Quelqu'un trouverait sûrement hilarant, pensa Voldemort, que son principal problème après la mort soit… la migraine. La destinée avait ce genre d'humour. Dommage que personnellement, il n'en ait jamais eu beaucoup. Mais honnêtement, que penser de cet enchaînement des faits ? Il était sur le chemin de la gloire, près d'endosser le titre du plus terrible des Seigneurs du Mal de tous les temps (ou du moins du dernier siècle). Il ne restait plus qu'une condition ridicule : tuer une famille pour faire un exemple. Pas de problème. Il avait emmené ses serviteurs les plus féroces, son petit escadron de la mort personnel, et les avait laissés à la porte pour admirer son travail : certaines choses devaient être faites personnellement. Pour la beauté du geste, au moins. Donc, arrivé à la porte, il avait tué le père. Bien. Après une pitoyable résistance et quelques cris, il avait tué la mère. Très bien. Le bébé aurait du être le plus facile juste lancer le sortilège de mort et viser entre les grands yeux verts. Et là, pas si bien. Non seulement le môme ne criait pas, ne pleurait pas et n'avait même pas l'air intimidé, mais en plus il avait des raisons de l'être : le premier avada qu'il avait pris avait rebondi sur son front pour revenir dans la figure de son assaillant. Qui s'était retrouvé sans corps. Ce qui était très perturbant, même quand on était un seigneur des ténèbres confirmé et qu'on en avait vu d'autres.

Il n'avait pas tout de suite compris ce qui s'était passé il s'était retrouvé d'un coup loin du berceau. Il avait repris ses esprits et voulu anéantir la punaise qui avait eu l'audace de lui exploser dans la figure : c'est quand sa main était passée à travers du berceau qu'il avait commencé à se douter de quelque chose. Après avoir repéré sa baguette sur le sol et essayé en vain de la ramasser, il avait vu ses craintes confirmées.

Il avait essayé de traîner son esprit désincarné dans l'escalier et à force de volonté y était arrivé. Et là, personne.

C'était le second choc de la soirée là non plus, il n'avait pas compris tout de suite.

Il avait du affronter la triste vérité :

Ses fidèles serviteurs avaient détalé comme des lapins !

Ah, il était joli l'escadron de la mort !

Sans aide immédiate, son esprit avait dérivé, entraîné par une sorte de vent immatériel, de plus en plus loin. Il avait quitté l'Angleterre avant l'aube et ne s'était arrêté que deux ans plus tard, dans une forêt dense qu'il avait su plus tard être située quelque part en Roumanie. Il lui avait fallu également des années pour être en mesure d'exercer une certaine influence sur le monde physique, sans parler de posséder de nouveau un corps.

Il s'était demandé pourquoi il n'était pas mort et s'était vu répondre quand il s'était réincarné dans la peau d'un serpent : un lien l'unissait au maudit bébé qui l'avait détrôné et qui vivait maintenant une vie calme et heureuse.

Enfin pas si calme et heureuse.

Il était passé de serpent en serpent, jusqu'au moment où il était tombé sur Quirrel – qu'est-ce qu'il fichait là celui-là ! - et avait pu rentrer en Angleterre. Pas une situation idéale, mais il avait des plans et comptait bien les voir s'accomplir !

Et maintenant il se retrouvait à secourir le maudit gosse qui l'avait détrôné, dépossédé de son corps et avait détruit sa réputation. Si ce n'était pas de l'humour, ça !

Complètement absorbé par son dialogue intérieur, le seigneur des ténèbres le plus redouté d'Angleterre, que nous appellerons Tom pour faire plus court releva la tête et se rendit compte qu'il était arrivé devant la manifestation de tout ce qu'il avait combattu toute sa vie : une parfaite maison de banlieue avec un jardin parfaitement entretenu, et même - gah !- une petite barrière blanche.

La normalité lui donnait des boutons.

Sortant de sa contemplation, il réalisa qu'un tout petit garçon s'affairait dans le jardin, ratissant les allées de terre battue et arrachant les mauvaises herbes. Le gamin était tellement concentré qu'il ne s'était même pas rendu compte qu'il était observé.

Il en profita pour le dévisager il l'avait trouvée du premier coup, sa Némésis !

Le garçon avait des yeux qui lui mangeaient la figure. Il eut un soupir exaspéré : penser que c'était ça, le Sauveur du Monde Sorcier un petit tas d'os et deux grands yeux verts ! Pitoyable. Est-ce que ces moldus ne savaient rien faire bien, même pas nourrir un enfant ? Bon, il n'allait pas rester dans ce quartier résidentiel – gah !- jusqu'à la fin des temps.

Il s'avança vers le mioche toujours absorbé par son travail.

- Harry ?

Le petit garçon se tourna vers lui, surpris.

- Harry Potter ?

Un hurlement inhumain sortit de la maison, faisant sursauter le gamin.

- HARRY ! A LA MAISON ! MAINTENANT !

Le mioche fila à la vitesse de l'éclair, laissant Voldemort sur le seuil du jardin, à récupérer lentement son audition.

Les Seigneurs des Ténèbres en général n'étant pas réputé pour leurs manières, il ne faut sans doute pas s'étonner que l'idée de sonner à la porte ne vint même pas à l'idée du dit Voldemort. Il ouvrit tout simplement la porte et découvrit une scène d'une soirée normale chez les Dursley.

Pour lui, ça ressemblait à l'antichambre de l'enfer : Papa Cochon, maman Girafe et Petit (Gros) Cochon. Une fine scène de la vie britannique de banlieue : Monsieur vitupérait, la face rouge et luisante, tandis que Madame épiait les voisins par la fente des rideaux.

Il n'allait pas rester longtemps.

Faire court.

- Je suis venu chercher Harry Potter.

On aurait dit le signal du chaos. Le gros homme se mit à vociférer, la femme maigre à essayer de le mettre à la porte, tandis que le Rejeton de l'Enfer lâchait des éclats de rire stridents.

Il fit exploser un vase décoratif.

Dans le silence qui suivit, il se fit plus descriptif :

- Permettez-moi de me répéter : je viens chercher Harry Potter. Maintenant, s'il faut le récupérer en marchant sur vos cadavres, ça ne me pose pas de problème.

La femme émit un hurlement de scie à métaux.

- HARRY ! ICI ! TOUT DE SUITE !

Il s'attendait à entendre des pas dévaler l'escalier et fut tout surpris par un bruit derrière lui. Il se tourna vers l'endroit où l'attention des moldus semblait fixé : une porte signalant un placard à balais à la base de l'escalier.

Une petite tête pointa hors du placard.

- Un placard ?!, s'étrangla le plus grand sorcier noir du siècle. Vous l'élevez dans un placard ?!

- Il est encore bien heureux qu'on lui fasse de la place se rengorgea le gros homme au faciès de cochon.

Voldemort le regarda avec incrédulité.

- Vous avez pensé à prendre des cours de diplomatie ? demanda-t-il poliment.

Vernon Dursley devint écarlate.

- Non, parce que la cruauté j'ai l'habitude, mais tant de bêtise, ça me dépasse.

Le gros homme explosa.

- Ne me parle pas sur ce ton, abomination !

- Aah, dit le mage noir, on revient en terrain familier. Des menaces ?

Et sur un ton brutalement sérieux :

- La différence, c'est que je n'ai pas six ans. Et je suis moins facile à casser qu'un gosse mal nourri et sans défense. Problème, hein ?

Le bonhomme recula

Une courte - et laide - scène de violence plus tard, une haute silhouette maigre quittait le 4 Privet Drive, tenant par la main un tout petit garçon.

Harry Potter avait quitté Privet Drive.


A Suivre.