Écrit par HateWeasel
104. August.
La nuit commençait à tomber au vieux manoir Trancy, et les feuilles bruissaient doucement jusqu'à ce que les plus faibles cèdent sous la force de la brise, tombant au sol. L'automne était arrivé, et l'air était assez frais pour que les garçons à l'extérieur du manoir aient à porter une veste alors qu'ils étaient assis, attendant l'arrivée de leur rendez-vous.
Alors que le Phantomhive et l'ancien propriétaire de la demeure attendaient sur les marches, une troisième personne se cachait dans les buissons, caméra en main. Audrey Baines, ou comme la plupart des gens l'appelaient, « Le Garçon de La Grande Chaise », se faisait souvent rire au nez à cause de sa croyance dans le surnaturel. Sa fascination avait débuté à un jeune âge lorsqu'il avait vu un homme être renversé par une voiture. Ce jour-là, il avait été témoin de quelque chose qui l'avait conduit à s'intéresser au paranormal.
Après que l'homme ait été heurté par le véhicule, un autre homme vêtu d'un costume noir et de lunettes avait accouru vers lui et s'était accroupit près de lui. Les adultes avaient pensé que l'homme à lunettes avait essayé de venir en aide à l'innocente victime d'un accident de voiture, mais cela n'avait pas été le cas. Audrey l'avait vu de ses propres yeux. L'homme en costume et aux lunettes n'avait pas aidé l'homme, mais il l'avait coupé avec ce qui avait semblé être des cisailles. Tandis qu'une telle chose était plausible, ce qui était arrivé par la suite ne l'était pas. De la coupure étaient sorties des bandes de film, stagnant et luisant dans les airs, et montant jusqu'au ciel. Comment expliquer cela ? Les adultes n'avaient pas semblé remarquer, mais ce n'avait pas été le cas d'Audrey. Le garçon aurait à jamais cette image en tête, et personne ne le croirait jamais.
Jusqu'à aujourd'hui. La discussion qu'il avait entendu entre le duo de démons et la Bates pourrait être la clé. Des démons ? Des pactes avec le Diable ? C'était trop beau pour être vrai ! Il était prêt à supporter la douleur dans ses articulations à force de rester accroupi si cela lui permettait de prouver qu'il n'était pas fou. À ses camarades, ses professeurs, ses amis, ses parents, mais surtout, à lui-même. Il retint presque son souffle en voyant les deux filles arriver.
Cassandra et August s'avançaient nonchalamment vers le manoir, côte à côte, mais en silence. Cassandra arborait un air d'indifférence, étant donné qu'il s'agissait de la seule chose qu'elle pouvait exprimer. La démone d'un autre côté, semblait appréhensive. Elle s'attendait à moitié à ce que Cassandra n'aille pas jusqu'au bout, et à ce qu'elle le fasse, mais il y avait autre chose qui la dérangeait, quelque chose qu'elle ne pouvait pas vraiment décrire. C'était comme si son sixième sens s'était activé, elle était donc sur ses gardes.
Elles arrivèrent auprès des garçons, s'arrêtant à quelques mètres, mais ce n'était pas extraordinaire pour une telle situation. On ne pouvait jamais savoir quand les choses allaient mal tourner.
- As-tu les informations ? demanda la jeune maîtresse, retrouvant légèrement son habituel comportement.
Elle sourit lorsque le bleuté sortit une valise.
- Juste ici, dit Ciel, gardant la valise à la vue de tous. Toutes les informations sur le meurtre de tes parents sont juste ici.
Cassandra s'avança pour prendre l'objet, mais elle était en fait en train de s'éloigner. Elle se mit à aller en avant pour abandonner la démone et s'échapper de son emprise à jamais, mais elle ne s'attendit pas à ce qu'August l'arrête.
August arborait un air sérieux, et elle avait le bras levé pour bloquer la route de sa maîtresse.
- Comment s'assurer que ce n'est pas de la camelote ? leur demanda-t-elle.
Le bleuté donna la valise au blond, pour qu'il puisse l'ouvrir et sortir une pile de documents.
- Je suis peut-être un menteur, et un tricheur, mais je n'irais pas jusqu'à revenir sur une promesse.
Ciel savait qu'elle n'était pas stupide, il avait donc fabriqué de faux documents. Avec l'aimable aide d'un certain majordome, cela va de soi.
August s'avança, marchant d'un pas assuré vers les deux gentlemen. Le bleuté remit les faux documents dans la valise, et il la tendit à la fille. Se rapprochant, elle arriva à une distance d'environ cinq pieds des garçons avant de marcher dans un cercle sans le savoir. Des étincelles volèrent, alors que du feu jaillit du cercle. Audrey qui était tapis dans l'ombre, était sans voix, oubliant momentanément son plan.
Les garçons ne s'attendaient évidemment pas à ce que cela la tue. Ils espéraient simplement l'étourdir assez pour se jeter sur elle. Hâtivement, ils coururent des deux côtés du vortex de feu, attendant qu'il se calme. Mais une fois la feu disparut, il n'y avait personne.
Ciel sentit soudainement quelque chose de dur heurter son crâne, l'abasourdissant avec efficacité quelques instants. Alois vit un spectre de noir passer avant de recevoir un coup de pied à la joue. L'effet de surprise passé, ils regardèrent l'endroit où Cassandra était, voyant un démon derrière elle.
August avait des ailes noires, similaires à celles d'un corbeau, et ses yeux luisaient d'un rouge écarlate. Sa queue était pointue, à l'inverse de celles des garçons, ainsi que ses oreilles et ses canines. Ses ongles étaient noirs, comme d'ordinaire, mais ils étaient également longs, tel des serres. Elle portait une jupe grise déchirée sur les bords, et le haut de ses bottes à talons aiguilles disparaissait en-dessous. Son haut était lui aussi noir, les manches ressemblant presque à des gants, ne recouvrant que ses majeurs et ses annuaires. À la place de cornes noires si distinctes chez les garçons, elle avait des ramures noires des deux côtés de la tête.
- Je me doutais bien que quelque chose n'allait pas, dit-elle, souriant narquoisement. Je ne pensais pas que tu étais du genre à donner des informations gratuitement, Phantomhive. Je ne m'étais pas trompée, apparemment.
August mit un bras sur l'épaule de Cassandra avant de forcer l'humaine à tourner la tête à l'aide de sa main, pour qu'elle soit face à face.
- Et toi, Cassandra, je dois dire que je suis choquée de voir que tu reviens sur ta parole. Tu étais même prête à coopérer avec eux pour me tuer ? Dommage que ça ait échoué.
Cassandra était livide, écarquillant les yeux. Elle ne bougeait pas, ne parlait pas, ne clignait pas des yeux, ne détournait pas le regard, elle avait bien trop peur de ne serait-ce que respirer. La seule chose qu'elle pouvait faire était de trembler de peur. Elle sentit la démone frôler sa gorge avec l'une de ses serres.
- Ce n'était pas gentil, Cassandra, dit August.
Elle écarquilla les yeux lorsqu'une racine sortit du sol pour s'enrouler fermement autour de son poignet avant d'en faire de même avec l'autre. Les racines tirèrent ses bras loin de la fille, libérant cette dernière. August regarda les garçons, grognant de colère.
- Cours, Cassandra ! cria le blond, ses yeux luisant d'un rouge cramoisi, et sa joue entaillée par le coup de pied de la démone.
Du sang se mélangeait à sa sueur alors qu'il enfonçait ses doigts dans la terre, concentrant toute son énergie pour retenir la démone.
Reprenant ses esprits, la jeune maîtresse ordonna à ses jambes de bouger, se mettant derrière le blond alors que le bleuté en profitait pour prendre sa forme réelle.
Il y eu soudainement un « click », accompagné d'un flash venant des buissons où Audrey se cachait pour rassembler des preuves.
- Merde ! murmura-t-il. Je pensais avoir enlevé ce satané flash !
Durant ce court instant, le flash suffit à déconcentrer le blond assez longtemps pour que la démone s'échappe. Alois tomba à genoux, épuisé après avoir retenue la fille, alors que cette dernière se précipitait dans les buissons où Audrey se trouvait.
Un cri de garçonnet retentit ainsi que des débats avant qu'August revienne, traînant le pauvre Audrey qui se débattait, criant et creusant la terre, tentant désespérément de fuir.
- Oh, regardez, dit la démone, vous avez un invité.
Ils écarquillèrent les yeux en voyant le garçon. Ils avaient été vu. Pas seulement, vu par un humain de leur école. Cela allait mal finir.
- Lâche-le, August ! cria Alois, utilisant un peu trop de son énergie restante dans cet ordre.
- Hmm... Non, dit-elle, prenant le garçon par le col de sa chemise, mettant ses serres près de sa gorge.
On pouvait voir les yeux du garçons pour une fois, remplis de terreur.
- Voilà le marché, commença August, regardant ses adversaires droit dans les yeux. Je sais désormais que vous n'êtes pas du genre à agir par simple bonté, mais je pense avoir trouvé une solution pour tous. Donnez-moi la fille, et cet innocent spectateur reste en vie.
Le blond et le bleuté se regardèrent un instant avant de regarder Cassandra, puis de nouveau Audrey et August. Ils devaient faire le pour et le contre.
Si Audrey restait en vie, ils devraient s'occuper de lui plus tard. Si par un quelconque miracle il survivait, et qu'ils ne faisaient rien, le pauvre garçon ne s'en remettrait sans doute jamais.
D'un autre côté, Cassandra pouvait mourir quelque soit le choix, cela dépendait de quel genre de pacte elle possédait. Il serait également difficile de s'occuper d'elle si elle restait en vie. Dans les deux cas, ils étaient perdants. Ils pouvaient toujours tuer tout le monde, mais leur conscience ne les laisserait pas faire.
Ils réfléchirent, et réfléchirent.
- Alors ? Faites le bon choix, les nargua la démone.
Avant qu'ils puissent parler, Cassandra fit un pas en avant.
- Laisse-le partir, dit-elle d'une voix sincère et mélancolique. Je vais coopérer.
- Mais, Cassandra... dit Ciel.
Il était secoué par la soudaine déclaration de la fille, comme l'était le blond, qui ne trouvait pas la force pour parler.
- Ne vous inquiétez pas, dit-elle. J'étais vouée à mourir de toute manière. Je préfère laisser à Audrey la chance de vivre, plutôt que de vivre dans la culpabilité de sa mort, - elle regarda de nouveau les garçons -, Je ne peux pas passer mon temps à fuir, pas vrai ?
Le duo de démons la regarda solennellement. Non, elle était différente d'eux. Cassandra n'était pas complètement salie. Elle était insupportable, de mauvais tempérament, têtue, mais dans le fond, bienveillante. Bien qu'elle possédait tous ces défauts, son cœur n'était pas obscurci comme le leur. Elle voulait aller de l'avant, vers la lumière, plutôt que de s'enfoncer parmi les fantômes du passé.
Le regard d'August s'adoucit et elle lâcha sa prise sur le col du garçon, le faisant tomber au sol. Il recula de quelques pieds avec l'adrénaline, mais il n'alla pas loin.
- Maîtresse...
Cassandra avança sans se retourner. Même si elle tremblait, elle ne s'arrêta pas. Finalement, après ce qui semblait être une éternité, elle se tint devant la démone.
- August, la salua-t-elle.
La démone tendit un bras vers elle, le soleil couchant derrière elles. Les autres les observaient. Lorsqu'August fut sur le point de toucher le visage de sa maîtresse, elle fut arrêtée par une nouvelle racine.
Le blond serra les dents et fit de son mieux pour ne pas lâcher. Il était épuisé. Il était encore trop jeune en tant que démon pour utiliser cette capacité sans en subir les conséquences.
- Ciel... dit-il d'une voix étranglée. Botte-lui le cul !
Avec un sourire narquois, le bleuté dit :
- Yes, your higness.
Il s'élança alors vers la démone. Cassandra fut poussée le plus gentiment possible hors de son chemin, et il rétracta son bras en arrière et frappa la démone au visage, l'envoyant voler et brisant les racines qui la retenaient.
- Normalement, je serais contre le fait de frapper une demoiselle. Surtout avec autant de force, cependant, je ferai une exception pour cette fois, la nargua le bleuté.
Le blond ricana derrière lui alors qu'il était étalé sur le sol, sans aucune force. Mais tu dis que je suis une fille, et pourtant tu m'as déjà frappé, pensa-t-il.
Audrey se mit au niveau d'Alois, le secouant légèrement.
- Alois ! Alois ! Que se passe-t-il ?! demanda-t-il d'une voix tremblante.
- 'Te dirais plus tard. Trop fatigué, fut tout ce que l'adolescent blond put dire.
August se releva. Elle se frotta le visage et lança un regard mauvais au bleuté.
- Tu me flattes, dit-elle.
Elle courut vers lui avant de disparaître à nouveau. Elle fut à sa gauche, puis à sa droite. Elle fut devant lui, puis derrière. Elle fut au-dessus, puis à nouveau devant, et ce fut au tour de Ciel de valser.
Il vola sur quelques mètres avant de s'écraser contre un arbre, le renversant au passage. August frappait fort. Son pacte lui donnait un avantage. Les pactes rendaient les démons plus puissants.
Il était seul. Alois était incapable de combattre, et Sebastian était au manoir. Ne t'inquiète pas, nous pouvons nous en charger, avait-il dit à l'homme, malheureusement. Parfois il se maudissait d'être aussi arrogant.
Il se releva et se précipita à nouveau vers la fille, feignant un coup de poing par la gauche, avant de la frapper par la droite. Elle s'en remit rapidement et lui donna un coup de pied à l'estomac, le privant de l'air dont il n'avait pas réellement besoin.
Malheureusement, c'était la seule manière de combattre que Ciel connaissait. Il n'était pas aussi élégant que Sebastian. Il était rapide, mais pas assez. Il était puissant, mais pas assez. Il reçut coup après coup de la part de la fille. Quelle serait la réaction d'Alois lorsqu'il découvrirait que le bleuté s'était fait battre par une fille ? Des tourments sans fin que Ciel n'était pas prêt à endurer.
- Comme c'est triste, Phantomhive. Je pensais qu'un homme de ton rang serait un plus grand défi ! le nargua August, amusée par l'incapacité du garçon.
Finalement, dans un dernier effort désespéré, le garçon avait d'une manière ou d'une autre réussi à coincer la tête de la fille sous son bras. Il planta son poing sur son crâne comme il le ferait avec Alois, mais cette fois, il fut plus brutal.
- Ow, ow, OW ! Lâche-moi ! cria-t-elle, incapable de s'échapper de la poigne ferme du démon.
- Abandonne, dans ce cas ! cria-t-il en retour.
- D'accord, D'ACCORD ! J'abandonne !
Et ainsi, elle fut libérée. Elle se frotta le crâne avant de rapidement frapper le garçon à l'estomac. Ciel se pencha et tint la zone touchée.
- Tu disais avoir abandonnée !
- Quoi ?! Un démon t'a menti ?! Se moqua August. Tu aurais dû t'en douter...
Ciel grogna et se releva, sérieusement blessé.
- Tu sais, Ciel, je pense que si tout cela n'était pas arrivé, nous aurions pu être de bons amis, dit-elle en se tapotant le menton. Mais tu as tout gâché en aidant Cassandra pour on ne sait quelle raison.
- Je ne voulais pas. C'était la décision d'Alois, dit le garçon.
- Pourquoi accepter alors ?
- Eh bien, je l'aime, alors ce n'est pas vraiment comme si je pouvais dire « non ».
- Oh, alors c'est ce type de relation, sourit August. Ce n'est pas très surprenant. Je me demande pourquoi je ne l'ai pas remarqué.
- Ce n'était pas ta priorité. Tu avais un travail à faire.
- J'ai toujours un travail à faire.
August contracta les muscles de ses jambes avant de quitter le combat, se précipitant vers les autres, attrapant Cassandra au passage. Ciel écarquilla les yeux, et Audrey fut bouche bée.
- N'ait pas l'air aussi surpris, dit August. Je suis une démone. Nous trichons sans cesse.
- August, je t'en prie ! cria Cassandra, essayant de se libérer de l'emprise de la démone.
Le regard de la démone se radoucit.
- Ne vous inquiétez pas, dit-elle, souriant chaleureusement. Même si cela prend toute votre vie, jusqu'à ce que je prenne votre âme, je vous serai toujours loyal.
La jeune maîtresse ne cria pas. Elle lâcha seulement un petit bruit de surprise lorsque la démone l'empala. Elle ne sentit aucune douleur, son corps était beaucoup trop secoué après avoir été transpercé par les serres de la démone. Elle écarquilla les yeux en réalisant ce qu'il venait d'arriver.
Audrey voulait fuir, mais il ne sentait plus ses jambes. Alois voulait se battre, mais il ne sentait plus son corps. Ciel voulait hurler, mais il ne trouvait plus sa voix. Ils pensèrent tous les trois à la même chose. Un mot. Un nom.
Cassandra.
Cette dernière cracha du sang, toujours chamboulée.
- Aug...ust... dit-elle d'une voix étranglée.
- Oui, maîtresse ? lui susurra la démone.
- Je ne veux plus... souffrir...
- Je sais, maîtresse.
La démone exauça le vœu de la fille en lui accordant le baiser du diable, prenant son âme. Cassandra mourut alors. Elle ne traiterait jamais plus le blond d'idiot. Elle ne s'inviterait jamais plus au domaine Phantomhive. Elle n'assisterait jamais plus au cours d'Histoire de M. Irons. Jamais plus, parce qu'elle n'était plus.
Les garçons ne pouvaient pas y croire.
August s'éloigna des lèvres froides de la fille, la tenant. Elle ne sourit pas, n'arbora pas de sourire mauvais, elle ne ria pas, mais elle fronça les sourcils. Cela valait-il le coup ?
Finalement, elle regarda le bleuté.
- J'ai gagné, dit-elle, souriant légèrement. Je pense toujours que nous pourrions être amis, Phantomhive.
- August... dit Ciel dans un grognement.
Il était remonté. Il était un mauvais perdant. Cette fille avait blessé Alois, exposé leur secret, et tué leur camarade de classe. Mais que pouvait-il faire ?
Rien. Elle avait eu ce qu'elle désirait. Elle n'avait plus de raison de se battre. Elle porta le corps de la jeune maîtresse avec précaution, et se mit en marche, revenant lentement à sa forme humaine.
- Je vous verrai à l'école demain, dit-elle, regardant derrière elle.
Elle laissa les deux démons et le garçon aux sucres d'orges. Elle les laissa là, vaincus au manoir Trancy.
