Écrit par HateWeasel

51. Flamenco

Ciel Phantomhive observa la pièce dans laquelle on l'avait traîné. Peu importe où ses yeux se posaient, un sentiment d'horreur l'envahissait. Il regarda à sa gauche, à sa droite, et devant lui, écarquillant l'œil un peu plus à chaque fois. Même l'odeur de la pièce était nauséabonde. Où se trouvait-il ? Dans quel genre d'horrible endroit avait-il atterri ?

Eh bien, il était dans la Salle de Danse de Warwick. C'était une pièce propre et spacieuse, de laquelle émanait différents parfums qui se mélangeaient et formaient un doux arôme presque malsain. Toutes les filles qui s'y trouvaient étaient assez jolies et sympathiques, c'était déjà ça. Elles avaient pris la majeur partie des places pour ce cours, ce qui était logique. Il y avait d'autres garçons à part le Phantomhive. Naturellement, Alois y était, mais Kristopherson, Travis, Preston et Daniel y étaient aussi, quelle qu'en soit la raison. Néanmoins le bleuté était désespéré quant à tout cela.

Il ne dansait pas. Alois l'avait forcé à venir ici, et il avait d'ailleurs l'air beaucoup trop excité. Le blond pouvait danser et appréciait cette activité, d'où la raison de sa venue. Kristopherson était ici parce que 1 : il aimait aussi danser, et 2 : Alois était présent. Travis aimait bien danser, lui aussi. Preston était ici pour la même raison que le bleuté. On l'avait forcé à s'inscrire, et il ne voulait pas non plus être ici. Le pauvre Indien avait été « persuadé » de rejoindre ce cours par nul autre que Daniel, qui lui était ici, pour quelle raison, exactement ?

- Pour parler aux filles, dit le brun, répondant à la question.

- Je croyais que tu étais avec Anastasia ? demanda-déclara à moitié Ciel.

Daniel haussa les épaules.

- On a rompu, dit-il comme si ce n'était pas nouveau. Mais qu'importe, trouver une copine ce n'est pas si dur.

Apparemment, il était le genre de personne qui sortait pour les apparences. Ne vous méprenez pas. Le garçon aime les filles. Il ne comprenait simplement pas tout à fait le concept d'une « relation ». Ciel leva les yeux au ciel et secoua la tête.

- Dans ce cas, pourquoi es-tu là, Phantomhive ?

Pour plaisanter, Daniel donna des petits coups de coude au petit garçon.

- Ta femme t'a traîné avec elle, hein ? dit-il en souriant à pleine dents.

L'adolescent aux cheveux ardoise repoussa doucement le garçon, et fit de son mieux pour atténuer son rougissement.

- Ce n'est pas ma femme ! déclara-t-il en regardant le blond.

Alois détourna le regard et se couvrit la bouche pour essayer de cacher son rire. Ça ne le gênait pas d'être appelé la « femme » du garçon. Cependant, il ne comprenait pas pourquoi il était la « femme ».

Des discussions remplirent l'énorme salle avec les six garçons et la troupe de filles combinés. Les garçons se taquinaient sur leur présence ici, alors que les filles parlaient des garçons. Ils furent tous stoppés par l'institutrice qui frappa des mains pour avoir leur attention.

- Excusez-moi ! Silence, les enfants ! dit-elle.

Leur interlocutrice n'était nul autre que leur professeure de chorale, Mlle Bristow. C'était elle qui leur avait appris à danser la valse avant le bal de l'école. Ciel lança un regard furieux au blond qui, à en juger par son sourire et l'amusement dans ses yeux, n'allait jamais oublier cela.

- Bienvenue au Cours de Danse, continua-t-elle. J'imagine que vous êtes tous ici parce que vous appréciez la forme d'art qu'est la danse.

- J'aime aussi les jolies filles !

Bizarrement, ce fut Daniel qui l'interrompit, gagnant une ribambelle de gloussements de la part des filles. Normalement, ce genre de commentaire était attendu de notre démon blond, pas du fils d'un homme politique. Plagiat.

- Assez ! dit Mlle Bristow en frappant des mains à nouveau. Daniel, encore un commentaire de ce genre, et vous performerez Le Lac Des Cygnes tout seul, devant toute la classe.

Il n'y avait pas une once de mensonge dans sa voix.

- Mais je ne connais pas Le Lac Des Cygnes !

- Exactement. C'est plus drôle ainsi, plaisanta la professeure. Cette fois, elle rigola. Je veux que vous répondiez tous à une question : « pourquoi dansons-nous » ?

Il y eut un long silence. De nombreux élèves baissèrent les yeux et évitèrent d'avoir un contact visuel avec la femme. Une fille finit par parler sans même lever la main.

- Parce que c'est amusant ?

- Oui, danser est amusant, mais j'espérais quelque chose de plus...

Elle balaya du regard la salle, et ne trouva personne qui pouvait lui répondre. Elle y répondit elle-même avec un soupir.

- Danser est une forme d'expression. C'est un art.

La pièce fut de nouveau rempli par le brouhaha des nombreux chuchotements, disant Dieu sait quoi.

- Maintenant, dit-elle, un exercice rapide, je vais mettre de la musique, et vous allez bouger de la façon dont vous la ressentez.

Elle mit en route le lecteur CD. Une musique dynamique et pleine d'entrain se dispersa dans l'air, mais personne ne dansa. Même ceux qui aimaient danser étaient trop embarrassés. Que faire ? Que pouvez-vous y faire ? Les adolescents sont si agaçants avec leur besoin d'être « cool », ils sont du genre à se mettre des bâtons dans les roues intentionnellement pour ne pas ressortir du lot. Ils portaient tous leurs claquettes, mais aucun d'entre eux ne dansaient. Tous restaient figés. Ils restaient silencieux, seul la musique pouvait être entendue.

Clap, clap, tappeti-tap, clap, clap, tap !

Des têtes se tournèrent vers l'origine du bruit. Le porteur des claquettes pleines de vie n'était nul autre que notre heureux danseur blond, Alois Trancy. Ses jambes bougeaient rapidement en rythme, les clappements de ses pieds y ajoutant sa propre touche.

Bon, c'était un peu maladroit pour des claquettes. Il n'avait jamais appris. Alois copiait simplement ce qu'il avait vu de son ancien majordome, Claude Faustus. Il l'avait observé danser le Flamenco de nombreuses fois, et avait secrètement toujours voulu essayer de lui-même.

Il en avait l'occasion à présent, et il était enchanté. Il se fichait de l'image qu'il reflétait chez les autres, et fit ce qui lui plaisait, tout comme ses pieds. Le blond gardait les bras dehors pour rester en équilibre, mais il se concentrait surtout sur ses pieds. Il regarda ses amis, souriant à pleine dents en voyant que les pieds de Travis et de Kristopherson commençaient aussi à se mouvoir.

Ils commencèrent petit à petit, tapant en rythme, puis ajoutèrent plus d'originalité. Bientôt ils furent trois à danser. Trois devint six, alors que certaines filles avaient décidées de les rejoindre, puis six devint douze, et ainsi de suite.

Presque toute la salle fut remplie des clip et des clap des claquettes. Le volume du lecteur CD fut donc mis au maximum afin de toujours entendre la musique. Daniel et Preston se prirent finalement au jeu, et il ne resta qu'une seule personne pour ne pas danser. Un garçon. Ciel Phantomhive.

Ciel n'était pas du genre à suivre la masse juste pour « s'amuser ». Il n'allait pas danser, et cette fois, il le pensait. Le garçon refusait d'être persuadé par le blond cette fois-ci. Il allait rester planté là, et être la seule personne raisonnable de la pièce. Il fronça les sourcils en découvrant que son propre pied commençait à taper en rythme, et se força à arrêter.

Sa frustration ne fit que grandir lorsqu'Alois commença à danser autour de lui. Le blond était déterminé à faire danser ce garçon. Il l'avait déjà fait deux fois auparavant, et il voulait le faire une troisième fois. Un sentiment pétillant de bonheur se manifestait quand il dansait, comme le faisait le bleuté. Combiner ces deux choses le rendait si heureux, qu'il pouvait tomber dans les pommes. Et Alois savait que cela rendait aussi son ami heureux.

Il prit les mains de Ciel joyeusement, et dansa avec elles alors que le garçon restait cloué au sol, dans son point d'observation. Il pouvait voir le rougissement sur le visage de son ami.

- Je ne danserais pas, déclara le bleuté.

Il le disait autant pour lui que pour le blond.

- Pourquoi pas ? C'est amusant, non ?

- Ce n'est pas une raison...

- Alors quelle est la raison ?

- Quelqu'un nous verra... dit Ciel, trouvant soudainement le sol extrêmement intéressant.

- Et ?

- Il y a déjà assez de rumeurs sur nous.

Il releva la tête pour regarder le blond et lui donner un regard sérieux.

- Ce ne sont que des rumeurs, pas vrai ? Qu'est-ce que ça peut faire ? Je pense que tu t'en fais trop pour les apparences.

Le bleuté soupira d'exaspération. Ce garçon à qui il parlait ne connaissait simplement pas le concept de la honte.

- Et si c'est le cas ?

- Alors tu n'as aucun sens, commença Alois, arrêtant sa danse. Tu dis souvent que tu te fiches de tous ces gens, et qu'ils sont ignorants, en-dessous de toi. Si c'est le cas, pourquoi leur opinion t'est-elle si importante ?

Il maintient sa prise sur les mains de l'autre garçon. Ciel pouvait sentir son poule. Pourquoi est-ce que son coeur battait si vite ? C'était sûrement à cause de toute cette danse.

Mince. Alois avait raison. L'adolescent aux cheveux ardoise détestait cela. Il avait coincé le petit garçon.

- Alois... C'est... C'est juste que-

DRIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIING !

La sonnerie retentit, indiquant que le cours était terminé. Ciel s'échappa rapidement du piège du blond pendant qu'il était distrait et attrapa ses affaires.

- Allez ! Nous allons être en retard !

- Menteur. Je sais que tu t'en fiches que l'on soit en retard...