Écrit par HateWeasel

107. Volte-Face ?

Le cours d'Anglais des garçons devaient commencer, et la professeur était en retard. Ciel souffrait encore de la veille, mais il recouvrait petit à petit. Il était encore un peu énervé d'avoir été battu par une fille. Il était frustré, même en sachant qu'August possédait un pacte à ce moment-là, lui donnant un avantage conséquent. Il savait que le blond mourait d'envie de le taquiner sur sa défaite.

En parlant du loup, Alois attendait alors qu'il était assis sur sa table, balançant ses jambes d'avant en arrière d'une manière enfantine, étant beaucoup plus éveillé que ce matin. Il avait, en effet, envie de taquiner son compagnon, mais il avait conscience de la frustration du bleuté, alors il se retenait. Il était lui-même toujours contrarié par la mort de Cassandra. Il était presque mort de la même manière, après tout.

Il s'agissait de la raison pour laquelle le blond ne pardonnerait jamais August. Il était triste, énervé, et il avait retrouvé ce sentiment d'inutilité qu'il avait réussi à oublier à un certain moment. Alois n'aimait pas cette impression, pas le moins du monde. Depuis qu'il habitait au manoir Phantomhive, il avait l'impression d'avoir été béni, d'avoir obtenu une seconde chance, et plus que cela, une sorte de contrôle sur ce qu'il pouvait et ne pouvait pas faire. S'il n'aimait pas quelque chose, il n'était pas obligé d'être impliqué, et cette liberté de choix était une bénédiction.

Mais tout cela s'était avéré n'être qu'une illusion depuis l'intervention de la démone. Il était incapable de sauver Cassandra, d'aider Ciel, alors de quoi était-il réellement capable ? Alois avait l'impression d'être à nouveau ce petit orphelin dans ce petit village, qui se démenait chaque jour pour survivre. Ce garçon qui avait dû contre son gré prendre part à des actes pervers à cause et pour un vieil homme dérangé et fortuné. Ce garçon qui avait été trompé par un démon qui lui avait fait croire que le danger qui se présentait à lui venait du domaine Phantomhive, alors que le réel danger était à ses côtés tout du long. Ce garçon n'était pas Alois Trancy. Ce pauvre, faible, et naïf garçon était Jim Macken, et ce garçon était un incapable. Alors que de l'extérieur le blond semblait parfaitement normal, toutes ces pensées fusaient dans son esprit, le faisant seulement douter de lui-même. Taquiner Ciel était bien l'une de ses dernières préoccupations.

- Alois, descendez de votre table, et vous autres, bonjour, dit nonchalamment la professeur en entrant.

Madame Chang était une petite femme qui s'habillait d'une manière plutôt décontractée contrairement aux autres enseignants, mais son style vestimentaire allait parfaitement avec sa façon d'être. Elle enseignait l'Anglais d'une manière amusante et facile à apprendre, mais elle n'hésitait jamais à remettre le Trancy à sa place. Il ne s'en importunait pas particulièrement, étant donné qu'il l'aimait bien. En fait, ce cours était celui où il avait les meilleures notes. Il fallait juste avoir quelques blagues et de bonnes présentations en poche. Il était également intéressant de savoir que la fille de la professeur était elle aussi en seconde, et était admise à Warwick grâce à une bourse. Oui, Mme Chang était une très bonne enseignante.

La menace blonde fit donc ce qui lui était dit, et il s'assit sur sa chaise plutôt que sur la table elle-même. Ciel ricana et le blond lui tira la langue.

- Aujourd'hui nous allons parler de poésie- Shakespeare, pour être exact, dit la femme, obtenant un gémissement de la part des élèves. Ne réagissez pas ainsi, - elle mit ses mains sur ses hanches -, Shakespeare peut être très intéressant. En fait, il y a énormément de blagues salaces dans Roméo et Juliette que vous adorerez. Dans La Nuit des rois, certains personnages se travestissent, et dans Le Songe d'une nuit d'été, il y a de la magie et des ignares, alors je vous met au défi de me dire que Shakespeare est « ennuyeux ».

- Tout ça a l'air fascinant, Madame, mais ça ne sert à rien si l'on ne peut pas en comprendre la signification, dit Alois, gagnant l'approbation de la pièce.

- C'est parce que vous ne faites pas attention au sens des mots, Trancy. Si vous vous taisiez et que vous écoutiez au moins pendant cinq minutes, vous comprendriez quelque peu.

- Seulement « un peu » ? Qu'est-ce qu'on en a faire de lui ? Il est mort il y a des siècles, comme l'anglais Élisabéthain ! contra Alois, se levant.

- Culturellement, c'est toujours d'actualité.

- Je porte des minis-short, pas des collants, Madame.

- Je n'ai pas le temps pour cela, Trancy. Je commence le cours, dit l'enseignante, se frottant les tempes.

- ARGH ! Je m'en ficheeeeeeeeeee ! geint le blond.

- Ignorez-le, Madame. Il se taira si vous le faites, dit le bleuté assis à côté du blond, reposant son menton contre sa paume. Être ignoré, c'est comme de la kryptonite pour lui. Il ment, de toute façon.

- Je ne mens pas !

- En quoi « ment »-il ? demanda la femme, confuse.

- Il peut réciter le Sonnet 130 quand ça lui chante, dit le bleuté.

C'était véridique, étant donné que le blond avait nul autre que Sebastian Michaelis comme tuteur. Le majordome avait une si bonne maîtrise de l'anglais qu'il était en mesure d'apprendre à Alois à parfaitement lire et écrire. Comment aurait-t-il pu passer d'un niveau de CE2 à un niveau de Troisième en aussi peu de temps, autrement ? Le blond était en Seconde à présent, et il était capable de lire et de comprendre une grande variété de choses, ainsi que de les mémoriser. Bien qu'il détestait lire, il pouvait le faire, et Ciel le savait. C'était pour cette raison qu'il l'avait fait remarquer. Pour embêter le blond.

- Eh bien, Alois ? dit la femme, regardant l'adolescent blond avec un air sceptique.

- Non. Ciel est le cerveau. Je suis juste le casse-pied en minis-short. Je dois être à la hauteur de ma réputation, vous savez, répondit Alois.

- Alois, Ciel vient de vous donner l'opportunité de prouver que vous êtes plus que cela. Allez-vous vraiment laisser tomber pour une raison aussi futile ?

Les paroles de la femme touchèrent une corde sensible chez le garçon. Prouver qu'il était plus que cela ? Évidemment qu'il voulait le prouver- tout le temps, en fait. Ciel était intelligent, Ciel était doué, le blond était juste inutile dans quasiment tous les domaines. Il l'enviait quelque peu. Il arriverait bien sûr, à au moins rattraper le bleuté, qui le surpassait sans cesse. Il posa brutalement ses mains sur la table et parla avec hâte :

- Les yeux de ma maîtresse n'ont rien de l'éclat du soleil;

Le corail est beaucoup plus rouge que le rouge de ses lèvres;

Si la neige est blanche, certes sa gorge est brune;

S'il faut pour cheveux des fils d'or, des fils noirs poussent sur sa tête.

J'ai vu des roses de Damas, rouges et blanches, mais je n'ai pas vu sur ses joues de roses pareilles;

Et certains parfums ont plus de charmes que l'haleine qui s'exhale de ma maîtresse.

J'aime à l'entendre parler, et pourtant je sais bien que la musique est beaucoup mieux harmonieuse;

J'accorde que je n'ai jamais vu marcher une déesse;

Ma maîtresse, en se promenant, reste pied à terre.

Et cependant, par le ciel, je trouve ma bien-aimée aussi gracieuse

Que toutes les donzelles calomniées par une fausse comparaison.

Les personnes présentes dans la pièce regardèrent le garçon pendant un moment. La professeure en fit de même avant de sortir un manuel pour vérifier. Elle lu pendant quelques instants avant de finalement refermer le livre.

- C'est exact... dit-elle, choquée.

- Pas vrai ? dit le blond, croisant les bras sur son torse en signe de triomphe.

- Avez-vous lu Shakespeare auparavant, Alois ?

- Oui, mais je connais ça de Catherine Tate, dit-il. Vous savez, quand Lauren rencontre Doctor Who ?

Les élèves rirent en comprenant la référence. Incluant Ciel, qui ria avec les mains sur la bouche.

- Et moi qui pensais que vous étiez plus cultivé que ce que vous semblez être, Trancy, dit Mme Chang, levant les yeux au ciel. Mettez-vous au travail. Vous n'avez plus beaucoup de temps pour le faire en classe, grâce à Alois, mais je veux que vous écriviez tous un sonnet pour lundi.

La classe grogna. Ciel, cependant, ne s'en importuna pas trop. Il pourrait probablement trouver l'un de ses anciens devoirs qu'il avait réalisé dans une ancienne école et le réutiliser. Il regarda par la fenêtre et vit nul autre que August se promener dehors.

Que pouvait-elle bien mijoter ? Les cours n'étaient pas encore terminés et elle n'était pas vraiment du genre à sécher, pourtant elle était là, à la vue de tous. Elle le remarque en train de la fusiller du regard et elle le salua de la main avec un sourire. Le bleuté tenta de lui envoyer un « laser glace » à travers la vitre. Il ne l'aimait pas.

S'être fait battre par elle lui restait encore en travers de la gorge. Ciel était humilié. Non seulement Alois en avait été témoin, mais un camarade de classe également. Il ne le supportait pas. Il ne lui pardonnerait jamais pour ce qu'elle avait fait.

Peu importe ce qu'elle préparait maintenant, ce n'était certainement pas bon. Pourquoi venait-elle encore à l'école, d'ailleurs ? Elle avait eu ce qu'elle voulait, alors pourquoi rester ? Quelque chose n'allait pas dans toute cette histoire. Il y avait autre chose, n'est-ce pas ? Elle ne pouvait pas en avoir fini, il devait y avoir quelque chose qu'elle désirait avoir.

Le bleuté l'observa entrer dans un autre bâtiment, sortant de sa transe. Il se retourna de l'autre côté et vit le blond le fixer, se penchant sur sa chaise.

- Quoi ? demanda Ciel.

- Quelque chose ne va pas. Je peux le voir sur ton visage, répondit-il.

- Je te le dirai plus tard. C'est à propos d'August.

- Ah bon ? demanda le blond.

Il marqua une pause quelques instants. Alois essayait de trouver une remarque amusante à faire.

- Concernant son baiser avec Cassandra ? demanda-t-il, faisant légèrement sursauter le bleuté.

- Non ! Pourquoi diable y penserais-je ? C'était simplement un baiser de Démon et il y a plus important.

- Mais elle est plutôt mignonne, non ? Enfin, pour un agent tout droit venu de l'anus de Satan.

- Qu'est-ce que tu racontes, Alois ?!

Alois regarda simplement le garçon avec un grand sourire. Il était évident que le blond se payait sa tête.

- Ne sois pas jaloux, Ciel. Je n'aime que toi ! dit-il, se faisant frapper au bras.

- Imbécile. Je ne suis absolument pas « jaloux », dit le bleuté sur la défensive, essayant de masquer son rougissement.

- Bien, alors ne va pas mater des meufs machiavéliques.

Un léger sourire se dessina sur les lèvres de Ciel.

- Oh, alors c'est toi qui es jaloux ? demanda-t-il.

- Quoi ? Pas du tout !

- Comme dirait un certain blond que je connais, « je t'aime aussi, muffin ».

- Tu es censé être celui qui es sérieux! objecta le blond.

- Oui, mais je suis également le « dessus ».

- Va chier !