La situation était difficile pour le Seigneur des Ténèbres.

- Je ne sais pas comment être un parent ! Je ne l'ai jamais fait !

- Ce n'est pas grave, répondit le mioche généreusement je ne sais pas non plus comment ça marche.

Voldemort dut se rendre à l'évidence : les petits garçons étaient plus difficiles à intimider que les Mangemorts.

- Mais tu as vécu avec une famille tu sais comment ça se passe.

Le petit garçon frissonna.

- Vous pourriez… crier sur moi.

Après un regard pour voir comment était accueillie sa suggestion, il continua.

- Vous dites que tout est ma faute.

- Tout quoi ? ne put s'empêcher de demander le sorcier.

- Je n'ai jamais bien compris cette part, admit le garçon.

- Ça n'est pas grave, continue.

- Vous me traitez de monstre, vous dites que je salis votre maison et que je devrais être reconnaissant.

- … J'ai l'impression de connaître déjà cette étape. Après c'est « Puisque tu n'est même pas reconnaissant, tu ne mangeras pas », non ? Et « Tes parents étaient des bons-à-rien et ils t'ont abandonné parce que tu es un monstre » c'est ça ?

Le petit garçon le regardait avec de grands yeux.

- Non, parce que tu vois, cette partie-là on me l'a déjà faite et je suis sûr que c'est aussi pénible d'un côté que de l'autre.

Après réflexion, il ajouta :

- En tout cas, je ne me sens pas du tout dans le rôle de parent abusif. Tuer mes ennemis, oui miner le moral des braves gens, d'accord, torturer des mômes ? Je passe.

Et avec un sourire amer, adressé autant à ses souvenirs qu'au petit garçon en face de lui :

- Et puis qui a besoin de moi pour ça ? Tu remarqueras que les braves gens s'en sortent très bien sans que les méchants s'en mêlent…

Le front du petit garçon était plissé de concentration.

- Vous êtes… un méchant ?

- Absolument, fit-il sèchement. Son physique ne suffisait pas ? Sûr, Quirrel avait été plus un couard qu'une actuelle nuisance avant qu'il le possède, mais il n'avait quand même pas la tête du brave type, surtout avec ce turban ridicule… il devait admettre qu'il était un peu froissé dans son ego de devoir porter une apparence aussi pitoyable. Bien sûr, Salazar disait que seul le résultat comptait… mais il y avait le style, aussi, argumenta-t-il avec lui-même, un peu chagriné.

Pendant tout le temps de sa réflexion, le garçon avait suivi son propre train de pensée.

- Mais… fit-il timidement. Est-ce que vous ne devriez pas vouloir me blesser ? Et il leva de grands yeux timides mais convaincus vers le sorcier.

Sorcier qui ressentait profondément l'ironie de la question, en même temps qu'une vieille rancœur. Visiblement on apprenait toujours aux enfants que le monde était noir et blanc et qu'on ne pouvait vivre que d'un seul côté, sinon on était damné.

- Parce que c'est la règle pour les méchants, c'est ça ? fit-il d'un ton plus brusque qu'il ne l'avait prévu.

Le garçon recula mais hocha la tête, terriblement résigné. En ce moment, il lui rappelait horriblement Severus quand il était venu prendre la marque à quinze ans. Pas lui-même, non, il avait toujours eu du feu à cracher sur ceux qui le maltraitaient, quelle que soit sa situation mais Rogue, quoi qu'il en pense, était déjà brisé quand il l'avait rejoint. Il l'avait regardé de la même façon, prêt à se faire battre, parce que le monde était comme ça. Il ravala la boule (de colère se dit-il fermement) qu'il avait dans la gorge. Rogue l'avait trahi, Quirrel lui avait au moins appris ça. Il avait chouchouté le jeune sorcier, l'avait traité en favori autant qu'il pouvait sans susciter trop de jalousie, avait encouragé cette brillante intelligence, et l'autre l'avait récompensé en vendant ses secrets à l'homme qui l'avait blessé. D'un de ses Serpentards, il aurait accepté et admiré cet instinct de survie, mais Sev- Rogue avait toujours été trop Serdaigle pour faire quoi que ce soit légèrement. De sa part c'était vraiment une trahison. Il secoua la tête pour échapper aux souvenirs et à l'emprise de l'amertume et se concentra sur le garçon en face de lui pour lui apprendre le Premier Principe de Réalité, tel que découvert par Tom Riddle dans sa douzième année :

- Mais les méchants n'obéissent pas aux règles, n'est-ce pas ?

Le gamin en resta bouche bée. Visiblement, il n'avait pas poussé le raisonnement jusque là. Tom en ressentit peut-être plus de satisfaction que nécessaire.

- Un méchant, c'est quelqu'un qui décide…- non, il ne pouvait pas l'appeler Harry, le nom lui restait coincé dans la gorge - petit. Pas de règles, pas d'obligations. Il est libre.

La plupart des gens auraient trouvé amusant de voir un misérable bout de gamin habillé de loques se concentrer sur un problème moral de cette façon. Lui ne voyait que les yeux brillant d'intelligence, sans doute trop rarement sollicitée, concentrés sur le problème en main. Mais aussi il s'était fait une spécialité de découvrir des diamants non tailles jetés par des gens négligents sur le bas côté.

- Mais, reprit le gamin, est-ce que pour être un méchant, il ne faut pas être méchant… tout le temps ?

Aha. Raisonnement à deux inconnues. Vocabulaire un peu relâché, mais…

- Pour être méchant il suffit que les gens bons ne vous aiment pas.

…ça allait peut-être être moins dur qu'il avait pensé.

Moins ennuyeux, en tout cas.


A Suivre.