un : 11, 3 %
4. Sasha Braus – District Dix : 8, 5 %
5. Ruth D. Kline – District Neuf : 7, 7 %
6. Bertholt Hoover – District Deux : 6, 4 %
7. Marco Bodt – District Neuf : 5, 2 %
8. Eren Jäger – District Douze : 4, 5 %
9. Jean Kirschtein – District Sept : 3, 9 %
10. Christa Lenz – District Un : 2 %
11. Hitch Dreyse – District Trois : 1, 5 %
12. Marlow Freudenberg – District Trois : 1 %
13. Hannah Diamant – District Onze : 0 %
13. Conny Springer – District Huit : 0 %
13. Franz Kefka – District Onze : 0 %
… ( ) …
En raison des événements occurrants dans l'épisode 82 et par la faute de vous savez qui, la publication de ce chapitre a été avancée de quelques jours pour purger la frustration occasionnée. Merci de votre compréhension. - L'équipe
