Est-ce que je peux dire ça ?

OST SNK qui se prêtent bien à l'ambiance = - Xl-Tt -

- Army-Attack -

- 2 Volt -

- Shingeki St – Hrn – Egt 20130629 Kyojin -

- Son 2 Sea Ver -

() …

Le revoilà dans cette boîte gigantesque, faite de granit et de faux-semblants. Il plante ses ongles dans ses paumes comme des seringues pour y transfuser du courage. Les banderoles sont de retour, toujours aussi gigantesques, les journalistes aussi, toujours aussi nombreux, et les sponsors les scrutent comme des rapaces prêts à les mâchouiller de bon cœur.

Marco secoua la tête pour chasser ces pensées. Il fallait qu'il se reconcentre. Comme tous les autres, il plaqua son poing contre son cœur et redressa le menton. Il écouta le petit discours, sans parvenir à vraiment lui trouver du sens. À la place, il se ressassa ses objectifs de la journée dans sa tête. Ruth avait décidé de partir à la rencontre des autres pour intimider les plus fragiles et laisser une bonne impression.

Marco avait le même objectif, mais pas la même intention. Il voulait montrer, à Ruth et à lui-même, qu'il pouvait rester tel qu'il était, ouvert et aimable, et réussir à analyser leurs adversaires, former des alliances et gagner les jeux. Et contrairement à Ruth, qui s'efforçait d'avoir l'air la plus forte possible, il voulait essayer de surprendre les sponsors pendant les jeux, en gardant quelques cartes en main. Paraître ce qu'il n'était pas pour surprendre les sponsors lors des jeux pouvait lui donner un certain avantage. En tout cas, il le supposait

Il était donc allé chercher et s'informer pour deviner comment le public le voyait. La diffusion des interviews de la dernière fois était son meilleur indice, mais il ne parvenait jamais à la regarder jusqu'au bout. Il se voyait transpirant et mal à l'aise -même s'il se plaisait à croire qu'il avait fait illusion-, et au moment où il se tournait vers la caméra pour s'adresser à sa famille, il ne pouvait s'empêcher d'éteindre la télévision, incapable de revoir la suite.

Mais ça lui avait donné des idées. Il apparaissait comme un jeune garçon naïf qui voulait simplement revoir sa famille, ''le petit chaton perdu''. Ce n'était pas très glorieux, mais il avait trouvé le moyen de le tourner à son avantage. Il se retourna vers l'espace d'entraînement, avec la ferme intention de demander le plus d'astuces à la ronde. S'il avait l'air d'un gamin perdu, autant s'en servir pour récolter des informations. Et il avait le champ libre, puisque Ruth avait décidé d'aller tester les ''forces ennemies''.

Il avait déjà demandé de l'aide à Reiner, ce n'était pas la peine de le déranger plus que ça. Machinalement, il se dirigea vers le stand de tir pour s'entraîner à l'arbalète. Il avait l'impression de passer en mode automatique : charger, viser, tirer, charger, ajuster, tirer...

-Ow ! »

L'alarme du cri le tira aussitôt de sa torpeur concentré et il se tourna vers Tom, qui pliait timidement ses doigts rougis.

-Tom, ça va ? » demanda aussitôt Marco.

Le jeune garçon sursauta comme un animal farouche devant son prédateur et manqua reculer d'un pas, les yeux écarquillés et la bouche bée. Marco ignora l'épine qui se ficha dans son torse à cette vision : sous d'autres circonstances, Tom était peut-être une personne très sympathique et bon vivant, mais les jeux l'avaient forcé à devenir cette pelote empêtrée de stress et de peur.

-Tu t'entraînes à l'arbalète aussi ? dit-il doucement, pour ne pas l'effrayer. Je peux te donner une astuce pour ne pas te faire mal, si tu veux.

-Je...euh...s'il te plaît ? »

Quand Tom lui tendit diligemment son arme, il compta ça comme une petite victoire. Il lui montra ce que lui-même avait appris de Reiner, en essayant de retrouver ses mots exacts. Tom fut un peu plus lent à comprendre le mécanisme, et il hésita longtemps avant de se décider à tirer à nouveau. Mais il finit par décocher et parvint à toucher la cible. Il se tourna vers Marco et adressa un hochement de tête un peu méfiant. Marco le lui rendit avec plus de fermeté et s'éloigna. Il valait mieux ne pas trop le faire stresser par sa simple présence.

Il regarda autour de lui à nouveau, ignorant de son mieux les flashs qui lui éclairaient parfois la figure. Il s'en voulait un peu d'observer et de juger les autres candidats ainsi, à chercher s'ils étaient faibles, s'ils étaient forts, s'ils valaient la peine qu'il vienne leur demander de l'aide, s'ils valaient la peine qu'il vienne les aider... Il ferma les yeux et pria il ne savait trop qui ni quoi de lui pardonner.

Il n'aurait pas dû fermer les yeux. La seconde suivante, il entendait un cri d'alerte, ainsi qu'un objet lourd claquer et rebondir sur le sol dans un fracas métallique, le tout beaucoup trop près de lui. Il écarquilla brutalement les yeux et bondit en arrière avec un glapissement peu glorieux.

-Désolé, Marco ! »

La voix de Samuel résonna avec un brin de distance alors qu'il s'efforçait de calmer son cœur qui palpitait. Le jeune tribut se précipita au sol pour récupérer la lance qui lui avait échapper des mains et la serrer contre lui comme s'il pouvait se cacher derrière.

-Vraiment désolé ! Tu n'es pas blessé, hein ?

-Je...pas de souci, Samuel. Je n'étais pas assez vigilant, c'est tout. Je vais bien. » assura Marco en agitant la main.

Derrière l'épaule de son interlocuteur, il pouvait voir quelques sponsors qui s'étaient tournés vers eux avec des froncements de sourcils, et il comprit pourquoi Samuel se confondait ainsi en excuses. S'il avait été blessé, l'accident aurait pu passer pour une tentative de meurtre ou autre, et il se serait fait exécuter aussi sec. Pas étonnant qu'il soit nerveux. Ils l'étaient tous.

-Si ça te va, proposa Marco, on peut s'entraîner ensemble ? Tu viens de commencer ?

-Oui, je... »

Il hésitait et se frottait la nuque, apparemment mal à l'aise. Intrigué, Marco l'enjoignit à se confier avec un sourire attentif.

-J'ai repensé à la discussion de l'autre jour, et... je me suis dit que ce ne serait peut-être pas une mauvaise idée de me mettre à la lance. »

Marco hocha la tête, lui épargnant les longues explications dans lesquelles il s'apprêtait à se lancer. Samuel se trouvait être assez bavard quand il voulait démontrer quelque chose. Le jeune homme lui adressa un sourire reconnaissant, et il se retenait visiblement de jeter un œil aux sponsors.

-Ils arrêteront de nous regarder si on travaille ensemble, lui chuchota discrètement Marco.

-D'accord. »

Ils commencèrent donc à s'entraîner. Ce qui impliquait beaucoup moins d'exercices physiques que de discussions sur l'usage de l'arme et ses avantages et inconvénients. Samuel était certain d'avoir déjà vu un individu tuer un titan en projetant une lance dans sa nuque, tandis que Marco était plus sceptique sur la question. Ils se demandèrent aussi si l'arme était assez lourde et efficace pour maintenir au sol un titan de quelques mètres. Ils se demandèrent s'il y avait une taille standard de lance, où s'il y en avait par taille de personne, et si la lame devait dépasser leur tête ou non.

-Dis donc, c'est beaucoup de parlotte et pas beaucoup de bougeotte, ce que vous faites. »

Ils sursautèrent et le regard de Marco accrocha d'abord l'éclat métallique de la dague qu'Ymir tenait dans sa main, l'autre placée sur sa hanche, alors qu'elle les jaugeait quelques mètres plus loin.

-Vous comptez vous tâter encore longtemps ou bien vous allez enfin bouger vos fesses ? »

L'inspiration offensée de Samuel se chargea d'exprimer ce que Marco n'avait pas osé dire. Mais elle avait raison. Il adressa un regard à son partenaire du moment, qui hocha la tête et se tourna vers la cible réservée à l'usage des lances. Sous le regard acéré et sans aucun tact d'Ymir, Samuel soupesa l'arme et la projeta vers la cible.

-Stop ! Stop ! »

L'exclamation de la jeune fille retentit alors que Samuel avait à peine lâcher son arme, et celle-ci décrit un léger arc de cercle avant de rebondir à nouveau sur le sol entre son point de départ et sa destination escomptée.

-Mais tu fous quoi, là ? »

La voix de la jeune fille était hérissée par la frustration, et elle les rejoignit en deux grandes enjambées agressives. Déglutissant, Marco la regarda les dépasser et récupérer la lance, pour se retourner d'un geste vif et en flanquer un coup sur le crâne de Samuel, qui poussa un cri de douleur. Marco grimaça.

-Tu crois qu'avec une poigne de bébé comme ça tu vas réussir à la projeter assez loin ? C'est bien de vouloir la diriger, mais si tu la tiens qu'à deux doigts, elle ira nulle part, abruti. C'est un miracle si t'arrives à te la secouer, à ce stade... »

Le visage de Samuel vira au cramoisi en une poignée de secondes, et il resta bouche bée, les sourcils froncés sur ses yeux qui lançaient des éclairs. Marco plaqua une main sur sa bouche pour retenir le gloussement qui manqua de lui échapper. Même lui était embarrassé. Mais Ymir ne lui laissa pas le temps de s'excuser et lui fourra la lance dans les bras.

-À toi, pedzouille. Mets-y plus de peps que l'autre clampin. »

C'est seulement au moment où elle prononçait sa dernière syllabe que Marco remarqua le très léger redressement de ses commissures. Elle s'amusait bien à les ballotter de la sorte, et le découvrir le fit sourire intérieurement. Il s'était demandé pourquoi elle était intervenue, elle qui avait toujours l'air très bien dans son coin. La raison était plus humaine qu'il ne se serait permis de le souhaiter, et ça lui réchauffait un peu le cœur.

Il se mit en position, un peu rouge, et raffermit sa prise sur l'arme, plus fine dans sa main que ce qu'il aurait crû. Il avait l'impression que des centaines de regards se dardaient sur sa nuque, qui le picotait. Ymir et ses yeux perçant, ainsi que les journalistes, probablement.

Il vrilla son torse pour se donner de l'élan et projeta la lance droit sur la cible avec un grognement d'effort. Celle-ci se planta effectivement vers le centre, mais en tomba presque aussitôt, l'impact peu profond. Ymir ricana ouvertement et Marco rougit un peu plus. Il se retourna avec un sourire légèrement penaud et vit que Samuel lançait un regard mauvais à la jeune fille, les bras obstinément croisés sur le torse.

-Je t'en prie, montre-nous l'exemple. » marmonna-t-il.

Un petit rire mal à l'aise surgit des lèvres de Marco il ne voulait vraiment pas voir une dispute entre ces deux-là, trop dangereux pour Samuel. Mais Ymir se contenta d'élargir son sourire et de partir récupérer une autre lance du râtelier.

Pendant ce temps, la nuque de Marco le picotait toujours. Il scanna la zone des journalistes, mais seulement les plus proches étaient tournés vers eux. Ils n'étaient apparemment pas aussi intéressants que d'autres. Il jeta un œil vers les sponsors, mais ceux-ci s'étaient complètement détournés. Alors quoi ? Il avait la ferme impression d'être observé. Comme quand il avait commencé son travail à la ferme et que le regard maussade des vaches faisait encore frissonner sa colonne vertébrale.

Les sourcils froncés, il sonda l'arène gigantesque, et ses yeux finirent par se poser sur un tribut aux cheveux cendrés qui ne bougeait pas, et dont la tête était tournée vers lui. Jean, reconnu-t-il alors que son cœur ratait un battement. L'expression du jeune homme n'était pas ouvertement mordante, mais il avait les sourcils froncés et la bouches pincée. Ses yeux -que Marco savait noisettes, désormais- étaient fixés sur lui sans une once d'hésitation, presque aussi impertinents qu'Ymir.

Il se mit à rougir et ressentit l'impérieux besoin de se balancer d'un pied sur un autre, mais se retint à la dernière seconde. L'envie de détourner le regard, en revanche, lui faisait défaut. Est-ce qu'il allait venir à sa rencontre ? Est ce qu'il allait venir réclamer un combat en représailles ? Au vu de l'intensité de son regard, il lui en voulait toujours pour les paroles dures qu'il lui avait infligées l'autre jour.

CHTAK

Marco fit volte-face vers les deux tributs qui s'entraînaient à la lance. Un coin de son esprit se disait que décidément, son cœur allait peut-être le lâcher aujourd'hui.

-aHA ! triompha Ymir.

-C'est ton troisième essai ! » protesta Samuel.

Marco poussa un soupir pour décharger la pression, revenu à ses activités. Sa nuque le brûlait, mais il ne savait pas si c'était parce que Jean le regardait toujours, ou parce que lui-même se l'imaginait. Avec embarras, il se tourna à nouveau vers le tribut du District Sept.

Jean avait détourné le regard.

Il poussa un long soupir, et il ne savait pas trop si c'était du soulagement, mais il pouvait de nouveau respirer. Son regard s'attarda brièvement sur la silhouette du jeune homme, puis il se décida à retourner à son exercice avant que Samuel ne cherche à étrangler Ymir, et que cette dernière ne l'envoie valser à l'autre bout du gymnase en représailles.

Avec effort, Jean arracha son regard de la silhouette de Marco, déconcerté par la difficulté de la tâche. Depuis que ses yeux avaient déniché la chevelure noire, il y revenait toujours au moins en pensée. Comme ces fleurs qui attiraient les insectes avec des couleurs vibrantes. Les paroles du jeune homme l'avaient plus touché qu'il ne le pensait, et il ne pouvait s'empêcher de les ressasser, sans rien accomplir pour apaiser l'agitation de son esprit.

Il secoua la tête, se morigénant après s'être rendu compte qu'il avait recommencé. Il reposa son sabre sur le râtelier après l'avoir à peine utilisé, et fit mine de se diriger vers l'espace de tir et de choisir une arme de jet, pour se laisser plus de temps et pour se rapprocher de la zone de combat. Ses yeux scrutèrent la foule de tributs, et son regard tomba tout naturellement sur la chevelure qui l'avait séduit depuis une semaine déjà.

Mikasa s'entraînait contre Reiner, et le spectacle était impressionnant. Jean était prêt à parier que la grosse majorité des caméras étaient rivées sur eux. Mikasa virevoltait face au blond massif, et chacune de ses attaques ressemblaient à un coup de fouet. À l'inverse, Reiner était robuste, une masse inébranlable qui semblait presque inaffectée par ses coups. Il cherchait l'occasion de lui saisir le bras ou la jambe. Mikasa l'esquivait d'un salto arrière parfaitement exécuté ou d'une roulade plus sobre mais plus efficace.

Très vite, Jean n'essayait même plus de faire illusion et observa le combat, la main distraitement refermée sur la pointe d'un arc. Mikasa bondit pour porter un coup au visage de Reiner, qui malgré son apparente immobilité l'esquiva avec agilité. Il répondit en se jetant en avant pour tacler la jeune fille. Celle ci se dégagea avec une dextérité de serpent. Il parvint à la frapper aux côtes, mais elle lui envoya son genou dans le ventre. Jean avait presque l'impression qu'ils allaient trop vite pour qu'il puisse observer.

Un frisson parcouru sa main, et un autre sa colonne vertébrale. Il avait envie de se rapprocher et d'imprimer quelques poses dynamiques dans sa rétine pour les dessiner plus tard. Mais il réalisait aussi que si jamais il devait affronter ces deux individus en combat à mains nues, il se ferait violemment poutrer la gueule. Il n'avait aucune chance.

-Vas-y Reiner ! Écrase-la entre tes grosses patounes !

-Vas-y Mikasa ! Fais-lui le coup du ''tourbillon mortel'' ! »

Jean ricana en entendant Conny et Sasha qui, comme à leur habitude, faisaient une pause dans leurs entraînements respectifs pour venir encourager les autres candidats. Ou pour les faire chier, c'était selon. Les deux combattants semblaient ne même pas les entendre et continuaient leurs échanges.

Ils se retenaient, clairement. S'ils venaient à porter un véritable coup, ce dernier avait de bonne chance de les mettre hors d'état de nuire, et ce pendant quelques jours. Ce n'était pas le but devant les sponsors. Ils devaient contenir leur rage de vaincre, et maîtriser au millimètre près leurs attaques. Jean se demanda si c'était là un autre but des Entraînements à 24. Forcer tous les tributs à se retenir, se contenir, se mesurer, pour qu'une fois les jeux commencés, ils n'aient plus qu'une envie : lâcher prise. C'était bien possible. Son regard acerbe avait naturellement dérivé vers la vitre, et il fut rassuré de voir qu'aucun d'entre eux ne le regardaient. Si c'était possible, il était encore plus dégoûté qu'avant.

Lorsqu'il posa à nouveau son regard sur le combat, il vit qu'il en avait manqué l'issue. Les deux combattants se serraient la main avec un regard entendu et des inspirations essoufflées, et la petite foule principalement constituée de Sasha et Conny les applaudissait avec enthousiasme sous les lentilles avides des caméras et les yeux méfiants des autres tributs.

Presque aussitôt, Eren s'imposa dans l'espace personnel de Reiner et exigeait probablement qu'il le rejoigne. Pendant les Entraînements à 24, il passait son temps à demander à certains tributs de se battre contre lui. Jean avait commencé à retenir qui, car apparemment, le gamin immature avait le flair pour repérer les meilleurs candidats. Mikasa ou Reiner étaient une évidence, mais après l'avoir vu affronter Bertholt, Jean avait gardé un œil sur ce dernier, et le grand dadais était plus dangereux qu'il n'en avait l'air. Il tendit l'oreille.

-Annie, Bertholt, j'exige une revanche ! »

Bon, apparemment, il n'avait pas besoin de tendre l'oreille, Eren était bien assez bruyant comme ça. Du coin de l'œil, il remarqua que Mikasa n'avait pas encore quitté le ring, et se tourna vers elle. Elle observait Eren, de la nostalgie dans ses gestes et de l'envie dans le regard.

-Tch ! »

Il claqua la langue et reconcentra son regard sur Eren avec la ferme intention de lui brûler l'arrière du crâne. S'il y avait un dieu capable de miracles, c'était maintenant ou jamais qu'il pouvait exaucer ses souhaits. C'était scandaleux d'avoir une si jolie fille à ses côtés, et de l'ignorer au point de la faire se sentir seule comme ça !

Maintenant, il n'allait certainement pas se priver de l'occasion de le voir se faire péter la figure par Annie ! Ce fut exactement ce qui arriva, et le spectacle était délectable. Elle ne l'épargna vraiment pas et l'envoya à terre en probablement deux secondes top chrono, les quatre fers en l'air. Jean s'accroupit légèrement pour rire derrière sa main et son râtelier. Cette tête d'ahuri ! Un vrai régal !

Reiner aida Eren à se relever alors que Bertholt lui adressait un sourire d'excuse.

-Apprends moi cette technique ! demanda aussitôt Eren, les yeux brillants. Ta balayette ! »

Annie se contenta de hausser un sourcil et de répondre quelque chose trop doucement pour que Jean ne l'entende. Inconsciemment, il se pencha en avant et s'appuya sur le râtelier pour mieux observer. Elle pointa Bertholt du pouce et le plus grand sembla rétrécir, comme s'il consumait toute sa masse musculaire dans le lourd soupir résigné qu'il poussa. Eren, lui était toujours aussi enthousiaste et dut presque traîner le plus grand par le bras pour l'emmener sur le ring alors qu'Annie s'en éloignait.

-Allez Bertholt ! Il me faut ma revanche.

-Le but de ces duels, c'est pas vraiment de gagner, Eren, tu sais. dit Bertholt tout en se mettant en position.

-Je sais, je sais. C'est se mettre en valeur devant les sponsors... »

Vas-y, dis le plus fort surtout, ricana Jean.

-... s'entraîner à lire son adversaire, tout ça. Mais si je gagne contre toi, ça veut quand même dire que j'ai progressé ! »

Le combat commença presque sans cérémonie alors qu'Eren se jetait sur Bertholt, qui l'esquiva d'un pas de côté pour essayer d'envoyer son poing dans son ventre. Il ne put que l'effleurer mais Eren dut reculer pour se replacer et Bertholt en profita pour l'attaquer à nouveau. Eren se prit le poing mais l'encaissa plutôt bien, puis...

-JEAN, baisse-toi ! »

Simultanément, Jean obéit à l'ordre et fit volte-face vers la provenance de la voix, paniqué par le coffre de la personne qui venait de l'interpeller. Il n'eut pas le temps de repérer qui, car un sifflement strident fusa au-dessus de sa tête et son sang se glaça dans ses veines en réalisant la proximité du danger.

Dès que la flèche qui venait de lui raser le crâne fut passée, il bondit sur ses pieds et foudroya l'archer du regard.

-SASHA ! rugit-il, les poings serrés. Non mais ça va pas la tête !?

-Je t'avais dit que je pouvais le faire ! l'ignora la jeune fille en tapant dans la main tendue de Conny, qui hochait la tête avec un respect évident. Il fallait juste que Jean se pousse.

-J'admets, j'admets. »

Brièvement, Jean se tourna derrière lui et vit qu'elle avait atteint la cible la plus éloignée de son poste, la flèche bien plantée au centre. Il la rejoignit avec de larges enjambées furieuses.

-Dis donc, toi ! Je peux savoir ce qui t'as pris ? Si tu voulais que je me pousse, tu pouvais me le dire avant de tirer ta flèche ! »

Sasha répondit en croisant les bras et en tirant la langue alors que Conny ricanait à côté.

-Tu m'as rien offert pour mon anniversaire, donc c'est ta punition.

-Que... ?! Mais je rêve ?! »

Il se serait étranglé avec sa propre furie si Thomas n'était pas intervenu pour frapper le crâne de Sasha du plat de sa main.

-Sasha, je t'en supplie, arrête de raconter des bêtises...

-Des bêtises, peut-être, mais pas des mensonges ! rétorqua-t-elle comme s'il s'agissait d'un proverbe.

-Je suis désolé, dit Thomas en se tournant vers Jean. Je vais essayer de faire en sorte que ça ne se reproduise plus, mais avec elle, c'est pas garanti...

-Tu m'étonnes, grommela Jean en croisant les bras. Je te souhaite bien du courage pour gérer cette furie.

-Hey ! » protesta Sasha.

Elle fut coupée net dans son élan quand Thomas lui fourra un objet dans les bras, qu'il venait de sortir du sac hermétique qu'il trimballait dans sa besace. Jean eut à peine le temps de voir ce que c'était que Sasha croquait déjà dedans à pleine dent.

-Elle est encore tiède ! Merci, Thomas !

-... Une patate ? » demanda Jean, les sourcils perchés sur son front.

Il n'en croyait pas ses yeux. Thomas se baladait avec des patates dans son sac pendant les Entraînements à 24 ? Celui-ci se dandina sur ses appuis, visiblement embarrassé alors que Sasha s'empiffrait et que Conny la regardait avec une fascination morbide.

-Oui, c'est...le seul moyen que j'ai trouvé pour la calmer instantanément. »

Jean n'y tint plus : il éclata de rire. Il se pencha en avant, les bras sur les côtes, et laissa sa surprise se transformer en hilarité devant l'expression gênée mais amusée de Thomas.

-Alors ça... ! Si je m'y attendais ! Ha ! Ha ! Ha ! »

Une fois la crise passée, il reprit son souffle alors que Sasha le regardait d'un air un peu mauvais, léchant les restes qu'elle s'était éparpillés sur la figure.

-Miss Patate... » ricana-t-il, puis s'éloigna précipitamment avant que ne lui vienne à nouveau l'idée de lui tirer dessus.

ooo

Ses quadriceps lui en voulaient d'avoir fait toute une série de pirouettes et de saltos devant les sponsors. Ils le lançaient à chaque mouvement. Ses adducteurs aussi d'ailleurs. Mais Jean était trop satisfait de sa prestation individuelle pour laisser ses douleurs musculaires naissantes entacher son humeur. En inclinant le dos, il se repositionna avec plus de fermeté et de prestance sur le siège.

Il n'avait pas eu à subir une barbante épreuve théorique comme la semaine dernière et, avec ses progrès en tridimensionnalité, sa prestation avait plus tenu d'un jeu d'enfant qu'autre chose. Une marelle aérienne en quelque sorte. Le picotement que ses jambes lui influèrent alors qu'il réaffirmait sa position lui arracha un sourire. C'était la preuve qu'il avait tout donné pour en envoyer plein les mirettes aux sponsors. Aux sadiques pétés de tune, qui avaient désormais sa vie entre leurs mains.

Il n'écoutait plus du tout ce que baratinaient Minha et la journaliste. À la place, il se remémora le « Jean Kirschtein du District Sept, terminé. Tribut suivant, Laura Schulter du District Huit, Laura Schulter ! » qui avait marqué la fin de son exercice. Jean était persuadé d'avoir relevé une pointe d'admiration dedans.

L'heure était désormais aux interviews, aux costumes d'apparats, aux questions creuses et surtout aux foutages de gueules des deux côtés, Capitole comme tributs. On les enduisait de charisme afin qu'ils cuisent plus facilement dans la poêle juste après, et aussi pour leur donner un petit goût gourmand qui ravirait les papilles de tous. Toutefois il valait mieux accepter d'être tartiné à souhait, sinon c'était prendre le risque de cramer dès le début ! Donc ils acceptaient.

Voilà pourquoi Jean se réjouissait d'avoir fait d'une pierre deux coups en enlevant sa veste noire. Non seulement il respirait mieux et serrait moins son corps fatigué par les Entraînements à 24, s'accordant ainsi un repos bien mérité après sa prestation individuelle, mais il se donnait aussi beaucoup d'allure rien qu'avec la chemise blanche et le veston gris perle. De quoi achever de la couper aux sponsors ! Il nota dans le petit carnet de sa mémoire que c'était à refaire pour les deux prochaines, avant de croiser les jambes et de poser le coude sur le dossier du siège.

C'était le moment de faire de l'effet ! Quitte à afficher une personnalité creuse et cliché, les sponsors en raffolaient alors autant jouer le jeu au maximum ! Minha, intriguée par son changement de position, lui lança un bref coup d'œil avant de reporter son attention sur la journaliste qui lui parlait, l'écarlate de ses joues faisait ressortir le vert pomme de sa robe.

Jean baissa les yeux pour mieux regarder ses pensées. Maintenant qu'ils se voyaient tous les jours, Minha s'embarrassait moins devant lui. Cela plaisait à Jean d'enfin côtoyer la Minha naturelle, plus confiante et bavarde, avec un sens de l'humour pas désagréable. Cependant, son gel, son costume et ses gants décontenançaient sa partenaire et la ramenaient à la Minha charpentière et collègue de Jean, qu'il n'avait connue que de loin auparavant. Tellement loin qu'il ne s'était jamais aperçu de son coup de foudre pour lui, faute de ne pas l'avoir assez fréquentée. Au moins, c'était une preuve en plus qu'il faisait bel et bien de l'effet comme ça !

Pourtant, Minha n'avait pas à rougir dans sa petite robe légère à frou-frou. En plus, la queue de cheval haute lui allait plutôt bien. Certes, il lui manquait l'éclat des cheveux de Mikasa pour être parfaite, mais elle était déjà élégante.

-Bon, Jean, ça fait longtemps que je vous ai entendu là, le surprit l'interpellation de la journaliste, haha, une question ciblée pour la peine : sentez-vous avoir progressé depuis ces deux semaines ? Haha, je ne dis pas ça parce que vous étiez le plus angoissé, loin de là, mais vous me paraissez quand même plus sûr de vous, je me trompe ? »

Son rire était à faire saigner des tympans. Jean se gratta nonchalamment d'un doigt l'arrière de la tête, juste à côté de l'oreille, en répondant sans la regarder :

-Bien sûr que j'ai progressé. En tridimensionnalité, surtout.

-Mais oui ! C'était le sujet de votre prestation individuelle, n'est-ce pas ? Alors, ça s'est passé comment ?

-Je laisse aux experts le soin de juger de mes compétences mais, sur le moment, j'étais plutôt fier de moi. »

Il brûlait de clamer qu'il avait fait un tabac, mais Hansi leur avait tout de même conseillé de brosser les sponsors dans le sens du poil. Comme lors de la première interview, il s'en sortirait avec de l'assurance, des clins d'oeil, des sourires en coin et de la désinvolture.

-C'est super, ça ! reprit la journaliste avec un enthousiasme ahurissant. Je suis sûre que vous avez fait sensation. Entre vos progrès en tridimensionnalité, qui est quand même un art complexe à maîtriser, qu'on se le dise, et l'affection du public pour votre personnalité cynique et épicée, le charisme dont vous bénéficiez a dû se décupler ! On vous qualifie quand même de « réaliste » dans votre approche des jeux, ce qui vous rend sympathique aux yeux du public, vous ne devez pas être sans le savoir ! »

Ça faisait longtemps qu'on n'avait rien reproché à son attitude, tiens ! C'était presque anormal. Cela devait être pourquoi il sentit un pincement alourdir sa cage thoracique le temps d'un battement de cœur. Il hocha la tête aux paroles de la femme. Celle-ci tourna le torse vers Minha avant de poursuivre :

-J'y pense, votre épreuve à vous aussi, Minha, était sur la tridimensionnalité ! Quel a été votre ressenti ?

-J'ai fait de mon mieux, et j'en suis satisfaite. Mais il est clair que c'était moins impressionnant à voir que celle de Jean ! répondit Minha avant un petit rire nerveux.

-Dommage qu'elle portait pas sur la diplomatie ou le combat, ton épreuve. » lâcha Jean en regardant Minha.

Sa partenaire écarquilla les yeux à la remarque, puis le gratifia d'un sourire complice. Jean laissa échapper un bref rire étouffé de ses narines en guise de « De rien » tout aussi complice, et concentra à nouveau son attention sur la journaliste. Elle regardait toujours Minha, intriguée par le commentaire du jeune homme. Tant mieux, il était hors de question de les laisser penser que Minha ne valait rien.

-En tout cas, c'est vrai que la tridimensionnalité n'est pas mon fort. Je me repose beaucoup sur les progrès de Jean de ce côté, ajouta la jeune fille pour rompre le silence.

-Qu'est-ce que vous préférez chez votre partenaire ? »

Minha se raidit. Elle fit danser ses doigts sur les plis de sa robe. Jean lui lança un regard en coin : elle ne rougissait pas, elle avait plutôt l'air perdue dans ses réflexions. Elle leva l'index et déclara :

-Je dirais sa maturité. Je veux dire, Jean est très responsable et honnête. Il a aussi beaucoup de… légèreté, c'est toujours très agréable d'être à ses côtés et… j'aime tout particulièrement sa sensibilité, aussi. »

Jean s'était réinstallé droit sur le siège, désarçonné par la conviction qui émanait de chacune des syllabes déblatérées par Minha. Toujours le coude sur le sommet du dossier, il serra le poing. Le bruit clair du froissement des gants l'apaisa.

-Je vois, je vois. On dirait qu'il y a une grande entente au District Sept ! Et qu'est-ce que vous préférez chez Minha, Jean ? »

Le jeune homme leva la main droite, qui était restée sur ses genoux, et se massa la nuque avant d'avancer :

-Sa détermination. »

Minha pencha un peu la tête en avant et Jean s'en voulut de ne pas être capable de dire si elle était ravie ou non de son commentaire. Il leva les yeux en l'air afin de mieux y réfléchir, mais le feu intense des projecteurs braqués sur eux lui crama la rétine ! Il rabaissa aussitôt la tête et ferma les yeux, agacé par la stupidité de son réflexe.

-Haha, c'est rigolo, ça ! Comme Eren ! » s'émerveilla la journaliste.

Okay, ça c'était encore plus agaçant ! Il s'empressa de rouvrir ses paupières pour toiser son interlocutrice. Le choc aveuglant était encore là, alors il porta son index et son majeur à son front pour abriter un peu ses yeux de sa main droite déployée, en attendant qu'ils se remettent de leurs émotions. Il pria pour que cela n'atténue en rien la colère de son regard.

-Haaah ? Je vous demande pardon, là ?

-Oh, je veux dire… Eren du District Douze a surtout été repéré pour sa détermination. Ça me fait penser à lui lorsque vous employez ce terme pour qualifier Minha. Surtout au vu de votre altercation de la semaine dernière avec le jeune homme !

-Eh bah justement ! Si je me suis frité avec lui, c'est surtout parce qu'il transpire l'idiotie, pas la détermination. Si vous préférez, Minha, c'est la volonté. Je dirais que c'est la volonté de tout donner au prix de nombreux efforts ! »

Minha joignit ses mains. En levant l'auriculaire, Jean (qui recouvrait une vision normale) vit qu'elle souriait, le teint rosé. Jean était à deux doigts de lâcher un petit soupir de soulagement quand la journaliste le cingla d'un nouveau commentaire à en tomber à la renverse :

-C'est marrant que vous refusiez toutes discussions à propos d'Eren, tout de même ! On reconnaît bien là votre nature solitaire… dans le sens où vous ne vous rapprochez d'aucun autre tribut, mise à part votre coéquipière, Minha. Et pourtant vous n'êtes pas quelqu'un d'introverti, c'est plutôt que vous n'avez pas une personnalité très ouverte. Pardon, c'est rude de ma part… je voulais parler d'une personnalité fuyante. C'est assez intéressant, ça. Qu'en pensez-vous ? »

Jean laissa sa main droite retomber lourdement sur ses genoux, le poing gauche toujours serré derrière le siège. Il fixa le sourire pincé de la femme qui les interviewait, et sentit que les fibres du costume confectionné par le Capitole le ligotaient. Il était pris au piège !

C'était même plus que ça. Cette interview, c'était la longue planche en bois sur laquelle il avançait à reculons, la journaliste le pressant de questions pour qu'il atteigne le bout et saute, pieds joints, dans la gueule des requins. Et là, il était à deux millimètres du grand saut !

Elle le mettait à l'épreuve. Les deuxièmes Entraînements à 24 venaient d'avoir lieu et les sponsors commençaient leur sélection. Il devait montrer qu'il valait la peine d'être soutenu, qu'il n'était pas un trouillard qui fuyait les autres tributs comme s'il ne connaissait rien en diplomatie ! Mais, de tous les mots du dictionnaire, elle aurait pu en choisir un autre que « fuyant »…non ?

Ou est-ce que ça se voyait à ce point qu'il fuyait ? Il ne savait même pas ce qu'il fuyait… Bordel…

Il sonda Minha qui le regardait bouche bée, tremblante, impuissante. Il ne lui en voulait pas, elle était ligotée dans sa robe vert pomme, elle aussi. Plus vite qu'il ne s'y serait attendu, il fixait déjà son poing droit, qu'il serrait autant que le gauche. Il se mordit la lèvre inférieure.

-Jean ? s'enquit la journaliste d'une voix mielleuse.

-Pardon, c'est l'odeur du gel qui m'intoxiquait… »

Jean desserra le poing droit pour venir frotter ses cheveux, les débarrasser de ce gel qui les plaquait en arrière, les immobilisait contre son crâne. Une fois qu'il les sentit plus libres, il se redressa dans le siège.

Il allait leur montrer. Il allait se débattre. Il en avait assez de toutes ces remarques. Personne n'allait lui marcher dessus, et encore moins le Capitole.

-Si je m'éloigne des autres, c'est parce que je perds pas de vue que je les massacre d'ici deux semaines. J'ai pas trop le temps pour les sentiments, voyez-vous. » déclama-t-il d'un ton posé.

Le sourire de son interlocutrice prit de telles proportions qu'on voyait le blanc de ses dents. Elle agita son stylo avec beaucoup d'entrain et déclara :

-Si je peux me permettre, ce que vous venez de faire à l'instant avec vos cheveux, c'était très classe ! »

Eren tomba sur le coccyx. Le choc souleva un peu de poussière sur le tapis et acheva de plomber le moral du jeune homme.

Bertholt, à genoux, le bloquait, son coude pile au dessus de la gorge d'Eren. Le vaincu avait presque envie de le lui mordre ! Il avait beau l'avoir observé, lui et Annie, durant bon nombre de leurs entraînements, il n'était pas encore assez fort pour battre un adversaire dont il connaissait les points faibles ! Eren voulait bien croire que les progrès finiraient par venir, mais c'était frustrant de plus souvent se retrouver au sol que dans son propre lit !

Il respira encore un peu de honte avec plus d'aisance quand Bertholt se dégagea. Il voulait rester allongé encore quelques secondes, le temps de bien ravaler sa fierté. Même les aveuglants néons qui infestaient le plafond du gymnase paraissaient se moquer de lui. La lumière de leur raillerie se retrouva brouillée par l'ombre du visage soucieux de Reiner, qui s'était penché vers lui. Après tout, Eren était du genre à se redresser pour repartir à l'attaque, son attitude inhabituelle avait dû intriguer le blond massif.

-Ça va, Eren ? fit-il en lui tendant la main une nouvelle fois.

-Mouais… » grogna le jeune homme en se relevant.

Il remarqua que Bertholt le considérait aussi : un peu plus et ils auraient été deux à l'aider ! Sa combativité n'avait pas besoin de plus ! Il passa le revers de sa manche sur la bouche et braqua son regard sur Reiner.

-Amène-toi maintenant ! »

Pour toute réponse, le tribut du District Un haussa un sourcil et croisa les bras.

-J'te signale que tu m'as laissé en plan la dernière fois ! » insista Eren.

Reiner esquissa un petit sourire, puis soupira et plaça ses mains sur ses hanches.

-Si ça peut te faire plaisir… » agréa-t-il.

Bertholt recula de plusieurs pas pour leur laisser toute la place nécessaire tandis qu'Eren dressait ses poings et Reiner se retroussa les manches. La vue de ses avant-bras en béton armé arracha une grimace fébrile d'excitation à Eren. Son adversaire fléchit les genoux et hocha la tête pour indiquer qu'il était prêt. Sa position était défensive, il avait presque l'air planté dans le sol. Une imposante forteresse. Qui parlait d'une voix rauque et ardente :

-Vas-y, épate-moi ! »

Le tapis soupira de la poussière lorsqu'Eren décolla ses talons du sol et chargea sur Reiner. Son adversaire plia encore plus le genou et se projeta en avant en tournant les hanches. Reiner progressait au ras du sol, incliné à la perpendiculaire de son opposant. Le poing d'Eren manqua sa cible ! Il n'était pas du tout où il l'avait attendu ! À la place, ce furent les cuisses d'Eren qui choquèrent contre les genoux de Reiner. Le jeune homme serra les dents pour inciter les turbines de son cerveau à accélérer. Quoi maintenant ?

Pour trouver des réponses, Eren baissa la tête. Mais il n'y trouva que l'épaule de Reiner ! Elle se rapprochait de son torse. Reiner dépliait ses genoux pour lui rentrer dedans avec fracas ! Ce n'était plus une forteresse, mais une bombe à retardement ! Eren était encore dans l'élan insufflé par sa droite ratée et Reiner percuta son plexus solaire de plein fouet ! Eren perdit la sensation du sol sous ses pieds mais retrouva la luminosité déplaisante des néons pendant une fraction de seconde. Puis il s'écroula.

Il n'arrivait même plus à tousser. Il entendit de vagues excuses de la part de Reiner, qui s'agenouillait à côté de lui :

-Désolé ! J'te pensais plus lourd que ça, alors j…

-Parce que tu t'excuses quand tu ne ménages pas tes adversaires, aussi ? » le coupa une voix posée qui n'avait aucune chaleur.

Le souffle revint à Eren et il secoua la tête pour se remettre de son choc. Reiner et Annie se toisaient. Bertholt se tenait derrière la jeune fille, mais il donnait l'impression de vouloir se volatiliser plus que tout au monde.

-Ça te pose un problème ? lança Reiner sur la défensive.

-Sous-estimer ton opposant et t'excuser quand tu ne lui fais pas de cadeau, c'est le même niveau d'irrespect, répliqua Annie dont le givre de la voix était tranchant.

-Annie… Reiner ne pensait pas à mal la semaine dernière… glissa Bertholt d'une petite voix, sa main à quelques centimètres de l'épaule de sa partenaire.

-Ah, tu m'en veux encore pour notre match, conclut Reiner en comprimant un gloussement.

-J'étais censée te pardonner ? »

Eren frissonna. Il faisait tellement froid d'un coup que même Bertholt, lui aussi, paraissait figé dans la glace. Reiner finit par éclater de rire, réchauffant un peu l'air autour d'eux malgré la tempête de givre qu'Annie avait invoquée autour de sa personne.

-Dans ce cas je te présente mes plus sincères excuses. Un petit match avec mon plus grand respect, ça te va pour enterrer la hache de guerre ? » reprit Reiner d'un ton tiède.

Le cœur d'Eren manqua un battement lorsqu'il laissa son esprit imaginer un peu l'allure de ce duel au sommet !

-Oh ! » laissa-t-il échapper sous le regard amusé de Reiner.

Malheureusement pour ses espoirs, Annie tourna le dos et grinça entre ses dents :

-Non. Je sais déjà que je suis plus forte que toi.

-Quoi ? se désola Eren.

-Comme tu voudras. »

Reiner haussa les épaules et rit doucement, de façon à ce que seul Eren l'entende. Ses lèvres étaient pincées, afin d'empêcher le moindre commentaire cinglant de s'échapper et de mettre le feu aux poudres. Et ainsi, Eren regardait ses chances d'apprendre en observant deux des plus forts tributs se dissiper, partir en fumée au loin…

Mais Eren était tenace ! Il empoignerait la fumée s'il le fallait ! Pour l'heure, ce fut l'épaule de Reiner qu'il saisit, afin de s'appuyer dessus pour mieux se lever. Une fois debout, il détala vers Annie, et Bertholt qui la suivait d'un pas hésitant.

-Hé ! »

Les deux discrets du District Deux firent volte-face. Bertholt le considérait comme s'il lui était poussé une deuxième tête, Annie se contentait de plisser le bout du nez. Eren s'arrêta juste devant eux et prit garde à baisser un peu la voix :

-Entraînez-moi au combat à mains nues en dehors des « 24 » !…(au bout de cinq secondes, il s'inclina) S'il vous plaît ! »

Il se redressa après sa courbette pour croiser le regard abasourdi de la grande perche. Annie, quant à elle, pencha son menton, la lueur de son regard de glace perdue dans une intense réflexion… ou un profond ennui… Bertholt acheva de se tourner pour lui faire face et leva le bras, comme s'il avait peur qu'Eren ne le comprenne pas sans le moindre geste pour accompagner ses paroles.

-Euh… je suis pas sûr de ce coup-là, Eren… ça doit être interdit ! s'affola-t-il.

-Qu'est-ce que t'as à nous proposer en échange ? »

Les yeux d'Eren ne purent se détacher d'Annie et de l'espoir que son air intrigué lui inspirait. Bertholt se pencha vers elle en agitant les mains, ses doigts repliés. S'il n'était pas aussi coincé, il lui aurait probablement secoué les épaules pour la raisonner.

-T'es sure, Annie ?… » peina-t-il à articuler.

Elle lui répondit par un rapide hochement de tête avant de reposer toute l'acuité de son regard sur Eren. Le jeune homme déglutit pour avaler le nœud de tension que les yeux de la tribut adverse avaient glissé dans sa gorge. Il se la racla un peu même. Il allait avoir besoin d'audace et de charisme. Il espérait juste qu'il lui en restait un peu malgré ses nouvelles fréquentations peu recommandables… à savoir le sol et les échecs répétés.

-Des conseils très précieux en tridimensionnalité. » déclara-t-il solennellement.

Annie croisa les bras et Bertholt se redressa, laissant ses épaules s'abaisser et s'apaiser. Ils avaient l'air captivés ! Eren reprit :

-… tout droit venus de mon propre mentor, Mike Zacharias. Vous devez bien connaître, non ? »

Faites qu'ils connaissent ! Faites qu'ils connaissent ! Il se focalisa sur la réaction de Bertholt. C'était au tour de la grande perche de jouer ! Il ne pouvait pas le laisser tomber là, il devait mordre à l'hameçon. Il était le seul qu'Annie écoutait, le passeur qui permettait de voguer sur les eaux imprévisibles de la féroce future assassine. Eren priait juste pour qu'il accepte les quelques pièces qu'il avait sur lui !

Et Bertholt se pencha vers Annie.

-C'est vrai que Mike Zacharias est le plus expérimenté en tridimensionnalité des mentors, après Levi Ackerman du District Quatre… Et Floch et Sandra ne sont pas très approchables… »

Eren acquiesçait aux observations de Bertholt, bien content que ses cheveux cachent la rougeur de ses oreilles.

-C'est d'accord. » trancha Annie.

Bertholt soupira doucement et laissa un petit sourire naître sur ses lèvres. Eren voulait laisser sa joie exploser… pour se contenir, il serra fort ses deux poings et ramena ses coudes à son torse en hurlant « Yes ! » dans un chuchotement.

-On t'entraîne demain au combat à mains nues, après tu te charges de la tridimensionnalité. Un jour sur deux. Échange équivalent. » ajouta Annie, catégorique.

Son ton était tel que, pendant un instant, Eren se demanda s'il n'était pas censé lui répondre par un « Oui, M'dame » militaire.

-Vous me laisserez me joindre à vous ? »

Eren fit un brusque demi-tour et se retrouva nez-à-thorax avec Reiner ! Malgré son allure imposante, il savait se faire discret : Eren n'avait aucune idée du temps qu'il avait passé à les écouter ! Du coin de l'œil, le jeune homme vit Annie froncer les sourcils et relever le menton. Elle faisait froid dans le dos ! Par réflexe, il se décala de quelques pas sur le côté : hors de question d'avoir une telle lueur assassine plantée juste derrière lui ! Bertholt cachait ses lèvres de son index, se tenant le menton avec les autres doigts.

-À quatre, ce sera plus facile de travailler en binômes… raisonna-t-il à voix haute.

-Et Reiner a sûrement de l'expérience à revendre ! » argua Eren, que la prise de parole de Bertholt avait engaillardi d'un coup, d'un seul.

Annie restait impassible, elle devait être en train de passer Reiner au crible fin, car ses iris bleus se déplaçaient en vitesse d'un coin à l'autre de ses yeux, avec lesquels elle fixait le tribut adverse. Reiner baissa les siens un temps, inspira et renoua le contact visuel avec Annie.

-Je veux surtout m'améliorer en tridimensionnalité et entraîner la petite tête brûlée (il pointa Eren du pouce), rien de plus.

-Attends… Quoi ?! » s'offusqua Eren en entendant le surnom.

Annie soupira et tourna les talons. Le temps dont elle disposait pour supporter Reiner devait être limité…

-Peu importe. Demain, au bout de l'allée des pommiers, à 17 heures. »

Reiner s'inclina avec respect et Eren en oublia tout de suite sa frustration. Même Bertholt adressa un hochement de tête ravi à Reiner, que le blond lui rendit. La grande perche trotta à la suite de sa partenaire, et repassa au pas une fois qu'il l'avait rattrapée… assez vite.

-Bon, je vais aller voir comment se porte Christa. À demain, Eren !

-Ouais.. à dem-Bwaargh ! »

Eren avait à peine levé sa main pour le saluer que Reiner l'asséna d'une vigoureuse claque dans le dos et se retira, agitant la main sans se retourner. Eren se frotta le dos en le regardant partir. Il songea alors à Mikasa, il n'avait pas trop fait attention à comment elle allait. Bien, sans doute. Très bien, même. Mais ça ne lui coûtait rien d'aller la voir et elle en serait certainement comblée.

Il quitta la zone de combat, décidé à la trouver.

-Dites-moi donc, Annie, quels sont les tributs qui vous ont tapé dans l'œil ? »

Bertholt retint sa respiration pour éviter de laisser échapper un énième soupir et essuya le plus discrètement possible ses paumes moites sur le pantalon de son costume. Sa couleur noir d'aniline était suffisamment sombre pour qu'il n'ait pas crainte de l'assombrir de sa transpiration, mais il ne pouvait pas en dire autant de la chemise de lin qui était désormais collée à sa peau par son veston, bien à l'abri derrière sa veste.

Il jeta un coup d'œil à Annie qui répondait doucement et semblait, selon toute vraisemblance, totalement imperméable à l'ambiance tendue qui régnait sur le plateau :

-Reiner, Mikasa et Ymir. »

Elle était resplendissante dans sa robe bleu uni. « Myrtille, » avait annoncé la styliste avec aplomb, « pour aller avec vos yeux ». Ses épaules étaient presque entièrement dénudées, hormis pour les bretelles qui tenaient la coupe droite de son buste. Elles étaient si blanches que la lumière des projecteurs se réfléchissaient dessus malgré le produit matissant qu'avait appliqué le maquilleur.

Annie s'était laissée habiller et maquiller dans un silence patient, pareil à une statue de pierre qui bougeait à peine. Bertholt, lui, s'était fait maintes fois réprimander pour ne cesser de gigoter nerveusement sur sa chaise. Une fois installés devant les caméras, ils s'étaient tenus silencieux, pour deux différentes raisons : Annie parce qu'elle n'en avait pas grand chose à faire, et Bertholt parce qu'il avait terriblement peur de faire quelque chose de travers.

-En quoi sont-ils intéressants ? reprit la journaliste en pressant sa partenaire d'élaborer. Racontez-nous tout ! »

Son sourire à elle aussi était crispé. Elle essayait désespéramment de tirer d'eux plus de trois phrases, mais elle s'éreintait à la tâche. Bertholt savait qu'ils devaient faire bonne impression, conquérir le public et les sponsors par des discours grandiloquents et bien sentis, pleins d'éloquence, dans un dialogue vif et souvent controversé avec les journalistes. Il l'avait suffisamment vu en se renseignant sur les précédents jeux sur les conseils de Pixis. Il ne s'en sentait tout simplement pas la trempe.

Annie réfléchit quelque secondes en s'installant plus confortablement sur son siège, accentuant le fendu de sa robe.

-Reiner est très résistant physiquement, et il est intelligent. Mikasa et Ymir sont fortes dans tous les domaines. »

Bertholt la vit chercher ses mots subrepticement, et il devina qu'elle hésitait à mentionner Eren. Elle se tourna vers lui, et du coin de l'œil, il vit la journaliste se redresser avec un regain d'espoir. Il secoua la tête à l'adresse de la jeune fille ce n'était pas la peine de parler d'Eren. Il n'aurait su expliquer pourquoi il n'osait pas le mentionner. Et d'ailleurs, il n'était même pas sûr d'avoir réellement bouger la tête. Mais Annie sembla tout capter dans son regard, car elle se tourna vers la journaliste pour conclure sa prise de parole d'un hochement de tête décisif.

Cette dernière se dégonfla comme un ballon, lentement mais avec netteté. À l'évidence, elle peinait à trouver de quoi faire avancer la conversation. Bertholt en était bien conscient. Mais à la seule pensée de prendre la parole, d'ouvrir la bouche et de ne pas trouver sa voix, ou juste un croassement grotesque, il se mettait à suer davantage qu'après un exercice en compagnie d'Annie, Eren et Reiner combinés.

-Et vous, Bertholt ?! »

La voix de la journaliste était aussi stridente que le cri d'une harpie -enfin, tel qu'il s'imaginait les cris de harpie, il n'en avait jamais vu auparavant, et elles n'existaient pas de toute façon- et tira de lui un irrésistible soubresaut.

-Moi ? »

Le voilà. Le traître de croassement.

-Oui, vous, répondit la journaliste comme si elle parlait à un nourrisson. Quels tributs vous intéressent ?

-oh, euh, je... comme Annie, je trouve que... enfin, Reiner, Mikasa et Ymir sont dangereux. Enfin, Annie aussi, bien entendu, mais... »

Une étincelle piquante miroita soudain dans les yeux de son interlocutrice -est ce qu'elle avait les larmes aux yeux de soulagement ?! Non, non, il se faisait des idées, sûrement...- et il sentit un désagréable frisson parcourir sa colonne vertébrale. Qu'est ce qu'elle lui voulait encore ? Qu'avait-il dit ?

-Si je comprends bien... commença-t-elle, et sa voix ressemblait à du venin qui venait lui brûler les oreilles -ou alors c'était son propre embarras-. Si je comprends bien, reprit-elle en se léchant les babines, ça veut dire que vous considérez Annie comme une ennemie ? Elle ne vous a pas mentionné dans sa liste, elle. Cela veut-il simplement dire que vous considérez tous les deux que vous, Bertholt, êtes moins fort ? Ou bien que contrairement à Annie qui vous considère comme son partenaire, vous envisagez déjà le moment où vous devrez briser votre alliance ? »

Bertholt se sentit blêmir progressivement au fur et à mesure qu'il absorbait les paroles de la journaliste et réalisait son erreur. La leur dans son regard l'aveuglait, l'éblouissait, comme une petite souris qui se retrouvait étouffée entre les écailles impitoyables d'un serpent qui révélait ses crocs reluisants de bile.

Ce fut seulement grâce au léger coup de coude dans son avant-bras qu'il se ressaisit et s'empressa aussitôt de contredire :

-NON ! s'écria-t-il bien plus fort qu'il ne l'aurait voulu. Non pas du tout ! Je voulais juste dire que... euh... C'est juste qu'Annie est vraiment forte, contrairement à moi, et donc je pensais... je pensais qu'il valait mieux le préciser, parce que j'ai beaucoup de respect pour elle, je sais qu'elle est très valeureuse, donc je me suis dit... je... »

Il ne savait plus où il allait ! Il avançait dans le noir, sans lampe de poche, sans lune, et il trébuchait sur tous les misérables cailloux que la journaliste parsemait sur son chemin !

-Mais pas du tout ! » reprit-il en se tournant vers Annie avec hardiesse.

Elle écarquilla les yeux, un signe qu'elle était surprise par son geste.

-Je ne te trahirais jamais. » promit-il avec autant de ferveur dans la voix qu'il pouvait en transmettre.

Il entendit à peine le cri exalté de la journaliste qui se réjouissait enfin de la tournure de l'interview. Il n'avait d'yeux que pour Annie, qui cligna brièvement des siens, surprise. Puis les commissures de ses lèvres remontèrent très discrètement, et elle acquiesça. Rassuré, Bertholt s'autorisa enfin à pousser un soupir, de soulagement cette fois. Le reste de l'interview passa dans un brouillard nerveux qui lui parut sans fin, jusqu'à ce qu'elle se termine et qu'il se dise qu'il n'avait pas énoncer la moitié de ce qu'il avait prévu.

J-17

() …

Eren constate le Reinholt sans constater le Reinholt…