Écrit par HateWeasel

55. Bernard Le Canard Est Mon Acolyte.

Ceux demeurant au manoir Phantomhive s'étaient souvent demandés pourquoi le maître des lieux avait rappelé d'entre les morts le plus problématique des blonds. Pourquoi dont le bleuté l'avait-il fait ? Était-ce parce qu'il se sentait seul et désirait un compagnon ? Était-ce un caprice ? Si oui, pourquoi Alois Trancy parmi tant d'autres ?

Ces pensées surgissaient souvent dans l'esprit dudit garçon. Alors que Ciel avait des difficultés à déceler la façon de penser d'Alois, Alois avait du mal à comprendre celles du bleuté. Il n'y pensait pas souvent, mais certaines nuits le ramenaient à l'inquiétante nuit de l'automne dernier, et celle d'aujourd'hui n'y échappait pas. À un moment, il était dans l'esprit de Ciel, après il fut avec Hannah et Luka, puis dans le sous-sol du premier, complètement nu, et on lui apprit que plus d'un siècle était passé. C'était comme un rêve dont il ne pouvait pas se réveiller, mais ce n'est pas comme s'il le voulait.

Alois était assis à son bureau, et fixait le plafond de sa chambre en réfléchissant. Pour une raison ou pour une autre, c'était lui que le mystérieux adolescent aux cheveux ardoise avait choisi de ressusciter. Il n'était pas encore tout à fait sûr de comment il avait réalisé cette prouesse. D'après Ciel, créer un corps humain était plutôt simple grâce à l'alchimie, et si l'on possédait tous les ingrédients. Lui faire prendre la forme que l'on désirait était tout aussi simple, il avait utilisé ses propres souvenirs du garçon pour modeler le corps comme il le souhaitait.

Oui, la peau qu'il portait n'était même pas la sienne. Il se regardait souvent dans le miroir et restait bouche bée en voyant à quel point c'était précis. Pourquoi Ciel se souvenait-il aussi bien de son visage ? Il n'avait pas vu le blond pendant plus d'un siècle, pourtant on aurait dit que cela ne faisait que cinq minutes. Pourquoi ? Avait-il une mémoire photographique ou quelque chose comme cela ? Les questions que se posait le blond ne s'arrêtaient pas là.

Son vrai corps était soi-disant enterré dans un vieux cimetière pas loin. Ça, c'était quelque chose de dur à avaler. Savoir que quelque part, son propre corps est en train de pourrir et d'être dévoré par des vers et des insectes, six pieds sous terre. Pourtant, il se sentait toujours bien même en sachant cela. Il avait l'impression que le corps souillé qui le répugnait, était en quelque sorte lavé. Il aimait bien cette idée.

Bon, cela expliquait le corps, mais qu'en était-il de l'âme ? Alois avait aussi demandé cela au bleuté. Après tout, son âme avait été dévoré par Hannah, et la servante était morte. Comment Ciel avait-il fait ? D'après lui, il ne lui avait fallu qu'un seul élément. La bague qui contenait son âme il y a des années.

La bague se trouvait dans le clocher, derrière le Manoir Trancy, là où le blond l'avait laissé. Ciel n'avait eu qu'à aller la récupérer. Ainsi, il y avait pu attacher une âme presque inatteignable au monde des mortels. Soudain, le blond compris. Il avait trouvé une explication plausible à la question de : pourquoi lui.

Parce que c'était simple. Imaginons, que le Comte borgne soit devenu capricieux. Parmi les autres connaissance du garçon, lesquelles possédaient un objet contenant leur âme ? La réponse est aucune.

Alois ne savait pas comment réagir. Il ne savait pas s'il devait se sentir triste, en colère, heureux, chanceux ou reconnaissant. À cause de ce, ce... coup de chance, il avait pu obtenir une deuxième chance. Toutefois, il n'était pas spécial pour l'autre garçon. Ce dernier s'ennuyait et voulait montrer son pouvoir, le blond avait juste été compatible.

Mais qu'est-ce que le garçon attendait de lui après l'avoir ressuscité ? Il aurait simplement pu s'en débarrasser, s'il l'avait voulu. Mais Ciel avait décidé de le garder comme animal de compagnie, et de le faire vivre dans la société moderne. En peu de temps, il était passé de « animal de compagnie » à « ami », et à présent, il repensait à tout cela. Tout ce qu'il savait, c'était qu'à un moment, que ce soit quelques minutes, quelques mois, quelques années avant d'être ramené, ou peut-être juste après, quelque chose avait changé chez le bleuté.

Le blond s'était demandé quoi, quand, et il avait même directement posé la question au garçon, mais Ciel ne répondait que « Je ne sais pas », « Ce n'est pas tes oignons », ou « Ça me regarde ». Ne pas savoir démangeait le blond. Il était frustré de ne pas comprendre les intentions de son ami. Ne pas savoir est toujours pire que savoir. Les émotions du bleuté étaient comme une boîte remplie de possibilités. Le Comte de Schrodinger, peut-être ? Le blond ne pouvait pas savoir ce que pensait le garçon, puisqu'il ne pouvait pas regarder à l'intérieur. C'est ainsi que sont les gens, je suppose, que ce soit humains, ou démons.

Ciel avait ses raisons. L'ère Victorienne, dans laquelle il était né, lui manquait. Il avait une certaine nostalgie. Cependant, il n'avait rien trouvé qui puisse égaler le sentiment d'y avoir été. Les séries télévisées étaient imprécises, et de nombreuses choses de cette période avaient été « modernisées », ou avaient simplement disparus. Peut-être voulait-il juste quelqu'un à qui se confier, étant incapable de le faire avec Sebastian, qui lui était en mesure de s'ajuster au changement. J'imagine que c'est normal. Il est immortel après tout, et le temps change et évolue constamment.

Peut-être que son adoucissement au fil du temps, l'avait rendu plus enclin à ces choses là. Peut-être que son éternelle jeunesse le rendait plus susceptible à être solitaire. Le garçon ne pouvait pas trop se rapprocher des autres enfants de « son âge », puisqu'il était un démon. Les amitiés qu'il tissait, étaient à court terme afin de maintenir l'illusion de son humanité. Que ses amis vieillissent et meurent alors qu'il reste jeune à jamais, serait plutôt étrange. C'était encore un autre inconvénient. La mort de ses amis humains était imminente. Ne serait-il pas mieux d'avoir un ami qui y échappe ?

Ciel savait probablement tout cela. Cependant, sa fierté et son égo ne le laisseraient jamais le reconnaître. C'était tellement hors de caractère pour lui, sans vraiment l'être. Après tout, il n'était qu'un enfant.

Ramener Alois était plus simple, mais il avait aussi l'impression de vraiment connaître le garçon. Ils avaient partagé un corps et des souvenirs. Dans un sens, il pouvait vraiment s'identifier à l'étrange blond, et peut-être s'agissait-il d'un autre facteur.

Quoi qu'il en soit, il ne le regrettait pas. Il avait obtenu son premier véritable ami. Pas un parent, pas une connaissance, pas un associé, pas une sorte de fou le suivant partout, mais un ami. Il était réellement heureux en parlant avec le blond, même s'ils étaient totalement opposés.

Alois avait des cheveux clairs, les siens étaient foncés, Alois était extraverti, il était réservé, Alois aimait les fish 'n chips bien grasses, il aimait les gâteaux. Ces différences rendaient leur entente parfois un peu compliqué, puisque le blond était « un idiot ». En tout cas, ils s'entendaient à merveille.

On frappa à la porte du bleuté.

- Entrez, dit-il.

- Pppphhhhhbblghblghblghblghbl ghblgh...

- Alois, arrête d'utiliser la porte pour faire des bruits dégoûtants, et rentre.

La porte s'ouvrit, révélant le garçon blond. Il rentra dans la chambre comme s'il s'agissait de la sienne.

- Quoi ? C'est drôle les pets !

- Pour un imbécile comme toi, peut-être.

- Oh, Ciel ! Tu viens de me blesser ! geint le blond d'une façon mélodramatique avant de tomber la tête la première sur le lit du bleuté. Je m'ennuie, dit-il contre la couette.

- Alors va faire quelque chose.

- Comme quoi ?

- Je ne sais pas, lis un livre.

- Va te faire foutre.

Ciel se maudit immédiatement pour être tombé dans le piège. Il s'ajusta, et se tourna sur sa chaise pour regarder le blond.

- Alors, que proposes-tu ?

- Jouuuuuuuue aveeeeeeec moiiiii ! se plaignit le blond en roulant sur le lit.

- Bataille Nerf à mort ?

- Hahahaha, hors de question.

- Va embêter ton canard en plastique, dans ce cas.

Alois s'assit et lança un regard mauvais au garçon.

- Il a un très joli nom, tu sais.

Il se dirigea vers Ciel et le regarda dans l'œil.

- Il s'appelle Bernard.

- Je m'assurerai de te prévenir lorsque j'en aurai quelque chose à foutre.

Le garçon se prit un petit coup sur la tête. Pas très fort, mais assez pour le surprendre.

- Comment oses-tu l'insulter, sale ordure !

- Ce n'est pas un vrai canard ! cria le bleuté en bloquant la plupart des attaques restantes du blond.

- Il ne le sait pas !

- Bien sûr que non ! Il n'est pas vivant, ducon !

Aussi vite qu'il avait commencé, le blond s'arrêta.

- Oui, je sais, dit-il en souriant.

- Tu es un lunatique, tu le sais ça ?

- Oui, mais tu m'aimes quand même.

- Je ne t'aime pas !

Le visage du bleuté était devenu complètement rouge. Comment quelqu'un pouvait-il être si décontracté à propos de cela ?

- Aw, voyons, tu blesses mes pauvres sentiments !

- Peu importe.

Ce fut tout ce que le garçon put dire. Il ne savait pas quoi dire d'autre. Le blond était si instable, que tout ce qu'il pouvait dire, pouvait aller dans n'importe quelle direction. Le blond pouvait le tourner dans le sens que son cœur le désirait, et le faisait.

- D'accord, je peux te demander quelque chose, sinon ? demanda le blond.

- Quoi ?

- Explique-moi : Pourquoi m'as-tu ressuscité ?

- Pourquoi demander ?

- J'y pense depuis un moment.

Le voix d'Alois devint douce, et étrangement sincère. Ciel prit une profonde inspiration avant de regarder le blond droit dans les yeux.

- Je te l'ai déjà dit. Je ne sais vraiment pas, Alois.

- C'est faux ! cria le blond.

- Non ! cria à son tour le bleuté en se levant.

Sa chaise tomba en arrière, et Alois ne bougea pas, surpris. Il ne pouvait pas savoir si son ami était énervé, ou juste sur la défensive. Quoi qu'il en soit, il fut réellement étonné. L'adolescent aux cheveux ardoise le remarqua, et se força à se calmer et à ajuster son ton.

- Désolé, dit-il, je ne sais pas. J'imagine que je... je voulais juste quelque chose de... familier ?

Il ne savait pas vraiment ce qu'il disait. Il prononçait la première chose qui lui passait par la tête, pour une fois. Ciel se sentit stupide et continua à fixer le sol. Il n'était pas le seul à être confus par ses actions. Le blond l'était lui aussi. Mais il pouvait toujours en quelque sorte, comprendre ce qu'il disait.

- Tu veux dire... Comme, quelqu'un qui comprend ce que ça fait d'être dans une nouvelle époque ?

- Je pense... et... Tu étais le seul que j'avais une chance de ressusciter, et...

Il n'était pas sûr de savoir où il se dirigeait.

- Je peux en quelque sorte... me reposer sur toi... ?

Il avait l'impression d'être un idiot jacasseur. Il n'aimait pas être confronté avec ces pensées et ces sentiments. Il aimait encore moins les exprimer.

Alois ne pouvait que le fixer, ce qui ne devait pas aider le garçon, mais il était heureux. Il ne savait pas comment l'exprimer. Il ne voulait pas ruiner cet instant en faisant, ou en disant quelque chose de stupide. Néanmoins, il voulait toujours savoir, surtout maintenant que l'autre était enclin à répondre.

- Dans ce cas, qu'est-ce que je suis pour toi ?

Ciel aurait pu avoir une attaque cardiaque à ce moment-là.

- C-C'est-à-dire ?

- Suis-je un rival, un ami, un frère, ou peut-être un animal de compagnie comme un chien ?

Le blond tremblait presque, mais il voulait continuer, en cachant ses nerfs sous un masque, pour donner l'impression qu'il savait ce qu'il faisait alors qu'en fait, il n'en avait aucune idée.

- Que penses-tu de moi ? Je meurs d'envie de le savoir... muffin.

Muffin ? Le mot se répéta dans l'esprit de Ciel. Pourquoi disait-il cela ? Ce mot était si hors-sujet, jusqu'à ce qu'il se souvienne de son utilisation habituelle.

Le blond disait souvent «Je t'aime aussi, muffin » de manière taquine lorsqu'il était insulté ou qu'il n'était pas pris au sérieux par le bleuté. C'est en se souvenant de cela, que le bleuté réalisa ce qu'il voulait dire. Le blond se confessait indirectement à lui.