Écrit par HateWeasel

111. Dis-Moi.

Le Manoir Phantomhive : l'un des plus anciens manoirs en Grande-Bretagne qui est toujours occupé par sa famille originelle, de laquelle il ne reste qu'un seul membre en vie. Les résidents de la demeure gardent tous ses secrets à l'abri, verrouillés sous des cadenas, des clés, et des mensonges, maintenant ainsi l'illusion de normalité de la demeure. Cette maison recèle bel et bien maintes et maintes secrets, certains appartiennent au passé, tandis que d'autres appartiennent au présent avec l'actuel maître de la demeure et ses servants, comme le fait qu'aucun d'eux n'étaient humains.

Aujourd'hui, le manoir attend l'arrivée d'invités dès l'après-midi, un garçon humain et une démone, afin de réaliser un projet en science à rendre le lundi qui suivait. La fille, cependant, avait d'autres projets. Elle était plutôt contente de voir son binôme et chef du manoir Phantomhive, Ciel Phantomhive.

Lorsqu'elle entra par l'imposante porte, elle fut guidée au bureau du gentleman borgne par le plus qualifié des majordomes que la maison ait jamais connu, le seul majordome connu aujourd'hui, Sebastian Michaelis. Une fois à l'intérieur, elle vit le garçon assit derrière son bureau, parlant avec deux autres garçons qu'elle connaissait. Le Trancy et le Baines semblaient demander au bleuté de l'aide pour leur propre projet.

- Comme si je savais où trouver du polychlorure de vinyle... dit le bleuté au blond, d'un ton désapprobateur.

- Mais, Ciel ! On ne peut pas faire un canon à patates sans ! répliqua le blond.

- Pourquoi un canon à patates ? Ne pourriez-vous simplement pas faire un volcan au bicarbonate de sodium ?

- L'explosion d'un volcan au bicarbonate de sodium ou au vinaigre ne nous convient pas, dit le Baines, regardant le garçon assis, à travers ses longues mèches.

Le bleuté soupira d'exaspération.

- J'aurais dû m'en douter... dit-il. Écoutez, pourquoi ne pas vous concentrer sur le rassemblement du reste de vos matériaux jusqu'à ce que Sebastian vous emmène à la quincaillerie ?

Il regarda derrière les deux garçons sa propre partenaire. Il s'en passerait bien.

Alois savait que la fille se tenait là depuis qu'elle était entrée, mais il avait choisi de l'ignorer. Audrey, d'un autre côté, remarqua le geste du bleuté et se raidit de peur en réalisant que la démone était juste derrière lui. La fille en question, cependant, ne fit que prendre place sur le canapé et sourit de manière amicale aux garçons.

- D'accord, dit finalement le blond. Allez, Audrey ! On a des patates à trouver !

Alois traîna le garçon quasi-pétrifié hors de la pièce, s'assurant de fusiller August du regard au passage. Elle n'y fit pas attention.

La porte se referma derrière lui, et ainsi, ce n'était plus que le bleuté, et la démone.

- Bonjour, Ciel, dit-elle.

- Remy, dit le garçon pour reconnaître son existence.

- Quelle froideur ! Ne t'ai-je pas dit que tu pouvais m'appeler « August » ? dit la fille en feignant le dépit.

- Tu as dit que je pouvais, pas que je devais, fit remarquer le garçon. Peu importe, as-tu des idées pour le projet ?

- Absolument pas. Pour tout te dire, je ne pourrais pas moins m'en préoccuper.

- Si tu restes à l'école, tu devrais faire tes devoirs.

- Je devrais, mais je ne suis pas obligée, dit August d'un ton moqueur.

Elle gloussa lorsqu'elle vit le sourcil du garçon le démanger.

- Si tu ne comptes pas aider, alors tu ferais mieux de partir. Je le ferai moi-même.

- Oh, tu n'es vraiment pas drôle, M. « le garçon ordinaire » ! Ne te lasses-tu jamais de toujours agir comme un bon garçon ? Tu n'es pas humain, après tout, tu es un démon.

- Je ne suis pas « bon ». Je ne me souviens pas l'avoir jamais été. Être un démon n'a aucun rapport. Peut-être que j'apprécie juste de vivre aussi simplement que possible ? répliqua le bleuté.

- En entrant dans une case ? demanda la fille. Elle croisa les bras et les jambes. Dis-moi, comment cela peut-il être facile ?

- C'est tout simple. Je garde les chasseurs de monstres loin de moi en agissant comme un être civilisé, dit le garçon avec un léger rictus.

Il baissa les épaules et posa son menton dans sa paume.

- Chasseurs de monstres ? Voyons, nous ne sommes pas de faibles insectes pouvant être facilement éradiqués !

- Eux non plus. Ils sont des monstres à leur propre manière. Certains au sens figuré, d'autres au sens propre. Tuer les créatures de l'ombre, c'est ce qu'ils font de mieux.

August le regarda d'un air condescendant.

- Vraiment ? dit-elle. Et qui sont « ils », exactement ?

- La Légion d'Honneur des Gardes Nocturnes d'Angleterre, aussi connue sous le nom de H.E.L.L.S.I.N.G., dit le garçon. Si je ne me comporte pas comme il faut, ils pourraient très bien rendre les choses très compliquées pour moi, tu sais ? Je n'aurais nulle part où me cacher dans le Royaume.

La fille ria sincèrement.

- Hah ! Tu-Tu as peur d'une petite organisation ? Toi ? C'est hilarant ! dit-elle, reprenant son souffle.

- S'ils sont capable d'apprivoiser Dracula, alors qui sait ce qu'ils peuvent faire d'autres ?

- Tu es en train de me faire marcher.

- On me dit souvent que j'ai un sens de l'humour très sec.

- À quel point sont-ils dangereux ? Tu ne parles certainement pas du livre de Bram Stoker.

- Ils ont tué un homme possédant le Divin Clou d'Helena.

Alors ça c'était intéressant. Le « Clou » était l'un des saints symboles, voyez-vous, tel que « La Sainte Lance », « Le Graal », « Le Linceul de Turin ». Ce « Clou » viendrait apparemment de la Croix où le Christ a été crucifié. Il est dit que le propriétaire du « Clou » se change en « monstre divin » après s'être enfoncé le clou dans le cœur, ne pouvant être qualifié de vivant ou de mort. Il ne peut être simplement « tué ». Peu importe à quel point il est fusillé, poignardé, immolé, mutilé, décapité, éviscéré ou simplement attaqué, le propriétaire de ce clou ne mourra pas. Il ne fera que se régénérer et instantanément guérir de ses blessures. Celui qui arriverait à l'abattre serait sans l'ombre d'un doute un véritable monstre.

- Tu n'es pas sérieux, dit August. Son sourire amusé disparut.

- Si c'était le cas, je ne serais pas ici, n'est-ce pas ? dit le garçon avec un sourire narquois. Puisque je suis un si « bon garçon », et que j'ai fait le serment d'être fidèle à sa Majesté, ils ne me voient pas comme une menace. Je peux te présenter, si tu le souhaites.

- Es-tu en train de me menacer ?

- Voyons, pourquoi ferais-je une chose pareille ?

- Eh bien, c'est peut-être mon imagination, mais je commence à avoir l'impression que tu ne m'aimes pas trop, dit la démone avec sarcasme.

- Vraiment ? Et qu'est-ce qui te donne cette impression ? dit le garçon, affichant un faux sourire.

La fille se leva et abattit ses mains sur le bureau du garçon, lui faisant perdre cette expression absurde.

- C'est exactement cela, Ciel, dit-elle en se penchant par-dessus le bureau, ses longs cheveux noirs tombant le long de son épaule et de son dos, se balançant à seulement quelques centimètres du bois. Tu es si faux. Que caches-tu réellement au fond de toi ? Qu'y a-t-il réellement dans ce cœur que tu essayes désespérément de protéger ? Toi, Ciel, tu n'es pas comme les autres démons que j'ai pu rencontrer. Les démons gardent rarement des secrets. Nous mentons, mais nous n'avons aucun secrets. Nous sommes comme des livres ouverts, tu sais ? Sauf toi, qui caches quelque chose sous ce déguisement que tu portes si bien. Comment fais-tu cela ? Pourquoi le fais-tu ? Je ne veux pas savoir, je dois savoir, Ciel.

Ciel restait assis sans dire un mot, laissant la fille finir son monologue. Il clignait difficilement de l'œil. Son faux sourire revint et il dit :

- Dans ce cas, comme dirait Alois, « j'imagine que cela veut dire que tu es royalement foutu ».

- Oui, Alois, répéta-t-elle.

D'une certaine manière, la façon dont le nom du blond sortait de sa bouche était perturbante.

- Tu l'aimes bien, hm ? C'est un peu étrange, ça aussi. Quelle en est la raison ?

- Tu aimes vraiment poser des questions, n'est-ce pas, Remy ? - Le Phantomhive la regarda dans les yeux -, Le savais-tu ? Alois est un meilleur acteur que moi.

August fronça les sourcils.

- Nous avons beaucoup de choses en commun, Alois et moi. Ses secrets sont assez similaires aux miens.

- Et c'est pourquoi tu l'aimes ? Dis-moi, est-il réellement capable de t'aimer en retour? demanda la fille avec un sourire narquois.

L'œil visible de Ciel s'écarquilla, et il fronça les sourcils. August sembla simplement amusée et elle reprit :

- Quand on le voit on ne pense qu'à une chose : « victime d'abus sexuel », tu sais. Il a sans l'ombre d'un doute un Trouble de la Personnalité, surtout lorsque l'on voit son impulsivité, sa peur de l'abandon, et ses changements d'humeurs drastiques. Il est aussi très dissociatif à certains niveaux, tu ne trouves pas ? Il a également un trouble de stress post-traumatique. Je le vois « ré-expérimenter » certaines choses lorsqu'il tombe dans un état proche de celui d'un zombie, parfois. Sais-tu quel est l'un des autres symptômes ? L'abstinence. Bien qu'il soit, étrangement, assez audacieux à l'extérieur, a-t-il déjà réellement essayé quoi que ce soit avec t-

- Silence, ordonna le garçon en serrant les dents.

Elle en avait assez dit. Elle agissait comme si elle savait ce qu'Alois pensait, ce qu'il ressentait. Elle ne savait rien du blond. Rien, et pourtant elle avait le culot de dire ces choses comme si elle connaissait parfaitement le blond. Cette fille était une démone dans tous les sens du terme.

Et que faisait-elle ? Que. Faisait. Elle ? Elle riait. Cela l'amusait.

- Oh, Ciel, tu es si mignon lorsque tu es en colère, dit-elle d'un ton railleur.

Ciel lui lança un regard noir. Saphir contre rubis.

- L'éternité, c'est si ennuyeux, Ciel, dit-elle. C'est si monotone, prendre des âmes, encore et encore. Combien de centaines, de milliers de personnes ont vu leur désespoir être dévoré par moi ? Je le sens. Tout. Je n'ai que ce désespoir continu à mon nom- en fait, je n'en ai même pas. Je l'ai oublié en étant piégée dans les Limbes que sont « L'Immortalité ».

Sa voix était désormais calme, sincère, basse.

- Tu as de la chance d'avoir quelqu'un avec qui passer du temps, te permettant d'échapper à la « banalité » qu'est le festin d'âmes. Mais dis-moi : Alois pourrait-il t'aimer comme je le pourrais ?