La nuit était dense. Il pouvait presque la sentir l'envelopper telle une couverture protectrice. Il faisait plutôt frais, une température idéale pour son organisme mutant. Il marcha quelques minutes dans l'herbe humide et arriva devant la grille. Kurt se téléporta ensuite de l'autre coté, et poursuivit sa promenade. L'institut de Charles Xavier était suffisamment isolé des autres habitations pour qu'il puisse parcourir à sa guise les alentours, sans crainte de voir les gens s'enfuir en courant, ou de recevoir une balle dans le dos. Le professeur lui avait dit qu'il aurait bientôt terminé la construction d'un inducteur d'image, un appareil que Diablo pourrait porter en permanence et qui lui conférerait une apparence normal. Il allait enfin pouvoir évoluer parmi les humains, et cette perspective l'emplissait d'impatience. Il en avait plus qu'assez de se cacher, de devoir attendre la nuit juste pour prendre l'air par exemple.

- Alors, on broie du noir ?

Kurt se retourna, faisant face à Tornade.

- Un peu peut-être, admit-il. Mais je pensais aussi que j'allais bientôt avoir une nouvelle apparence...

- Cela semble te combler.

Il ouvrit son visage en un large sourire.

- C'est une très bonne chose ! Ne pas montrer que l'on est un mutant n'est pas facile lorsque l'on est bleu.

- Tu n'es pas le seul à être dans ce cas.

- Oui, mais l'autre... Mystique, a la possibilité de se déguiser comme bon lui semble. Dans peu de temps j'aurai moi aussi ce camouflage.

Tornade s'approcha du mutant et posa une main sur sa joue, suivant de son index le contour des marques qui constellaient sa peau bleue.

- Je t'avais pourtant dit que nous devrions avoir le choix, chuchota t-elle à l'oreille de Kurt.

Un air perplexe se peignit sur le visage de Diablo, jusqu'à ce qu'il se rappelle qui lui avait fait cette remarque. Ses yeux s'écarquillèrent de surprise, et avant qu'il ait eu le temps de faire un seul mouvement, une fléchette anesthésiante était venue se ficher dans sa gorge. Il s'affaissa inanimé sur le sol. Après s'être assurée qu'il était bien sans connaissance, « Tornade » se débarrassa de ses cheveux blancs et de sa lourde cape pour redevenir Mystique, la métamorphe. Le téléporteur n'était pas des plus légers mais elle n'eut pas de mal à le transporter jusqu'à sa voiture. Elle installa le mutant dans le large coffre avant de démarrer. La première phase du plan de Magnéto était accomplie, sans le moindre problème. Toute la difficulté consisterait à présent à empêcher Diablo de s'enfuir par téléportation., mais elle avait déjà mis au point une parade. Elle jeta un coup d'oeil aux feuillets sur le siège passager, à coté d'elle. La soirée avait décidément été fructueuse : elle avait réussi à capturer le mutant Kurt Wagner, mais aussi à collecter les informations souhaitées par Magnéto. Pour l'instant, tout allait pour le mieux.

Scott avait vu Kurt disparaître pour se rematérialiser derrière la grille du parc. Puis il s'était rendu à la fontaine. Il ne cessait de se remémorait la dernière fois qu'il avait vu Jean, mais aussi une petite phrase que lui avait dite Logan, peu de temps après.

Elle avait fait son choix... et c'était toi.

Il n'avait jamais douté de l'amour de Jean. Il n'avait jamais douté d'elle pour quoi que ce soit. Et si elle consciemment choisi de se sacrifier, ce ne pouvait être que le bon choix.

A présent, c'était à lui de faire son choix. Depuis la mort de Jean, il avait tenté de se persuader qu'elle aurait voulu qu'il continue à vivre. Mais c'était un leurre. S'ils s'aimaient, et ils s'aimaient, ils ne pouvaient vivre qu'ensemble. D'ailleurs, seul, il ne vivait pas. Il inspirait de l'air, son coeur battait, mais son âme disparaissait un peu plus chaque jour. Scott ne voulait pas devenir une enveloppe vide, et Jean ne l'aurait pas voulu non plus. Il avait réalisé que sa blessure ne guérirait jamais. D'une certaine manière, sa décision avait été prise dès l'instant où il avait pris conscience qu'elle était perdue.

Il l'aimait. Rien d'autre ne comptait et ne compterait jamais.

Il y avait bien ses élèves, mais il n'était plus capable d'être leur professeur. Il y avait bien le professeur, qui comptait sur lui, mais il ne tenait justement pas à le décevoir plus longtemps.

Il n'y avait que Jean. Et puisqu'elle ne pouvait pas revenir, c'était à lui de parcourir la distance qui les séparait.

Son choix était fait.

Il avait d'abord penser à le renvoyer vers lui à l'aide d'un miroir, mais il ne réussirait sûrement qu'à le briser. Il tenait absolument à ce que ses yeux soient l'arme qui l'abatte, ce mortel rayon qui avait blessé Jean, et détruit tant de choses... Un seul objet était capable de le relfléter. Fermant les yeux, Scott retira sa visière protectrice, qu'il plaça devant son visage. Sans elle, peut-être même pourrait-il voir le monde en couleur avant de mourir. Toujours dans le noir, il prit une profonde inspiration, ne pensant qu'à une chose : le visage de Jean.

Il ouvrit les yeux. Le faisceau rubis jaillit, plus puissant que jamais, formant une traînée rouge dans le ciel. Une partie vint frapper le quartz de sa visière. Celle ci ne se brisa pas, et renvoya le rayon vers Scott. Frappé en pleine poitrine, il s'écroula. Il n'avait jamais imaginé que les effets de son rayon fussent aussi douloureux. Il sentit les battements de son coeur ralentir, sa respiration se faire de plus en plus faible. Ses yeux se refermèrent, et la nuit redevint calme.

Pyro avait du mal à croire qu'il était revenu. Cela ne faisait pas si longtemps qu'il était parti, mais à son esprit ces quelques jours paraissaient une éternité. Une autre vie en quelque sorte. Pour autant il n'avait pas oublié l'ancienne, comme le prouvait sa présence en ces lieux. D'ordinaire, pénétrer l'école pour surdoués de Charles Xavier s'avérait plus que complexe, mais les différentes installations de sécurités n'avaient sans doute pas toutes été réactivées depuis l'attaque. Pyro savait quels chemins emprunter, et se retrouva à l'intérieur quelques minutes plus tard. A présent, il lui fallait trouver la seule personne de l'établissement qui ne le traiterait pas en ennemi.

C'était du suicide ! Il risquait à tout moment de se faire repérer par le professeur, et il n'était même pas certain que Maddie soit là. Mais il devait tenter sa chance. S'assurant que son briquet était toujours dans sa poche, un geste qui le rassurait, il entreprit d'explorer les couloirs. Il connaissait la disposition des chambres, savait lesquelles étaient occupées par ses anciens amis. Si elle était bien au manoir, Madison ne pouvait être que dans les quelques pièces restantes.

Il retint un cri de victoire lorsque, entrouvrant la porte, la lumière vint éclairer le visage de la jeune mutante. Manque de chance, elle était à proximité de la chambre de Wolverine, dont le sens de l'ouïe particulièrement aigu l'obligerait à redoubler de prudence et de discrétion. A pas de loups, il entra puis referma la porte avec mille précautions. Prenant bien soin de ne pas toucher sa peau, il secoua tout doucement son amie. Celle-ci ouvrit les yeux, lui décocha un sourire avant de froncer les sourcils.

- Qu'est-ce que tu fais ici ? Ce n'est pas dangereux pour toi de venir ?

- C'est sûrement pas le truc le plus prudent à faire, reconnut Pyro, mais je n'avait pas le choix, il faut que je sache. Tu es ici depuis longtemps ?

- Cet après-midi. John, je ne pourrais jamais assez te remercier.

- Dis pas ça, c'est moi qui avait une dette envers toi.

Avant qu'ils ne se lancent dans une conversation sur le sujet, il demanda, un peu brusquement :

- Sais-tu si l'un des X-Men est mort récemment ?

- Oui, répondit Maddie, désolée d'avoir à annoncer une aussi triste nouvelle à son ami. Le professeur Jean Grey.

- Merde...

Ce n'était pas du dépit, plutôt de la peine.

- Comment c'est arrivé ? Tu es au courant ?

- Je ne connais pas les circonstances... elle s'est sacrifiée de son plein gré pour sauver les autres.

- Le professeur Grey... murmura Pyro, j'arrive pas à le croire.

Puis ses yeux se mirent à briller d'une lueur de panique.

- Alors celui qui va la rejoindre, ce ne peut être que Cyclope !

- Qu'est-ce que tu racontes ?

Pyro hésita une seconde. Lui et Maddie étaient dans deux camps ennemis à présent. Pouvait-il lui parler de Destiné ?

- Ne me demande pas comment, mais je sais que l'un des X-Men devait tenter de rejoindre celle qui est morte...

- Tu veux dire que Scott va...

Elle ne finit même pas sa phrase et se leva en quatrième vitesse.

- Je dois prévenir les autres... Il faut que tu partes tout de suite John !

- Ok... tiens moi au courant.

- Comment ?

- Je reviendrai, promis Pyro. Ne dis rien à personne sur ma visite.

Maddie secoua la tête.

- Tu me demandes de mentir aux X-Men ?

- Non je... bon sang, pour l'instant ça n'a aucune importance. Retrouve Summers !

- D'accord. Va t'en maintenant, avant qu'on ne te voie...

- Ne t'inquiète pas pour moi.

Ils sortirent, Pyro retourna vers l'une des nombreuses sorties secrètes du manoir, tandis que Madison tentait d'entrer en contact avec le professeur Xavier. N'obtenant aucune réponse, elle alla frapper à la porte la plus proche, réveillant un homme aux cheveux hirsutes qu'elle identifia immédiatement comme étant Logan, le mutant dont Malicia lui avait tant parlé au cours du repas.

- Qu'est-ce qui se passe ?

- C'est Cyclope... il faut le retrouver avant qu'il ne fasse quelque chose de grave...

Wolverine comprit tout de suite, et devant l'urgence de la situation, ne posa pas de questions. Il suivit la jeune fille. Dans le salon, ils alertèrent Tornade, qui posa son livre pour se joindre à eux.

- Je vais prévenir Charles, fit-elle à Logan, il localisera Scott sans problème.

- S'il est toujours en vie, nota le mutant, le regard très sombre.

- Je crois savoir où il est, intervint Madison. Lorsque je l'ai rencontré, il se tenait à côté de la fontaine. Peut être y est-il encore.

- On fonce, répondit Logan.

Maddie le suivit tant bien que mal à travers le parc, et manqua percuter le mutant lorsqu'il stoppa brusquement sa course. Dans l'herbe, les rayons de lune se reflétaient sur les verres rouge de Scott.

- Et merde !

Le corps du jeune homme était étendu tout près. Il ne bougeait pas. Wolverine lui remit ses lunettes avant toute chose, puis prit son pouls.

- Je ne sens rien, fit-il en secouant la tête.

- Laissez-moi essayer quelque chose...

Madison s'agenouilla à coté de Scott, ôta ses gants et posa ses deux mains sur le visage du mutant inanimé...