Je me demande quels genres de soldats on deviendra tous
OST SNK qui se prêtent bien à l'ambiance = - DOA -
- Counter Attack-Mankind -
- Bauklotze -
- Barrichestra -
- Call Your Name (Gv) -
… () …
Les cliquètements métalliques de la machine accompagnaient les rouages de son propre esprit. Il détailla le chemin des rails, la dimension des cibles mobiles qui se mouvaient devant lui comme pour le narguer, avec un léger mouvement de balancier hypnotisant qui lui rappelait les fêtes foraines, et plus précisément, les spectacles de marionnettes. Pas question d'en être le bouffon.
Derrière lui, il entendait le chuintement des armes qu'on retirait des râteliers, les papillonnements vifs des feuilles de carnet que les journalistes tournaient avec précipitation, les cris de victoire et les grognements de défaite. Il tiqua en percevant une clameur impressionnée, mais ne se retourna pas.
De biais, les pieds fermement plantés au sol, Jean ferma les yeux, et il décelait la présence de ses voisins, ligués contre les cibles mouvantes. Il se rappela qu'il devait se détendre pour tirer correctement et roula les épaules et la nuque, récompensé d'un craquement satisfaisant. Une longue respiration stable s'échappa de ses poumons et s'accorda au lever de l'arme, ses mains serrées autour de la crosse.
Il rouvrit les yeux pour trouver le viseur parfaitement aligné avec une des cibles il pressa la détente.
La sensation était similaire à la pression que ressentaient ses hanches lorsqu'il lançait ses grappins pendant les exercices de tridimensionnalité. Ici, les câbles ne se fichaient pas dans un tronc. Les balles percutaient la cible et perforaient le caoutchouc de forme vaguement humanoïde. Il ne s'agissait pas de se défendre contre les Titans, mais d'attaquer les hommes, et il était grand temps qu'il s'y attelle.
La détonation retentit dans la salle et dans ses os, entraînant son corps avec la puissance. Il se sentit partir en arrière et trébucha pour se rattraper, les épaules douloureuses.
-Tch. »
Son regard traqua la cible des yeux et la retrouva immédiatement, flanquée d'un trou qui frôlait le centre. Au moins, il avait atteint son but. Du moins, c'est ce que lui confirmait le cri exalté qui suivit :
-Bravo Jean ! »
Il tourna la tête et Sasha gambadait allégrement vers les frontières de son espace vital pour les ignorer royalement et lui asséna un vivace coup de poing dans l'épaule, comme si ses deltoïdes n'avaient pas assez pris comme ça.
-C'était pas mal du tout !
-Merci, je suppose, dit-il avec un sourire malicieux.
-Pas aussi bien que moi bien sûr. » fanfaronna-t-elle.
Ses commissures retombèrent alors que la jeune fille levait les bras dans d'amples mouvements pour déployer son arc. Elle n'avait quasiment rien changé à sa position et décocha presque sans regarder une flèche, qui alla se ficher sans pitié dans un pauvre mannequin inoffensif, dont la seule faute était d'avoir le crâne marqué de rouge. Elle tourna vers lui l'ardeur triomphante de son regard de chasseresse accomplie, et Jean lâcha un soupir.
-Frimeuse. » grinça-t-il.
Elle le gratifia d'un large sourire et il enchaîna :
-J'ai déjà été témoin de tes compétences, rappela-t-il en se passant nerveusement une main sur le haut du crâne. Ce que j'aimerais savoir, c'est comment tu fais. »
Sasha haussa les épaules.
-Des années de pratique, pis c'est tout.
-Oui mais ce sont des années de pratique pour apprendre des techniques, pas vrai ? insista-t-il en remettant la sécurité de son arme. Tu dois avoir des astuces sur la position du corps, la façon de tenir son arme... »
Pour seule réponse, il reçut un pfff démuni et des yeux globuleux.
-C'est bien ce que je me disais, railla-t-il.
-Moi je peux te donner quelques conseils. » résonna une autre voix avant que Sasha n'ait le temps de se vexer.
Jean tourna la tête vers Marco, qui lui adressa un signe de la main avenant en marchant vers eux. Il inspira sèchement, surpris, et fronça les sourcils vers le nouveau venu.
-Marco, t'es pas spécialiste de l'arbalète à la base ? s'étonna la jeune fille.
-Il y a des points communs à toutes les armes de tir, Sasha, sourit Marco (il donnait presque l'impression de se moquer, mais tout était enfoui sous une couche de douceur qui n'en laissait qu'une légère trace de taquinerie). Et puis, on a appris à utiliser des pistolets et des fusils, chez moi.
-Ah vraiment ? s'amusa Jean.
-Oui, mon père nous emmenait à la chasse, enchaîna Marco sans relever. Remets-toi en position. »
Jean haussa un sourcil mais obtempéra, se tournant à nouveau vers les cibles : pieds écartés autant que ses épaules, légèrement de biais, épaules relâchées. Il retira la sécurité, stabilisa sa respiration et releva-
Des mains sur ses épaules. Une pression étrangère mais candide, accompagnée d'une chaleur bienfaisante. Des pouces qui glissaient et pressèrent sur ses omoplates. Un frisson qui secoua son échine. Les muscles de son cou se contractèrent pour tourner la tête mais Marco ne lui en laissa pas le temps.
-Penche-toi un peu plus en avant. »
Machinalement, Jean s'exécuta. Marco avait l'air de savoir ce qu'il faisait, et il lui accordait plus de confiance qu'à l'autre guignol, qui s'était déjà éclipsée.
-Je pense que tu peux y aller maintenant. Garde cette posture. »
Les mains quittèrent son dos et il vit le jeune homme reculer à bonne distance du coin de l'œil. Il resta soigneusement en place et se prépara à tirer. Il attendit une poignée de secondes, visa une cible proche, et tira.
Cette fois, il sentit les muscles de son dos encaisser le choc, et ses épaules l'en remercièrent. Il reprit le contrôle de son expression et plissa les yeux qu'il avait écarquillés, mais une tentative de sifflement impressionné attira son attention.
Marco s'avançait déjà vers lui d'un pas léger, brandissant un bras. Jean eut tout juste le temps de lever sa propre main par réflexe de protection, Marco claqua dedans avec enthousiasme.
-C'était beaucoup mieux ! » affirma-t-il.
Le sourire de Jean lui échappa, et celui de Marco s'élargit.
-J'aurais peut-être juste quelque chose à ajouter... hésita le plus grand. C'est plus pour pinailler qu'autre chose, mais ça t'évitera de te faire trop mal si tu tires...
-Vas-y, balance. » le coupa Jean, intrigué.
Il préférait s'intéresser à ça plutôt qu'à sa paume qui le tiraillait plus qu'il ne s'y serait attendu. Quel genre de gars mettait autant d'énergie dans un tape-m'en-cinq ? Ceux qui foutent des droites à l'air tous les soirs, je suppose.
Marco ne se formalisa pas de son interruption, et Jean eut la surprise de le voir piquer vers le sol, un genou à terre. Aussitôt après, il sentit une main étreindre l'arrière de son genou avec une délicatesse déconcertante, puis une deuxième main tout aussi prévenante s'y ajouta pour l'enserrer et l'orienter.
-Il faut que tes pieds soient parallèles. » déclara Marco, l'expression dissimulée par les mèches qui retombaient sur son visage.
Jean déglutit, nerveux. Il ne s'était pas habitué à autant de contact, même de la part de Minha.
-Pourquoi ? demanda-t-il à la place.
-Si tes jambes sont parallèles, ça permet d'éviter la torsion des muscles, et tu peux rester dans cette position plus longtemps. »
Jean hocha la tête. Marco s'éloigna, l'incitant à vérifier la véracité de ses dires d'un signe du menton. Le jeune homme obéit et maintint soigneusement la position. Cette fois, lorsqu'il tira, il sentit que tous les rouages étaient en places. La balle sembla fuser d'elle-même vers la cible.
-Bien ! applaudit Marco. Je pense que tu peux continuer comme ça du coup.
-Ouais merci. » balbutia Jean alors que l'autre jeune homme lui tournait déjà le dos.
Il tira une ou deux fois de plus, et s'arrêta lorsqu'il constata que Marco revenait vers lui, arbalète en main. Sans rien dire, le jeune homme prit place à côté de lui, et commença à s'entraîner à son tour. Jean aurait pensé qu'il resterait dans son coin.
-T'as pas les pieds en diagonale, toi, fit-il remarquer.
-Belle observation, confirma Marco avec un sourire plus large qu'il ne devrait l'être. C'est parce que pour l'arbalète, elle repose sur l'épaule, donc il faut que les pieds soient alignés pour encaisser le plus de choc possible. »
Il accompagna ses paroles d'un doigt qui traçait une ligne invisible de son épaule porteuse à sa jambe arrière. Jean hocha la tête. Il se reconcentra sur sa cible, et Marco fit de même. Pendant quelques minutes, il n'entendait plus que les détonations, les carreaux qu'encochaient Marco, et leurs respirations posées.
Au bout de deux jeux de cartouches, Jean décida qu'il était grand temps pour une pause, et il recula de quelques pas pour se poser sur le banc, laissant la pression qui tendait ses épaules se relâcher maintenant qu'il n'avait plus d'instrument de mort entre les mains.
Marco lui jeta un coup d'œil curieux, que Jean ignora pour chercher Minha du regard. Ils étaient censés se retrouver bientôt pour un récap.
Ses yeux accrochèrent deux couettes noires qui s'agitaient. La jeune fille lui tournait le dos, en plein milieu d'un ring de combat, face à Ruth.
Qu'est-ce qu'elles faisaient là ? Ce n'était pas le genre de Minha de répondre aux provocations récurrentes de Ruth, et ils avaient déjà assez mesuré la force de la jeune femme pour qu'il n'y ait pas besoin d'aller jusque là. Quelle mouche l'avait piquée ?
Par réflexe, il se leva et fit un pas dans sa direction, confus et un peu inquiet. Ruth venait d'envoyer un coup de poing droit sur la face de la jeune fille, et heureusement que cette dernière était vive, car elle l'esquiva sans trop de peine. Il n'empêchait, l'agressivité qu'exsudait son adversaire n'était pas pour rassurer Jean.
Minha esquiva un nouveau coup et tenta une clé de bras, mais Ruth se dégagea avec assez de force pour que Minha fasse un pas en arrière. D'un bon pas, Jean se décida à la rejoindre, et un écho arriva à sa hauteur alors que Marco faisait de même, l'inquiétude bien visible sur ses propres traits.
-Je crois que Ruth a décidé de provoquer Minha, se justifia-t-il, penaud.
-Mh. »
Ils arrivèrent au bord du ring, et aucune des deux filles ne leur prêta attention. Ruth attaqua à nouveau, et Jean vit l'exact moment où l'équilibre lui manquait. Minha sembla l'avoir repérer aussi, car elle planta un pied entre les appuis de Ruth et lui envoya son coude droit dans le menton. La tête de l'assaillante partit en arrière et elle tituba sur quelques pas, se frottant vigoureusement le menton. Jean comprenait soudain l'engouement de Conny et Sasha : il avait bien envie d'encourager à pleine voix la jeune fille pour compenser l'aide qu'il ne pouvait lui apporter.
-Désolé, reprit Marco alors que Ruth repartait à l'attaque avec férocité. Elle est inarrêtable quand elle a une idée derrière la tête.
-Minha aussi. » rétorqua Jean avec un rictus de défi.
Marco se contenta d'un sourire entendu, qui dégonfla tout soupçon d'animosité. Au même moment, Ruth plongeait au sol. Minha sauta de côté pour esquiver l'attaque, mais au lieu de chercher à la faucher, Ruth se redressa immédiatement pour la frapper au visage à nouveau. Minha réussit à dévier le coup de justesse, mais son avant-bras aurait un bleu à la fin de la séance.
Jean se pencha inconsciemment en avant, prêt à régler son compte à Ruth si elle s'avisait de blesser Minha. La situation était extrêmement délicate, et si Minha n'était pas à cent pour cent de ses capacités au début des jeux, il craignait que Ruth ne s'en sorte avec un simple avertissement.
La main de Marco retint son épaule et le ramena en arrière d'une légère pression, le stoppant net dans son élan. Jean fit volte-face vers lui.
-Je crois que Minha va s'en sortir, assura-t-il.
-Tu crois ça ?
-...J'en suis sûr. »
Ce n'était pas vraiment le sens de ma question, songea Jean. Il voulait plutôt lui demander pourquoi Marco prenait le parti de Minha plutôt que celui de sa propre partenaire. Enfin, il pouvait comprendre.
-Ow ! »
Ils se tournèrent de concert vers le combat, où Ruth venait de frapper de plein fouet les côtes de Minha. Mais au lieu de reculer pour éviter de se prendre un autre coup, la jeune fille saisit le poing qui venait de la frapper et le tordit violemment. Ruth chuta au sol alors que la jeune fille maintenait une prise ferme pour l'empêcher de se libérer. Un instant de flottement et Minha insista encore sur sa prise. À terre, Ruth poussa un grognement frustré et frappa trois fois le sol en signe de capitulation. Aussitôt, Minha la relâcha et recula comme si elle s'était brûlée.
-Minha ! » héla Jean.
Cette fois, la jeune fille sembla enfin remarquer leur présence, et elle se dirigea vers eux.
-J'y vais. » déclara Marco en passant par-dessus la barrière.
Jean l'entendit à peine alors qu'il tendait un bras pour aider la jeune fille à sortir du ring. La main sur la côte, elle l'accepta avec un sourire et une grimace.
-Pas trop amochée ?
-Elle visait le plexus, cette fourbe. »
Jean lâcha un reniflement amusé. Du coin de l'œil, il croisa le regard haineux de Ruth, qui fusillait Minha.
…
Les projecteurs étaient particulièrement lumineux, les journalistes particulièrement agités, et les tributs particulièrement fiévreux. À part elle et les sponsors qui les fixaient toujours depuis leur vitrine surélevée (récemment, elle s'amusait à les prendre pour des poupées de porcelaine), il n'y avait pas grand monde pour garder son calme.
Cela dit, même elle commençait à perdre patience.
Ça faisait désormais quelques minutes qu'elle s'était lancée discrètement à la recherche de sa petiote, juste après s'être amusée à tirer des balles dans les crânes des cibles en s'imaginant les remplacer par les crânes de ses évaluateurs, mais elle était introuvable. Pas aux terrains d'armes blanches, pas autour des rings de combat à mains nues, pas dans l'espace stratégique avec toutes leurs machines, pas dans la zone de musculation, ni celle de gymnastique...
La zone des armes de tir fut la dernière qu'elle alla fouiller, mais l'espace était dégagé, elle l'aurait repérée, non ? Toutes ses pensées freinèrent net alors qu'elle apercevait un éclat blond, et tout son corps virevolta vers la jeune fille, comme programmé pour la rejoindre.
Évidemment qu'elle ne l'avait pas vue. Christa était voûtée sur le râtelier de couteaux, qu'elle dépassait à peine d'ordinaire, et qui désormais lui servait de cachette piteuse. Les pieds d'Ymir hésitèrent entre ralentir pour lui permettre de détailler le visage de la jeune fille et accélérer pour lui parler plus vite, et sa démarche buta contre elle-même un très court instant. Elle n'avait même pas encore croisé son regard, bordel.
Elle s'arrêta à quelques centimètres de la jeune fille, observant attentivement son petit nez retroussé qui s'éleva vers elle et ses grands yeux. L'éclat de leur azur était pâle. Son expression était neutre, mais l'aura qu'elle dégageait interdisait à quiconque de l'approcher. Ce n'était pas ça qui allait arrêter Ymir. Elle avait bien fait de suivre ses tripes, qui avaient exigé la présence de Christa dès qu'elle était sortie de sa prestation individuelle.
-T'as l'air encore plus petiote que d'habitude. »
Christa ne répondit pas tout de suite, et le silence s'entoura d'une pesanteur désagréable. Ymir la vit se redresser fermement pour se tourner vers elle, un fantôme de sourire sur les lèvres :
-Ça va. Merci de t'inquiéter, mais je vais bien. »
Ymir sentit ses poils se hérisser sur sa peau avec irritation. Elle avait soudainement l'impression d'avoir fait trois pas en arrière. Christa était en train de la regarder de la même manière qu'elle fixait la lentille des caméras lors des interviews : une distance froide et condescendante qui n'était vraiment qu'un chat en train de feuler pour que personne ne l'approche.
-Tu sors de ta prestation individuelle. Tu as dû bien te débrouiller, certains sponsors avaient le sourire tout à l'heure...
-Regarde moi dans les yeux quand tu me parles, tu veux ? »
La phrase un peu cinglante eut le mérite de couper la princesse dans son discours mécanique et elle écarquilla les yeux, l'expression soudainement bien plus vivante.
-...Mais je te regarde dans les yeux ? » déclara-t-elle, visiblement confuse.
Ymir appuya un poing sur sa hanche et laissa un sourire s'étirer sur son visage, un peu frustré, un peu triste.
-Pas vraiment, non. Tu regardes mais tu vois pas. »
L'expression de Christa s'accentua un peu plus alors qu'elle ouvrait délicatement les lèvres de surprise. Ymir baissa le regard vers ces dernières mais se reconcentra aussi sec. Au bout de quelques secondes, Christa sembla s'effilocher devant ses yeux : elle se recroquevilla sur elle-même, les épaules rentrées, les bras près du corps, le regard à terre, la bouche pincée...
-Qu'est ce qui te tracasse, princesse ? » demanda Ymir.
Sa voix était plus calme qu'elle ne se sentait. Elle avait l'impression que sa voix était la seule chose qui pouvait ramener Christa parmi eux, avec elle, avant qu'elle ne se laisse désagréger dans le néant. Peut-être était-ce seulement ses propres désirs, mais bon, ça ne faisait jamais de mal de rêver.
-J'ai... »
Sa voix était petite et tirée.
-J'ai raté ma prestation individuelle. »
Bigre, elle l'avait à peine entendu. La note de frustration qui braisait dans sa voix. Mais elle y était, même recouverte par une grosse couche de cendre désespérée. Ymir pouvait faire quelque chose avec la frustration. Elle savait allumer les incendies, et elle s'attelait à celui-là depuis un moment déjà.
-Qu'est ce qui te fait dire ça ? » demanda-t-elle d'un ton saccharin.
Le regard de Christa s'était acéré, et toute sa concentration était focalisée sur Ymir, la source et la cible de son agacement. L'ancienne voleuse retint un frisson.
-J'avais une épreuve de parcours, que j'ai ratée. Tu n'as pas besoin d'en savoir plus, ajouta-t-elle en voyant le haussement de sourcil de son interlocutrice.
-Okay, concéda Ymir. Et maintenant ?
-Maintenant quoi ?
-Et maintenant que tu as raté ton épreuve, qu'est ce que tu fais ? »
Elle croisa les bras sur sa poitrine et s'adossa au râtelier, toisant Christa avec un sourire qu'elle essayait fermement de ne pas laisser s'agrandir. À nouveau, la surprise et l'agacement de Christa se disputait la place sur son visage, et Ymir fut ravie de voir une petite moue confuse tordre sa bouche. Il était temps de passer aux choses sérieuses.
-T'es vexée non ?
-Bien sûr que je suis vexée ! s'offusqua Christa. Personne ne serait satisfait de...
-Qu'est ce que t'attends pour te prouver alors ? »
Christa expira bruyamment, probablement agacée de s'être faite couper, et elle tourna tout son corps dans la direction d'Ymir, les poings serrés contre ses cuisses.
-Viens-en au fait ! ordonna-t-elle d'une voix cinglante, et Ymir ne put s'empêcher de rebondir contre le mur pour obtempérer.
-Montre leur ce que t'as dans le ventre, petiote ! Si tu restes prostrée là à te morfondre sur ton échec, tu es foutue, aussi bien dans leur tête que dans la tienne. »
Son sourire se durcit jusqu'à disparaître, laissant place à un regard tranchant et autoritaire. Elle avait beau aimer leur petit jeu qui n'appartenait qu'à elles, il y avait des choses que Christa devait comprendre si elle voulait survivre. Elle se pencha en avant, et Christa se tendit de tous ses membres lorsque l'index d'Ymir se posa sur le creux de sa clavicule.
-Montre ce que tu as dans les tripes, Christa. Sinon, ils vont croire que tu es vraiment la petite brindille fragile que tu donnes l'impression d'être. Ils vont croire que t'es une proie facile, et ils penseront pouvoir te marcher dessus. Et ils vont te marcher dessus, parce que tu les laisseras faire. »
Christa n'avait ni les yeux écarquillés, ni la bouche bée. Elle contenait son visage d'une poigne de fer, mais Ymir était si près et si attentive qu'elle pouvait voir, au fond de ses prunelles, la détresse que ses paroles provoquaient. Elle sentait qu'elle se penchait encore en avant et recula, déterminée à contrôler ses impulsions. Elle saisit un couteau sur le râtelier et commença à le faire tournoyer dans sa paume, le poids confortable. Par delà, elle aperçut le gros tas de muscles, et le coup de grâce lui vint aussitôt à l'esprit.
-Et puis, ajouta-t-elle en s'humectant les lèvres, si tu les laisses te forger cette réputation, ton pauvre chevalier servant va se retrouver avec beaucoup plus d'ennemis sur le dos. Peut-être trop pour lui. »
L'effet fut immédiat. La jeune fille releva le menton et elle ne la regardait plus, elle la toisait. Ymir eut à peine le temps de s'étonner de la voir se relever si vite que le couteau avait quitté sa main. Dans un mouvement vif et gracieux, Christa vira sa tête et tordit son bassin, projetant l'arme droit sur le cœur de la cible, comme si le centre de la gravité s'y trouvait et que sa course était inéluctable. Ymir ne manqua pas l'éclat embrasé de son regard, qui laissa une trace rougeoyante dans l'atmosphère, comme une lame en fusion. Le couteau était parti avec son souffle.
Christa fit volte-face vers Ymir, toute son attention braquée sur elle, et la fureur de son regard était le meilleur des carburants. On aurait dit qu'elle voulait trancher Ymir en deux, et la jeune femme l'aurait laissée faire, si c'était pour voir une telle férocité.
D'un mouvement sec, la jeune fille se tourna vers le râtelier d'armes et faucha une poignée de couteaux. Ses gestes tout aussi brusques et délicats que la première fois, elle lança un couteau, deux couteaux, trois, quatre... tous plantés fermement dans la tête de cible, avec un ''chtak'' aussi retentissant qu'une déclaration de guerre. La frustration exsudait de son corps et s'accumulait dans chaque lame, qu'elle évacuait à chaque lancer.
Une ou deux exclamations de surprise retentirent aux alentours, et quelques caméras se braquèrent sur elles, et les lumières étaient un peu plus aveuglantes, mais Christa les ignoraient royalement. Elle était dans son monde à elle, bien au dessus d'eux, et Ymir avait envie d'applaudir. Ses doigts agrippaient les couteaux comme si elle tenait un sceptre. Son regard était impitoyable, et son corps dansait.
Sans un temps d'arrêt, elle se dirigea droit vers la cible, enroula ses doigts fins autour d'un des manches, serra brièvement et l'arracha de son socle. Ymir la regarda faire de même pour tous les autres en avalant discrètement sa salive.
Elle fit volte-face, et à nouveau se tourna droit vers Ymir, et marcha vers elle, et la jeune femme l'attendait avec un large rictus et les mains dans les poches. Un sourire suffisant se déroula sur son visage et elle tendit les couteaux à Ymir, lames vers la jeune fille.
-Tu vois quand tu veux. » chuchota Ymir.
L'exclamation enjouée qu'elle avait préparé s'était étouffée, et il ne lui restait plus qu'un morceau de souffle qui sonnait bien trop à vif et sincère à son goût. Elle le recouvrit d'un clin d'œil malicieux qui ne manqua pas son effet : les joues de Christa rosirent et son nez se froissa légèrement d'embarras. Un éclat de rire s'échappa de la gorge d'Ymir et elle saisit les couteaux par la lame, répondit sans hésiter à son défi. Dans le dernier sourire de Christa, il y avait de la reconnaissance, et Ymir s'en abreuva comme si c'était sa dernière goutte d'eau.
…
Le poing d'Eren connecta avec la mâchoire de Reiner dans un bruit retentissant qui l'alarmerait, si la raison première pour laquelle il s'était pris ce poing n'était pas déjà son inattention.
Il tomba au sol et chuta et essaya de rouler proprement hors de portée, mais la garde abandonnée d'Eren l'autorisa à ne pas se sentir immédiatement en danger et à traiter les informations que son cerveau venait de recevoir.
Il avait vu Ymir s'approcher de Christa comme un loup affamé, et dès lors avait eu du mal à se concentrer. Il devait rester vigilant, être prêt à bondir au secours de sa partenaire si la jeune femme esquissait un seul geste menaçant. Mais elles s'étaient contentées de parler quelques minutes.
Et puis Christa avait lancé une dizaine de couteaux avec une hargne qu'il n'avait plus vue depuis le début des jeux. L'expression et les gestes d'une clarté impérieuse, dominés par la frustration.
Il n'avait jamais réussi à tirer une telle énergie de Christa.
-Ça va, mec ?! »
Il avait essayé diverses tactiques, il avait choisi d'être un soutien indéfectible sur lequel Christa pourrait s'appuyer, et il s'y attelait depuis des années.
-Je pensais vraiment pas que tu valserais comme ça ! Qu'est ce qu'il t'est arrivé ? D'habitude c'est moi qui me retrouve à l'autre bout du terrain. »
Et en quelques jours, cette tribut (il pensait le mot comme un autre, mais il ne savait pas lequel) venait fourrer son nez dans ce qui ne la concernait pas et réussissait à provoquer Christa et à la motiver plus que jamais.
-Reiner, oh ! »
La tape sur son épaule le fit revenir à la réalité et il tourna son regard vers Eren, qui lui tendit la paume. Il la saisit et mit un peu plus de poids que nécessaire pour se hisser, forçant Eren à trébucher un peu avant.
-Hey !
-Désolé, déclara-t-il avec un sourire narquois.
-Tu veux t'arrêter là ? Je crois que tu vas être sonné pour un moment, tu devrais peut-être t'asseoir ou quelque chose dans le genre. »
En effet, la tête lui tournait un peu. Il commençait à regretter le fait qu'Eren apprenne aussi bien d'Annie et prit la sage décision de ne pas secouer la tête pour répondre. Eren jeta un coup d'œil nerveux vers les sponsors et Reiner retint un petit ricanement. Eren devait être inquiet de se retrouver sous leurs radars. Il n'avait déjà pas très bonne réputation depuis ses altercations avec Jean.
-Ça ira, répondit-il, mais je vais faire une pause, en effet. »
Sans plus de cérémonie, il passa par-dessus les cordes du ring. Ses pas étaient déterminés, mais ralentirent considérablement très vite. Il n'osait pas aller vers Christa. Elle avait encore l'air énervée, et il n'était pas sûr de pouvoir remplir pleinement son rôle de pilier s'il était encore en train de penser à ses échecs. Qu'Ymir lui avait jeté au visage comme un gant sale.
-Okay, dis-moi quand tu vas mieux et on reprend ! »
Il y avait une note de fierté dans la voix d'Eren, comme s'il réalisait seulement maintenant qu'il avait réussi à terrasser le fameux favori des jeux, et cette fois Reiner ne retint pas le reniflement amusé. Il hocha la tête et s'éloigna, se laissant guider par les bruits alentours.
Particulièrement puissante, ou incontrôlée dans son volume, une voix s'imposa à ses oreilles : Conny était avec Marlow et l'apostrophait avec énergie. Reiner décida de les rejoindre sur un coup de tête. Il n'avait pas vraiment eu l'occasion de tester la force de Conny, hormis celle de ses cordes vocales. Apparemment, certains en avaient été victime en pleine nuit, en cœur avec celles de Sasha, il y a quelques jours.
-Pas la peine de me rembarrer comme ça, mec ! s'offusqua-t-il en jetant ses mains en l'air. On peut pas venir te parler sans que tu te mettes sur la défensive, faudrait voir à te décoincer un peu !
-Tu as vraiment la manie d'imposer ta façon de penser à tout le monde, rétorqua Marlow avec plus de calme mais tout autant d'investissement. Certains n'ont peut-être pas envie de devenir tes potes, pour que ça soit moins dur !
-T'es en train de te pourrir la vie ! insista Conny. À obséder tout le temps sur les jeux, tu vas finir par clamser avant que ça commence. »
Marlow détourna le regard avec les dents serrées, clairement frustré, et son regard accrocha celui de Reiner. Ses yeux étaient exigeants, et secouèrent quelque chose en lui qu'il n'avait pas éprouvé depuis longtemps (ils lui donnaient envie de partir en courant et de rester enraciné sur place). Un regain d'énergie le poussa à continuer :
-Tiens, Reiner ! Tu es d'accord, n'est-ce pas ? Toi qui es le favori, tu ne peux pas te permettre de te rapprocher de tout le monde !
-Il est pote avec Eren, Annie et Bertholt, abruti ! »
Les sourcils froncés, un pied en arrière, Reiner leva les deux bras.
-Calmez-vous tous les deux, vous êtes en train d'attirer l'attention des sponsors. »
Ses paroles n'eurent absolument pas l'effet escompté, et les deux continuèrent à se chercher querelle. Ils ne prenaient plus Reiner à parti, mais le jeune homme se sentait toujours pris en étau.
Aucun des deux n'avait tort.
Lorsqu'il pensait à Christa, Reiner était prêt à abattre quiconque entraverait son chemin (il ne savait plus s'il parlait du sien ou de celui de la jeune fille). S'il avait l'opportunité, il pourrait tuer Ymir, Marlow, Conny sans hésiter. Le geste fantôme d'une lame abattue à la force du poignet, l'impact qui rejetait son épaule en arrière, les phalanges qui heurtaient avec intention, il ne peinait plus à les imaginer dans leur finalité.
D'un autre côté, au moment où il pensait à ces après-midi ensoleillées (ou pluvieuses, mais il avait plus de mal à se les rappeler comme ça), il avait énormément de mal à les associer aux gestes qu'il répétait au point de pouvoir les exécuter dans son sommeil. Il repensait à un nez crochu qui se plissait de contrariété, toujours plus exigeant, à des éclats de rire ou de colère qui ponctuaient les exploits, à des yeux à la fois doux et profonds capables de tirer de lui beaucoup de choses, à commencer par sa détermination.
Naturellement, sa main vint se poser sur son menton, mais cette fois, elle recouvrit sa bouche au passage, de la même façon que s'il avait pu, il se serait recouvert tout le visage pour pouvoir réfléchir. Il n'arrivait pas à penser en ligne droite. Comme un funambule, il oscillait d'un côté ou de l'autre de la corde. Un funambule musclé qui portait des poids de cinquante kilos de chaque côté de son bâton, et qui devait les abattre sur la tête de ceux qui se trouvaient devant lui, mais préférait se torturer l'esprit avec une option ou une autre.
Et cette indécision avait l'air de se refléter clairement dans son attitude : même Conny, qui ne brillait pas par son intelligence, et Marlow, à qui il n'avait adressé la parole qu'une ou deux fois, ne parvenait pas à se décider.
Il se surprit lui-même à être incapable de soupirer. La tension s'accumulait en lui et il ne pouvait pas encore se permettre de la relâcher. Il n'avait plus le temps, il devait s'en servir. Plus l'arc était tendu, plus la flèche allait loin. Il espérait juste qu'il était fait d'un bois assez solide et d'une corde assez souple.
…
Trente jours n'avaient pas suffi. Les muscles des joues d'Eren étaient toujours aussi crispés. Il avait beau faire de son mieux, il ne parvenait pas à sourire devant la journaliste.
La situation était loin d'être catastrophique : il prenait soin de détailler ses réponses sans hausser la voix, il laissait la parole à Mikasa et restait poli envers la dame qui les interrogeait. La femme devait avoir la journée dans les pattes, à s'enchaîner douze interviews comme ça, surtout qu'elle terminait avec un tribut presque boudeur. Si elle ne venait pas du Capitole, Eren l'aurait peut-être plaint ! Mais il avait résisté aux plus viles tentations de virer sa cravate, jeter sa veste par terre, écraser le haut de forme, déboutonner le gilet qui l'étouffait, se débarrasser des gants… il en avait déjà fait beaucoup.
Eren passa sa main gantée sur son front pour essuyer un peu de sueur et resserra le chapeau qu'il tenait contre son coude. Il contrôlerait sa respiration, les moindres battements tendus de son cœur, et réussirait sa dernière interview. Les excès de colère ou les embrasements déterminés avaient assez eu raison des précédentes, il ne raterait pas celle là. S'il voulait prouver aux sponsors qu'il avait gagné en sang-froid, qu'ils pouvaient lui faire confiance et placer leurs espoirs en lui (lui refiler le fric dont il allait avoir besoin pour assister Mikasa), il devait rester calme.
Le sourire aurait été un bonus non-négligeable mais, au final, quatre interviews c'était trop peu pour lui. Le principal était qu'il se rattrape sur les questions.
-Vous sentez-vous au niveau des attentes du public, Mikasa ? Je veux dire, en tant que numéro 1 des pronostiques… »
Encore une question pour sa partenaire : ça ne le gênait pas, Eren pouvait poursuivre son travail sur sa respiration et il savait que Mikasa ne perdrait jamais son calme dans une situation pareille, où rien ne pressait et où elle avait le temps de chercher ses mots…
-Hm hm. » acquiesça-t-elle, aussi laconique qu'Annie pouvait l'être quand elle était d'humeur bavarde.
Aïe, ce n'était pas une fleur qu'elle lui faisait là… Un peu dépitée, la journaliste pressa ses lèvres et tourna son buste vers le jeune homme en reprenant :
-Eren, sauf erreur de ma part, vous comptez vous allier à votre sœur pendant les jeux, non ?
-Hahem… oui, c'est l'idée…
-Qu'est-ce que ça vous fait de savoir que vous serez au côté de la favorite ? »
Le temps de cligner des yeux, Eren se figura une brève image du bois givré qu'ils allaient toujours chercher les matins d'hiver à Shiganshina. Celui dont le froid mordant leur sautait à la gorge dès qu'ils le ramassaient. Il laissa la fraîcheur du souvenir l'attiédir. Il avait changé : il était plus calme à présent, plus assuré parce qu'il avait progressé. Il n'avait pas à s'enflammer dès qu'une question plus élaborée pointait le bout de son nez.
Une microseconde plus tard, il avait de nouveau ouvert les yeux, prêt à répondre à la journaliste. Il s'éclaircit encore la gorge, certain que sa voix était toujours rauque, et ignora l'ardeur du regard de Mikasa qui allait-venait entre la femme et lui. Elle s'en voulait sûrement d'avoir dévié l'attention de leur interlocutrice. Déjà qu'elle était assez désorientée, arrachée à son écharpe porte-bonheur qui n'allait pas vraiment avec sa robe noire… Eren la rassurerait.
-J'suis plutôt confiant, je pense qu'on fera un bon duo.
-Vraiment ? le poussa-t-elle.
-Carrément ! J'ai progressé aussi, j'vous signale! »
La journaliste se recroquevilla en s'enfonçant dans le fauteuil et Eren reprit une profonde inspiration. Il était au bord du précipice ! Maintenant, plus que jamais, il devait garder son calme.
-C'est vrai qu'il a progressé ! avança Mikasa en se penchant. Il a toujours été doué en tridimensionnalité et il est devenu très bon au combat à mains nues ! »
Deux paires d'yeux se rivèrent alors sur lui. La femme était toujours reculée dans le fond de son siège, quant à Mikasa, elle avait tourné son buste vers son coéquipier. Eren contempla le blanc faste de ses mains qui pressait le pantalon noir, sans y laisser le moindre pli, le temps de ciller. Il releva le menton et elles le scrutaient toujours.
-Merci, Mikasa. » sourit-il à sa sœur.
Les joues de sa partenaire rougirent et apportèrent une note de chaleur bienvenue au noir spartiate de sa tenue.
-Aww… »
Tous deux écarquillèrent leurs yeux et les vrillèrent vers leur interlocutrice. Elle mâchouillait son stylo en se frottant les mains, puis elle récupéra son instrument de prise de notes en l'agrippant de deux doigts. À sa prise plutôt atypique sur l'objet, et à l'expression de pur délice qu'elle affichait, Eren crut la voir savourer un excellent cigare. Il renifla alors que la puanteur imaginaire imprégnait ses narines. La fumeuse gribouilla sur son carnet avant de se pencher, coudes sur les genoux, et d'expirer des narines. Un sifflement sourd bourdonna dans les tympans d'Eren, et le jeune homme aurait juré voir de la fumée infecter la pièce.
-Donc si je vous suis bien, Mikasa, vous reconnaissez la valeur de votre camarade… le reconnaîtriez-vous assez pour affirmer qu'il est plus méritant du prestige de « meilleur tribut » que vous ? »
La mine de Mikasa se déconfit en une bouillie de perplexité. Eren la comprenait bien : il ne savait même plus de quoi la journaliste voulait parler tellement elle avait déformé les propos de la jeune femme ! Mikasa avait beau bien s'en sortir pendant les interviews, en restant polie et sévèrement fixée sur son objectif, elle venait de se retrouver au bord du précipice, elle aussi !
-Non, intervint-il, c'est Mikasa la favorite et elle le sait ! De toute façon, je compte bien m'appuyer sur elle pour survivre. J'ai pas la prétention d'être meilleur qu'elle. Je suis juste content qu'on soit alliés. »
La journaliste se caressa le menton en lui souriant. Elle ouvrit la bouche. L'éclat aveuglant de ses dents le fit frémir autant que la perspective de ce qu'elle allait bien pouvoir renchérir.
Mikasa ne lui laissa pas l'occasion de parer :
-C'est ça ! Eren et moi serons ensemble. La question n'est pas de savoir qui de nous deux sera le meilleur, mais ce que nous serons capables de faire en duo. »
Joli coup ! L'intervention de la jeune femme lui redonna un précieux élan de vigueur.
-Exactement ! appuya-t-il encore.
-Haha, merveilleux ! s'exclama la journaliste en applaudissant. Mais pensez-vous avoir les sponsors nécessaires pour faire briller votre tandem ? »
Elle s'humecta les lèvres, un sourire carnassier à la bouche. Eren jeta un coup d'oeil à Mikasa. Du coin des commissures, sa partenaire lui témoigna toute sa complicité : ils savaient comment venir à bout de leur adversaire. Mikasa croisa les bras, alors Eren, fort du signal laissé par sa partenaire, prit la parole pour répondre :
-Eh bien, comme vous l'avez dit vous-même, Mikasa est la favorite. Je pense qu'on aura pas trop de soucis à se faire, vu tous les sponsors qu'elle s'est dégotée grâce à son charisme et sa robustesse.
-Sans oublier ceux d'Eren, souligna Mikasa d'un ton doux et assuré. Déterminé comme il est, il s'est attiré les faveurs de plusieurs sponsors, lui aussi. Je ne doute pas qu'il nous sortira de beaucoup de pépins avec tous ses appuis. »
Cette fois, ce fut leur interlocutrice qui écarquilla les yeux. Les lèvres pincées, elle saisit le carnet qu'elle avait déposé sur ses genoux pour y griffonner deux, trois trucs. Elle ne souriait plus des babines et Eren put enfin enfoncer son dos dans le moelleux confortable du fauteuil. Il s'amusa même à faire valser le haut de forme entre ses mains, le temps qu'elle aiguise le peu de lames qui devaient lui rester.
Du coin de l'œil, il repéra un nouveau petit sourire fier de Mikasa. Il se racla la gorge et lui hocha la tête, tout aussi confiant qu'elle.
La journaliste releva le menton vers eux, leur montrant toute une rangée de dents, petites et plates, aucun croc, rien de bien affûté, rien de trop dangereux elle admit sa défaite, hilare :
-Haha, vous êtes vraiment adorables, vous deux ! »
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