Note de l'auteur : Oui, je sais, ma chronologie de la S1 est sans doute mélangée mais bon, j'ai pas la foi de me retaper dix heures d'épisodes. J'essaye d'avoir les éléments principaux et ça sera bien.
Alea Jacta Est
Chapitre 3
Quelque chose dérangeait profondément Eddard Stark. Plus il avançait dans ses recherches à propos de la mort de Jon Arryn plus le mystère s'épaississait. Pourquoi s'était-il intéressé aux enfants de Robert ? A ses bâtards ? Il n'y avait rien à craindre d'eux : le roi ignorait l'existence d'une majorité d'entre eux et quand bien même ses enfants sauraient leur parentèle, il y avait l'héritier légitime. Il y avait Joffrey...
Si différent de ses demis-frères et sœurs.
Les descendants illégitimes de Robert avaient une chose en commun : leurs cheveux de jais et des yeux bleus saisissants. Shireen, la fille unique de Stannis, la cousine du prince héritier, avait aussi cette particularité. Joffrey, à l'instar de sa mère et de son jumeau, avait une toison d'or en guise de couronne et des émeraudes à la place des pupilles. Si le sang des Baratheon était assez fort pour écraser toute autre couleur familiale, pourquoi Joffrey, Myrcella et Tommen en avaient été exemptés ? Pourquoi n'étaient-ils pas comme les autres ? Et soudain, une épiphanie horrible le frappa.
Que la reine prît un amant, même s'il le déplorait en raison de ses propres convictions, le seigneur du Nord l'envisageait aisément et ne la jugeait pas.
Le roi était un piètre mari, un homme qui n'hésitait pas à frapper sa femme. Oui, lui aussi avait trompé Catelyn et avait engendré un bâtard. Mais cela n'avait été qu'une seule fois, en pleine guerre, avec un début de mariage particulier et depuis, il avait été d'une fidélité sans failles, payait tous les jours le prix pour son incartade. Enfin, il aimait son épouse. Robert détestait Cersei, ne lui offrait rien sinon de la haine et de la frustration. Non, il ne pouvait décemment pas la blâmer d'aller chercher son bonheur de femme ailleurs. Là, ce qui le dérangeait profondément, le choquait, le dégoûtait même, c'était que Cersei avait pris pour amant son propre frère et avait fait de lui le père de ses enfants. Aucun des princes ni la princesse étaient légitimes. Ils étaient des bâtards cachés. Jon Arryn avait dû le découvrir, tenté de prévenir Robert et il en avait payé le prix.
Et alors qu'en temps normal, la solution se serait présentée à Eddard sans aucune hésitation, l'homme se retrouva au pied du mur.
Il y avait Sansa.
Joffrey n'était pas un garçon stable, il y avait chez lui une noirceur. Mais il aimait sincèrement sa fille. Il lui avait évité le deuil de sa louve, il se montrait plein d'attentions, lui offrant des fleurs, un médaillon Lannister comme celui de sa mère, l'avait rassurée sur leur futur si jamais elle ne lui donnait que des filles. Son regard trahissait la sincérité de son attachement. Ils étaient le miroir de l'âme et rares étaient ceux qui arrivaient à les déguiser sous la robe d'une émotion autre que celle qui leur saisissait le cœur. Oui, s'il mettait Cersei au pied du mur, s'il voulait révéler l'illégitimité de ses enfants, il allait humilier sa petite fille et la mettre en danger. L'adage « toute vérité n'est pas bonne à dire » prit tout son sens et laissa un goût acre dans sa bouche en même temps que la décision qu'il devait prendre :
Pour le bonheur de Sansa, sa sécurité, il devait prétendre n'avoir jamais rien appris.
Ce jour-là, oui, Eddard apprit aussi combien l'ignorance était une bénédiction.
- Le roi est mort ! Vive le roi !
Malgré sa brutalité, la mort de Robert ne choqua personne. Son amour pour la boisson et la chasse était connu de tous, tout comme le fait que les deux ne faisaient jamais bon ménage. C'était donc Joffrey, encore mineur, qui prenait sa place. Sa mère à ses côtés toisait Lord Stark depuis le trône.
- Vous croyez que je vais laisser un bout de papier porter atteinte à l'intégrité de mon fils ? Rugit-elle en déchirant la lettre contenant les dernières volontés de son époux.
Peu avant de s'éteindre, le roi conquérant avait dicté son testament à son frère de cœur, le nommant Lord Protecteur du royaume pour éviter que Cersei ne fusse régente. Il déclarait Joffrey comme son héritier. Cependant, Eddard n'avait pas inscrit le nom du prince. Il avait écrit « héritier légitime ». L'idée d'envoyer un mot à Stannis pour tout lui révéler et l'inciter à prendre la place d'un usurpateur, même malgré lui, lui avait traversé l'esprit. Encore une fois, la vision de Sansa arrêta son geste. Joffrey aimait Sansa. Mais si jamais l'action paternelle ne changeait son affection en haine ? S'il lui faisait du mal ? La couronne avait renforcé sa dangerosité.
Joffrey observait la scène et choqua sa mère quand il se leva pour récupérer les morceaux de papier pour les lire.
- Je ne vois là rien de subversif, Mère. Commenta-t-il. Mon père a nommé mon futur beau-père comme régent.
- Pourquoi Lord Stark a-t-il noté « héritier légitime » au lieu de ton nom ? Voudrait-il te soustraire ce qui te revient de droit ?!
Le nouveau roi planta son regard dans les yeux de la veuve, la glaçant sur place tant son expression était figée, résolue et froide.
- Madame, vous oubliez qui je suis ainsi que votre place. Je ne suis plus uniquement votre fils mais aussi votre roi et je ne souffrirai pas que vous m'humiliez, ainsi que Lord Stark, devant ma cour. Je vous serai reconnaissant de vous retirer.
Bouche-bée, elle fut incapable de faire le moindre mouvement.
- Ser Meryn. Lança-t-il. Veuillez avoir l'obligeance d'emmener la reine douairière dans ses appartements. Je crains que les émotions ne soient trop fortes pour ses nerfs.
Puis il s'adressa à sa cour et aux chevaliers de la Garde Royale.
- Mesdames, Messeigneurs, chevaliers, je désire m'entretenir en privé avec Lord Stark. Je vous prierai d'avoir la bonté de m'attendre.
- Les manières de cette petite rousse déteignent sur lui... Se lamenta Cersei
L'adolescent et le gardien du nord s'isolèrent dans un bureau privé.
- Asseyez-vous, Lord Stark. Ordonna le roi
- Merci, Votre Grâce.
Il obéit et Joffrey se plaça face à lui.
- Grâce à ma douce Sansa, je peux affirmer connaître le genre d'homme que vous êtes. Commença-t-il. Vous placez la loyauté, l'honneur et la famille au-dessus de tout. Que mon père vous ait nommé Lord Protecteur ne me choque pas. Mais pour toute son hystérie, ma mère a raison sur un point : pourquoi avoir noté « héritier légitime » ? Sont-ce là les propos de mon père ? Ou bien avez-vous altéré ce qu'il a dit ?
Ned soutint le regard inquisiteur du jeune homme.
- Je les ai altérés, Votre Grâce.
Les joues de son interlocuteur s'empourprèrent, la colère lui montant au nez.
- De quel droit avez-vous osé ?! Rugit-il. Et vous disiez être l'ami de mon père !
- Je peux vous l'expliquer. Poursuivit Eddard avec calme. Je suis prêt à répondre de mes paroles et de mes actes.
- J'espère pour vous que vos raisons sont bonnes, Lord Stark ! Très bonnes !
- J'ai mené une enquête sur la mort de Jon Arryn.
- Et ? Je ne vois là aucun rapport !
- La Main s'est intéressée aux bâtards de votre père et a mis en évidence une chose : tous les enfants Baratheon ont les cheveux noirs et les yeux bleus. Votre cousine Shireen les a, hérités de son père Stannis. Vos demis-frères et sœurs les ont. Tous les ont, sauf vous, votre frère et votre sœur.
La mâchoire de Joffrey tremblait d'une rage qu'il avait du mal à contenir.
- Qu'insinuez-vous, Lord Stark ?
- Que la reine vous a menti sur vos origines, Votre Grâce.
Mieux valait essayer de l'amadouer. Et il restait un enfant...
- Ma mère n'aurait jamais pris d'amants, Lord Stark ! Mon père la traitait mal, il est vrai ! Mais elle est morale, hautement morale, elle n'aurait jamais pris le risque de mettre en danger la couronne pour un simple coup de phallus ! Que vouliez-vous faire avec cela, hein ? Prévenir mon oncle ?
- Je l'avais envisagé.
- Mais vous ne l'avez pas fait ? Pourquoi ?
Malgré son silence, le roi comprit. Sansa. Eddard s'était tu pour Sansa. Pas pour le royaume, pour la paix, non. Par amour pour sa fille.
- Comment être sûr que vous ne mentez pas ? Demanda-t-il
- Je n'ai jamais écrit de lettre à votre oncle. La seule qu'il a reçue à cette heure est celle annonçant le décès de son frère. Je suis prêt à laisser mes appartements et la tour de la Main être fouillés par vos hommes ainsi qu'à être enfermé le temps de vos enquêtes. J'incite Votre Grâce à se pencher sur la généalogie comme Jon Arryn avant moi. Je n'ai qu'une seule requête : de grâce, épargnez mes filles dans tout cela.
- Je n'ai guère d'affection pour Arya. Cracha Joffrey. Mais elle est la sœur de Sansa.
Il était évident que le fils de Cersei faisait de son mieux pour ne pas exploser. En temps normal, il l'aurait déjà fait. Il devait cela à sa fiancée. Dès qu'il sentait cette émotion le gagner, le visage de la jeune fille lui venait en tête et avait tendance à le calmer. Elle continuait de le changer et si cela ne cessait pas de l'inquiéter, il devait admettre qu'il était agréable d'être moins souvent sur les nerfs, de s'imaginer la joie de sa promise quand elle voyait qu'il pouvait être le roi qu'elle s'était imaginé.
- Vous resterez enfermé dans vos appartements, sous bonne garde. J'autorise vos filles à vous écrire et à vous répondre à la condition que vos courriers soient lus avant de m'être transmis. Finit-il par lâcher. Vous serez confiné le temps de mon enquête. Je tiens à voir ce livre et à vérifier que vous dites vrai. Je ferai passer cela pour votre période de deuil auprès de la cour. Sans compter votre blessure encore fraîche.
- Je vous suis reconnaissant pour votre mansuétude, Votre Grâce.
Les yeux de Joffrey le glacèrent.
- C'est parce que vous êtes le père de Sansa. Sans cela, je vous aurai fait décapiter, séance tenante, sur le parvis du Septuaire de Baelor.
Oui, il y avait une noirceur en Joffrey Baratheon. Et sa fille semblait la seule capable de faire naître le meilleur en lui.
A Suivre
