Oh, du genre hautement stimulant, fais-moi confiance !

OST SNK qui se prêtent bien à l'ambiance = Len Zo 97N10 Hi Kyosetsu Mahle

Eye-Water

Aots2m #3

Aots3-3Spens/21seki

Attack on D

Shingeki Pf 20130218 Kyojin

Aots2m #1

Aots2m #2

So ist es Immer

… () …

Ymir avait déjà une intuition particulière en pénétrant dans le bâtiment réservée à l'exercice physique. Il y avait trop de soleil, les couleurs étaient un peu plus vives, ou quelque chose comme ça. Elle aurait dû se douter que les choses ne se passeraient pas comme d'habitude -s'il y avait vraiment une habitude ces derniers jours-.

Alors, quand elle passa la porte de la salle de gym pour y trouver des tables et des décorations et beaucoup de nourriture et une bande de joyeux lurons qui chantaient en cœur, elle se contenta de hausser un sourcil aussi haut que possible et de rester plantée à l'entrée, la poignée de la porte dans la main.

-Ymir ! Bienvenue ! »

Elle se retrouva brutalement les bras pleins d'une Sasha surexcitée qui bondissait sur ses pattes comme un ressort. Elle se retint de sursauter et de l'envoyer bouler aussi sec et se contenta de la repousser d'une main dans le visage, qui ne sembla pas la déranger pour un sou.

-Oh là, calmos l'excitée de service. Qu'est ce qu'il se passe ici ?

-C'est mon anniversaire ! »

Ymir scanna les lieux et constata qu'effectivement, ça ressemblait à une fête d'anniversaire si elle en avait jamais vu une. Avec les moyens du Capitole. Il y avait des banderoles au nom de Sasha avec lesquelles elles aurait pu se draper pour s'habiller, beaucoup de ballons probablement gonflés à la hâte, des tas de confettis au sol ou sur les épaules et les cheveux des invités... Mais ce qui l'intéressait le plus, ce devait être les deux tables regorgeant de desserts et de boissons.

-Je suis invitée aussi ? demanda-t-elle en sentant de la salive s'accumuler dans sa bouche.

-Tous ceux qui passent cette porte sont invités ! » annonça Sasha en lui envoyant un clin d'œil.

Ymir hocha la tête et se dirigea vers la table, et une part de gâteau se trouva presque immédiatement dans son chemin alors que les conversations reprenaient. Elle leva les yeux vers la personne qui lui tendait et rencontra les prunelles tranquilles de Mikasa, qu'elle remercia d'un signe de tête en prenant ce qu'elle lui tendait, méfiante.

Pourtant, Mikasa n'exprimait aucune animosité. Amplement satisfaite avec de la nourriture gratuite, elle mordit dans le gâteau au chocolat avec curiosité. Elle n'aimait pas spécialement le sucré, mais elle prendrait tout ce qu'elle pourrait au Capitole. Et ça faisait très longtemps qu'elle n'avait pas eu l'occasion de manger du gâteau. Elle sauta pour s'installer en tailleur sur une poutre d'équilibre, en écoutant distraitement les conversations autour d'elle.

-Et il y a des dictons pour chaque jour de l'année ! » braillait Sasha.

Son regard scanna les invités un par un. Il y en avait peu qu'elle avait repérés et retenus comme dangereux, en vérité. Il y avait Sasha, bien entendu, qui brandissait sa cuillère au risque d'envoyer valser sa part de salade de pomme de terre -elle avait vraiment l'air d'aimer ça- en parlant avec enthousiasme. Cette fille avait beaucoup d'énergie à revendre, et Ymir sentait qu'elle avait une intuition très aiguisée. Mais à force de la voir se tourner elle-même en ridicule, notamment à son interview, la jeune tribut commençait à se poser des questions.

-Par exemple, pour le mien, le 26 juillet, c'est ''Si les fourmis s'agitent, l'orage descend de la montagne'' ! Stylé, non ? »

Son regard passa à Bertholt, le type immense, qui se tenait timidement assis sur une des chaises à discuter avec d'autres tributs. Il n'était pas encore très menaçant, mais Annie l'entraînait, et il apprenait très vite. Parmi les garçons, il serait probablement un des plus redoutables.

-Pour toi Minha, ce serait ''S'il gèle au vingt-quatre mars, les poiriers diminueront d'un quart''. »

Les autres, elle ne s'en souvenait presque pas. Il y avait la fille avec des couettes qui discutait avec Sasha, la partenaire d'un des deux types qui s'étaient enflammés tous seuls aux Entraînement à 24, le duo qui restaient collés l'un à l'autre probablement chaque heure de la journée, le garçon aux tâches de rousseur qui avait l'air incapable de faire du mal, même à une mouche, et d'autres personnes...

-Je me souviens que Jean est né le sept avril...

-Aha ! Le sept avril, c'est ''Au sept avril, après le coucou, c'est le rossignol qui chante'' !

-C'est fou, tu les connais vraiment tous ! »

Et, bien sûr, il y avait Mikasa. Ymir garda son regard soigneusement fixé sur la jeune fille, cherchant à capter le moindre indice sur son attitude. Elle avait l'air détendue : elle ne souriait pas, mais toute sa posture était relâchée, alors qu'elle faisait tranquillement la conversation à une des jeunes filles.

-Mais à quoi ils servent, ces dictons, en vrai ? Il n'y a rien d'intéressant ou quoi que ce soit dedans, pourquoi tu prends la peine de les retenir ?

-Thomas, t'es pas drôle. »

Ymir passa tous ses gestes au crible fin : elle replaçait une mèche derrière son oreille, ajustait son point d'appui et croisait les bras avec une maîtrise évidente. Chaque mouvement était exécuté en ayant une parfaite connaissance de son environnement et de sa propre force. Elle était presque tentée de l'attaquer par derrière et faire passer ça pour une plaisanterie -l'humeur générale était festive, après tout-, mais elle était à peu près sûre qu'elle se ferait renvoyer la balle par pur réflexe.

Elle sauta de son perchoir lestement et partit en quête de quelque chose pour se désaltérer. Et bien sûr, elle ne trouva rien d'intéressant ! Elle poussa un soupir lassé. La pauvre enfant n'avait probablement pas encore découvert les merveilles de l'alcool. Cela dit, vu l'état d'excitation permanent dans lequel elle était, elle n'avait probablement pas besoin d'alcool pour égayer sa vie.

Une bouteille de bière entra dans son champ de vision, et elle fronça aussitôt les sourcils. Elle était donc si facile à lire pour que les gens viennent lui offrir ce qu'elle cherchait sans qu'elle n'ait même besoin de demander ?! Elle se tourna vers la personne qui venait de lui offrir, et fut interpellé par le visage de renard de la jeune fille. Elle avait déjà l'air d'une petite fouineuse.

-Salut, moi c'est Hitch ! C'est ça que tu cherches ? »

Ymir hocha la tête et s'empara de ce qu'elle lui tendait avec un bref remerciement.

-C'est moi qui ai ramené la bière, je l'ai planqué sous la table. On dirait que j'ai bien fait ! J'ai bien cru que je serais la seule ici à apprécier ce genre de boisson. »

Ymir laissa échapper un ricanement, sans trop savoir si elle se moquait de Hitch ou avec Hitch, et se retourna pour s'adosser à la table en ouvrant sa bière avec le décapsuleur qu'elle lui tendait.

-J'ai vu que tu fixais Mikasa tout à l'heure, reprit la jeune femme. Vous savez ce qu'on dit sur vous ?

-Dis toujours. lâcha Ymir en observant le trio de Sasha, un certain Conny et une certaine Laura qui se mettaient à beugler vachement fort pour leur partie impromptue de pierre-feuille-ciseau (ils se battaient vraiment pour la dernière part de gâteau?).

-Avec Annie, on vous surnomme les trois ''Deadly Vixens'' ! »

Sa voix était vibrante d'enthousiasme, avec un soupçon d'envie.

-Deadly Vixens ? demanda Ymir en haussant un sourcil.

-C'est à dire les trois femmes favorites des médias ! Vous avez toutes les trois l'air de grandes assassines, et tout le monde a les yeux sur vous. Vous êtes agiles, rapides, talentueuses, des femmes fortes... C'est tout ce que le Capitole aime ! »

Le regard d'Ymir glissa à nouveau sur Mikasa, plus grave que jamais. Si le Capitole les mettait au même niveau et reconnaissait sa valeur, elle devait vraiment s'en méfier. Les autres étaient du menu fretin. Mikasa était une ennemie, à abattre le plus vite possible, avant qu'elle ne reçoive l'aide des sponsors. Le moment venu, elle ne laisserait ni Mikasa, ni Annie se mettre en travers de son chemin.

Elle aurait pu trouver absurde de renforcer sa résolution en plein milieu d'une fête d'anniversaire. C'était un moment pour créer des liens, ou les renforcer. Mais le secret de son esprit n'appartenait qu'à elle. Elle avait vu Tom et les enfants abandonnés du District Six tous les jours, elle savait à quel point l'être humain pouvait être pathétique et faible. Elle serait forte. Elle était forte.

-Il y a peu de gens qui ont des surnoms avant même le début des jeux, intervint une jeune fille à sa gauche. Il faut être sacrement fort pour attirer l'œil aussi tôt.

-C'était le cas de Levi, ton instructeur, pas vrai Sandra ? »

Ymir vit la jeune fille frissonner avec une grimace de terreur et ses sourcils partirent se percher sur son front à nouveau alors qu'elle prenait une nouvelle gorgée de sa bière. Pourquoi la mention de son instructeur provoquait une telle réaction ?

Mais presque aussitôt, elle se retrouva intégrée dans une ribambelle de gamins qui avait réagi à l'entente du nom, formant un cercle fermé qui la mettait un peu mal à l'aise.

-Oh, c'est vrai, c'est toi qui as Levi comme instructeur, Sandra ! fit une jeune fille rousse.

-Il a battu le record de vitesse en tuant tous les autres tributs dès le premier tour ! s'enthousiasma Hitch, qui avait l'air calée sur le sujet, décidément. Ce gars-là, il ne plaisante pas.

-D'ailleurs, c'est encore plus impressionnant qu'il soit autant apprécié alors que les sponsors l'avaient dans le collimateur, ajouta Bertholt. Il y avait très peu à voir cette année là, c'est mauvais pour leur audimat. Mais sa performance était trop impressionnante pour qu'ils puissent se permettre de le rejeter. »

En voilà un autre qui avait l'air de connaître son sujet. Ils s'étaient tous renseignés avant de venir ? Cela dit, elle-même connaissait le nom de Levi, et elle n'avait eu accès au visionnage des jeux que par les ragots qui traînaient dans les rues et quelques retransmissions publiques.

-Comment il est, en instructeur ? » demanda Hitch.

Sandra les regarda tous avec circonspection, clairement mal à l'aise. Elle se tenait l'avant-bras en détournant le regard.

-Il est... vraiment pas aussi formidable que vous pensez. »

Un murmure surpris parcouru l'assistance, et ils se penchèrent vers elle avec curiosité.

-Franchement, il enseigne super mal ! Il passe son temps à juste nous montrer comment faire, il sait pas expliquer. Il se frite tout le temps avec Floch parce qu'il ne l'écoute pas ! Et dès qu'il se goure trop souvent, il finit par le frapper ! »

En voilà une qui en avait gros sur le cœur, tiens.

-Floch est peut-être trop mauvais, et toi aussi. » ricana Ymir.

Elle l'avait vu se prendre un manche de hache sur le pied, quand même ! À la place de Levi, elle aurait probablement déjà buté le gosse. Elle accrocha le regard de Sandra, et ce qu'elle y vit la fit rire intérieurement : elle était vexée, à l'évidence, mais elle n'osait clairement pas la contredire. Encore une de la trempe de Tom.

Les aveux de Sandra et la remarque d'Ymir avaient jeté un froid, et personne n'avait l'air de trop savoir comment reprendre la conversation. Heureusement, un grand cri de détresse résonna et détourna leur attention. D'un seul mouvement, il se tournèrent tous vers Sasha, Conny et Laura, et Ymir se retint aussitôt d'éclater de rire en plaquant une main sur sa bouche.

Conny était recroquevillé au sol en poussant des gémissements pathétiques, et le garçon aux tâches de rousseur s'évertuait à retenir une Sasha en rogne de se jeter sur une Laura triomphante, occupée à mâcher.

-C'est déloyal ! s'écria-t-elle. T'as profité que j'avais le dos tourné !

-Sasha, calme-toi, intervint aussitôt le blonds aux rouflaquettes ridicules.

-Mais, Thomas ! J'avais gagné, dans les règles ! Et elle l'a chouré l'air de rien !

-Et il y a d'autres gâteaux, Sasha, soupira celui qui la retenait.

-Mais c'était le seul à la cerise... »

Ymir n'entendit pas le reste de la conversation, trop occupée à rire, penchée sur la table et une main sur le ventre. Elle avait bien fait de venir !

….

Le sommeil l'avait enveloppé, une vapeur lourde et reposante qui le paralysait. Une étincelle ! Une gerbe de flammes s'embrasa dans l'esprit d'Eren d'un coup, d'un seul. Il se réveilla.

Le soleil baignait déjà sa chambre de l'éclat affirmé de la fin de matinée et le jeune homme sentit son cœur se serrer, un nœud dans la gorge, un autre dans l'estomac. Il ne s'était pas réveillé à l'aube ! Mikasa n'était même pas venue le lever !

-Merde, merde, merde ! »

Il se libéra du lit qui l'avait pris en otage pour trop longtemps… il devait être dix heures passées maintenant ! Il enfila ses vêtements et l'énergie matinale nécessaire. Eren se jetait presque dans les tissus, à la recherche d'un choc brusque avec la réalité qui achèverait de le réveiller. Pas le temps de se passer de l'eau froide sur le visage !

Le fracas de la porte se claquant contre le mur accompagna sa ruée vers la sortie. Mikasa n'avait qu'à bien se tenir ! Il lui ferait payer de l'avoir laissé en plan ! Il lui avait pourtant répété qu'il n'était pas son gamin, et voilà qu'elle le laissait roupiller !

La porte de leur salon, celle qui menait aux escaliers, se précisait dans le champ visuel d'Eren. Puis elle fut brusquement remplacée par l'étendue du sol. Et la douleur d'Eren au ventre.

-Bwaarf ! »

Il s'était pris quelque chose dans le pied. Il n'y avait aucune autre explication ! Eren se hissa péniblement pour planter à nouveau ses pieds sur le sol et ne plus chuter. Quelle chance que Mikasa n'ait pas été là pour le voir ! Elle n'aurait jamais plus cessé de l'infantiliser sinon ! Eren leva le talon pour reprendre sa marche mais son col le tira en arrière.

Le tribut fit volte-face, constata qu'une main le tenait par la veste et suivit ce fichu bras qui révéla Mike, adossé contre le mur du couloir, l'autre main dans la poche. Immobile, son mentor le toisait d'un regard perçant.

Eren pouvait compter toutes les gouttes de sueur, de honte et de colère qui perlaient et dévalaient le long de son dos. Il se sentait virer rouge, ce qui aggrava sa colère.

-C'est vous qui m'avez fait tomber ? Vous êtes malade ! » lui cracha-t-il.

Pour toute réponse, Mike leva les yeux au plafond en moins de temps qu'il ne le fallait pour ciller, se détacha du mur et se dirigea vers la chambre du jeune homme, le col de la veste d'Eren toujours dans la main.

-Quoi ?! Ah, mais non ! Vous foutez quoi là ?! Stop ! »

Mike et, par extension, le vêtement d'Eren le tiraient vers son lit. Le tribut figea ses talons dans le sol, bien décidé à ne plus se laisser capturer par le moelleux matelas. Seulement, Mike était grand, agile, fort, et il avait de la poigne. Les bottes d'Eren raclèrent le couloir, puis le béton ciré de la chambre. Ses doigts, comme enduits d'huile, glissaient sur les murs du couloir. Ses ongles ne parvenaient pas à se planter dedans !

Même la licorne dans le dos de Mike semblait se moquer de lui. Son instructeur était muet, comme à son habitude, mais la précision et la détermination de ses gestes s'avéraient criantes d'autorité. Néanmoins, l'admettre n'allait pas empêcher Eren de se débattre. Ses fringues pouvaient bien craquer, il résisterait !

Eren résistait encore quand Mike plia le coude et le catapulta au dessus de son épaule. Les bottes d'Eren décollèrent, déracinées du béton qu'elles avaient prévu d'occuper. Tout son corps se trouva en l'air, à l'envers, en moins de temps qu'il ne fallait à Mike pour lever les yeux au ciel. La nuque d'Eren percuta le confort manipulateur du lit, puis le dos du jeune homme s'étala dessus. Ses jambes furent les dernières à retomber lourdement sur les draps.

-Hé ! Vous allez m'écouter ?! Mmmwwffgghh… »

À peine Eren s'était-il redressé, prêt à sauter du lit et s'enfuir, qu'il reçut l'impact duveteux et enveloppant d'une couverture en pleine poire ! Mike la lui avait balancée comme il aurait envoyé une lance.

Dans un temps qui lui parut bien trop lent, Eren se dépêtra des draps. Il n'allait pas rabattre le caquet de son prof il allait l'assassiner, le pulvériser, l'éradiquer de la surface du globe jusqu'à la moindre dernière once de moquerie.

-Mais c'est quoi votre problème à la fin ?! Fichez-moi la paix ! » hurla-t-il à en rendre les murs sourds.

Mike poursuivit son assaut et décocha deux oreillers. Eren parvint à en esquiver un. Juste un.

-Mmmwwwh… »

Le jeune homme vira le coussin de son visage et recouvrit la vision. À deux mètres du lit, Mike avait retourné la chaise du bureau et s'était assis dessus, les bras croisés sur le haut du dossier. Les sourcils froncés, un souffle lourd qui sifflait de ses narines, il ressemblait à un chien de garde… à un loup de garde, s'il en existait !

Gardien de quoi ? Tout de même pas du sommeil du jeune homme ! Eren se mordit la lèvre inférieure, il devait capituler. Ou, du moins, se démêler d'une situation pareille avec autre chose que la force !

-Pourquoi je peux pas aller m'entraîner ? Vous êtes mon prof, j'vous rappelle… lui fit-il d'une voix un peu plus maîtrisée.

-Dors.

-Hein ? »

Au lieu de répéter, Mike haussa les sourcils. Eren n'en croyait pas ses oreilles : depuis quand jouer les princesses faisait-il partie de son entraînement ?

Eren maintint le regard de son instructeur, incrédule. Le grand bomba le torse, dressa les épaules et finit par lâcher un profond soupir qui devait provenir du fin fond de ses tripes. Il baissa la tête, avant de renouer le contact visuel avec son élève et de répliquer d'un ton monocorde :

-Tu dois te reposer. Garder ses forces est essentiel aux jeux. (Mike marqua une pause.) Je ne pensais pas que j'aurais besoin de te le dire.

-Mais vous vous entendez parler des fois ? Chuis plus un gosse ! Personne n'a à me rappeler qu'il faut dormir, manger et déféquer, merci ! »

Eren baissa les yeux. Il ne sentait presque plus sa colère, juste une forme de chagrin lui monter jusqu'à la gorge. Comme s'il avait mangé trop épicé. Elle manquait même de lui amener les larmes aux yeux. Frustré, il empoigna un peu de la couverture de toutes ses forces. Il serra. Il voulait ratatiner la matière douce dans le creux de sa paume. Il était fort, il pouvait le faire ! Il ratatinerait cette couverture, ainsi que la foutue détresse qui le prenait à la gorge !

Le silence de Mike poussa le jeune homme à relever la tête. Le regard de son mentor était le même. Résolu, autoritaire, quelque peu fatigué… et surtout à l'écoute. Dans une voix étranglant les sanglots qui cherchaient à sortir, Eren explosa :

-Je suis déjà assez dans la merde comme ça ! Je veux juste m'en sortir… être sûr que je peux m'en sortir ! Sinon je… je sais p… Si je peux pas m'entraîner, comment je suis censé gagner ?! Si je peux pas gagner, à quoi ça sert que je sois là… à attendre la mort ?! »

Un goût de sang vînt à sa bouche. Eren avait dû trop se mordre la lèvre. Cette fois ça y était, des larmes pointaient dans ses prunelles. Honteux, le jeune homme se pressa de basculer la tête en avant. Pas question de geindre devant Mike ! D'un revers de manche, il s'essuya les yeux. Dans un grincement, Mike se leva de la chaise.

Surpris, Eren le regarda quitter la pièce et lui adresser un signe de la main, l'ordonnant de rester assis sur le lit. Le tribut profita de l'occasion pour bien essuyer toutes traces de pleurs sur son visage. Il n'eut d'autre choix que de s'avouer qu'il était bel et bien épuisé. Il attendit donc Mike et demeura dans le lit.

Une lueur de soulagement et de reconnaissance éclaira un peu le regard de Mike quand il revînt dans la chambre du tribut, une poignée de commandes tridimensionnelles à la main. De son autre main, l'instructeur saisit le dossier de la chaise et la fit glisser jusqu'au pied du lit d'Eren. Il se rassit, les coudes sur le dossier, et tendit la poignée de commandes à son élève.

-Décroche tes grappins.

-Hein ? Mais ce sont juste les commandes, c'est quoi l'intérêt ? »

Mike ne répondit rien. Il agita juste à nouveau sa main, dans laquelle il tenait toujours la poignée, devant Eren. Le jeune homme plissa les yeux et tendit une main timide. L'appareil en sa possession, il pressa le bouton du haut avec son majeur. Mike hocha la tête.

-Règle la hauteur. »

Eren s'exécuta en jouant du pouce sur la manivelle prévue à cet effet.

-Envoie du gaz. »

Le jeune homme appuya de l'annulaire sur le bouton du bas. Mike secoua la tête.

-Eren, pense à tes reins. Plus de gaz que ça. »

Les sourcils froncés, Eren prit note et renforça sa pression sur la commande en question.

-Freine. Règle la hauteur. Envoie tes grappins. Gaz. Bien. Freine. Grappins. Freine. Gaz. Grappins. Hauteur. Gaz. Freine. Hauteur. Grappins. Hauteur. Gaz. »

Mike allait de plus en plus vite dans ses directives. Les doigts d'Eren se dégourdissaient. Il se réjouit de voir qu'il parvenait à suivre la cadence imposée par son instructeur.

-Arrête de regarder tes doigts maintenant. Freine. »

Eren leva les yeux vers son mentor afin de ne plus regarder les boutons. Il appuya sur la gâchette.

-Bien. Hauteur. Gaz. Freine. Gaz. Hauteur. Grappins. Gaz. »

Sans regarder, et avec cette allure, c'était plus difficile ! Eren serra les dents et se concentra, il devait y arriver instinctivement ! Sinon il finirait par se tromper et perdre le rythme. La tridimensionnalité, c'était de l'instinct. Comme Mike et Mikasa. Et Eren s'injecterait l'instinct de la tridimensionnalité dans les veines s'il le fallait !

-Grappins. »

Eren retînt un hoquet affolé quand il décela une flamme froide et dure dans les yeux de Mike. Il venait d'appuyer sur la gâchette : il s'était trompé !

-Non. »

Un « non » encore plus froid et dur. Catégorique. Comme si ce « non » était le symbole de son échec. Ce « non », c'était Mike qui lui disait qu'il n'y arriverait pas.

-Ça sert à rien, à la fin ! C'est pas avec ça que je vais rattraper mon retard sur Mikasa ! Pas la peine de se fatiguer ! se vexa Eren, contenant l'envie de jeter la poignée à l'autre bout de la pièce.

-Recommence. »

Le ton de Mike était neutre. Il n'y avait rien d'agressif dans sa voix, rien de doux non plus. Il avait juste sommer Eren de continuer comme si c'était la chose la plus naturelle au monde. Aucune méchanceté, aucun encouragement. Juste un ordre. Déboussolé, Eren obtempéra. Il appuya sur la commande des grappins sans regarder.

-Bien. Hauteur. Gaz. Grappins. Freine. Grappins. Hauteur. Gaz. Non. Bien. Freine. Hauteur. Grappins. Gaz. Plus de gaz. Bien. Grappins. Freine. Bien, c'est suffisant. »

Eren étouffa un soupir de soulagement. Il commençait à avoir mal aux doigts ! Il redonna la poignée à son professeur. Ce dernier dressa le bilan de son exercice :

-Tu as bien mémorisé la fonction de chaque bouton. Alors pourquoi te trompes-tu souvent durant les manœuvres ?

-Euh… parce que c'est pas encore instinctif chez moi…? hasarda Eren.

-Tu es toujours trop concentré sur ton anticipation, ou sur tes commandes. L'attention que tu dois constamment porter aux deux n'est jamais bien équilibrée. Ton attitude au harnais est défaillante, donc tu t'emmêles les pinceaux et tu commets des erreurs.

-Eh bien tout le monde n'a pas la chance d'être un pro de la tridimensionnalité comme toi et Mikasa ! s'enflamma Eren.

-Exactement. Tu n'as pas le talent de Mikasa. »

Eren ouvrit la bouche, prêt à se défendre face aux propos de Mike, et dépité qu'ils ne fassent que confirmer ses angoisses. Pourtant Mike continua :

-Mais tu peux atteindre son niveau. Avec de la patience, tu peux progresser et t'attaquer à tes défauts un à un. Quand tu maîtriseras les différents champs séparément, tu les rassembleras et, là, tu t'amélioreras. »

Les yeux d'Eren s'écarquillèrent. Il pouvait progresser ? Il devait profiter de son repos imposé pour poser plus de questions théoriques à son professeur !

-Et qu'est-ce que je dois faire pour mieux anticiper ? »

Mike se redressa sur la chaise. Un sourire discret apparut sur son visage barbu. Il leva un doigt afin de mieux expliquer sa leçon à son élève :

-Trouve ton périmètre visuel : la zone dans laquelle tu peux mesurer et cumuler le plus de données sur ton environnement, suffisamment pour le connaître par cœur. Dans ce périmètre, rien ne t'échappe, ta concentration, et ta connaissance de ce qui t'entoure, est à son maximum. (Il fit tourner son doigt autour de lui.) Mais il varie en taille selon les personnes. Comme tu te reposes sur tes réflexes, le tien doit être court et très dynamique : environ cinq mètres. Celui de quelqu'un qui réfléchit sur le moment, qui n'anticipe que petit bout par petit bout. »

Eren s'était contenté de hocher la tête au rythme de ses phrases, les sourcils froncés alors qu'il essayait de bien comprendre ce que Mike lui recommandait de faire. Il n'avait jamais entendu parler de « périmètre visuel » mais c'était un conseil de vainqueur des Hunger Games. Il perdrait son temps à douter de son instructeur !

-Donc, quand je manœuvre, je dois me concentrer sur mon périmètre visuel… c'est-à-dire sur ce qui se trouve dans les cinq mètres autour de moi ? s'enquit-il.

-Hypothétiquement cinq mètres, tu devras faire les vérifications toi-même, mais oui. En limitant ton attention à ce périmètre, tu seras moins noyé par la vague d'informations, fit Mike en croisant les bras à nouveau.

-Et si quelque chose cloche dans mon périmètre… disons, une branche que je dois éviter se dresse sur mon chemin, là je serai capable d'agir ?

-Oui. Comme tu maîtriseras bien ton entourage, tu pourras régler facilement les problèmes dès qu'ils surviendront, un à un. C'est une question d'endurance de ta concentration. Le District Douze t'a habitué aux forêts, tu devrais t'en sortir.

-Je vois… »

Eren fixa ses poings. Ils avaient lâché leur emprise sur la couette depuis plusieurs minutes et maintenant ils tremblaient d'impatience. Ils voulaient tenir les poignées de commande, les manipuler instinctivement. Eren n'avait qu'une hâte : savoir jusqu'où s'étendait son périmètre visuel ! La frustration, la colère et la détresse l'avaient quitté. Il ne restait que l'excitation… et c'était grâce à Mike. Après avoir travaillé à le contenir depuis le réveil catastrophique du jeune homme, son instructeur devait être aussi fatigué qu'Eren !

Avec plus de douceur cette fois, Eren serra la couverture pour calmer son excitation. Il avait une autre émotion à exprimer.

-Merci. » lâcha-t-il d'une petite voix.

Mike hocha la tête et Eren lâcha la couette quand un petit toc se fit entendre. Eren n'eut même pas le temps d'inviter le visiteur à entrer, Mikasa débarqua dans la chambre d'un pas nerveux.

-Eren ! (Elle se posta à genoux près de la chaise de Mike et prit la main d'Eren.) Je suis désolée de ne pas t'avoir réveillé ce matin ! Mike voulait que tu te reposes et je…

-C'est pas grave, tu sais… » la rassura Eren en se frottant l'arrière de la tête avec sa main libre.

Mikasa écarquilla les yeux avant de laisser un large sourire s'épanouir sur ses lèvres. Le cœur du jeune garçon se réchauffa à cette vue. Pourvu qu'elle ne voit pas qu'il portait ses bottes dans le lit, sinon le sourire se dissiperait ! Mikasa lâcha la main d'Eren et lui tendit un présent emballé dans une serviette en papier, un petit nœud au dessus.

-Je t'ai ramené du gâteau, Eren. Tu n'as rien mangé ce matin, je parie, annonça-t-elle d'un ton autoritaire, maternel.

-Du gâteau ? Eh attends, Mikasa, il est quasiment midi ! Je vais pas prendre mon petit déjeuner maintenant ! » s'exclama le jeune homme.

Mikasa ne lui répondit même pas. Elle se tourna vers Mike, qui était resté muet depuis l'arrivée de la jeune femme, un autre de ses petits paquets à la main.

-J'en ai aussi pris pour vous. » déclara-t-elle, un accent plus timide dans la voix.

Mike prit le paquet, le déballa. La vue du gâteau au chocolat lui arracha un petit sourire. Il gratifia Mikasa d'un hochement de tête, elle le lui rendit. C'était à croire qu'ils ne communiquaient presque qu'ainsi ! Mike prit une bouchée sous le sourire touché de Mikasa. Eren soupira et défit le nœud de la serviette.

….

La tour s'effondra sur le cavalier et l'engloutit, l'anéantit. La main de Reiner récupéra la pièce blanche du bout des doigts, avec confiance et concentration. Il la déposa aux côtés de toutes les pièces que Christa avait déjà perdues face à son partenaire : ses tours, ses cavaliers, un fou, six de ses pions et sa reine. Reiner était imbattable aux échecs.

Christa jeta un coup d'œil sur les quelques pièces qu'elle avait pu récoltées : deux cavaliers et trois pions. Elle avait pourtant essayé de se défendre contre Reiner ! Après environ une heure d'intense réflexion, sous le regard observateur d'Erwin, la partie touchait à son terme, et l'identité du vainqueur était évidente.

-Échec. » annonça Reiner, confirmant ainsi les pensées de Christa.

Si elle avançait son roi, le fou lui réglerait son compte. Et les deux pions de Christa l'empêchaient de s'orienter en diagonale. Si elle le reculait, la tour de Reiner le piégerait. Et elle ne pouvait pas le décaler à l'horizontale à cause de la deuxième tour qui venait de prendre son cavalier, le dernier rempart de son roi. En triturant les petites perles de son bracelet, Christa fixa le fou qui lui restait, toute aussi impuissante que lui, avant de relever la tête vers Reiner. Malgré l'air grave de son partenaire, la demoiselle décela des nuances de satisfaction et de fierté dans son regard doré. Elle retint un sourire amusé d'éclore sur ses lèvres : cette petite lueur enfantine qui brillait, dissimulée sous une épaisse brume de sérieux, le rendait particulièrement adorable !

Acceptant la défaite, elle choisit de reculer son roi.

-Échec et mat. trancha Reiner, un accent jubilatoire au fond de la gorge.

-Oui, je crois bien. » admit Christa d'une voix douce.

D'aussi loin qu'elle se souvenait, Reiner l'avait toujours battue aux échecs. Au début, alors qu'elle n'était encore qu'une enfant pourrie gâtée, ça l'avait vexée. De ce qu'elle avait compris, Reiner s'était même fait réprimandé pour n'avoir montré aucun scrupule à l'écraser durant chaque partie. Il s'était donc mis à la laisser gagner. Christa n'en était ressortie que plus frustrée encore ! C'était ainsi qu'elle avait appris à perdre, à contrôler ses émotions, et que sa complicité avec Reiner avait vraiment commencé à s'épanouir. Si elle n'avait pas été tirée au sort le jour de la moisson…

La voix grave d'Erwin freina le train de ses pensées :

-Bien, je pense que cela suffira pour aujourd'hui. Vous vous êtes très bien débrouillés. Votre esprit stratégique est affûté, bravo. Cependant, Christa, tu as tendance à trop te reposer sur la défense immédiate, sans préparer aucune offensive. Ça te fait tenir, mais, une fois que tu n'as plus assez de pièces, tu te retrouves bloquée. C'est à croire que tu n'envisages pas la victoire, et que tu essaies juste de retarder l'échéance de la mort de ton roi. »

L'instructeur se leva de sa chaise et vint appuyer ses reins contre le bureau, les bras croisés devant ses élèves, sondant leur réaction. Christa murmura plusieurs « Oui, monsieur. », tout en ordonnant à son corps de réprimer le moindre tressaillement.

-Reiner, tu as mené la partie avec brio mais ta stratégie m'a surpris. Tu t'es très vite débarrassé de tes cavaliers et tu n'as jamais utilisé ta reine. Je n'avais jamais vu ça. Un petit défi lancé à toi-même avant le début de la partie ? » l'interrogea Erwin en tournant ses prunelles vers le jeune homme.

Erwin en avait fini avec son bilan à elle ! Christa soupira de soulagement et Reiner inclina la tête avec respect aux paroles de leur mentor.

-Je ne sais pas bien me servir des cavaliers donc je les sacrifie toujours en début de partie. Pour ce qui est de la reine, j'ai effectivement voulu voir si j'étais capable de jouer sans m'en servir.

-Je vois, c'était réussi, c'est le principal.

-Merci. »

Reiner venait de gratifier Erwin du « Merci » le plus froid que Christa n'avait jamais entendu sortir de la bouche du jeune homme. Elle sentait presque la morsure du givre sur ses oreilles. Elle devina au silence de leur professeur qu'Erwin, non plus, ne s'était pas préparé à une réponse aussi glaçante.

-Vous pouvez disposer. »

Erwin se redressa et décroisa les bras. Reiner hocha la tête à leur mentor en sortant de la pièce. Il venait de le saluer comme s'ils allaient se revoir dans la journée. Christa se doutait qu'Erwin donnait quelques cours privés à son garde du corps officiel. Mais, étant donné qu'aucun des deux grands blonds ne l'avait mise au parfum, elle ne cherchait pas à les rejoindre pour profiter de ces enseignements.

Christa achevait de ranger dans son sac son carnet de notes, qui ne lui avait pas trop servi durant ce cours, quand elle sentit Erwin se rapprocher d'elle. Elle vira rouge et recula sa chaise dans un couinement brusque qui étonna Erwin.

-P- Pardon ! Vous m'avez fait peur… c'est tout… balbutia-t-elle.

-Je te présente toutes mes excuses. »

La chaleur dans la voix d'Erwin dégela les oreilles de Christa et elle laissa ses épaules retomber. Son professeur se pencha pour attraper le plateau d'échec et s'assit à son bureau afin de ranger les pièces. Il se tenait en face de la jeune fille, et elle prit quelques secondes à scruter l'air appliqué et soigneux de l'ancien tribut. Elle venait de se décider à se lever et quitter la salle de cours au moment où Erwin l'interpella :

-Tu es bien au courant pour les cours privés de Reiner ? »

Christa se figea, debout. Elle ne savait pas ce qui l'avait fait se lever : son envie de quitter la classe car le cours était fini, ou bien la stupeur provoquée par la question d'Erwin.

-Oui… » répondit-elle d'une voix craintive.

Erwin examina la tour qu'il tenait de deux doigts avant de la ranger et de poursuivre, sans regarder Christa :

-Et tu sais pourquoi il fait ça ?

-Oui… » répéta Christa en baissant les yeux, persuadée qu'elle était en train de se faire gronder.

Le bruit clair et métallique des pièces qu'Erwin rangeait faisait sursauter Christa à chacune de ses occurrences. La voix calme et indéchiffrable de son instructeur affolait son cœur.

-Reiner se démène corps et âme pour toi. Et pourtant, tu lui caches ce que tu ressens vraiment. Ne crois-tu pas que c'est là manquer de respect à ses efforts ? »

La demoiselle ne put empêcher sa bouche de s'ouvrir. Elle la referma aussitôt et se planta les ongles dans la main. Il a vu à travers mon jeu lui aussi ? Elle n'entendait plus le bruit métallique, cela lui donna le courage nécessaire pour relever la tête et affronter le regard intransigeant de son instructeur. Cependant, lorsqu'elle redressa les yeux, Erwin tenait un cavalier noir du bout des doigts et le fixait intensément. L'absence de contact visuel soulagea Christa et la poussa à répondre :

-Non, vous ne comprenez pas… ce n'est pas que je ne fais pas confiance à Reiner et ses efforts. C'est plutôt que j'ai accepté la mort. Dans l'éventualité où il m'arriverait quelque chose, vous voyez… Ainsi, je n'ai plus peur de la mort et je peux pleinement me battre aux côtés de Reiner ! »

Elle se tut. Elle tut même sa respiration. Erwin restait impassible. Il regardait la pièce d'échec. Puis il la rangea avec les autres, ferma la boîte et abattit le feu de ses yeux sur Christa. Ce que la jeune fille lut dans ces prunelles la transit d'effroi : elle ne s'était jamais retrouvée devant un tel regard, et se sentit plus vulnérable qu'un faon face à un chasseur. Un vacarme similaire aux hurlements de signaux d'alarme résonnait dans sa tête. Dans cette cacophonie, elle distinguait une petite voix qui la traitait d'idiote et la réprimandait d'avoir osé lui dire « Vous ne comprenez pas ». Erwin comprenait. Il comprenait tout et Christa était horrifiée.

-Tu n'as plus peur de la mort ? Ne pas avoir peur de la mort, ce n'est pas vivre. C'est même rejeter ce qui fait la valeur de la vie, son éphémérité, pour se protéger d'une plus grande frayeur encore. Tu clames que tu n'as pas peur de la mort, mais tu fais ça pour dissimuler ta vraie terreur, Christa. Tu as surtout peur de vivre, n'est-ce pas ? »

Christa ne savait trop par quel prodige ses genoux n'avaient pas vacillé. Son corps entier ne demandait qu'à s'écrouler. Se démolir. Être réduit en miettes. À néant. Mais elle tenait bon, elle restait droite, face à Erwin. Et maintenant il lui fallait trouver quoi rétorquer. Ce fut là que le prodige prit fin. Christa ne chercha donc même pas à trouver une excuse.

-Je… je dois y aller… » souffla-t-elle en faisant volte-face, détalant comme un lapin effrayé vers son terrier.

De tout son poids, elle martelait les marches des escaliers. Elle espérait ainsi couvrir les paroles d'Erwin qui la hélait :

-Si tu ne veux même pas essayer de vivre pour toi, Christa, fais-le au moins pour Reiner ! »

De tout son poids, elle martelait les marches des escaliers… mais Christa n'était pas très lourde.

….

-Bien ! s'écria Hansi en frappant le tableau comme si il -iel- voulait faire trembler le bâtiment entier. Les Titans, donc ! On a déjà abordé la question en détail la dernière fois, mais comme je le dis toujours, vu la taille de ces machins, on a jamais fini d'en parler. »

Jean haussa un sourcil et se tourna vers Minha, qui secoua la tête d'un air blasé. Apparemment, leur instructeur était bel et bien comme ça à chaque séance de cours théorique, excessivement enthousiaste.

-Mais aujourd'hui, on va les aborder sous un angle particulier : celui des sponsors. »

Hansi abattit sa paume sur la table d'un air dramatique, et les deux jeunes gens acquiescèrent, tout ouïe. Enfin, d'une oreille moins attentive si elle -iel, zut-, continuait à taper sur les meubles comme ça.

-Les Titans sont placés dans l'arène spécifiquement pour mettre du piment dans les jeux. Donc on aura beau les aborder sous leur aspect naturel, il faut toujours prendre en compte la raison pour laquelle ils sont là. »

À côté de lui, Jean sentit Minha frissonner, et il lui en voulu un peu de montrer qu'elle avait la trouille, parce qu'il se retrouva à s'imaginer coincé entre deux rangées de molaires géantes, alors même qu'il n'en avait aucune envie et qu'il avait fait ça bien assez souvent à son goût déjà.

-Ils sont là pour nous bouffer, pourquoi en faire tout un plat ? argua-t-il, de mauvaise humeur.

-Parce qu'ils ne sont pas là que pour te bouffer toi, Jean. Déjà, ils sont là pour bouffer d'autres personnes également, mais pour bien d'autres choses encore. »

Hansi dégaina une craie et commença aussitôt à tracer des cases pour y inscrire ce qu'elle mentionnait :

-Pour les sponsors, les Titans sont un énorme investissement. La conservation de leur secret exige une très haute sécurité, et leur manipulation est extrêmement délicate. Il arrive souvent que des roses se fassent avaler par manque de prudence. »

Une brève image de Moblit en train de traîner un titan derrière lui en le tenant par la main surgit à l'esprit de Jean, et le tribut retint un ricanement nerveux.

-Donc il faut s'en servir de manière intelligente. Et il y a plein de manière de s'en servir. Premièrement, c'est un moyen efficace de se mettre en valeur. Même parmi les tributs qui parviennent à récupérer un équipement 3D, la majorité s'en sert pour fuir les Titans plus que les affronter. En tuer un, particulièrement les plus gros spécimens ramènent beaucoup de points auprès des sponsors. D'une autre façon...

-Attends, attends, le coupa Jean. Comment ça, ramener des points ? Tu nous en as parlé de temps en temps, mais on a toujours pas compris ce que ça veut dire en détail. »

Minha hocha vigoureusement la tête en approbation. Hansi s'interrompit, les yeux levés vers le ciel avec une moue pensive, puis un ''Ha !'' d'illumination lui échappa. Iel vient de se rendre compte...

-C'est juste, c'est juste! Merci Jean ! Eh bien, pour faire simple, plus vous vous illustrez aux Jeux, plus vous pouvez obtenir les faveurs des sponsors. Ça, je pense, que vous l'avez déjà compris en regardant les jeux et lors des Entraînements à 24. Mais il y a bel et bien un système établi, ce n'est pas quelque chose d'aléatoire. »

Le cerveau de Jean turbinait soudainement à vive allure. Il y avait un système ? Ça voulait dire qu'il n'avait plus besoin d'y aller à l'aveuglette en espérant ne pas avoir encore plus l'air d'un abruti irascible ? Il aurait aimé savoir ça plus tôt.

-Quel genre de système ? demanda Minha à ses côtés, penchée vers leur prof.

-Par exemple, les stéréotypes relationnels, proposa Hansi en l'imitant, sur le ton de la connivence. Si vous avez une dynamique clairement identifiable, comme le petit Reiner et la petite Christa par exemple, vous êtes reconnaissables. Il y a trois moyens de vous illustrer : par l'originalité de vos techniques, votre niveau de maîtrise, et vos compétences sociales. Vous êtes en quelques sorte notés sur ces trois critères. Pour prendre un autre exemple, la petite Christa utilise des couteaux de lancer, ce qui est assez peu utilisé dans le milieu, et elle s'en sert bien.

-Donc si j'ai bien compris, ils remplissent les trois critères, non ? conclut Jean.

-Exactement, confirma Hansi. Ce n'est pas le District Un pour rien ! »

Jean poussa un léger soupir. En effet, si on regardait les choses sous cet angle, il était assez mal parti.

-Et donc, les Titans peuvent nous permettre de marquer des points dans ce système ? fit Minha pour les ramener sur le sujet.

-Tout à fait, reprit Hansi avec un sourire et les mains sur les hanches. En tuer un rajoute un nombre de points conséquent dans la catégorie maîtrise ! Mais vous pouvez aussi gagner des points d'originalité dans la technique. Vous vous souvenez cet entraînement que je vous ai fait faire pour bloquer les chevilles des Titans ? Personne n'a encore jamais essayé à ma connaissance ! »

Jean écarquilla les yeux, surpris. Alors Hansi ne leur avait pas fait faire ça juste pour mener l'expérience, mais bien pour leur donner de meilleurs chances de s'en sortir ? Il sentit une petite bulle de reconnaissance faire son chemin jusqu'à sa gorge, mais déglutit pour la contenir. Ce n'était pas le moment de devenir émotionnel d'un seul coup.

-Il y a aussi la possibilité de les éliminer en tandem, c'est-à-dire avec des techniques en duo, comme se réorienter dans les airs en se servant de l'appui de l'autre. J'aurais adoré vous apprendre ça ! Mais pour l'instant, c'est impossible avec votre différence de niveau. Et de toute façon, j'aurais eu besoin d'un partenaire pour vous montrer l'exemple, et tous ceux à qui j'ai demandé ont refusé. »

Et c'était donc pour ça qu'il était aller parler aux autres instructeurs ! Décidément... Il entendit Minha inspirer sèchement à côté et lui jeta un coup d'œil furtif. La jeune fille serrait discrètement les dents, la mine sombre. Jean baissa les yeux, momentanément indécis. Elle savait aussi bien que lui que les paroles de Hansi étaient vraies : Minha n'était pas aussi bonne que lui en tridimensionnalité. Mais ça n'empêchait pas d'avoir un peu d'espoir. Il n'était pas très bon pour ce genre de chose, mais il pouvait essayer.

Il tendit le bras et posa la main sur l'épaule de Minha pour attirer son attention alors que Hansi repartait dans ses dessins douteux de titans. Minha fit volte-face vers lui, l'air stupéfait, un peu comme un animal farouche.

-Tu vas y arriver. » chuchota-t-il tout bas.

Il était sincère. Il croyait vraiment en elle et en son potentiel, et il espérait faire passer tout ça avec cette simple phrase. Elle faisait beaucoup d'effort, et elle retenait très bien ce qu'elle comprenait. L'instant d'après, il détourna le regard pour se reconcentrer sur l'exposé plein d'entrain de leur instructeur. C'est à peine s'il capta le ''Merci'' qu'elle lui adressa en retour. Mais ce fut suffisant.

-On peut donc se servir des vagues de titans pour repérer la position des autres participants, continuait Hansi. Ils sont plus à même d'être lâchés aux environs des moins actifs. Et, bien évidemment, il y a la technique très simple sur le papier mais plus compliquée en application d'attirer les titans vers vos adversaires. »

Hansi continua ainsi un long moment, exposant toutes les façons d'utiliser les Titans pour attirer la faveur des sponsors, et Jean sentait que de son côté, il allait passer beaucoup de temps à réfléchir sur le sujet. S'il y avait un système, s'il y avait des moyens clairs d'obtenir du soutien extérieur, il ferait de son mieux pour séduire cette tripotée de bourgeois pompeux trop occupés à péter plus haut que leur cul et mettre toutes les chances de son côté.

-C'est aussi pour ça qu'il est essentiel d'avoir des alliances potentielles, reprit Hansi un peu plus fort, ce qui ramena Jean à son cours. Les alliances permettent des opérations de plus grands envergures, ce que les sponsors apprécient beaucoup. Et bien sûr, plus il y a de dramatisme, plus ça leur plaît, mais ça...

-Je pense qu'avec Jean, ça ira, annonça Minha avec une conviction dont il ne voyait pas la provenance. Il n'y a pas de souci à se faire.

-Tu plaisantes ? s'étonna Jean. De nous deux, c'est toi qui est le plus allée à la rencontre des autres. »

Elle lui jeta un regard comme s'il était un peu idiot et il manqua s'étrangler. Ce culot !

-On trouvera des alliés, assura-t-elle en se tournant à nouveau vers leur instructeur. On en trouvera dans les semaines qui nous reste, c'est promis. »

Hansi lui adressa un petit sourire fier, et pour la énième fois depuis quelques jours, Jean se réjouit d'être tombé sur cette personne plutôt qu'une autre.

-Ah ! Une dernière chose : les capes. Garder les capes que vous recevrez le plus longtemps possible. Comme le salut, ce sont des symboles de la dévotion des tributs au peuple, du sacrifice de soi, et les sponsors apprécient beaucoup ça. Si vous en prenez soin, ça flatte leur ego. Et si vous flattez leur ego, bien entendu, il vous aideront. Avec les recharges de gaz et de lames striées par exemple! »

….

Reiner envoya un coup de gaz supplémentaire pour le propulser et posa ses deux pieds sur une large branche capable de supporter son poids, se rattrapant aussitôt avec la main gauche à une aspérité du tronc pour s'empêcher de tomber en avant, emporté par l'élan. Son pied gauche glissa brièvement et sa main droite bondit vers une branche pour le maintenir en équilibre. Il transpirait beaucoup et sa respiration commençait à s'alourdir malgré le contrôle prudent qu'il avait dessus. Il fatiguait.

Il jeta un regard méfiant en arrière, mais comme il s'en doutait, le regard incisif de son instructeur ne l'avait pas loupé. Il détourna les yeux mais sentit Erwin se poser sur la branche en face de la sienne. Pour sa défense, même lui n'avait pas l'air aussi vif qu'au début de leur séance.

-Reiner, je suggère que l'on s'arrête là pour aujourd'hui.

-Il est encore tôt, protesta le jeune homme aussi sec. Et je tiens le coup. »

Il se tut en recevant un sévère coup d'œil. Erwin doutait de lui.

-Après une pause, admit-il à contre cœur.

-J'ai une autre solution à te proposer, fit Erwin en rajustant sa prise sur le tronc. On arrête la tridimensionnalité pour aujourd'hui, on fait une pause, puis je te donne un autre cours théorique. »

La proposition ne lui plaisait pas tant que ça, mais le ton était sans appel. Il n'accepterait aucune autre alternative, et Reiner se demandait s'il se rendait lui-même compte du ton qu'il employait. Il finit par acquiescer doucement. C'était lui l'instructeur, le vainqueur. Reiner n'était qu'un tribut, un candidat. Il savait ce que Reiner ne concevait même pas. Au final, c'est cette pensée qui surpassait souvent les autres.

Ils atterrirent, Reiner plus lourdement qu'à l'accoutumée, et ses doutes se confirmèrent : ses muscles étaient épuisés à force d'avoir été sollicités presque toute la journée. Il suivit Erwin hors de la forêt en fronçant les sourcils, sondant son propre corps et l'énergie qui lui restait, estimant ce qu'il pouvait encore accomplir avec, se demandant si c'était l'état standard auquel il devait s'attendre lors des jeux...

-Va te changer, dit Erwin alors qu'ils atteignaient la baraque. Puis rejoins-moi à l'extérieur. »

Reiner acquiesça à nouveau, un peu déboussolé. Il ne comptait pas faire le cours théorique dans la classe destinée ? Il entra dans la baraque et se débarrassa très vite de son équipement pour le ranger, puis rejoignit sa chambre pour au moins changer de vêtement. Aucune trace de Christa, et même en tendant l'oreille, il ne pouvait deviner si elle était dans sa chambre ou non.

Il poussa un soupir et redescendit les escaliers. Il n'aimait pas ces moments où elle disparaissait complètement de son radar, que ce soit en étant hors de vue, ou perdue dans son monde intérieur. Dans ces moments-là, il ne pouvait pas la protéger, ni des autres, ni d'elle-même.

Sur ces pensées, il retrouva Erwin à l'entrée de la baraque, lui aussi changé hors de son uniforme. Il lui adressa un léger sourire auquel Reiner répondit par un bref hochement de tête, et s'engagea aussitôt sur la route qui menait à la zone commerciale.

-Pourquoi est ce qu'on se rend là-bas ? demanda Reiner, intrigué.

-J'ai besoin d'absorber au moins un peu de caféine si je veux fournir quelque chose à la hauteur de tes attentes, Reiner. » répondit Erwin en tournant vers lui un rictus amusé et un peu railleur.

Reiner se détourna précipitamment, embarrassé. Il était vrai qu'avec la quantité de cours supplémentaires qu'il demandait à Erwin, les cours en commun avec Christa, et ses propres affaires, l'instructeur devait être très occupé. Mais il prenait quand même le temps de répondre à chacune de ses requêtes. Reiner ne savait plus où il en était.

ooo

Ils parvinrent à la zone commerciale en silence, un silence que Reiner n'aurait su s'il devait le qualifier de tranquille ou de tendu. Erwin les guida tous les deux jusqu'à un café, coincé entre deux larges rues, à la devanture de bois sombre. À l'intérieur se trouvait le gérant de la boutique, comme dans tous les autres commerces, mais aussi deux personnes. Reiner reconnut les deux roses dans le dos de l'homme, ainsi que le visage d'une des instructrices, celle du District Cinq, c'est-à-dire la mentor de Samuel et Ursula, s'il se souvenait bien.

-Ian, Rico, dit Erwin en les saluant d'un hochement de tête. Monsieur Dusel. »

Ils lui rendirent son salut et Reiner les imita avec un temps de retard, rejoignant Erwin au comptoir alors que Ian et Rico reprenaient leur conversation. Il dévisagea Erwin alors qu'il s'asseyait sur un tabouret et son mentor répondit à sa question silencieuse avec une expiration amusée :

-Une bonne partie d'entre nous préfère ce bar aux cafés qui parsèment la rue principale. Plus convivial, en quelque sorte. Un café, s'il vous plaît.

-De même. » fit Reiner à l'adresse du gérant.

Les cafés furent prêts en moins d'une minute, comme si le gérant s'était attendu à leur visite. Enfin, vu ce qu'ils étaient payés comparé à la faible quantité de clients qu'ils servaient, ils avaient tout intérêt à faire de leur mieux et mériter la paie astronomique qu'ils recevaient du Capitole.

Reiner n'avait pas l'énergie d'entamer la conversation. Il se contenta de considérer la tasse laiteuse qui lui avait été offerte, contenant sa chaleur de ses doigts, contemplant les volutes de mousses qui se déroulaient dans le tourbillon indolent du breuvage. Il en consomma une gorgée, amère mais stimulante.

Il appréhendait ce qu'Erwin pouvait dire. Il avait peur qu'il revienne sur leurs discussions passées, qu'à nouveau, son mentor mette le doigts sur les briques les plus fragiles du mur qu'il avait constitué autour de son être et qu'à nouveau, il risque de tout faire s'écrouler. Mais lorsqu'après quatre bonnes minutes il n'avait toujours rien dit, Reiner se décida à lever les yeux vers lui, désormais plus intrigué qu'inquiet.

Pendant un bref instant, Erwin avait l'air perdu dans ses pensées. Son regard perçait au travers du mur qui leur faisait face, au-delà de la cité, quelque part dans les recoins de son âme. Puis il remarqua le geste de Reiner et tourna vers lui un regard d'excuse. Reiner doutait qu'il voulait se faire pardonner de ne rien avoir dit pendant quatre minutes.

-Alors, de quoi veux-tu parler ? commença son mentor, et Reiner se sentit soulagé qu'on lui laisse le choix.

-Euhmm... »

Il se racla le cerveau pour retrouver tous les sujets de questions auxquels il avait pensé depuis leur dernière séance de question-réponse, et finit par se décider pour la plus récente :

-Quel niveau d'épuisement est-on susceptible d'expérimenter une fois les jeux commencés ? J'ai l'impression que nous ne pourrons être au top de nos conditions qu'au tout début, peut-être même seulement le premier tour... »

Erwin hocha la tête avec approbation, et Reiner se maudit pour être incapable d'empêcher l'afflux de fierté qu'il ressentit à ce geste. Il avait beau se méfier d'Erwin, il éprouvait pour lui un respect certain et tenait ses capacités en haute estime. Recevoir son approbation était moins difficile qu'avec les professeurs à qui son père le confiait, mais étrangement, il y accordait plus de valeur.

-C'est très juste. Il y a beaucoup de facteurs susceptibles de réduire votre énergie, et ce à grande vitesse. L'impact psychologique d'avoir tué son premier humain, tout d'abord. »

Reiner broncha à la mention, et il était certain qu'Erwin l'avait remarqué, car il enchaîna aussitôt :

-Il y a également le manque de ressources, en eau comme en nourriture. Le manque de sommeil est un facteur qu'il est relativement facile de maîtriser. Tout dépend de sa capacité à encaisser le stress. Par exemple, il est probable que Christa soit sujette à de sévères insomnies. »

Cette fois, Reiner retint le petit sursaut qui manqua de lui échapper au nom de Christa. Allait-il lui parler à nouveau de son attitude, le blâmer, essayer de le faire changer de voie ? Reiner n'était pas sûr de survivre mentalement à une autre inspection de ses intentions profondes, et toute son attitude se ferma aussitôt.

-Dans ton cas, continua Erwin sans réagir, je me fais moins de souci. Tu as une maîtrise presque effrayante de ton horloge interne. Mais tu devras faire attention à ce que Christa parvienne à se détendre suffisamment, notamment les premiers jours. Autre que le sommeil, il y a également, bien entendu, les attaques des autres tributs et des Titans. »

Il enchaînait... ? Juste comme ça ? Reiner lui jeta un regard suspicieux tout en écoutant attentivement ses paroles.

-Il est difficile de savoir quand exactement on est susceptible d'être victime d'une attaque. C'est pour cela que les alliances sont essentielles. Plus vous avez d'heures de garde à répartir, mieux vous pouvez dormir. »

Reiner hocha la tête. Il était toujours tendu, assis au bord de son tabouret, mais il avait la suspicion qu'Erwin ne viendrait pas éprouver ses murs ce soir. Et il lui en était infiniment reconnaissant. Erwin se contentait de lui offrir un moment de repos pour son corps, tout en gardant son esprit occupé juste comme il en avait besoin pour éviter de penser à tout ce qui le tourmentait. Un petit moment de paix.

La tasse vide oubliée sur le comptoir, il se tourna pleinement vers son mentor pour lui poser d'autres questions.

J-20