Écrit par HateWeasel
103. Cassandra.
Durant les jours qui suivirent, tout était calme du côté des garçons. Ils n'aimaient pas être impliqués dans les affaires des autres, alors ils ignorèrent les filles à l'école. Bien qu'ils aient remarqué un étrange comportement entre Cassandra et August, ils n'intervinrent pas. Il valait mieux laisser ces choses se faire d'elles-mêmes, non ?
August semblait être plus distante envers sa maîtresse, ne marchant plus que quelques pieds derrière elle, ne l'aidant plus à accomplir certaines tâches qu'elle devait remplir, et ne restant plus à ses côtés, préférant errer et parler avec d'autres personnes à la place. Dieu sait ce qu'il se tramait. La jeune maîtresse elle-même semblait plus apeurée, surtout lorsque August était dans les parages. Elle se faisait souvent toute petite sous le regard de la démone, et se soumettait lorsqu'on lui demandait de faire quelque chose. La fille entêtée, autoritaire, et condescendante que la classe avait connu était partie, et bien que la fille qui l'avait remplacé lui ressemblait comme deux gouttes d'eau, son comportement n'était absolument pas le même. Cette nouvelle fille était silencieuse et renfermée. Alors que Cassandra arborait sans cesse une grimace, cette fille semblait constamment terrifiée. Cette Cassandra était pathétique, oui, difficilement une ombre d'elle-même.
Ce n'était peut-être techniquement pas exact. En fait, Cassandra agissait ainsi il y a quelques années, depuis la nuit où ses parents étaient tombés dans un bain de leur propre sang devant ses yeux. Elle avait seulement survécu cette nuit-là car le tireur masqué avait affirmé « ne pas tirer sur des gosses », dans un cruel acte de pitié.
Elle était restée aux côtés de ses parents jusqu'à leur dernier souffle, la laissant seule, et perdue. Peu de temps après, d'étranges hommes en costumes noir portant des lunettes l'avaient forcée à les quitter.
Ce n'est pas un endroit pour les enfants. Rentre chez toi, lui avaient-ils dit, mais hélas, elle ne savait pas comment.
Durant les jours qui suivirent, elle avait dû errer dans les rues à la recherche de son chemin. Elle avait dormi dans les impasses et les stations de métro, fuyant de nombreux groupes d'hommes plus d'une fois. Ils lui avaient offert de la nourriture, de l'argent, et un toit, mais elle avait senti que quelque chose n'allait pas alors elle avait couru aussi vite qu'elle le pouvait.
Allant toujours de l'avant, elle s'était aventuré à la recherche de son « chez soi », faisant de son mieux pour ignorer la faim et la fatigue, jusqu'à ce que finalement, ses petites jambes d'enfant de douze ans ne s'effondrent. Ses vêtements sales étaient si humides, et n'avaient pas pu la protéger de l'air frais de la nuit. Son estomac avait rugi et l'avait démangée de l'intérieur telle une bête féroce, ne la laissant pas profiter d'un moment de repos. Les plantes de ses pieds étaient usées à force de marcher et ses jambes l'avaient fait souffrir, alors qu'elle s'était allongée sur le béton.
Oh, comme elle avait voulu en finir. Ce fut par un quelconque miracle qu'elle avait rencontré cet homme qui lui avait offert un toit pour la nuit. Elle avait mangé de la bonne nourriture, se débarrassant de la terre qui s'était accrochée à elle durant ces dernières semaines, et elle avait reposé ses jambes souffrantes. C'était un homme bon. Elle avait voulu que ces jours ne cessent jamais. Peut-être aurait-elle pu être heureuse. Malheureusement, ce ne fut pas le cas.
Elle avait rapidement découvert les vraies intentions de l'homme. Il ne l'avait pas traité aussi bien par simple générosité, mais afin de l'offrir en sacrifice lors d'un rituel abominable. Elle n'avait pas le droit d'entrer dans le sous-sol de la maison de l'homme, mais en se réveillant elle avait réalisé qu'elle s'y trouvait. Ce fut à ce moment qu'elle avait rempli le premier critère. Lorsqu'elle avait vu l'autel, les lames, et les os chez cet homme, qui avait été si bienveillant avec elle, cet homme, qui l'avait sauvée d'une mort certaine et douloureuse, cet homme, qui allait brutalement mettre fin à sa vie, elle en été venue à cette conclusion :
Dieu n'existe pas.
Il n'y avait pas de « sauveur ». Il n'arrivait rien de bon à ceux qui ne pêchaient pas. Tout ce qu'elle avait appris dans le bon livre ne s'était avéré qu'être un mensonge. Elle n'était qu'une innocente fille âgée de douze ans. Qu'avait-elle bien pu faire pour mériter tout cela ?
Je n'irai pas dans les détails, mais elle porte encore aujourd'hui les marques qui furent gravées dans sa peau ce jour-là. Elles avaient cicatrisées, mais les symboles et les insignes tracés à l'aide d'un couteau pouvaient encore être visible sur sa peau pâle et lisse, là où les pigments manquaient à l'appel. Lorsque le couteau s'était planté dans sa peau d'innombrable fois, elle avait rempli le deuxième critère. Elle voulait désespérément survivre.
Elle avait souhaité que tout se termine. La souffrance, la peur, la colère, la tristesse. Tout, pourtant elle n'avait pas voulu mourir. La mort était le sort des faibles. Ce n'était que lorsque l'on se tenait debout et que l'on se battait que l'on pouvait piétiner les faibles. Cet homme n'avait pas mérité cela. Ce fut pour cette raison que le malin n'était pas apparu devant lui, mais devant Cassandra.
Ce fut à cet instant que la tristesse de Cassandra s'était transformée en rage, et que sa peur était devenue de la haine. Depuis ce jour, elle possédait une apparition démoniaque. Elle avait gardé cette haine hargneuse des années après, mais avec le temps, elle avait réalisé qu'elle souhaitait simplement oublier le passé et aller de l'avant.
Sans jamais revoir les horreurs qu'elle avait vécu. Mais cela allait à l'encontre de la promesse qu'elle avait faite ce jour-là. August ne comptait pas la laisser oublier, non plus, et désormais, c'était la raison pour laquelle elle était redevenu celle qu'elle était auparavant, misérable, et insignifiante. À présent elle ne voulait plus penser au passé, ni au futur et à la terreur qui l'accompagnerait.
La véritable raison de sa visite au domaine Phantomhive avait été de s'assurer qu'il ne soit pas une menace, et qui sait, de se faire un ami sur qui elle aurait pu compter. Ciel, étant donné qu'il possédait un démon, avait dû vivre une expérience similaire à la sienne, faisant de lui une personne pour qui elle éprouvait de la sympathie.
Mais elle n'avait pas été reçu avec bienveillance. Au contraire, le garçon n'avait fait qu'empirer les choses, faisant remarquer à sa servante la faiblesse qui l'habitait.
Il devait savoir ce qu'il avait fait, et il n'allait même pas l'aider ? Sous sa peur d'August, elle exécrait le bleuté. Finalement, après qu'August l'ait laissée seule un moment pour aller faire on ne sait quoi, Cassandra avait laissé ce sentiment remonter à la surface.
Elle se leva et se dirigea sans hésitation là où le Phantomhive et son compagnon blond étaient, discutant de tout et de rien. Elle marcha à grand pas, et fut ignorée. Cela n'allait pas se passer ainsi, hors de question. En un éclair, elle fit un scandale en frappant la surface de la table aussi fort qu'elle le pouvait pour obtenir l'attention des garçons. Ses phalanges la piquaient et la faisaient souffrir alors qu'elles prenaient une teinte rose foncé, mais elle n'y fit pas attention.
- Puis-je vous aider, Mlle Bates ? dit le bleuté, tournant sans enthousiasme son attention vers la fille.
Il reposa son menton dans la paume de sa main, et son coude sur la table, pour en quelque sorte, bien montrer son indifférence.
- Oui, oui tu le peux, dit-elle, essayant de garder une voix convaincante. Vois-tu, à cause de toi, j'ai des problèmes de démons à présent.
Alors que le bleuté était connu pour son « Laser Glace », l'énergie qui semblait émaner de l'œil de la fille avait l'air d'être ardente.
Le garçon ignora ce détail.
- Je m'en excuse, mais que pourrais-je faire contre cela, exactement ? C'est entre toi et August désormais, ne me mêle pas à cela, dit-il, envoyant son laser glace.
- Écoute, je t'en supplie, dit-elle, sa voix craquant. Je ne peux pas continuer ainsi. Je ne suis pas comme toi, je n'ai pas la détermination, ou le pouvoir de m'en occuper moi-même...
Ciel ouvrit la bouche pour parler, mais le blond l'arrêta, mettant une main sur son épaule. Il arborait une expression sympathique, ou du moins ce qui se rapprochait le plus de la « sympathie » chez un sociopathe. Alois savait ce que Cassandra ressentait, et cette pointe d'empathie le faisait souffrir. Il n'aimait pas cette fille, pas le moins du monde, mais en même temps, il se sentirait coupable s'il ne lui venait pas en aide. Ils étaient pareils, après tout. Il regarda le bleuté dans l'œil, lui transmettant tout cela sans dire un mot.
Comment Ciel pouvait-il contrarier le blond à cet instant ? Alois ressentait rarement de la compassion pour un « étranger ». Le bleuté ne pouvait pas s'empêcher d'être quelque peu jaloux pour une quelconque raison. Regardant à nouveau la fille, il dit à contrecœur :
- D'accord, que veux-tu que nous fassions ?
- Comment rompre un pacte ? demanda-t-elle.
- Écoute, tu ne peux pas simplement voir cela comme une procédure judiciaire, trouver une faille, et t'en échapper. Tu ne peux pas revenir en arrière. C'est impossible.
Le garçon était bien placé pour savoir, il était lui-même un démon.
- Et si August mourait avant que le pacte soit rempli ? demanda le blond.
- Tuer August ? demanda la fille, surprise. Mais... August...
- Ne me dis pas que tu tiens à elle, dit le bleuté. Si tu n'es pas prête à tuer la personne qui en a après ta vie, alors tu ferais mieux de mourir.
Alois acquiesça. Cassandra hésita avant de demander :
- Est-ce que cela fonctionnera ?
- Comme si je pouvais le savoir. Cela pourrait très bien se retourner contre toi et également te tuer, fit remarquer le bleuté. Il existe différentes types de pactes, certains sont faibles, d'autres puissants, et les démons sont très protecteurs concernant leur proie. Cela pourrait très bien être une forme de « si je ne peux pas l'avoir, alors personne ne pourra ».
- Mais je n'ai pas d'autre choix ? S'il y a ne serait-ce qu'une petite chance de survivre...
- Maintenant tu penses comme un détenteur de pacte, sourit le blond. Alors quel est le plan, chérie ? demanda-t-il au bleuté.
Ciel se racla la gorge, essayant de se débarrasser de la légère teinte rosée sur son visage.
- C'est très simple. Dis à August que je veux bien te donner des informations sur la mort de tes parents. Ainsi elle acceptera de venir. Emmène-la à ce vieux manoir abandonné et nous nous chargerons du reste là-bas.
- Comment diable allez-vous la tuer ? demanda-t-elle.
- Ne t'inquiète pas. Vois-tu, les Phantomhive sont une équipe d'enfer.
Après avoir décidé cela, ils formèrent une alliance, inconscient de la présence du garçon au bonnet-crâne, dont les cheveux noirs cachaient ses yeux, qui écrivait tout cela. Il allait prouver, au moins à lui-même, qu'il y avait bien plus que ce que l'œil humain pouvait voir.
