Écrit par HateWeasel
40. The Second Waltz.
C'était le soir du Bal Traditionnel de l'École Privée Warwick et la fête battait son plein. Les enfants de l'élite qui étudiaient à Warwick et qui avaient le privilège de participer à ce genre de bal étaient peu nombreux. C'était une reproduction intentionnelle des bals de l'ère Victorienne pendant la première partie, qui passait à quelque chose de plus décontractée après. La salle de bal de Warwick était élégamment décorée, comme l'étaient les invités dans leurs costumes tape-à-l'œil, leurs robes et autres. Même la table où se trouvaient les boissons était chic, complétée d'une sculpture de glace.
Oui, la plupart des élèves de Warwick étaient là, et passaient un bon moment. Contrairement à deux élèves que nous connaissons, qui n'y étaient pas. Ciel Phantomhive n'avait aucun intérêt à se rendre à un événement si stupide et donc son ami Alois Trancy était lui aussi resté à la maison. Ils firent ce qu'ils auraient fait n'importe quel vendredi soir. Ciel était dans sa chambre, en train de lire, et Alois était en train... d'Aloiser.
Cependant, le bleuté avait du mal à se concentrer sur son livre. Il y avait un mince bruissement d'origine inconnue qui déjouait ses tentatives d'apprécier sa lecture. Il écouta attentivement mais le son était si délicat qu'il ne pouvait simplement pas l'identifier.
Il posa son livre, en colère, et se leva. Il se déplaça à travers la pièce pour mieux cibler le bruit, sans succès. Il se dirigea finalement vers la porte et tourna la poignée à vive allure. En passant sa tête dans le couloir il pouvait toujours entendre le bruit, mais un peu plus clairement.
Le bleuté sortit dans le couloir et localisa la direction d'où venait le mystérieux bruissement et se mit à marcher. Plus il s'approchait, plus le son était clair.
Une chanson ? pensa-t-il, on dirait que je l'aie déjà entendu quelque part.
Alors qu'il se rapprochait encore, il réalisa qu'il s'agissait en fait d'une chanson. Encore plus près, il conclut que c'était une voix de femme. Plus proche, c'était de l'Italien.
Ciel se trouvait devant la chambre du blond. La porte était entrouverte et de la musique s'en échappait. Le blond était allongé sur le lit avec son bras sur ses yeux. Il n'avait pas l'air endormi, mais plutôt d'apprécier la musique. C'était une musique légèrement mélancolique avec une indubitable touche romantique et puissante. Ciel écouta et essaya de comprendre les paroles.
O mio babbino caro,
mi piace, è bello bello,
vo'andare in Porta Rossa
a comperar l'anello!
Si, si, ci voglio andare!
E se l'amassi indarno,
andrei sul Ponte Vecchio
ma per buttarmi in Arno!
Cela ne servait à rien d'essayer de comprendre les paroles. Le bleuté ne parlait simplement pas Italien. Il ouvrit la porte et rentra, ce qui informa immédiatement l'autre garçon de sa présence.
Alois bougea légèrement son bras et jeta un coup d'œil. Ses yeux glacés n'étaient quasiment pas visibles alors qu'il regardait l'intrus.
- Bonjour, que puis-je faire pour toi ? intervint-il.
Le bleuté fit quelques pas dans la chambre.
- C'est très fort. Je pouvais entendre dans tout le couloir, dit-il.
Alois se leva du lit, se dirigea vers le lecteur CD et ajusta le volume.
- Désolé, dit-il en souriant à son ami.
- Ce n'est pas grave. C'était quelle chanson ?
La question rendit Alois plus gaie.
- C'est « O Mio Babbino Caro », dit-il en tournoyant.
- Par qui ?
Il attrapa le boîtier du CD sur son bureau et le retourna.
- C'est écrit « Renée Fleming », mais c'est une reprise, je pense.
- Je ne savais pas que tu aimais l'Opéra.
L'adolescent aux cheveux ardoise s'avança et prit le boîtier pour l'inspecter.
- Le titre dit juste « Classical Hits ».
- Ouais, c'est une compilation de musique classique. C'était bon marché.
- Charlotte Church, Bond, John Williams, Sarah Brightman... énuméra-t-il.
- Tout de même, il y a des noms plutôt connus, continua-t-il, lequel est ton préféré ?
- « The Second Waltz » par André Rieu.
Ciel s'arrêta un moment.
- Ah, oui... commença-t-il, c'était le bal ce soir, non ? Je suis surpris que tu ne veuilles pas y aller, en voyant à quel point tu aimes danser.
Le blond gloussa et afficha un sourire au bleuté.
- Eh bien, si nous y étions aller, tu aurais détesté. Et je ne pouvais pas y aller seul, ce ne serait pas drôle sans toi ! dit-il.
Une rougeur attaqua le visage de Ciel, … Ce ne serait pas drôle sans toi ? Bon sang. Et ce sourire, ce gloussement ? Comment quelqu'un pouvait-il être si mignon ?
Un long silence s'installa dans l'air, malgré la douce musique en fond. Sans dire un mot, le bleuté regarda le boîtier une fois de plus avant de changer la piste. Il passa les chansons jusqu'à trouver celle ô si familière au blond, « The Second Waltz ».
Il tendit une main au blond qui restait sans voix face aux actions du garçon. C'était tellement étrange de la part de Ciel d'offrir une danse de son plein gré. Hésitant, le blond prit sa main et fit une révérence, en prenant un moment pour sourire à son ami, et en combattant un rougissement grandissant. Normalement, il lancerait une remarque railleuse comme « Oh, Ciel Phantomhive veut danser ? Est-ce qu'il va se mettre à neiger ? », mais non. Pas ce soir. Il n'allait pas ruiner cet instant, cela ne se reproduirait peut-être jamais.
Ils prirent la position standard. Ciel mit sa main gauche sur la hanche d'Alois, tandis que le blond mit sa main droite sur l'épaule du garçon. Leurs mains restantes s'entrelacèrent comme elles le devaient. Puis, ils s'arrêtèrent pour se regarder, en rougissant, avant de commencer.
Un, deux, trois, quatre. Pas après pas, se mouvant avec la musique. L'allure était légèrement plus rapide de ce dont le bleuté avait l'habitude, alors il parvint à marcher sur le pied de l'autre garçon plus d'une fois. Il bégayait rapidement « désolé » et le blond gloussait en lui disant que ce n'était pas grave. Il s'en fichait. Tous les deux.
Ils tournèrent encore et encore, jusqu'à ce que la chanson s'arrête et qu'ils réalisent à quel point ils étaient proches. Le temps sembla s'arrêter alors qu'ils se regardaient dans les yeux. Soudain, leurs paupières devinrent lourdes et se fermèrent tandis qu'ils se rapprochaient encore plus. De plus en plus, de plus en plus, et de plus en plus, jusqu'à ce que leurs lèvres ne soient qu'à un cheveux l'une de l'autre...
Toc, toc, toc !
Leurs yeux s'ouvrirent brusquement et ils se séparèrent précipitamment alors que l'on frappait à la porte. Ils se redressèrent rapidement, maladroitement, et se raclèrent la gorge. L'un fit signe à l'autre lorsqu'ils sentirent qu'ils étaient prêts.
- Entrez, appela Ciel en essayant de garder une voix sereine.
La porte s'ouvrit et un grand homme vêtue de noir apparu.
- Pardonnez mon intrusion, jeune maître, mais j'aimerais vous informer que le dîner est servi, dit-il.
- Oh, merci, Sebastian. Nous descendrons dans quelques instants.
- Très bien, jeune maître.
Sebastian se courba et disparut une fois de plus derrière la porte en la fermant.
Une fois de plus le silence entra dans la pièce, ne laissant rien d'autre que le son du CD qui jouait en fond. Alois se racla la gorge et détourna son regard du sol pour regarder l'autre garçon dans la pièce.
- Devrions-nous y aller ? demanda-t-il.
- Oui, allons-y, répondit Ciel en faisant quelques pas vers la porte avant de faire signe à l'autre de suivre.
Tout était silencieux à table ce soir-là. Les deux garçons étaient trop embarrassés pour se faire face en ce moment. D'ailleurs, ils pensaient à la même chose :
Sebastian, sale traître.
