Chapitre 4

La fouille des bureaux de Lord Stark n'avait rien donné. Aucune trace de lettre à envoyer à Stannis. Aucune nouvelle de lui d'ailleurs. Juste, verrouillées dans une malle dans ses appartements, dont il lui avait lui-même confié la clé, les résultats de ses recherches généalogiques. Assis à une table, Joffrey sentait pourtant son monde s'écrouler à ses pieds alors que la nausée le gagnait et que les murs lui paraissaient tanguer. Sous ses yeux, les preuves concrètes de ce qu'il avait appelé des théories.

Eddard ne lui avait pas menti.

Il s'était même montré magnanime en ne lui révélant que la moitié de la vérité.

Tous les enfants Baratheon sans exception avaient les cheveux noirs, les yeux céruléens.

Lui, avait une couronne d'or et des émeraudes pour contempler le monde.

Il avait d'abord pensé au fait que le sang Lannister était peut-être puissant, assez pour imposer ses traits sur la descendance d'une maison. Sauf qu'après étude, il apparaissait que celui des cerfs écrasait tous les autres sangs. Même ceux pourtant qui imposaient généralement leurs caractéristiques sur les enfants nés d'une telle union. Pour avoir ainsi la tête blonde, les yeux verts, sa mère avait donc fauté…

C'était là la première chose qui lui faisait horreur.

Il l'avait érigée en modèle de sainteté et au final, elle s'était abaissée à se compromettre. Il aurait pu comprendre s'il n'avait s'agit que d'un de ses lionceaux. Une faute d'un jour, une conséquence réalisée trop tard… sauf que Myrcella et Tommen étaient comme lui. La reine avait sciemment mis la lignée royale en danger, travesti ses bâtards en héritiers, en vengeance contre cet homme qui lui servait de mari.

Il était un bâtard.

Il n'était rien d'autre que cela, un être illégitime au trône dont il avait pourtant hérité…

Et à en juger par les conclusions de son futur beau-père, il était un bâtard né d'un inceste… Sa mère avait couché avec son propre frère… Le roi avait envie de mourir à cet instant précis et s'il en avait eu le courage, il se serait jeté du haut du toit…

Et il y avait Sansa… Par les Sept, Sansa ! Sansa qui l'aimait sans doute pour lui mais aussi pour ce qu'il représentait ! Tout ce qu'il lui avait promis se basait sur un mensonge par l'égoïsme d'une femme en mal d'amour et de sexe !

Et pourtant, malgré cette place imméritée, il était devenu le roi des Sept Royaumes.

D'un trait de plume, le Seigneur Main aurait pu déclencher une guerre, sortir sa fille de cette mascarade et s'il ne l'avait pas fait, ce n'était pas tant pour le jeune homme qu'il servait désormais.

C'était pour Sansa.

C'était parce qu'il avait vu son potentiel avec sa fille comme soutien.

Il allait devoir révéler la vérité à sa promise et l'idée le brisait déjà. Mais puisqu'il était le roi par la volonté d'un père pour son enfant, il entendait bien saisir cette chance pour régner et profiter d'être toujours dans ce monde relativement pacifié, même si des nouvelles concernant la dernière des Targaryen méritaient que l'on s'inquiète.

Tout d'abord, il y avait un rendez-vous à ne pas manquer.

Il y avait un rendez-vous avec la reine.


-Sortez ! Aboya Joffrey

Les caméristes ne se firent pas prier, le saluèrent prestement et s'éclipsèrent. Cersei haussa un sourcil face à l'éclat de voix de son fils. Qu'est-ce qui le fâchait encore ?

-Je devrais vous faire exécuter. Cracha-t-il

Elle se figea. De quoi parlait-il donc ?

-Je sais tout, Mère. Pour vous. Et pour le Régicide.

-Et que sais-tu, dis-moi ?

-Ne jouez pas à cela avec moi. Vous savez ce que j'évoque. Comment avez-vous pu nous faire ça ? A moi ! A Myrcella ! A Tommen !

Pour la première fois de sa vie, le roi vit sa mère pâlir, perdre sa contenance, la femme perçant l'armure royale.

-Je l'ai fait par amour. Parce que c'est ce que vous êtes tous les trois. Des enfants de l'amour.

-Nous sommes aussi ignobles que les enfants Targaryen… Bientôt, quand un Lannister naîtra, les dieux joueront à pile ou face en ce qui concerne leur folie ! Vous n'êtes qu'une traînée !

La mâchoire serrée, la Lumière de l'Ouest se leva et gifla son aîné de toutes ses forces.

-Je t'interdis de me parler sur ce ton ! Tu es le roi mais je suis ta mère ! Sans moi, tu n'aurais pas cette couronne !

-Mais je ne serais pas un putain de bâtard ! Comment avez-vous pu ?! Pourquoi ?!

La voix de l'adolescent avait chevroté malgré lui.

-Robert me traitait mal. Me frappait. Me violait. J'ai essayé de l'aimer mais quand il se forçait sur moi, il ne cessait de voir le fantôme de Lyanna Stark à travers mes traits. J'ai essayé d'être une bonne épouse pour lui. Sauf qu'à force, j'ai décidé de prendre mon bonheur là où je le trouvais. Aussi étrange que cela puisse te paraître, Jaime et moi, c'était déjà bien avant Robert. Et je n'ai pas à t'expliquer pourquoi. C'est ainsi et c'est tout.

-Le roi, c'est un accident ?

-Oui. Et je le regrette. J'aurais aimé en être la cause. Joffrey…

Malgré toute sa colère, il la laissa l'enlacer.

-Je dois le dire à Sansa.

-Je ne vois pas pourquoi.

-Parce que je ne veux pas l'épouser dans un mensonge. Je lui dois la vérité.

Il se dégagea de l'étreinte maternelle.

-Je ne sais pas si je pourrais vous pardonner, Mère. Avoua-t-il. Mais je refuse de vous exiler. Cela serait bien trop suspicieux pour les autres. A la place, vous céderez la régence à mon oncle Stannis.

Lorsqu'elle voulut s'insurger, il leva la main pour lui intimer de se taire.

-Je vous consulterai peut-être sur des sujets. Mais aux yeux de la cour, vous vous retirez momentanément pour pleurer votre époux en paix. Lord Stark fera libérer votre frère. Et en nommant Stannis, j'apaise les possibles envies de régicide. Il faudra peut-être marier Tommen à Shireen. Au moins, il y aura peut-être des vrais Baratheon pour me succéder si je ne fais que des filles…

Cersei voulut parler mais ses mots se perdirent dans sa gorge. Il avait raison, cela était une stratégie qui avait le mérite d'éviter de le mettre trop en danger. La fille Stark avait peut-être, finalement, une bonne influence sur lui, à l'apaiser ainsi et à lui permettre de penser raisonnablement… mais elle était trop secouée pour approfondir sa pensée. Tout ce qui parvint à sortir de ses lèvres, ce fut un « je t'aime » auquel son fils sourit tristement.

-Je le sais. Je vous crois. Et pour mon malheur, je vous adore. Mais Mère… pour l'instant, dans notre intérêt commun… je vous demande de rester en retrait. Cela me peinerait de devoir insister.

Quand il referma la porte derrière lui, il entendit comme un cri et un sanglot.

Ne pas se retourner et aller la consoler était un effort surhumain.

Non, d'abord, il avait sa Main à visiter.

Sa Main, et Sansa…