CHAPITRE 21
Le petit garçon de 7 ans était assis sur un rocher au bord d'un ruisseau qui s'écoulait joyeusement au son des pépiements d'oiseaux. Une mèche de cheveux blonds couvrait ses yeux tandis qu'il se recroquevillait en tenant ses genoux dans ses bras. Le soleil faisait briller d'éclats étincelants la surface de l'eau. D'apparence frêle, l'enfant était secoué de sanglots silencieux. Ne pas faire de bruit. Ne pas se faire remarquer. Tel était son mantra depuis sa naissance.
« Maman... » chuchota-t-il d'un ton désespéré.
Son visage portait encore les traces de la raclée que son père lui avait administrée la veille. Son seul tort : il avait refusé de tuer. Durant des semaines il avait nourri dans les bois une chatte errante qui avait à sa plus grande surprise mis bas. Il avait été émerveillé à la vue des 3 minuscules boules de poils qui se pelotonnaient contre le ventre de leur génitrice. Conscient que son père ne tolérait aucune forme d'affection, il avait continué à s'occuper de la petite famille, loin du campement de sa famille. Jusqu'au jour où la mère des petits n'était pas revenue… Il avait alors pris soin de la portée en la dissimulant dans le placard de sa chambre et en prenant garde à ne pas être découvert. Or la veille, il avait été horrifié de découvrir son frère aîné dans sa chambre, les chatons dans les bras. Frère qui s'était empressé de prévenir leur père. Fou de rage, ce dernier avait poussé la cruauté à l'extrême. Il lui avait ordonné du tuer les petits. Tremblant de peur, il avait pour la première fois osé s'opposer à son père qui le lui avait chèrement fait payer. Puis son frère, sous ses yeux, avait mutilé les chatons. En souriant.
« Je suis fatigué, si fatigué... »
Alors que ses larmes finissaient par se tarir, le petit garda les yeux fermés et se laissa bercer un long moment par les bruits de la nature ambiante. C'était sa manière de se ressourcer. La seule. Il ouvrit ses sens et perçut, à distance, la présence de deux biches accompagnées d'un faon. Un sourire étira ses lèvres tremblantes tandis que les cris d'un écureuil surexcité lui parvenaient. Ouvrant les yeux, il repéra l'animal tout en haut d'un arbre situé à une trentaines de mètres. L'animal faisait des bonds excités devant un trou creusé dans le tronc. Il avait les joues gonflées du butin qu'il ramenait. Son apparence des plus comiques finit par lui arracher un petit rire. Il se redressa en reniflant et s'essuya les yeux de la main.
Il était temps de rentrer. Il avait passé la journée dans cet endroit, son refuge secret. Sa mère était morte à sa naissance, il ne l'avait jamais connue. Il avait depuis longtemps compris que son père et son frère l'en tenait pour responsable. Son père ne se souciait pas de lui et le rabaissait sans cesse, son frère le détestait. Son cœur assoiffé d'amour ne s'était pourtant pas terni. Sa douceur et sa gentillesse lui avait valu coups et brimades au sein de leur communauté qui prônait fierté, force et cruauté.
Il pris le chemin du retour en courant, prenant garde à se déplacer furtivement pour ne pas déranger la petite famille de cervidés. A aucun moment ils ne détectèrent la présence de l'enfant alors qu'il passait silencieusement à moins de 10 mètres d'eux.
Arrivé à proximité du camp, il se retrouva face à une petite fille de son âge. Mira était la fille du lieutenant de son père. Ses grands yeux bleus innocents encadrés de longues boucles châtains lui donnait une apparence de poupée. La plupart des enfants du camp rejetaient le garçon car son père était un dirigeant froid et cruel. Ce dernier était parfaitement au courant de cet état de fait mais jamais il ne s'en était ému, estimant tout bonnement que c'était une manière de l'endurcir. Les autres gamins se contentaient de l'ignorer. Mira faisait partie de ceux là. Il la contemplait parfois de loin mais n'avait jamais osé l'approcher. Il fit mine de la contourner, la tête baissé, quand à sa grande surprise elle le retint par la manche.
« Uri ? Qu'est-ce que tu fais ? » demanda-t-elle d'une voix chantante.
Il marqua un temps d'arrêt et recula précipitamment, ce qui la fit rire.
« Bah alors ? Le chat a mangé ta langue ? »
« Je...je…. »
Elle s'approcha de lui et examina attentivement son visage.
« Qu'est-ce qu'il t'est arrivé ? Ton père t'a encore frappé ? »
Le garçon porta la main à sa pommette gauche qui était encore enflée. Mira le regarda d'un air désolé.
« C'est vraiment trop injuste ce qu'il t'arrive.»
Déconcerté, Uri se contenta de la fixer. Il ne savait pas vraiment comment répondre à sa sollicitude. Il n'était pas habitué à une telle attention. Après un soupir, Mira s'anima :
« Viens avec moi ! J'avais envie d'aller me baigner. Viens, on va s'amuser ! »
Sans attendre sa réponse, elle saisit sa main et prit la direction des chutes de Nold. Confus, le garçon se laissa entraîner, bouleversé par le contact de la paume de Mira. Ils arrivèrent 20 minutes plus tard sur le site qui était fréquenté par les jeunes du camp. Les lieux étaient déserts. Immédiatement Mira commença à se dévêtir. Uri détourna la tête d'un air gêné.
« T'es vraiment trop timide ! Pas de panique, j'ai un maillot de bain » gloussa sa camarade. « Allez viens ! »
Puis elle sauta en criant dans le bassin qui se trouvait directement sous les chutes. Hésitant, Uri se déshabilla à son tour tout en jetant des regards furtifs autour de lui. Il dévoila un corps mince marqué de fines cicatrices, les stigmates des derniers traitements infligés par son père. Elles finiraient comme toutes les autres par disparaître. Vêtu d'un caleçon, il se mit à l'eau précautionneusement. Mira venait de réapparaître à la surface et commença à l'éclabousser joyeusement. Ses lèvres esquissant un sourire, il commença à donner des coups du plat de la main sur la surface de l'eau, créant de petites gerbes que Mira esquivait en poussant des cris aigus. Elle l'aspergea en retour, ce qui l'aveugla momentanément. Il frotta ses yeux pour constater que Mira avait disparu. Il tourna sur lui-même et regarda tout autour sans l'apercevoir.
« Mira ? »
Est-ce qu'elle me fait une blague ? Ou peut-être qu'elle a eu un malaise et qu'elle a coulé ?
La panique commença à le prendre.
« Mira ! Mira ! MIRAAAAAA ! »
Il plongea au fond du bassin et les yeux grands ouverts chercha sans trouver trace de la petite fille. Il recommença, encore et encore, jusqu'à ce que ses poumons soient près d'exploser.
A bout de souffle, il sortit du bassin. Il devait aller chercher des secours ! Alors qu'il courait récupérer ses vêtements, une pierre l'atteignit violemment à l'épaule, lui tirant un cri rauque. Des gloussements moqueurs se firent entendre.
« Ouais ! En plein dans le mille ! Cooper, t'es trop fort ! »
Haletant sous l'effet de la douleur, Uri repéra la présence de ses congénères. Il reconnu Piggie Dan, Trixie et les jumeaux Bolt et Cooper. Ils avaient tous à peu près son âge.
Piggie Dan le regardait en souriant de toutes les dents qui lui restaient. C'était un bagarreur, il cherchait des noises à tout le monde. Et Uri était sa victime préférée. Sa face porcine lui avait valu son surnom.
« Uri ! Quelle surprise ! Qu'est-ce que tu fais là ducon ? T'as un rendez-vous amoureux ? » s'esclaffa-t-il.
« Ai… aidez-moi ! Mi… Mira ! Je… je ne la trouve pas ! Aidez-la ! » balbutia-t-il.
« Que...que...que...que dis-tu ? » se moqua Cooper, provoquant l'hilarité de Trixie, une petite brune maigre comme un clou.
A cet instant une seconde pierre toucha Uri au coude, le faisant grimacer. Il se retourna et sentit sa gorge se nouer quand il vit Mira surgir en souriant de derrière un fourré.
« Tu vois Trixie ! Je te l'avais dit qu'il tomberait dans le panneau ! Plus bête que ça tu meurs ! »
« Mira, tu mérites un Oscar ! Non mais le coup du chat qui lui mange la langue, j'en pouvais plus, j'ai failli nous faire repérer tellement je rigolais » se réjouit Bolt.
« Connie nous a demandé de prendre soin de toi, tocard ! » cracha Piggie Dan. « Y paraît que tu fais dans l'animalier ces derniers temps ? Miaou ! »
Uri serra les poings. Il était triste mais également furieux contre lui-même de s'être fait berner. Il aurait du savoir qu'il ne devait rien attendre de personne. Il était seul.
Les autres se rapprochèrent, le faisant reculer jusqu'au bord du bassin. Piggie Dan et Bolt faisaient sauter dans leur main des cailloux de la taille d'une balle de tennis. Ils entendaient visiblement lui faire passer un très mauvais moment.
« Quoi, tu veux appeler ton paternel ? Tu sais que Farlan il en a rien à foutre de toi, non ? Tu veux appeler ta môman ? » lui jeta cruellement Cooper.
Uri regarda fébrilement à droite et à gauche. Il n'avait pas d'issue. De nombreuses fois il s'était échappé de situations similaires. Ses bourreaux se tenaient à carreaux au sein du camp, mais ce n'était pas la même histoire quand ils arrivaient à le coincer dans un lieu isolé. Par la force des choses, il avait du développer tout un tas de stratégies d'évitement pour sa sécurité.
Résolu, il se laissa tomber en arrière et se laissa couler dans le bassin. Il entreprit de nager en apnée pour rejoindre les chutes où il se retrouva ballotté dans le fort courant généré par les tonnes d'eau qui se déversaient. Il était un excellent nageur, ce qui l'aida à s'extraire pour atteindre l'autre rive. Hors de la vue du groupe, il les entendait se disputer. Il ne demanda pas son reste et s'enfonça dans les bois, toujours vêtu de son caleçon. Il resta caché pendant près de deux heures, jusqu'à ce qu'il estime pouvoir sortir de sa cachette. La nuit commençait à tomber. Il prit la direction du camp en faisant un détour et alors qu'il approchait de l'antre de sa famille, une silhouette s'interposa, le faisant sursauter. Uri fut étonné en reconnaissant le garçon qui lui faisait face. Ce dernier lui tendit silencieusement les vêtements qu'il avait abandonnés au bassin.
« Je suis désolé » souffla-t-il.
Puis il disparut.
30 ans plus tard
Son assaillant le percuta avec une force redoutable, le projetant sur 2 mètres avant qu'il ne s'écrase contre le tronc d'un arbre. L'impact le secoua et il dut attendre quelques secondes pour reprendre ses esprits. Il eu juste le temps de bondir pour éviter le coup de pied qui allait lui écraser le visage. Il n'y arriverait pas. Il devait fuir, et vite.
Uri se lança dans un sprint infernal. Il zigzaguait entre les arbres qui défilaient à une vitesse folle. L'autre le talonnait en grognant. La poursuite s'étira sur plusieurs kilomètres quand Uri stoppa brutalement. Son adversaire arriva comme un boulet de canon dans son dos. Le choc les sonna tous les deux et ils restèrent étendus au sol un instant.
« Mais qu'est-ce que tu fous, merde ! » geignit Sid.
« Désolé, j'ai du faire une pause. »
Sid releva la tête pour voir toute une famille de lapins quitter les lieux en détalant. Il soupira bruyamment en reposant sa tête au sol.
« Uri, ton bon cœur te perdra ! »
L'ami des bêtes se releva en riant et lui tendit le bras pour l'aider à se redresser.
« C'est pas drôle » ronchonna Sid. « A ce rythme tu ne seras jamais prêt pour la cérémonie de l'Ascension ! Ça fait des semaines qu'on s'entraîne ! J'essaye de t'aider poto ! Les autres ne vont pas te faire de cadeaux ! »
Sid avait lui-même surmonté cette épreuve lors de la pleine lune précédente. Haut la main. Et il était particulièrement fier de son Loup. Il n'avait pas manqué de se pavaner sous sa forme animale devant Uri. Ce dernier le frappa dans le dos en souriant.
« Ne t'inquiète pas, je vais assurer. Et alors peut être que mon père sera fier de moi... » Son sourire se fana à cette pensée.
Si les deux jeunes hommes avaient l'apparence d'adolescents, ils comptabilisaient chacun une soixantaine d'années humaines. Depuis cette nuit il y a 30 ans où Sid avait fait un premier pas vers Uri, ils avaient entretenu une amitié secrète. Uri y avait tenu, de peur de représailles de la part de sa famille. Car de ce côté la situation n'avait pas changé. Uri devait subir le rituel à la prochaine lune, soit dans une semaine. Sid lui avait raconté son expérience et les épreuves qu'il avait subies. Uri savait qu'il serait à son tour capable de les surmonter. Ils se retrouvaient loin du camp pour enchaîner les journées d'entraînement. Il s'y soumettait de bon cœur, cela lui permettait de passer du temps avec le seul ami qu'il avait.
« Allez ! On y retourne ! » l'encouragea Sid.
La Nuit de l'Ascension
La lueur du feu éclairait les visages fermés qui se tenaient en cercle. Au centre les 4 candidats, 3 garçons et 1 fille, se tenaient immobiles, vêtus uniquement d'un short et d'un Tshirt noirs. Le Chaman s'approcha pour leur tendre une coupelle où reposait un liquide sombre. Tandis que chacun d'eux absorbait le breuvage, le Chaman marmonnait dans une litanie les Paroles Sacrées de la meute.
Uri jeta un coup d'œil à ses voisins, Cooper, Bolt et Mira. La mignonne petite fille s'était muée depuis longtemps en mocheté intersidérale, ce qui lui avait apporté une grande satisfaction. Il y avait peut-être une justice dans ce monde après tout. Cooper et Bolt n'avaient pour leur part pas changé d'un iota. C'était toujours des brutes. Uri était prêt. Il pouvait sentir sur lui le poids du regard de l'Alpha. Dans un désir insensé, il espérait que cette nuit allait tout changer. Il voulait gagner la reconnaissance de son père et celle de la meute. Il croisa le regard de Sid qui l'encouragea silencieusement.
Ses pensées dérivèrent alors que le breuvage commençait à faire son effet. Les sons devenaient de plus en plus assourdis et ses yeux papillonnèrent dans une tentative pour ajuster sa vision. Puis le flou s'estompa et les paroles du Chaman se firent cacophonie. Il ferma les yeux et grimaça lorsqu'un feu intense se déclara dans tout son corps. Il hurla sous la douleur qui lui sembla durer des heures.
Il émergea de sa transe pour se rendre compte qu'il était en train de courir, échevelé, dans la forêt. Du sang coulait de multiples plaies qui parsemaient son corps. Son Tshirt était déchiré. Il avait survécu à la première phase. Il se concentra pour rassembler ses idées et observa le ciel pour se repérer. Il constata que la nuit était bien avancée. Il était en plein milieu de la Chasse. Et il en était le gibier. Il n'avait aucune idée de l'endroit où pouvaient se trouver les autres candidats. Il devait maintenir la cadence pour échapper aux poursuivants. Il connaissait son objectif : les Chutes de Nold. Ils avaient été emmenés en début de soirée tout au Nord de leur territoire à près de 300 kilomètres. Ils devraient rejoindre les Chutes en échappant aux pièges disséminés dans la forêt. Tous les coups y étaient permis. Les poursuivants étaient des Loups aguerris. Leur but était de harceler les prétendants afin de leur faire atteindre leurs ultimes ressources. Uri étendit ses sens sans percevoir qui que ce soit à proximité. Il ne ralentit pas sa course pour autant.
Après une heure à ce rythme, son attention fut attirée par des cris déchirants à droite de sa position. Il stoppa net. La voix de Sid résonna dans sa tête.
Ne t'arrête pas. Poursuit ton objectif.
Mais la nature d'Uri étant celle qu'elle était, il lui était tout simplement impossible d'ignorer la situation. Il se dirigea donc vers la source du bruit pour en avoir le cœur net. Son cœur manqua un battement quand il découvrit Cooper littéralement cloué à un tronc. Une flèche sortait de son épaule et de son flanc et il gémissait de douleur. Il essayait de retirer la flèche de son épaule, sans y parvenir. Il semblait à bout de force. Uri repéra le dispositif qui avait piégé l'adolescent. Il vérifia qu'il était à présent inoffensif.
« Aide-moi ! Aide-moi ! »
Sans hésiter, Uri se précipita. Il prit à deux mains le fût de la première flèche et parvint à l'extraire. Une gerbe de sang aspergea Uri dans la manœuvre. Il retira de la même manière la seconde flèche qu'il jeta au sol. Il réceptionna le corps du blessé qui bascula vers l'avant. Il le tint à bout de bras un instant, reprenant son souffle.
« Cooper ! Ça va ? Tu tiens le coup ? »
« Ouais... »
L'écho leur apporta un bruit de course. Les Chasseurs arrivaient. Uri aida Cooper à se redresser.
« Il faut y aller ! Ils vont nous rattraper » le pressa-t-il en se tournant vers le danger.
Lorsqu'Uri sentit la corde sur sa gorge, il était déjà trop tard. Elle se resserra et il fut brutalement tiré vers l'arrière. Il tenta de se dégager de la prise mais l'air commença à lui manquer.
« Uri, Uri, Uri… Tu n'apprendras jamais rien ! » murmura Cooper dans son oreille. « Moi je vais y aller. Mais toi tu restes. » Puis Uri ressentit une douleur intense au niveau de ses reins. Ce salaud venait de le poignarder avec la flèche qu'il venait de ramasser.
« Pourquoi tu fais ça? » balbutia-t-il.
« Je te passe le bonjour de ton frérot ! » énonça l'autre avant de resserrer sa prise. Uri se sentit décoller du sol alors que Cooper le projetait avec une force phénoménale contre le tronc de l'arbre sur lequel il était épinglé quelques minutes auparavant. Il comprit que le traître n'était pas du tout en faiblesse mais qu'il s'agissait d'un stratagème de plus pour lui nuire. Cooper avait raison. Il n'apprendrait jamais rien. Il releva la tête vers son tortionnaire et vit le corps de ce dernier onduler alors que la structure de son visage commençait à se tordre. Ses yeux flamboyaient. L'Ascension ? Il perdit connaissance sur cette dernière pensée.
PDV Connie
Connie attendait comme le reste de la meute aux chutes de Nold. Son père présidait l'assemblée. Bolt et Mira avaient achevé le Rituel et reposaient sous leur forme animale aux pieds de l'Alpha. L'Aube approchait. Manquaient à l'appel Cooper et Uri. Une clameur se fit entendre quand Cooper pénétra sur le site sous sa forme animale. Il se présenta devant Farlan et s'inclina à côté de Mira et Bolt.
Farlan avait une mine sombre. Il serrait les poings et la fureur se lisait dans ses yeux. Connie s'en réjouit. Il avait pris soin de s'assurer qu'Uri rencontre quelques difficultés supplémentaires. Ce connard méritait ce qui lui arrivait. Toutes ces années, Connie avait harcelé son frère et avait chargé ses sbires de lui faire toutes les misères possibles. Le constat était simple : si Uri foirait l'Ascension, Farlan n'aurait pas d'autre choix que de le bannir de la meute. C'était la Loi. Et s'il pouvait crever dans le processus, pourquoi pas ?
Après tout ce minable n'était que son demi-frère. Farlan avait jeté la mère de Connie pour la mère d'Uri. Connie était tout petit quand cela était arrivé. Il savait peu de choses sur ce qu'il s'était vraiment passé. Il se souvenait juste des pleurs de sa mère quand elle l'avait quitté. Il ne l'avait plus jamais revue. Peu de temps après Farlan était revenu à la maison avec un nouveau né dans les bras. Uri avait quelques heures à peine. Nulle trace de la mère de l'enfant que Connie n'avait jamais rencontré. Il en avait tiré ses propres conclusions et avait dès lors voué une haine féroce à cet enfant qu'il n'avait jamais considéré comme un frère. Toute sa vie Connie avait été hanté par la peur que Farlan le rejette comme il avait rejeté sa mère. Alors il avait tout fait pour correspondre à ses standards.
Un brouhaha le tira de ses pensées sinistres. Ses pupilles se dilatèrent quand il repéra Uri. Celui-ci était dans un état pitoyable. Il se traînait sur le chemin débouchant sur le bassin dont l'eau miroitait sous la lueur de l'Aube. Les conservations s'interrompirent immédiatement et un silence pesant s'installa. Uri avait conservé sa forme humaine…
PDV Uri
Il irait jusqu'au bout. Quoi qu'il arrive, il se présenterait devant son père. Il avança péniblement, un pas après l'autre. Sa blessure en bas de son dos le lançait. Mais ce n'était rien comparé aux morsures qu'il avait endurées quand les Chasseurs avaient fondu sur lui. Il était alors évanoui et la douleur l'avait rapidement réveillé. Il se trouvait à la merci de 3 Loups assoiffés de sang. Il s'était défendu avec l'énergie du désespoir, puis il était parvenu à fuir. Après tout il était doué dans ce domaine, il avait eu l'entraînement de toute une vie. Il était malin et connaissait la forêt comme sa poche. Il avait ainsi pu se défaire de ses poursuivants en usant de toutes les ruses à sa disposition. De manière inattendue, à aucun moment de cette nuit fatidique il n'y avait eu l'ombre d'une transformation. Tous ses espoirs en avaient été anéantis.
Il pénétra au centre de la zone de rassemblement, le regard de la meute entière braqué sur lui. Il trébucha et manqua s'affaler. Des bras secourables l'empêchèrent de chuter. Les yeux embués, Sid le serra contre lui l'espace d'un instant avant d'être brutalement repoussé par un Loup plus âgé. Uri poursuivit son chemin de croix et bientôt se retrouva face à l'Alpha, son père. Il s'inclina en signe de soumission.
« Pourquoi je ne suis pas étonné ? » gronda Farlan avec mépris.
Connie, à ses côtés, arborait un immense sourire.
« Papa, j'ai survécu à la Chasse. »
D'un bond, Farlan se jeta sur lui et lui asséna une gifle monumentale qui résonna dans le silence mortel qui régnait. Uri chuta au sol sous l'impact.
« Pauvre merde ! » hurla l'Alpha. « Tu n'es pas digne d'être mon fils ! A quoi bon revenir si tu n'es pas foutu de réussir le Rituel ! Tu me fais honte ! Où est ton Loup, hein ? Où est-il ? »
Il se déchaîna, faisant pleuvoir sur sa victime des coups plus violents les uns que les autres. Alors qu'il s'élançait pour donner un énième coup de pied dans le ventre d'un Uri gémissant, Sid s'interposa pour recevoir le coup à la place de son ami. Plié en 2, il hoqueta avant de pouvoir reprendre son souffle.
Farlan marqua une pause et fusilla Sid du regard.
« Je t'ai toléré toutes ces années, ne me met pas plus en colère. »
Uri se redressa sur un coude pour le regarder à travers un filet de sang d'un air surpris.
« Tu pensais vraiment que j'ignorais ce que vous maniganciez tous les deux ? J'ai laissé coulé mais ma patience est à bout. Tu as merdé fiston. Et ton ami, là, dis-lui au revoir. » Il saisit Sid par le col et planta ses yeux déments dans les siens. « Tu as compris petit connard ? Ose me contrarier et je crève ton père, ta mère et ta sœur ! T'approche plus de ce merdeux. Ne lui adresse plus la parole. Ne le regarde plus. Il n'existe plus. »
Alors que Sid secouait la tête, Uri agrippa sa cheville qu'il pressa doucement.
Abandonne Sid. Je t'en supplie.
Son ami finit par hocher la tête, défait. Farlan le repoussa brutalement.
Un murmure parcourut l'Assemblée. Le Chaman crut bon d'intervenir.
« Alpha ! Que fais-tu des règles de la meute ! Ton fils n'a pas achevé le Rituel mais il a survécu à la Chasse ! Ce n'est pas un mince exploit. Il ne mérite pas de mourir, tu dois le bannir. C'est la Loi. »
Farlan tourna un regard meurtrier vers celui qui avait osé l'interrompre.
« C'EST MOI LA LOI » hurla-t-il. « Si je décide qu'il doit mourir, il mourra. Si je décide qu'il doit rester, il restera. C'est compris ? »
Il saisit le Chaman à la gorge et le souleva dans les airs sous les cris outrés d'une minorité de Loups. « Est-ce...que...c'est...compris ? » siffla-t-il entre ses dents serrés. Puis il le repoussa brutalement pour se tourner vers la meute, tandis que ses premiers lieutenants faisaient bloc à ses côtés dans une attitude menaçante.
« Quelqu'un trouve à y redire ? »
Tous connaissaient sa cruauté et sa sauvagerie. Ceux qui n'approuvaient pas se gardèrent bien de se manifester. Et donc personne ne trouva à y redire.
25 ans plus tard
Uri faisait face à son ancien ami dont les poignets et les chevilles étaient liés. Sid avait repris connaissance et tous deux s'observaient en silence. La troupe avait décidé de le laisser s'entretenir dans un premier temps avec le prisonnier. Avant d'employer la manière forte.
« Uri... » murmura un Sid décomposé.
Il attendit la suite mais les mots semblaient s'être arrêtés dans la gorge du prisonnier. Il ne savait pas ce qu'il ressentait à cet instant. Quand Livaï avait amené Sid, sa première réaction avait été de s'inquiéter pour lui, le souvenir de leur ancienne amitié revenant à la surface. Mais il s'était vite repris. Il avait appris sa dure leçon. Sid n'avait jamais désobéi à l'ordre que l'Alpha lui avait donné lors de cette nuit infamante, 25 ans plus tôt. Uri ne lui en avait jamais voulu. Il savait que Farlan aurait mis sa menace à exécution. Il n'aurait pas supporté que la famille de Sid paye le prix fort. Alors Uri s'était effacé. Jusqu'à ce que Livaï et sa troupe viennent bouleverser sa vie, le libérant de Connie, puis quelques années plus tard de son père monstrueux. Mais quand l'Alpha avait disparu et qu'Uri avait été pris pour cible par Marco, Sid n'avait à aucun moment fait un pas vers lui. Et ce jusqu'à ce qu'Uri quitte la meute.
Les gens changent. Beaucoup de temps s'est écoulé. Il n'est sans doute plus le Sid que j'ai connu.
« Où est la meute, Sid ? Vous m'avez traqué jusqu'au territoire de Livaï. Mes amis ne sont pas d'un naturel patient. Tu devrais coopérer » débita-t-il d'un ton froid.
« Tes amis ? » souffla son ancien ami. « Des Vampires ? Tu penses vraiment être leur ami ? Ils t'utilisent tout au plus. Les Vampires et les Loups ne pourront jamais être amis. »
« Si tu le dis. Tout comme les Anges et les Vampires ne peuvent être amis, n'est-ce pas ? Ou les Anges et les Loups. Sort de la pensée unique que mon père a gravé au fer rouge dans vos esprits. Je suis la preuve vivante que c'est faux. Et tu as déjà vu l'Ange qui vit au sein de cette troupe, non ? Tu te rappelles ? L'Ange qui a tué mon père pour sauver un Vampire... »
Il vit le regard de Sid vaciller.
« C'est triste à dire. Ma propre famille veut ma mort et ce sont des Vampires, un Ange et une poule qui m'ont tiré de leurs griffes » ironisa Uri. « Par égard pour ce que tu as pu faire pour moi par le passé, je te laisse une chance de me dire ce que je veux savoir. »
« Uri, je suis désolé. Je t'ai laissé tombé. Mais mes parents, ma sœur... »
« Tais-toi ! Tu as fait ce que je voulais que tu fasses. Je ne t'en veux pas. Mais une fois mon père mort, je suis resté un paria, harcelé chaque jour jusqu'à ce que je doive fuir pour préserver ma vie ! Et tu t'es contenté de regarder. »
« Je sais » souffla Sid en baissant la tête. « Tu crois que j'en suis fier ? Mais tu devais partir. C'était la seule façon pour toi de survivre. Marco et ses copains t'auraient eu à l'usure. Je ne pouvais pas te tendre la main car cela t'aurait convaincu de rester avec moi. » Sid releva la tête pour le regarder dans les yeux. « Je te connais bien Uri. Je n'ai pas oublié ton cœur tendre, ta compassion. Je ne voulais pas que tu restes pour moi car cela serait revenu à provoquer ta mort ! Je préférais que tu me détestes mais que tu vives !» termina-t-il avec un sanglot dans la voix.
A sa décharge, il est exact que Sid n'avait jamais participé aux attaques dont Uri avait été victime. Mais ce dernier avait appris à ne plus faire confiance de manière inconsidérée . Il avait été à dure école.
« Que faisais-tu sur le territoire de Livaï, Sid ? »
« J'étais parti chasser avec Ray. Pour nourrir la meute. »
Alors c'est vrai. La meute ne doit pas être loin.
« Où sont-ils Sid ? Marco et les autres ? »
« Je ne dirai rien. J'en ai rien à foutre de Marco et de ses potes. Mais tu n'ignores pas que la meute comprend aussi des Loups innocents. Des petits. Et des Anciens aussi. Je ne peux pas les trahir. »
« Tu dis si bien me connaître Sid… Mais pourtant tu es en train de dire, que tu me crois capable, de m'en prendre à des enfants et à des vieux ? » répondit-il d'un air désabusé.
« Je sais que tu es incapable de faire le mal Uri. Ce sont les Vampires en qui je n'ai pas confiance. »
PDV Hanji :
« Livaï ! Laisse moi me charger du Loup ! Steu plaiiiit ! »
Le Caporal souffla bruyamment.
« Tu me les brises Hanji. Fous-moi la paix. Uri s'en occupe déjà. »
« Mais Uri il est trop gentiiiiiil ! »
« C'est à lui de régler ça » intervint Pétra. « Il était convenu depuis le début qu'Uri devait faire le nécessaire lui-même. Laissons lui une chance. »
Hanji se détourna pour bouder.
« Toujours pareil. Pas moyen de s'amuser ici » marmonna-t-elle.
« Cooot !» approuva la poule, remontée comme un coucou. Elle aussi voulait faire sa fête au prisonnier.
Contrariée, Hanji décida de rejoindre son atelier, suivie par Cocotte. Très bien ! Vu qu'on ne lui laissait rien faire, autant s'occuper. Elle avait écouté avec attention l'histoire de son protégé et cela lui avait donné une idée.
« Récapitulons : une potion magique, une épreuve, des baffes par ci par là à la pleine lune et hopla, le tour est joué ! » se félicita-t-elle.
« Cooot ? » répondit la poule, peu convaincue. La poule était carrément perplexe.
Hanji était décidée à aider Uri à faire émerger son Loup. Mais elle n'avait aucune idée des ingrédients à utiliser pour le fameux breuvage du Rituel. Elle plissa les yeux sous la concentration. Devait-elle kidnapper un Chaman ? Elle se tapota la lèvre de l'index.
Mmmmh non. Pas une bonne idée. Livaï va encore faire une crise.
Puis son regard s'éclaira.
« Mais personne ne m'empêche d'avoir dès ce soir un date hors du manoir, disons avec un charmant Chaman, si ? Hihi »
Le lendemain :
Echec total.
Hanji s'était déplacée dans le comté voisin et grâce à ses connections avait pu rencontrer le Chaman de la meute du Grand Ouest. C'était un coureur de jupons invétéré et ce crevard avait cru avoir un rendez-vous avec une charmante jeune Louve désœuvrée. Il avait failli avoir une crise cardiaque quand il s'était rendu compte que la ladite Louve était en réalité une Vampire psychopathe pas du tout charmante. Le date n'avait pas été une réussite. Mais Hanji n'était pas là pour la romance. En plus il était moche. Après un petit corps à corps, lors duquel il n'avait bien sûr pas eu le dessus, il avait finalement accepté d'éclaircir cette histoire de Rituel. Hanji était repartie aussi vite qu'elle était arrivée. Bien qu'il n'ait pas révélé de recette miracle, il avait livré quelques éléments.
Elle avait appris qu'en réalité les ingrédients du breuvage réservé au Rituel de l'Ascension avaient peu d'importance. Chaque meute avait ses traditions. Le point essentiel: les candidats à l'Ascension devaient perdre leur maîtrise. Les incantations avaient pour but, avec l'effet des drogues combiné, de provoquer un focus permettant la connexion avec l'animal enfoui dans leur être profond. Le reste du Rituel avait pour but de provoquer l'étincelle qui ferait exploser ce tourbillon d'énergie et permettrait ainsi à la forme animale d'émerger. Sous le joug de Farlan sa meute n'avait connu que brimades et violence. C'était leur déclencheur. Ce qui expliquait la Chasse et tout le bordel.
« La mèche d'Uri n'a pas été allumée en somme. Intéressant. Il va falloir que je travaille là-dessus ! »
PDV Ange :
Livaï était attablé en cuisine et fixait sa tasse de thé d'un air pensif.
« Qu'est-ce qui ne va pas ? » lui demanda l'Ange.
« J'aurai du le buter. Je vais me retrouver à la tête d'une colonie si ça continue » marmonna-t-il.
L'Ange sourit, ce qui attira immédiatement l'attention du vampire. En un battement de paupière Livaï lui fit face, pratiquement nez contre nez. Troublé, l'Ange recula mais Livaï passa son bras derrière lui et le ramena contre sa poitrine d'un mouvement rapide.
« Tu es troublé par mon charme incomparable Angel ? »
« Et que dis-tu de mon charme incomparable à moi ? » riposta l'Ange en posant ses lèvres sur celles de son vis à vis. Puis il quitta la pièce en riant, laissant Livaï les bras ballants. Il ne vit donc pas le sourire carnassier de celui-ci.
Il rejoignit Pétra qui l'attendait pour aller au ravitaillement. Gunther et Eld venaient de partir en patrouille. Le prisonnier avait été cantonné dans une pièce sécurisée du manoir. Depuis son arrivée la veille, il n'avait rien révélé d'utile. Pétra avait soigné ses plaies et Uri avait demandé un délai de deux jours pour parvenir à ses fins. Connaissant leur passif commun, l'Ange savait que le jeune Loup avait sans doute des réticences à brutaliser son congénère. Il le comprenait. Il connaissait le caractère doux d'Uri, même si les derniers événements et l'entraînement qu'il suivait depuis son arrivée l'avaient quelque peu endurci. Pas de quoi le faire basculer du côté obscur cependant. En témoignait sa dernière requête. Après toute une nuit à parler avec son ancien ami, Uri était parti se coucher au petit matin. Hanji avait passé la nuit dehors, on ne sait où. Elle s'était ensuite enfermée dans son atelier. Il n'avait revu ni Hanji ni Uri depuis.
Alors qu'ils s'apprêtaient à sortir, un fracas épouvantable les fit sursauter. Livaï apparut à leurs côtés tel un fantôme.
« On est attaqué ? » demanda l'Ange.
« Je ne perçois aucun intrus » répondit Livaï d'une voix froide.
« Moi non plus » ajouta Pétra.
Livaï se dirigeait vers la porte quand la vitre du salon explosa. En position de garde, l'Ange et ses compagnons constatèrent qu'un nain de jardin venait de faire un vol plané dans le salon. La mine de Livaï s'allongea alors qu'il contemplait les dégâts. Ils se précipitèrent à l'extérieur et croisèrent en chemin Cocotte qui regagnait le salon en râlant. La volaille semblait blasée.
A l'extérieur, Hanji et Uri titubaient devant une ligne de nains de jardin de toutes tailles installée sur le rebord du bassin.
« D'OÙ CA SORT BORDEL ! » cracha Livaï, furax.
« Ces couillons, zont pas arrêté de nous regarder de travers hein ! Fais gaffe, sont extr… extr...foutrement diaboliques ! » brailla un Uri écarlate, les cheveux en pétard. Il portait un short rose avec une brassière coordonnée. Hanji n'était pas en reste avec une tenue identique et des cheveux tout aussi coordonnés, c'est-à-dire roses fluo. Le duo était complètement bourré.
« MAIS QU'EST-CE QUE VOUS FOUTEZ NOM DE DIEU ! »
Uri, perplexe, regarda tour à tour Livaï et sa propre tenue puis écarta les mains :
« Ben... ça se voit pas ? » balbutia-t-il.
« LIVAI ! » brailla Hanji. « Aaaattention ! Ils attaaaquent ! »
Elle se jeta au sol pour exécuter une roulade maladroite devant un nain de jardin d'un mètre de haut. Elle le saisit à bras le corps et le jeta avec force contre la fontaine où il explosa en morceaux.
« Vouâââla. Saleté, tu voulais la peau de mon Livaï, hein ? Je suis la meilleuuuuure !» se félicita-t-elle en s'embrassant le dessus de la main.
Uri se mis à glousser. L'Ange le vit s'approcher inexorablement de Livaï en zigzagant. Puis il enlaça un Caporal raide comme un piquet et colla son visage contre sa poitrine.
« Hihihihihi ! Moâââ aussi ze t'aimeuuuu ». Il faisait des bruits de baiser mouillé qui laissèrent des traces de bave sur la chemise de leur chef.
Livaï, sous le choc, fixait avec incrédulité les filets de bave sur sa poitrine. Un tic nerveux agitait le coin de sa lèvre. Sentant poindre la catastrophe, l'Ange se précipita pour retirer la sangsue mais Uri s'accrochait comme une moule à son rocher.
"Enlève le maintenant ou je ne garantis pas qu'il sera toujours en vie dans les secondes à venir." grogna Livaï.
Angel tira comme un forcené pour lui faire lâcher prise et l'éloigner avant que Livaï ne lui règle définitivement son compte. Il s'empressa de le ramener vers Hanji qui fusillait du regard les nains restant.
Ils puaient le whisky à plein nez. L'Ange ignorait qu'un vampire et un Loup garou pouvaient se mettre dans cet état. Quelle dose avaient-ils ingurgité ? Uri le fixait avec des yeux vitreux.
« Naaaaan ! Sauve-toi, c'est la Chasse ! SAUVEZ VOUS TOUUUS !... sinon zallez vous cranformer… vous plasfonner… vous transformer… en… en… EN LABRADOR ! »
Des deux mains il attrapa une touffe de cheveux de part et d'autre du crâne de l'Ange qu'il secoua en pleurnichant : « J'veux paaaas qu'vous soyez des Labradooor…. j'veux des chaaaats »
« POUAHAHAHA » s'esclaffa Hanji qui à présent se mettait en garde face à un nain en tenue de Père Noël. « Un Labrador Vampire ! HIHIHI »
Pétra les regardait, la bouche grande ouverte. Elle cligna des yeux.
« C'est quoi votre problème avec tous ces nains ? »
« Chuuuut ! Y vont t'entendre. C'est la meute ! On les a kidnappés ! » articula lentement Hanji. Puis elle regarda à droite et à gauche avant de venir lui chuchoter à l'oreille : « C'est l'Ascension. Mais chuuuut ! Regaaarde. C'est la pleine luuune» dit-elle d'un air conspirateur en pointant du doigt un dessin maladroit de lune qu'ils avaient scotché en haut de la fontaine. Au dessus du dessin était écrit "LA LUNE" en gros à la peinture sur la fontaine.
Puis elle se tourna brusquement vers Uri qui chouinait à présent que les nains l'ignoraient. L'Ange lui tapotait l'épaule pour le consoler tout en se frottant le cuir chevelu.
« URIIII. Alors ?...Ça ondule ? Tu sens que ça vient ou pas ? Hein ? Hein ? »
« Naaaan » pleurnicha Uri après un instant de réflexion. Il venait de retirer sa brassière pour se moucher dedans, dévoilant des pectoraux fermes.
« WOUAAH ! » s'extasia Hanji qui le matait sans vergogne. « HE'S SEXY AND HE KNOWS IT ! Toudoudoudoudouuu ! » anona-t-elle en entamant une danse du ventre autour du Loup qui se tâtait avec étonnement les biceps et les abdos.
« Une réminiscence de ses années comme prêtresse égyptienne ? » s'amusa Pétra.
De temps à autre Hanji ou Uri dégommait un membre du gang de nains d'un kick. A chaque meurtre de statuette les deux comparses levaient les bras en hurlant de joie et ils se félicitaient en se tapant dans la main.
C'est le moment que choisit la patrouille pour débarquer. Gunther et Eld avaient forcément perçu le tintamarre, même à distance, et ils avaient rappliqués illico en mode combat. Prêts à en découdre, les deux guerriers se figèrent à la vue de cette scène surréaliste.
« Mais… qu'est-ce que... » balbutia Gunther.
Eld lui mis la main sur la bouche et le força à faire demi-tour.
« Pas notre problème. C'est entre les nains et les Barbies alcolos » gloussa-t-il. Ils repartirent aussi sec.
« Petraaa ? » appela l'Ange d'un air perdu.
Mais l'intéressée ne pouvait plus répondre. Elle était pliée de rire.
« Aaaaah j'en peux plus » hoqueta-t-elle les yeux embués. Elle pleurait, parcourue d'un fou rire irrépressible à la vue des deux zigotos dans leur tenue rose. « J'ai mal au ventre... »
Livaï restait quant à lui figé, ses pupilles dilatées toujours fixées sur sa poitrine. A présent il montrait les dents. L'Ange ne pu s'empêcher de se marrer mais il cacha vite son sourire derrière sa main.
Ça va partir en cacahuète.
« Aa… Aaa… Aaaattends ! » interrompit soudain Hanji en levant le doigt. Elle attrapa le nain le plus proche pour le balancer à Uri qui le prit en pleine tronche.
« Et lààààà ? Ça vient ?»
« Aïeeuuu ! Attends. Aaah...oooh...ça vient…CA VIENT! »
« OUAIIIIIS ! »
Uri se précipita d'un pas chancelant vers le buisson le plus proche où il déballa la marchandise pour uriner durant un long moment. Une fois la chose faite, il se retourna vers eux avec un soupir de satisfaction.
« HIIIIIIIII ! RANGE MOI CAAAAA !»
Hanji faisait tourner ses bras comme les pales d'un hélicoptère.
« Hein ? Quoi ? » balbutia-t-il.
Elle pointa du doigt son bas ventre :
« LAAAAAAAA ! LA BETEUUUU !»
L'Ange décida d'intervenir afin de préserver la vertu de l'assistance. Il remonta prestement le short d'Uri qui regardait frénétiquement autour de lui d'un air perdu.
« Hein ? Une bête ? Où ça ? C'est mon Loup ? LOULOUUUU ! »
« Viens avec moi Uri, viens tu vas aller chasser sous la douche, d'accord ? Et après tu vas te reposer un peu, hein ? »
Il l'entraîna à sa suite pendant que Pétra prenait en charge une Hanji traumatisée qui braillait que ses yeux étaient en train de fondre. Alors qu'ils passaient la porte d'entrée, l'Ange marqua l'arrêt et reparti en courant dans le jardin pour tirer de sa transe un Livaï pratiquement en PLS.
Il s'empressa d'enlever le haut baveux d'un Livaï statufié. Et le tira lui aussi vers les quartiers des douches. Il ne pouvait empêchait ses lèvres de trembloter, retenant un fou rire.
Quelle journée !
