N'empêche que c'est une amie de Pyro. Et que j'ai le sentiment que tout ceci cache quelque chose.
- C'est stupide ! protesta Malicia. Je me trompe ou tu n'as jamais vraiment considéré John comme ton ami ?
- Ce n'est pas si simple...
- Rien n'est simple de toute façon, fit la jeune mutante avant de tourner les talons.
Iceberg resta seul, retenant un soupir. Il était très rare qu'ils se disputent tous les deux. Mais chacune de leurs querelles tournaient toujours autour des mêmes sujets : Pyro, et les pouvoirs Malicia... Pourquoi ne parvenait-il pas à partager son enthousiasme ? Elle avait raison après tout, il était fort possible que cette Madison règle leur "problème". Et inversement, car elle aussi avant sans le moindre doute besoin d'aide. Il repensa aux paroles du professeur Xavier. Le pouvoir de cette mutante devait être terrible à porter et comme pour Malicia, il lui interdisait tout contact avec qui que ce soit. Bobby songea à ces gens qui, toute leur vie, rêvaient d'avoir un don, d'être exceptionnels. Ils ignoraient leur chance d'être... normaux. Comme tout le monde. Même si lui-même appréciait ses propres pouvoirs, il aurait parfois aimé pouvoir se mêler aux autres, aux hommes, et être reconnu comme l'un des leurs. Sa propre famille ne l'avait pas reconnu. As-tu essayé de ne pas être un mutant ? lui avait demandé sa mère la dernière fois qu'il l'avait vu. C'était juste avant que son propre frère n'appelle la police et n'engendre un véritable cataclysme. Cette scène n'était pas prête de s'effacer de sa mémoire... Wolverine tombant au sol, une balle dans la tête, Pyro détruisant tout sur son passage et Malicia absorbant énergie et pouvoirs de ce dernier pour l'arrêter. Lui, paniqué, n'avait pas bougé. Pourtant il était sans doute le plus apte à stopper John. Avait-il eu peur de son rival ? Ou s'était-il dit, ne serait-ce qu'un instant, que celui-ci avait eu raison ?

Les flammes montaient haut dans le ciel clair et se tordaient en des formes ésotériques de toute beauté. Parfois même elles dessinaient avec précision des visages lumineux.
- Tu as une âme d'artiste, Pyro, fit une voix profonde derrière le jeune garçon qui commandait au feu.
Il sursauta, et ses brûlantes œuvres se déchirèrent en un brasier qu'il éteignit rapidement d'un geste de la main.
- Mais tu manques encore de concentration, ajouta Magnéto.
John Allerdyce, ancien X-Men, haussa les épaules pour toute réponse.
- Tu sembles particulièrement distrait ces derniers jours. Aurais-tu des doutes quant à ta décision de me rejoindre ?
- Aucun, répondit pressement le jeune homme. Je sais parfaitement que j'ai choisi le camp des vainqueurs.
La conviction dans sa voix n'était nullement feinte. Pyro était persuadé du bien fondé de ses paroles. Il éprouvait toujours un profond respect pour le professeur Xavier, mais il avait ouvert les yeux : celui-ci s'était trompé. Il avait surestimé la compréhension et la compassion des humains. Alors que les X-Men avaient subies leurs attaques, la confrérie les avait menées. Magnéto agissait, Xavier lui, réagissait. Il avait et aurait toujours un temps de retard.
Cela ne changeait rien au fait que bien des aspects de son ancienne vie lui manquait. Le climat si particulier de Westchester, les séances d'entraînement où il affrontait Iceberg, Malicia... Le fait était qu'il se sentait un peu seul au sein du groupe de Magnéto, dont les effectifs étaient plus que réduits.
- Je suis convaincu moi aussi d'avoir recruté un allié de taille, le gratifia Magnéto.
Pyro eut un sourire satisfait. Au moins ici, on l'estimait à sa juste valeur.
- Mais ne nous reposons pas sur nos lauriers. Je suis persuadé que Charles ne va pas en rester là, après ce qui s'est passé. Même si je viens de le priver d'un excellent élément, son armée est plus redoutable que la mienne.
John fronça les sourcils au mot "armée" mais ne dit rien.
- Néanmoins, il nous reste plus d'un atout de taille.
- Mystique ?
- Mystique, ainsi que celle qui renaîtra de ses cendres...
Cette dernière allusion souleva de multiples interrogations dans l'esprit de Pyro. Instinctivement, il sut qu'il ne devait pas poser plus de questions sur le sujet. Il n'était pas encore temps. Il ne doutait pas vraiment de la confiance de son nouveau mentor, il savait simplement quel était son rôle actuel dans l'histoire que celui-ci écrivait.
- Je sais que tu n'apprécies que moyennement d'être terré ici, mais il était nécessaire d'attendre que les choses se calment avant de repasse à l'action. Ce qui sera possible d'ici peu de temps.
- Qu'allons nous faire à présent ?
- Mystique est d'ors et déjà infiltrée dans les hautes instances. Quoi qu'ai pu dire ou faire Charles, la situation est tendue à l'extrême. Au moindre signe d'hostilité mutante, les hommes ouvriront le feu.
- Mais maintenant que Stryker est mort, il n'y a pas de raison que...
- Ils le feront un jour, quoi qu'il arrive. Les hommes ne sont pas prêts à affronter la vérité : nous sommes leur suite logique. Nous leur succéderons. Ils voudront rester l'espèce dominante, à tout prix.
- Je sais, fit John, baissant la tête.
Magnéto fit venir à lui un siège de métal et s'y installa, l'air soucieux.
- S'il n'y a qu'une erreur à ne pas faire, mon jeune ami, c'est de sous-estimer les humains.
- Ils sont pourtant moins évolués que nous.
- Mais ce monde est le leur, du moins en sont-ils persuadés. Ils contrôlent tout, ils tirent toutes les ficelles... ils ont fait ce monde pour eux, et ils ne sont pas de ceux qui partagent.
- Vous avez peur des hommes ? osa demander Pyro.
Ce fut Eric Lehnsherr qui lui répondit.
- Oh oui, j'ai peur des hommes, de ce dont ils sont capables. Je les ai vus à l'œuvre, emprisonnant et torturant les leurs sous prétexte qu'ils n'étaient pas comme eux... Je n'ose imaginer ce qu'ils pourraient nous faire à nous qui ne sommes pas des hommes.
John se rappela ce que le professeur Xavier lui avait appris au sujet de Magnéto, le peu qu'il savait de son passé. Il avait du vivre l'innommable. Il avait survécu et aujourd'hui, il comptait faire en sorte que cela ne recommence pas. Comment ne pas vouloir le suivre ?
- Fais moi plaisir, John, quoi qu'il arrive, ne sois jamais un homme tels ceux-là.
- Je ne le serai pas, assura Pyro.
Il vit une lueur de tristesse passer dans les yeux du mutant et compris que ressasser ces souvenirs l'avait ébranlé.
- Je suis désolé, s'excusa t-il, je ne voulais pas...
- Tu n'as rien à te reprocher. Continue à t'exercer, j'ai encore beaucoup de travail devant moi.
- Vous avez déjà une offensive de prévue ?
- Disons que je vais jouer sur ce vieil adage : "les ennemis de mes ennemis...
- ... sont mes amis", termina le jeune homme.
Magnéto sourit.

- Sénateur Kelly !
L'interpellé se retourna et adressa à la jeune femme qui lui courait après un petit sourire suffisant. Bien sûr, il n'était pas le sénateur Kelly. Robert Kelly était décédé depuis plus d'un an. Mais Mystique excellait dans son rôle. Son assistante, essoufflée, la rattrapa.
- Sénateur, j'ai les derniers comptes-rendus des conférences que vous m'avez demandé.
- Merci Betty, vous pouvez disposez, répondit Mystique tout en prenant les dossiers.
Poursuivant son avancée dans les couloirs de la Maison Blanche, elle ouvrit la première chemise de carton. Ses yeux parcoururent rapidement les quelques lignes qui se présentaient, puis elle referma le tout d'un geste sec. Eric - Magnéto- avait raison, comme toujours. De nouvelles mesures de protection allaient être mises en place. Elle traversa le grand hall puis sortit, un taxi l'attendait. Dans le rétroviseur, elle regarda l'image de la maison rétrécir au fur et à mesure que le véhicule s'éloignait. Le bâtiment était censé dégager une certaine aura de puissance et de pouvoir, pour le moment, il irradiait la crainte. Suite à l'attaque du mutant téléporteur, la sécurité de l'aile ouest avait été poussée à son paroxysme. Personne ne pouvait entrer sans passer par un rigoureux contrôle. Dupliquer les empreintes digitales ou rétiniennes ne posaient heureusement pas de problème à la métamorphe. Alors que le taxi l'emmenait à l'autre bout de la ville, en direction de l'aéroport, elle lut attentivement les dossiers. Le sceau "confidentiel" dont ils étaient frappés l'amusait au plus haut point, et elle devait constamment faire attention à ne pas laisser son regard trahir sa surprise ou sa satisfaction en reprenant une teinte jaune brillant. Révéler sa véritable nature aurait été signer son arrêt de mort. Il se trouvait déjà quelques personnes pour dire ça et là que le sénateur Kelly avait changé de manière curieuse en un laps de temps très court. Mais de là à imaginer qu'une mutante à la peau bleue avait revêtu son identité, il y avait un fossé. Elle ne s'en faisait pas pour ça. Sauf qu'elle commençait à être plus que lassée de jouer le rôle de Kelly. C'était sans doute l'un des êtres les plus abominables qu'elle eut rencontrée, et l'idée même de revêtir son apparence la faisait parfois frissonner. Il fallait être patiente. Un jour viendrait où ce serait au tour des humains de se cacher, un jour pas si lointain, si elle faisait correctement son travail.
Elle ne laissa pas de pourboire au chauffeur. Une fois le taxi hors de son champ de vision, elle manipula de nouveau ses atomes, empruntant cette fois le physique et l'uniforme d'un pilote qu'elle avait croisé sur cette même piste d'envol quelques mois auparavant. Un hélicoptère l'attendait. Lorsqu'elle fut suffisamment haut dans le ciel, Mystique se permit enfin de reprendre sa véritable apparence. Comme à chaque fois, elle en ressentit un profond soulagement. Pouvoir être soi-même.. elle ne demandait rien d'autre.

Ce fut le bruit du tonnerre qui tira Madison du sommeil. Elle n'avait dormi que quelques heures, mais se sentait plus reposée qu'elle ne l'avait été depuis des semaines. Jetant un coup d'oeil par la fenêtre, elle regarda tomber la pluie et les éclairs. Chose amusante, il ne pleuvait que d'un coté du parc. Sans doute l'orage était-il l'œuvre d'un des pensionnaires de l'académie. Maddie esquissa un sourire. Elle allait être comme un poisson dans l'eau ici, elle le pressentait.
Quelqu'un frappa à la porte, et elle alla ouvrir à une jeune fille de son âge aux cheveux ébènes si l'on exceptait les deux longues mèches blanches qui encadrait son visage amical.
- Je ne t'ai pas réveillée ? demanda t-elle.
- Non, c'est l'orage qui l'a fait. Tu es Malicia ? devina Madison.
Elle hocha la tête. Elles s'asséyèrent côte à côte sur le canapé. Maddie s'empressa de remettre ses gants, puis fixa longuement ceux que portaient Malicia. Elle baissa les yeux, comme gênée.
- J'imagine aisément ce que tu dois ressentir, murmura t-elle.
- Je sais.
- Depuis quand ton pouvoir s'est-il manifesté ?
- Assez longtemps, répondit Malicia. Pourtant je n'ai toujours pas réussi à le contrôler.
- Parce que sa nature même t'empêche de t'exercer, je suppose.
- C'est tout à fait ça.
Malicia regarda un instant ses mains, capables de tuer par simple contact, puis celle de Madison, qui avaient de la même manière le pouvoir de guérir.
- Et pour toi ?
- Oh, j'ai eu maintes occasion d'utiliser mon pouvoir. Mais à chaque fois, j'ai...
- Peur que ce soit la dernière ?
Maddie hocha la tête. Elles ne se connaissaient pas mais déjà, Malicia se sentait proche de son antithèse. Elle devait d'ailleurs chasser ce terme de son esprit. Elle ne tenait pas à ce que Madison et elle ne deviennent ce que John et Bobby étaient l'un pour l'autre. Elle prit sa main gantée dans la sienne.
- Je t'aiderai.
Maddie lui lança un regard emplit à la fois de reconnaissance et de compassion.
- Tu as sans doute plus besoin d'aide que moi, répondit-elle. Ton pouvoir est infiniment plus effrayant que le mien.
Malicia haussa un sourcil, surprise.
- Pourquoi dis-tu ça ?
- Parce que je crois que s'il est une chose pire que la peur de mourir, c'est la peur de tuer.