La clochette avait sonné l'heure du déjeuné de midi. Après avoir lancé un dernier regard et soupir de triste joie à Heero, Duo, les mains dans les poches, se dirigea avec le japonais derrière lui, à l'immense salle à manger où s'apprêtaient de manger les 2 autres pilotes. WuFei aimait à se faire attendre. Après avoir entendu le domestique qui sonnent l'heure de manger, il fini d'abord son chapitre et se lève pour aller manger. C'est le dernier arrivé, le dernier assis, et il donne le signal de départ au cuisinier qui apporte lui-même les premières assiettes de hors d'œuvre. Les hors d'œuvre se firent mangées dans la plus grande discrétion. Personne ne parlait. Tout le monde avait le nez dans son assiette. Bizarrement, tout le monde était captivé par la nourriture dans leur plat. Quatre s'était calmé. Trowa avait bien fait son boulot, comme à l'usuel. Il avait le don de réconforter l'arabe. WuFei était le seul qui, des fois, relevait la tête pour regarder à droite, à gauche. Il se fichait bien des petites querelles entre pilotes, choses tellement futiles pour lui, qui ne devaient pas être prises trop au sérieux. On est en guerre, tout de même. Pas le temps de se disputer ou de faire des petites histoires. Pourtant, les autres étaient gênés. Heero l'était plus que tout le monde, mais ne le montrait pas. Il ne montra aucun de ses sentiments, ou humeur.
Quatre fit maladroitement tomber sa fourchette. Sa main tremblait. Il regarda rapidement les autres, qui n'avaient pas bougé d'un poil, qui avaient levé leurs yeux pendant une seconde pour les replonger dans la passionnante vision de leur nourriture. Quatre recula sa chaise et ramassa son couvert, puis le reposa sur la table. Il regardait à présent chacun des membres de la petite famille les uns après les autres. Puis d'un coup, il prit sa serviette posée sur ses genoux et la posa sur la table.
« Ca suffit, cette scène.
WuFei, décontracté, lui répondit, étonné
-Je ne suis au courant de rien, et si ça ne concerne pas Oz et compagnie, je ne vois pas pourquoi vous vous prenez la tête.
-Moi je sais.
Duo fini son assiette avant de parler. Une fois vide, il reposa ses couverts sur la table.
-Je vais vous dire ce qu'il se passe.
Une personne et demie savait entièrement. Heero, et Quatre qui savait juste ce qui allait arriver à Duo. L'américain prit une inspiration, ne savant pas comment commencer.
-Dans peu de mois, je ne serais plus pilote de Gundam. Je ne piloterai plus rien d'ailleurs.
Froncement de sourcils de Trowa. Mais ce fut WuFei encore qui réagit assez négativement le premier.
-Et pourquoi ? Tu abandonnes ?
-Non. Tu sais bien que je ne ferais pas ça si c'était dans mes moyens.
-Alors pourquoi ?
-Je suis en train de perdre la vue.
-Quoi !
-Ce n'est pas de ma faute…
-Bien sur que non que ce n'est pas de ta faute ! On ne t'en veut pas ! Tu n'as pas compris…
Le pilote de Sandrock était à nouveau exaspéré. WuFei était nerveux, s'agitait sur sa chaise. Il savait que Duo aimait faire des blagues, mis pas comme celle-ci. Ce n'était donc pas une blague, c'était pour de vrai. Tous les agissements des jours précédents, c'était à cause de ça. Il comprenait maintenant. Quatre bouillonnait. Il était encore sous le choc de ce qu'avait dit Heero quelques heures auparavant. WuFei comprit la gravité du moment. Un des meilleurs pilotes de Gundam allait démissionner. Mais pas seulement. Un être qu'il avait connu, allait perdre la vue. Le plus gentil, le plus drôle. Son air furieux et affolé le déserta, et il senti soudainement une grande impuissance entrer en lui, un grand désarroi comme quand on vient de perdre une guerre très importante. Un vide.
-Complètement ?
Le ton désolé de WuFei fut un coup dur pour Duo. Faire adopter cette attitude au chinois était un sinistre exploit. La pitié qu'éprouvait WuFei était insupportable, tellement insupportable, que Duo ne put répondre.
-Oui.
Heero le dit à sa place.
-C'est bon, j'ai une langue, je sais parler.
Mais Duo ne voulait pas s'avouer vaincu. Il luttait contre ce fatalisme. Sauver son honneur, son image de lui qu'avait les autres, essayer de faire de la nouvelle une nouvelle comme les autres, pas gravissime, mais c'était peine perdue.
-Bientôt, je ne serais plus parmi vous ni dans l'espace, ni dans un champs de bataille, ni dans aucun autre endroit. Je ne veux pas que des hommes épanouit et forts comme vous restent avec moi qui vais devenir une loque paumée. Et j'ai ma fierté, je ne veux pas que vous me voyiez après. C'est tout.
WuFei et les autres ne dirent rien, le comprenant entièrement. Il fallait enterrer alors le valeureux pilote 02 qui bientôt s'éteindrait. Personne ne mangeait plus, ils étaient tous accoudés à la table. Trowa brisa le silence de mort, le ton grave.
-Et tu ne peux pas subir une opération ?
-C'est une maladie génétique, Trowa, il n'y a pas d'opération pour ce genre de maladie grave, fit l'arabe, abattu.
-Non, il a raison. Il y a des opérations pour les yeux, même s'ils sont atteints de maladies graves et rares.
WuFei était totalement dans la situation.
-Dans les colonies chinoises, nous sommes spécialisés dans ce domaine.
-WuFei, ce n'est pas ça le problème.
A nouveau, Heero reprit la parole, et cette fois, il ne se fit pas coupé par l'américain.
-Ca coûte cher, pour un faible pourcentage de réussite.
Un blanc s'installa. WuFei le combla.
-On ne pourrait pas tenter le coup ? Sauf mon respect, Duo, désolé, mais tu n'as plus rien à perdre. Il faudrait essayer cette opération.
-Et je le trouve où, l'argent ?
-On ne pourrait pas l'obtenir d'une façon ou d'une autre ?
Heero voyait très bien où le pilote 05 voulait en venir. Ils étaient tous spécialistes dans ce genre de chose, mais c'était Heero le meilleur. Ils se regardèrent tous.
-Détourner des fonds ? De qui ?
-Je n'aime pas ça.
-C'est ta seule chance d'avoir l'argent nécessaire, Duo. Je viens d'être déshérité.
-Mais l'opération n'est pas sûre.
-On s'en fiche, il faut essayer ! Si tu me l'avais dis plus tôt, j'aurais pu en faire quelque chose, de cet héritage ! Mais c'est trop tard !
Quatre se désolait de son choix, se maudissait de ne pas avoir attendu encore un peu pour sauver les yeux de son ami. Heero était bouleversé, mais ne le faisait voir à personne, il gardait un ultime espoir sur cette opération dont il voulait lui-même se procurer l'argent pour la payer. WuFei cherchait déjà dans ses connaissances quel excellent chirurgien pourrait faire l'opération, pendant que Trowa et Quatre semblaient réfléchir sur quelle compagnie ils allaient détourner des fonds.
-Le tout est de savoir maintenant qui va-t-on pirater. Ce n'est pas simple, toutes les compagnies sont protégées maintenant qu'on est en guerre.
-Ce n'est pas la première fois que je fais ça. Peu importe si elles sont protégées, je me chargerais d'en trafiquer une, et plus d'une si c'est nécessaire. »
Heero clôt la conversation, et le déjeuner se termina comme il a commencé, dans le silence. WuFei fut le premier à sortir de table. Il était toujours le dernier à arriver et le premier à se lever quand c'était fini. Il alla bouquiner mais personne ne douta qu'il était perturbé, donc lirait moins vite, serait moins concentré et finirait par fermer son livre, le poser sur sa table de nuit et à méditer sur la situation.
Le séjour, quand à lui, à vrai dire, personne ne savait comment il allait se terminer. Duo redoutait qu'il ne se finisse dans la compatibilité. Il ne supportait pas la pitié des autres, ni leur regard qui semblait dire « Tiens bon », c'était pour lui comme s'il était déjà handicapé, infirme, et faible, parmi les autres pilotes avec lesquels il y avait une certaine compétition. Il était maintenant hors course, il avait perdu. De toute façon, rien ne serait plus comme avant. L'heure n'était plus aux jeux et à la rigolade, malheureusement, mais il avait tout fait pour retarder cette heure. Il fallait désormais affronter la vie. Mais Duo n'était pas seul et il le savait.
L'américain n'osait plus rien dire ni demander ni faire. Il n'osait plus jouer, il n'osait plus faire de farce, il n'osait plus nager dans la piscine. Il se sentait comme obliger de se lamenter et de se replier dans un coin, mais il avait envie de profiter de ce qui lui rester de temps pour voir. Seulement, les autres l'engueulerait de ne pas prendre la situation au sérieux, qu'il était concerné et que tout le monde s'attristait pour lui et pas lui. Il n'avait justement pas envie de pleurer sur son sort, pas maintenant, c'était trop tôt. Enfin, c'est ce qu'il pensait. L'après midi fut quand même affreuse pour lui, car avant d'en parler aux autres, il ne voulait pas attirer les critiques et les remontrances. Il s'enferma dans sa chambre et s'ennuya à mourir. Il n'eut quand même pas à attendre trop longtemps, au bout de trois quarts d'heure, le japonais frappa à sa porte et entra. Il s'assit à coté de lui.
« Je pensait que tu avais envie de rester seul pour réfléchir. Je dois m'en aller ?
-Non, reste. En vérité, je ne réfléchi pas. Je n'aime pas me prendre la tête si tôt. Je ne suis pas prêt pour fataliser maintenant.
-Je comprends.
-Mais les autres, peut être pas. Ils m'en voudraient.
-Ils t'en voudront car ils s'inquiètent pour toi, et ils croiraient que toi, tu ne t'inquiètes pas pour toi.
-Mais je ne veux pas, je me sens obliger de me lamenter, de paraître complètement effondré par ce qui m'arrive. Mais tu me connais ! Je ne peux pas le faire maintenant, j'ai encore du temps devant moi, je veux profiter de ce que la vie m'offre avant qu'elle me reprenne ma vue, ma joie, et tout le reste.
Heero, en signe d'approbation, le prit dans ses bras, appuya sa tête contre la sienne.
-Tu sais, je pense qu'il serait peut être temps de prendre ça au sérieux. C'est fini, Duo, tu l'as dis à tout le monde, et ton état est déjà à un stade avancé.
Duo ferma les yeux.
-Heero, tout me dépasse.
-Parce que tu veux tout gérer en même temps. Commence par leur dire ce que tu ressens, ne fais pas comme moi.
-Ca va être dur de faire comme si de rien n'était, mais c'est ce que je veux.
-Ca sera dur pour tout le monde. On partage tous ta peine, mais on essayera de ne pas te décevoir, même si je continue à croire qu'il ne faut plus se voiler la face.
-Je ne veux pas que vous partagiez ma peine.
-Tu ne peux pas décider de ça.
-Et pourquoi pas ?
-On est solidaire, malgré les apparences. C'est un sérieux problème, tout le monde se sent concerné parce qu'on est très proche, et ça je viens de le découvrir. Même WuFei, qui n'est pas très sociable comme moi, se met à fond dans la situation. WuFei s'est proposé pour trouver le meilleur chirurgien qui traite ce problème, Quatre et Trowa espionne les fonds des compagnies. C'est une nouvelle guerre où la victoire, c'est que tu continus à voir nos sourires quand tu es avec nous, et pas des sourires tristes. »
Prit d'une soudaine envie de pleurer, Duo enlaça le japonais de toute ses forces, lequel répondit avec la même ardeur à son étreinte. Il n'était pas seul. Il avait le soldat parfait, et ce n'était pas rien. Il ravala ses larmes. « Je n'ai jamais eu autant envie de pleurer de toute ma vie… mais il ne faut pas. ». Il se senti ridicule, mais réconforté par le corps de son amant contre lui, il oublia bien vite de se sentir honteux.
