Je vous prie de m'excuser, hier j'ai posté le brouillon du chapitre...

Lettre n°6

De Duo Maxwell à Quatre Raberba Winner

Rome, dans la nuit du 15 Avril 227

Mon vieux, ce fut pire que tout ! Surréaliste !

Nous avions convenue que nous irions dîner dans mon quartier, un restaurant au coin de la rue (« Chez Francis », original non ?) : j'espérais limiter notre soirée dans le temps.

Dix minutes avant le rendez-vous, il me téléphone (encore) : « Dis-moi, c'est bien à 20h30 que je passe te prendre ? »

Il n'est pas excité le Divorcé, il est cinglé oui ! Une boule d'angoisse qu'il a fini par me communiquer.

20 heures : sur la table basse du salon, je prépare l'apéritif, les flûte de prosecco et le bol de cacahuètes. Fichue pour fichue, autant le détendre en lui offrant un verre.

A 20h 25, je suis fin prêt (c'est-à-dire, physiquement : jean bleu clair et tee-shirt sans manche noir. Simple quoi. Mentalement aussi ! Il en faut du courage pour le supporter ! Ca ne m'étonne pas qu'il soit divorcé !)

En effet, à 20h 28, il sonne à l'interphone du rez-de-chaussée.

C'est Giovanni ! clame-t-il dans le combiné.

Cinquième étage.

Mais pour lui, la soirée commence mal : j'oublie de presser le bouton qui permet l'ouverture de la porte de l'immeuble. Et j'ai raccroché. Résultat : il se retrouve coincé dehors. Il me rend nerveux ce type !

Tandis qu'à la cuisine je sors le prosecco du réfrigérateur, il sonne de nouveau : cette fois, un buzz si long et si rageur que les vibrations font tomber l'interphone du mur. Je cours. J'appuie frénétiquement sur le bouton. Je reste planté derrière la porte avec la bouteille. J'écoute. Il a pénétré dans le bâtiment. Il appelle l'ascenseur. Il monte... Encore quelques instants et...Il sonne ! J'attends une seconde. J'ouvre...Et alors là...Tu ne devineras jamais.

Ce type, dans l'ombre de l'escalier, je ne l'ai jamais vu ! Ce n'est pas le Divorcé Excité. Je me trouve devant un inconnu.

Il entre, m'embrasse :

Ciao, Duo, quel plaisir de te revoir.

Manifestement, il me connaît, lui. Qui est-ce ? Avec le plus grand naturel, je le débarrasse de son manteau, le conduit dans le salon, lui propose des cacahuètes... Mais qui est-ce ? Où nous sommes nous rencontrés ?

En essayant de déboucher la bouteille, je tente un « Et comment vont vos amis ? », une petite phrase qui pourrait me donner une piste.

Ils sont partis hier en Libye comme prévu.

Je me creuse frénétiquement la cervelle : au cours de quel dîner avons-nous évoqué un projet de voyage à Kadhafi ? Comme tu le sais, je suis beaucoup sorti c'est dernier temps. Je confonds toutes les conversations dont je ne comprends, de toute façon, pas le quart de l'italien. Du coup, je n'écoute pas, ou par intermittence...La Libye ? J'ai beau chercher, je ne me souviens pas...Je demande, léger :

et les autres, ils vont bien ?

Ah, très bien !

C'est ce moment que choisi le bouchon pour lui sauter à quelques centimètres du visage.

J'éponge les bulles sur son costume :

C'est comme du champagne, ça ne tache pas...

Jusqu'à présent, je ne l'avait pas vraiment osé l'observer. Mais là, en lui tapotant le veston, je me permet de le détaillé. Une légère tendance à l'embonpoint. Un début de calivicie (Chez les italiens, c'est courant de l'avoir jeune. Ils disent tous que c'est à cause de leurs femmes...), le regard clair, pas de lunettes. Environ le même âge que le Divorcé Excité ; donc 28 ans. Le costume impeccablement coupé, la cravate en soie à pois bleu...Un grand bourgeois du cercle d'Alessandro Riccardo ? Un avocat ? Un journaliste ? Un politicien ?

La conversation meurt. Mais soudain, dans la seconde de silence, l'interphone de l'entrée émet un buzz interminable.

Je pris l'inconnu de m'excuser, me lève, enfile le couloir, décroche :

- Oui ?

- Ciao, c'est Giovanni ! Quel étage ?

Mon cœur s'arrête. Le Divorcé Excité !

Cette fois je n'oublie pas d'ouvrir la porte du rez-de-chaussée et presse convulsivement le bouton.

Le désastre. Deux rendez-vous, ce soir, chez moi, avec deux hommes différents ! Je reste planté derrière la porte, l'esprit crépitant...Les nombreux coups de fils de la semaine dernière s'expliquent. Ils ont été deux Giovanni à appeler pour prendre date : Le jour, l'heure, le lieu. Je n'ai pas su différencier les voies des deux Italiens au téléphone.

Comment vais-je m'en tirer ? Comment expliquer la situation à un angoissé tel que le Divorcé Excité ?...Et l'Autre qui attend dans le salon ?

Il sonne à la porte.

Alors là, c'est le choc. Tu ne me croira pas.

L'homme sur la palier, l'homme qui se tient devant moi, qui m'embrasse, qui entre, qui donne son manteau n'est pas le Divorcé Excité...Sensiblement du même âge, une splendide chevelure ébène de professeur émérite, grand, maigre, beaucoup d'allure...Mais ce n'est pas le Giovanni du dîner d'Alessandro Riccardo ! Alors...Qui est-ce ? Je ne le connaît pas plus que l'autre !

J'enfile le couloir étroit. Il m'emboîte le pas. Je me lamente très fort afin que l'autre m'entende du salon :

C'est abominable, dis-je, mon Dieu, comment ais-je pu faire une chose pareil ? Je suis totalement dans la lune ! Vous devez me pardonner...J'étais si obsédé toutes ces semaines avec ce congrès sur Caravage, si angoissé par l'écriture de ma communication, que ma première date de sortie avec mes amis, ma première soirée de liberté, je l'ai donné par inadvertance...

Nous déboulons sur le sofa ou l'Autre se trouve assis. Il est tourné vers nous, l'œil interrogateur.

Mi catastrophé, mi-rieur, j'achève :

...A vous deux !

Le premier s'est levé, le second lui fait face. Il faudrait les présenter l'un à l'autre. Difficile quand ce sont des inconnus. A ma décharge, j'apprends lors de leur « conversation » qu'ils se nomment tout deux Giovanni Picci et Pizzuchi. (Le premier c'est Picci).

Un silence de mort s'installa que j'essaye tant bien que mal de combler :

C'est invraisemblable d'être aussi distrait ! D'après ce que j'ai pu en juger , vous avez des intérêts communs. La Libye, tu connais Giovanni ?

Je m'adresse au second qui reste debout en prenant son prosecco d'une main légère. Je crains qu'il ne se demande s'il doit se draper dans sa dignité et lever le camps.

Je lui sourie, gentil :

je t'en prie, pardonne moi et assis toi.

Au moment où il consent à prendre place, nouveau buzz à l'interphone de l'entrée !

Je ne saurais te dire ce que je ressens. Mon cœur descend jusque dans mes talons et je suis dans l'impossibilité de bouger ne serais-ce qu'un doigt.

En silence, nous nous regardons tout les trois.

Là-bas, à l'interphone, on s'impatiente. Le Divorcé Excité ! Je me ressaisi, me lève, lance en riant :

Le Vaudeville tourne à la tragédie : voici la statue du Commandeur !

Trois Giovanni ? Impossible. Mentalement, je refais mes calculs. Trois rendez-vous ? Les appels des semaines passées trouvent une raison cette fois.

Je n'attend même pas que le Divorcé Excité ait franchit le porche d'en bas. J'ouvre grand ma porte. L'homme qui sort de l'ascenseur...Je n'ose pas te dire...Ce n'est toujours pas le Divorcé Excité !

Mais celui-là, je le reconnais. Un corps de taureau. Une belle tête de baroudeur, couronné d'un casque de cheveux drus, rejetés en arrière : l'Homme aux Menottes !

Excuse-moi, je suis un peu en retard...

Cette fois, je perds mes moyens. Je le conduit sans grâce jusqu'au salon, m'emberlificotant dans mes explications que j'ai déjà servies aux deux autres.

En apparence, ce Giovanni là prend les choses avec calme et simplicité. Mais quand il aperçoit les silhouettes des confrères alignés, son visage se ferme, ses traits se durcissent. Comment te décrire la violence de son expression ? Je sens cet homme aussi vexé que vindicatif.

Un coup d'œil sur mes hôtes suffit pour qu'ils se tombent dans les bras. Vraiment, Rome reste une ville incestueuse : tout le monde se connaît !

Craignant que le Divorcé Excité ne se pointe, je me hâte de les pousser dehors :

Allons dîner. La petite trattoria du coin à bonne réputation...

Ils descendent les cinq étages à pied. Moi, je prends l'ascenseur. Seule. J'ai besoin d'un temps pour me remettre et me préparer à la suite.

Eh bien, la suite s'est très bien passée. Durant le repas, les « prétendants » s'entendent comme larrons en foire.

Ils s'accordent sur tout. De la corruption des député jusqu'aux magouilles de la politique en passant par la musique. Moi ? Je n'existe pas.

Pour pa part, je me sens coupable à leur encontre, et compte les inviter tous. Au dessert, je saisis l'addition (elle me ruine jusqu'à l'été !).

Grand seigneurs, ils ne veulent pas en entendrent parler et jettent négligemment leur trois cartes de crédit sur le plateau.

En bas de chez moi, devenus meilleurs amis du monde, nous nous séparons en nous promettant de nous revoir très bientôt.

Voilà mon cher Quatre, les ultime aventures de Tintin en Italie.

Ah, derniers détails : l'Homme aux Menottes se nomme Gianni Pinelli, et pas Giovanni ! Pour les deux autres, le premier je ne sais toujours pas en quelles circonstances je l'ai rencontré, mais le second...Se trouver au dîner des célibataire et était placé...A ma droite !

Mon Divorcé ma fait si grande impression que je n'ai jamais douté que ce fusse lui « Giovanni ». Alors qu'il n'a même pas appelé !