Écrit par HateWeasel
124. Maîtres Des Monstres.
Le Festival annuel de Halloween de Warwick Academy battait autant à son plein le soir du trente-et-un octobre que les autres soirs depuis qu'il avait débuté. Ce soir, cependant, l'endroit était rempli à ras-bord, alors que des enfants déguisés courraient partout, récoltant des bonbons que les vendeurs distribuaient pour l'événement. Il s'agissait probablement de la pire soirée pour circuler sereinement. Une femme en particulier était agacée.
Elle semblait dans la trentaine, avec une peau mâte qui n'allait pas avec ses cheveux blonds. Elle portait un tailleur noir avec une lavallière rouge, des lunettes rondes, ainsi qu'un cache-oeil sur l'oeil gauche, comme un certain bleuté à l'œil droit. Contrairement à lui, il lui manquait réellement son œil gauche, ce n'était pas pour masquer un pacte. Elle était assez autoritaire et était accompagnée d'une certaine draculina que nous avons déjà rencontrée auparavant. Son nom était Sir Integra Fairbrook Wingates Hellsing, à la tête de l'organisation H.E.L.L.S.I.N.G. .
Elle alluma un cigare, bien qu'elles soient dans un lieu très fréquenté, ne s'en importunant pas étant donné son agacement déjà bien présent. Pourquoi avait-elle dû être occupée les deux premiers soirs du festival ? Pourquoi n'avait-elle pas pu déplacer son travail à aujourd'hui, afin de venir plus tôt lorsqu'il n'y avait pas autant de monde ? Il était trop tard désormais, et elle dut s'y faire. Elle ne portait aucun intérêt au festival. Ce qui l'intéressait, c'était deux démons en particulier qui participaient apparemment à la maison hantée ce soir. Elle allait se servir de ce festival comme prétexte pour s'entretenir avec eux étant donné que le Phantomhive était toujours si « occupé » lorsqu'elle essayait de fixer un rendez-vous avec lui. Quel lâche.
- C'est vraiment bondé ce soir, hein ? demanda la draculina, aussi connu sous le nom de Seras Victoria.
Normalement, elle n'était pas du genre à faire remarquer l'évident, mais elle avait l'impression de devoir dire quelque chose.
- Ne me le rappelle pas, dit la femme plus âgée, pouvant sentir une migraine lentement grandir dans son crâne. Honnêtement, je suis surprise que Phantomhive participe à un tel événement.
Elle savait que ledit garçon avait toujours été assez sérieux. Qu'il s'implique dans un festival, c'était vraiment curieux.
Alors qu'elles se dirigeaient vers la maison hantée, la foule semblait s'écarter devant Sir Hellsing, lui laissant de la place pour passer. Elle possédait une forte présence, voyez-vous. Bien qu'il ne l'admettrait jamais, même Ciel était quelque peu intimidé par elle. Peut-être était-ce ce pourquoi il ne l'appréciait pas trop.
Elle payèrent le garçon aux étranges yeux multicolores à l'entrée de l'attraction, et y pénétrèrent. Étrangement, ce fut la draculina qui sursauta au moindre piège, alors que sa « maîtresse » n'avait aucune réaction. Alors que Seras s'amusait, la femme plus âgée était ici pour affaires. Finalement, elles arrivèrent dans une certaines pièce d'où les bruits de métal contre métal pouvaient être entendus à travers les couloirs du pseudo labyrinthe. En entrant dans cette pièce, elle furent accueillies par la vue de deux garçons croisant le fer, l'un en bleu, et l'autre en violet.
Au moment où les deux femmes entrèrent dans la pièce, Ciel se raidit et blêmit. Il n'avait pas besoin de regarder, il pouvait les sentir. Son « adversaire » fronça les sourcils, confus quant au soudain comportement du bleuté, et il releva le regard, les apercevant du coin de l'œil.
- Seras ! dit-il en saluant la blonde avec un grand sourire.
Mlle Victoria sourit en retour et lui fit signe de la main, tandis que la femme à côté d'elle prit une bouffée de son cigare avec désintérêt.
- Eh bien, il semblerait que le spectacle soit ruiné, maintenant que tu es sorti du personnage, Alois, dit le bleuté en soupirant, baissant son arme.
- Oh, désolé... dit l'autre garçon en gloussant légèrement.
- Je n'aurai jamais imaginé vous voir ici, Sir Hellsing, dit Ciel, portant son attention sur l'autre aristocrate borgne de la pièce, faisant blêmir le blond qui réalisa qui était la femme.
Elle était celle que Ciel affirmait être « Le Plus Grand Monstre de H.E.L.L.S.I.N.G. ».
- Et moi donc, répondit la femme au bleuté. Mais je ne pouvais pas vous contacter lorsque vous étiez « occupé », alors je me suis dis que je ferai un détour ici et vous rendrai visite au travail. Ne puis-je pas participer à un événement public ?
La manière avec qu'elle avait de s'exprimer à l'égard du garçon fit sauter le sourcil de ce dernier.
- Absolument pas, cependant, je suis un peu surpris qu'ils vous aient laissé entrer en fumant, répondit le garçon.
Ils semblaient chacun tenter de dominer l'autre.
- Vraiment ? Personne ne m'a fait de remarque.
- Peut-être avaient-ils trop peur que vous leur tiriez dessus. Des armes cachées sur les lieux d'une école ? Mourrez-vous d'envie de vous battre ? dit Ciel, faisant remarquer le fait qu'Integra portait toujours un fusil avec elle.
Cela ne fit rien pour aider le blond à se calmer.
- Oh, non. Je l'emmène simplement avec moi afin d'effrayer les sales démons dans votre genre, dit la femme avec un sourire narquois.
Ciel pouffa et croisa les bras sur son torse de manière indignée. Il fusilla du regard le blond qui avait osé glousser en entendant la remarque de la femme.
- Pourquoi êtes-vous réellement ici, Hellsing ? demanda-t-il.
- Comme je l'ai mentionné plus tôt, je n'avais pas d'autres moyens de vous voir, et je souhaitais rencontrer votre nouveau petit familier en personne, clarifia la femme.
Elle porta son attention vers le garçon assez nerveux.
- Est-ce lui ? demanda-t-elle.
- En effet, répondit le bleuté en observant tous les faits et gestes de l'effrayante femme. Il s'agit d'Alois Trancy.
- Hmm...
Elle reprit une bouffée de son cigare, examinant le garçon un instant. Il se mit droit comme un I, et réprima la soudaine envie de saluer pour une quelconque raison. Elle reprit enfin la parole quelques minutes plus tard :
- Alois, dit-elle, quel est ton véritable nom ?
Alois sursauta quelque peu. Il était confus, ne sachant pas pourquoi Sir Hellsing demandait cela. C'était étrange, mais il répondit :
- C-C'est « Jim Macken »... répondit-il.
- « Jim Macken » ? répéta-t-elle. Est-ce le diminutif de « James » ?
- Non, madame, juste « Jim ».
Il était étrangement poli aujourd'hui. Le bleuté trouvait cela curieux, d'entendre le mot « madame » sortir de la bouche du blond. Il ne pouvait rien y faire. C'était plus fort que lui.
Sir Hellsing marqua une pause avant de reporter son attention vers le Phantomhive.
- Il m'a l'air faible. Je ne vois pas en quoi il pourrait vous être utile, dit-elle.
- J'étais lasse, répondit le bleuté. Il n'en a pas l'air, mais il peut très bien s'en sortir si besoin il y a. Je préférerai que vous ne parliez pas de lui ainsi.
Son œil visible était scotché à celui de la femme. Il semblait lui envoyer un laser glace, tandis qu'elle lui envoyait un lance-flamme. Seras avait raison, ils se ressemblaient...
En parlant du loup, elle se tenait sur le côté, riant nerveusement de la bataille de volonté des borgnes. Finalement, elle se tourna vers le blond.
- Je pense que tout ira bien pour toi, lui chuchota-t-elle. Elle ne te trouve pas menaçant.
- Je sais, mais pourquoi est-ce que ça blesse un peu mon amour propre ? chuchota Alois en retour.
Il se fichait un peu d'être traité de « faible » ou « d'inutile ». Il se trouvait lui-même souvent incompétent par rapport au bleuté.
Cela avait toujours été ainsi depuis « les vieux jours ». Ciel était né riche, Alois pauvre. Ciel avait une famille et des amis qui l'aimaient, Alois avait perdu la sienne, et il n'y avait jamais eu personne pour la remplacer. Des démons s'étaient battus pour l'âme de Ciel, celui d'Alois l'avait abandonné pour ladite âme. Ciel avait une personnalité autoritaire imposant le respect, et Alois était perçu comme un pleurnichard, collant, cherchant désespérément de l'attention, et inoffensif en comparaison. Ciel était si parfait comparé au blond- du moins, c'était ce que ce dernier pensait.
Le Phantomhive était tout ce dont le blond rêvait. Il était radieux, il était magnifique, il était invincible contre les forces qui s'opposaient à lui, restant épargné par tous les malheurs, allant toujours de l'avant dans ce monde cruel qui l'entourait. C'était ce qu'Alois aimait chez lui; ce qu'il détestait chez lui. Ciel Phantomhive était un adversaire resplendissant, et Alois Trancy- non, Jim Macken n'était même pas digne d'être son rival. « Le Monstre Vert », « Invidia », « Jalousie » » c'était du pareil au même, et mieux valait ne pas croiser leur route.
Le blond fronça les sourcils en pensant au constat fait par la Hellsing. Il avait l'impression qu'une fois de plus le Phantomhive lui faisait de l'ombre. Il désirait l'approbation de Sir Hellsing, son existence en dépendait après tout, cependant, il souhaitait également pouvoir un jour marcher auprès de ces géants qu'il enviait tant et ce n'était certainement pas un bon départ.
Il revint à lui lorsque Sir Hellsing lui adressa de nouveau la parole.
- Tant que tu restes loyal à Sa Majesté, je me fiche de savoir ce que tu fais, dit-elle.
Il n'avait pas écouté la discussion des deux cyclopes, mais il acquiesça tout de même.
- Ne fais rien de stupide, ajouta-t-elle au cas où, avant de tourner sur ses talons pour se diriger vers la sortie. Allons-y, Seras.
- Oui, chef ! dit la draculina avant d'accourir derrière sa maîtresse.
Elle dit au revoir au duo de démons avant que les deux femmes disparaissent, en route pour terroriser les morts-vivants, sans doute.
Ciel les regarda partir avant de soupirer de soulagement. Il passa une main dans ses cheveux afin d'essayer de se débarrasser d'un semblant du stress que cette « visite » avait procurée. Cette femme lui faisait un peu peur.
- Désolé pour cela, dit-il finalement en se tournant vers son compagnon. Ne fais pas attention à ce qu'elle t'a dit. Elle aime rabaisser tout le monde.
Le garçon se souvint de presque toutes ses rencontres avec l'effrayante femme. Il frissonna en y repensant, ayant été moqué et manipulé comme il l'avait lui-même fait avec énormément de gens avant qu'elle soit seulement née.
- Peut-être, mais elle a raison sur un point; je suis plutôt faible, dit doucement le blond avec un sourire mélancolique.
Le bleuté leva les sourcils de surprise. Il n'eut même pas à lui demander pourquoi il se sentait faible. Il savait déjà, parce qu'il connaissait le blond et sa façon d'être. Il fronça les sourcils et soupira, prenant un moment pour réfléchir à ce qu'il allait dire. Il mit sa fierté de côté un moment afin de s'exprimer librement.
- Écoute, tu n'es pas faible, dit-il. D'une certaine façon, tu es même plus fort que moi.
- J'apprécie le geste, mais soyons réaliste. Il est impossible que je te batte, point final, répondit le blond en faisant des gestes avec les mains.
Ciel était en train de mettre de côté sa fierté, et le blond ne faisait que le contredire ? Comment osait-il ?!
- C'est la vérité ! répliqua Ciel, faisant quelque peu sursauter l'autre garçon. Même après tout ce qui t'est arrivé, après être revenu de l'Enfer... Tu... (la voix du bleuté s'adoucit), as eu la force de sourire à nouveau... Tu penses peut-être que ce n'est pas grand-chose, mais moi... Je pense que c'est extraordinaire.
Le blond ne sut quoi dire. En quoi était-ce « extraordinaire » ? Mais en connaissant le Phantomhive, ça avait du sens. Ce que le bleuté avait vécu l'avait lourdement traumatisé, l'empêchant de se permettre de ressentir certaines choses; des choses comme le rire ou un simple sourire. Pouvez-vous vous imaginer ne pas être capable de sourire ? C'était au moins une chose que le blond pouvait faire contrairement à Ciel. L'habilité de se laisser être heureux.
- Regarde-toi, reprit le bleuté, tu es même mort, tu as pris ta revanche, tu es revenu à la vie, et tu es encore capable de faire des pitreries.
Il sourit au blond. C'était un sourire chaleureux et sincère, de ceux qui apparaissaient rarement sur son visage.
- Tu es même en mesure de me forcer à sourire. Tu es beaucoup plus courageux que je ne le serai jamais, Alois. Ne l'oublie pas.
Courageux ? Alois ? Le blond était « courageux » dans un sens inhabituel du mot. Le « courage » était associé aux puissants chevaliers, ceux qui surpassent la peur, ou aux lions se battant crocs et griffes contre les gladiateurs armés dans le Colisée de la Rome Antique, pas à un jeune blond qui avait pendant longtemps été effrayé par des choses enfantines telle que le noir, ou la solitude. Mais le blond était courageux à sa propre et curieuse manière, voyez-vous. Combien de jeunes garçons ont-ils l'audace de se servir de leurs charmes comme d'une arme, et de prendre une grande partie de la fortune d'un pervers sans doute quatre fois plus âgé qu'eux ? Combien de personnes auraient la détermination pour être en mesure de revenir d'entre les morts afin de prendre leur revanche, et de le refaire une deuxième fois, et d'être capable de continuer à vivre ? Qui pourrait accourir sur scène, jouer un rôle jamais répété tout en se travestissant, et cela deux fois, ainsi que de redonner courage à un autre garçon dans le besoin ? Cette puissance écrasante qu'était le Phantomhive, qui était assez insolent pour défier cette autorité ? Jim Macken.
Le blond sourit. Son sourire fut également un des rares sourires qui se dessinaient sur son visage. C'était un sourire sincère; un sourire hautain, et fier. Il affirmait que sa misérable personne ne connaîtrait plus jamais de fierté, pourtant ce sentiment grandit dans sa poitrine en entendant les paroles du bleuté. Il avait gagné la fierté du dragon qu'il avait tenté de vaincre il y a tant d'années. Peut-être que vaincre ce dernier n'était pas réellement ce qui lui permettrait de marcher aux côtés de ces splendides géants qu'il enviait tant. Peut-être que lui aussi, il était un géant depuis le début, et il ne s'en doutait pas.
Il se précipita vers le bleuté et mit ses bras autour de son cou, le tenant près de lui, et naturellement, les bras du bleuté se frayèrent un chemin autour de sa taille. Ils restèrent un moment ainsi, souriant frénétiquement « comme une paire d'imbécile », comme dirait Ciel. Alors qu'ils profitaient de leur proximité, ils entendirent quelque chose.
POP !
La poche de faux sang qui permettait au blond de récréer de manière réaliste une scène d'empalement avait éclaté sous la pression qu'il subissait sous leur accolade. Ils se séparèrent immédiatement pour inspecter les dégâts, mais il était trop tard. Alors que le costume du blond avait déjà une énorme tache de rouge provenant de ses précédentes performances, le bleuté n'en avait pas, mais il venait d'en obtenir une grâce à leur proximité lorsque le sac avait éclaté. Heureusement pour lui, « l'étalement stratégique de sang » sur son costume permettait de ne pas trop la faire ressortir, mais le garçon connaissait désormais la désagréable impression du vêtement humide contre sa peau tout comme le blond. Néanmoins, Ciel prit son épée et la brandit devant Alois, qui en réponse gloussa en voyant l'action puérile du garçon et il brandit sa propre fausse épée de manière défensive, bloquant l'attaque du bleuté. Un nouveau duel à l'épée débuta alors, et il continuerait jusqu'à la fin du festival.
Le soir du trente-et-un octobre au Festival annuel de Halloween de Warwick Academy. C'était le soir où les fantômes hantaient les lieux, et les démons rôdaient dans l'ombre, dans l'attente d'une malheureuse âme à engloutir. Ce n'était pas fondé, cependant. Ce soir, ces mêmes démons se battaient contre les fantômes du passé qui les hantaient impudemment dans une danse de lames.
