Écrit par HateWeasel

125. Eh Beh, C'était Rapide.

Le Manoir Phantomhive : demeure de la famille Phantomhive depuis plusieurs siècles, et logis de l'un de ses membres depuis plus d'un siècle. Et cela grâce aux secrets qui s'y trouvent. Ce jour-là, l'un de ces secrets était en train de se prélasser sous le soleil du jardin derrière l'énorme bâtisse, mais d'une des manières les moins apaisantes au monde.

Ce qui avait débuté comme une amusante partie de paintball, s'était métamorphosée en guerre entre les deux garçons. Un bleuté fulminant était déterminé à neutraliser le blond pour ce qu'il avait fait. Ce qu'il avait fait et qui lui avait valu d'attirer la fureur du Phantomhive qui le traquait tel un prédateur, faisant passer ce simple jeu en bataille d'honneur. Mais, qu'est-ce que Alois avait-il bien pu faire pour agacer le bleuté à ce point ? Ce n'est pas dur à deviner en voyant la peinture violette sur l'arrière du pantalon de Ciel.

Vous ne rêvez pas. Alois avait tiré sur le derrière de Ciel avec un pistolet de paintball. Désormais, ce dernier cherchait à prendre sa revanche.

À travers jardin et les arbres, Ciel guettait sa proie, et bien qu'il n'y ait que peu d'endroits où se tapir, il avait un mal fou à trouver le blond. Il pensait parfois apercevoir un mouvement, mais il n'y avait rien. Que faisait Alois ?

Rien de spécial. Il était simplement caché dans un buisson. Il était allongé sur l'estomac, s'assurant qu'aucune partie de son corps ne soient visible. Il savait que s'il se faisait attraper, le bleuté n'aurait aucun scrupule à le mitrailler. Il frissonna en se souvenant de la dernière fois où il avait été touché par des balles de paintball. Mortelles ou non, elles faisaient très mal.

Soudain, il fut sur ses gardes en entendant des bruits de pas s'approcher de sa cachette, derrière lui. Il n'osa pas se retourner. En fait, il ne fit pas un mouvement. Tous ses muscles se tendirent tandis que le bruit se rapprocha encore. Il écarquilla les yeux et se mordit la lèvre. Alois savait qu'il s'agissait du Phantomhive, étant donné qu'il était en mesure de sentir ce qu'il appellerait, « sa présence démoniaque ».

Les bruits disparaissaient occasionnellement alors que Ciel s'arrêtait afin d'inspecter les alentours, puis il se remettait en marche quelques secondes plus tard. Il était lui aussi capable de sentir « l'aura d'imbécillité » du blond, comme il aimait l'appeler. Il devait s'assurer d'être le premier à tirer, et pas l'inverse, si Alois le devançait il savait que la première chose que ce dernier viserait serait la joue qu'il n'avait pas encore touchée, si ce n'est que pour pouvoir humilier davantage le garçon.

Il s'arrêta derrière le buisson où le blond se dissimulait, à deux doigts de réussir sa mission. Il savait qu'il était pile au-dessus du blond au sens figuré du terme, tout comme le blond. Jamais auparavant le nez d'Alois ne l'avait autant démangé alors qu'il devait rester aussi silencieux et inerte que possible. Il se retint autant qu'il put, mais en vain, il craqua et éternua.

En deux temps trois mouvements, le bleuté se retourna en entendant l'éternuement et il braqua son arme vers le buisson, avant d'être renversé par le blond. Alois était resté les muscles tendus, et juste après avoir éternué, il s'était relâché tel un ressort, étendant sa jambe qui fit tomber à la renverse le bleuté, en profitant pour se relever en un temps record et pour positionner son propre fusil. Cependant, Ciel n'était pas le seul sur qui l'on braquait un fusil de paintball. Durant la seconde qu'il avait fallu à Alois pour se lever, Ciel avait pointé son arme, et il défiait à présent le blond depuis le sol. Ils étaient désormais dans une impasse.

- Bon, commença Alois, il semblerait que nous soyons coincés.

Ses yeux bleus glacés étaient collés sur l'autre garçon. Il n'osait même pas cligner des yeux.

- Oui, dit le bleuté, comment veux-tu en finir ?

- Celui qui touche le plus gagne ?

- Tu as l'avantage d'être debout. Ce n'est pas très juste.

- À cinq, alors, suggéra le blond. Un...

Il fit un pas en arrière et le bleuté s'accroupit.

- … Deux...

Ciel était presque debout. Il n'osait pas baisser son arme, rendant la tâche plus difficile.

- … Trois...

Alois fit un pas de plus en arrière, et son adversaire fut sur ses deux pieds.

- … Quatre...

Ils tendirent tous deux les muscles de leurs jambes, se préparant à bondir.

- … Cinq !

Ils s'éloignèrent brusquement l'un de l'autre, tirant quelques balles. Ils étaient chacun déjà couvert de la couleur de l'autre sur le torse avant d'avoir eu l'occasion de s'échapper. Ciel avait trois taches de violet (sans compter celle de derrière), et Alois avait cinq taches de bleu, avant que ce dernier décide de se mettre à courir. Il savait qu'il ne pourrait jamais gagner en corps-à-corps, il opta donc pour une technique de guérilla, et il se précipita vers les arbres qui les entouraient, le bleuté à ses trousses.

- Je vais te tuer, Trancy ! rugit l'adolescent bleuté.

- Tu vas devoir m'attraper d'abord, mon mignon ! dit le blond, sortant un surnom au hasard juste comme ça.

Alors qu'il était devant, il grimpa rapidement dans un arbre afin de reprendre l'avantage sur le terrain. Là-haut, il attendit patiemment que le bleuté marche en-dessous. Il pensait que son plan était si bien trouvé, mais alors cette vision fut troublée lorsqu'il entendit un bruit derrière lui venant d'un autre arbre. Le Phantomhive avait-il eu la même idée ?

Hâtivement, il s'ajusta sur la branche où il était perché, et il braqua son arme. Il ne vit qu'un flash de noir avant d'être touché à l'épaule par quelque chose. Il y eut un « pop », et peu importe de quoi il s'agissait, cela ne faisait pas aussi mal que les balles de paintball, mais ce fut assez surprenant pour le faire tomber de sa cachette.

Il toucha son épaule, regarda sa main et observa qu'elle était tachée de peinture noire. Il regarda autour de lui et vit des bouts de plastiques de la même couleur. Des bombes à eau ? Remplies de peinture ? Était-ce l'oeuvre de Ciel ?

Une brindille se brisa derrière lui, lui faisant tourner la tête et tomber nez-à-nez avec le Malin. Là, se tenait Ciel, un sourire malsain collé au visage et un pistolet de paintball en main, braqué sur le blond.

- Trouvé, dit-il.

C'en était fini. Échec et maths. Ciel allait de nouveau vaincre le Trancy. Le blond dans sa ligne de mire, Ciel appuya sur la gâchette. Sa victoire était imminente, pourtant il s'arrêta.

Pas de son plein gré, cependant. Cela était due à une distraction. Il fut lui aussi touché par une bombe à eau remplie de peinture noire, suivit d'une deuxième, et d'une troisième, teignant ses vêtements et sa peau d'une couleur noirâtre. Alois connut un sort similaire, alors qu'il fut également ciblé par le troisième adversaire inconnu. Ils eurent tous deux du mal à bloquer les attaques avec leurs bras afin de regagner leurs sens et comprendre ce qu'il se tramait, gémissant chaque fois que la substance molle et froide les touchait soudainement.

Après ce qui sembla être une éternité, la terreur prit fin aussi vite qu'elle avait commencé. Ciel se força à rouvrir l'œil afin de constater les dégâts. Il y avait de la peinture sur ses bras, ses jambes, son visage, ses cheveux, et il aurait juré que sa chemise n'était pas noire lorsqu'il l'avait acheté. Elle était recouverte au point où toutes traces d'une attaque du blond avait disparu, invisible à l'œil nu. En parlant du loup, le blond n'était pas mieux servi. Le bleuté regarda son compagnon qui était presque méconnaissable, une grande partie de ses cheveux collés à cause de la peinture qui recouvrait ses mèches d'ordinaires blondes.

- Qu'est-ce que c'était, putain ?! demanda-t-il.

- J'ai ma petite idée, répondit Ciel.

Il fronça les sourcils en entendant un ricanement familier retentir dans les arbres. Le rire s'éloigna alors rapidement. Pourquoi le majordome ferait-il une chose pareille, ils n'en avaient pas la moindre idée. Peut-être commençait-il à se sentir mis à l'écart.

Alois passa une main dans ses cheveux pour les écarter de son visage. Il s'exclama d'une expression horrifiée :

- MES CHEVEUX !

- Cela partira à l'eau, dit l'autre garçon en se levant, et tentant en vain de se dépoussiérer.

- Est-ce que tu sais combien de temps il va me falloir pour enlever ça ?! Ce n'est pas très grave pour toi parce que tu as les cheveux foncés ! Je pourrais me rendre chauve par accident !

Le silence régna quelques instants. Seul le bruit du vent faisant bouger les feuilles dans les arbres pouvait être entendu. Puis, le bleuté toussa.

- TU VIENS DE L'IMAGINER, PAS VRAI ?! cria le blond.

Sa voix fut si aiguë que seul les chiens auraient dû être en mesure de l'entendre.

- Quoi ? Non, pas du tout... dit l'autre garçon en se couvrant la bouche d'une main.

Il échoua dans sa tentative de ne pas courber les lèvres.

- ENFOIRÉ !

Et il ne s'agissait que du lendemain du Festival de Halloween. Il semblerait que les résidents du Manoir Phantomhive soient toujours plein d'entrain, toujours en train de se faire des farces. Même la majordome se devait de participer de temps à autres comme il l'avait fait aujourd'hui, plutôt que de rester loin des querelles des enfants. Cela arrivait rarement, mais il trouvait que l'imprévisibilité leur était bénéfique. Au moins, cela permettait de donner plus de vie à la demeure.

Pas même une heure plus tard, le Phantomhive fut de nouveau piégé, cette fois par le troisième démon de la bâtisse. Il avait fini de se débarrasser de la peinture noire, et avait décidé avoir assez joué pour aujourd'hui. Il sortit de la douche et mis des vêtements propres avant de se rendre dans son bureau en passant par les couloirs déserts de l'imposante demeure.

Une fois là-bas, il passa par le train-train quotidien qui était de s'asseoir sur l'énorme chaise derrière son bureau et de mettre en route son ordinateur, où il commençait par vérifier ses courriels. Cependant, il venait à peine d'allumer son poste que sa routine fut bouleversée par l'apparition de son fond d'écran. Le bleuté fut assez surpris par ce qu'il vit, quelque chose qui était encore plus impressionnant que toute la mascarade durant le paintball plus tôt, « la chose la plus étrange qu'il ait pu voir ce jour-là ».

Son œil s'ajusta et il vit son « nouveau » fond d'écran, qui n'était plus le fond d'écran basique qu'il avait choisi au hasard dans les images préenregistrées de l'ordinateur et qui étaient loin d'être vulgaires. Son « nouveau » fond d'écran ne pouvait pas être qualifié de la même manière étant donné qu'il s'agissait d'un pénis grossièrement dessiné avec un sourire d'émoji, fait à partir de Microsoft Paint, sous lequel il était écrit « Quiqui la Quéquette te dit 'BONJOUR' ».

- C'est... Une... Plaisanterie ? dit-il à haute voix.

Ciel sut immédiatement qui était le responsable, et vous devriez également le savoir, mais au cas où cela vous aurez échappé; celui qui avait dessiné l'image remplaçant le fond d'écran de l'ordinateur du bleuté n'était nul autre que « la menace blonde » » », Alois Trancy. La capacité que l'adolescent blond avait d'être imprévisible, comique, et vulgaire à la fois était impressionnante. À ce niveau là, le Phantomhive ne savait pas s'il s'était fait piéger, molester, ou les deux.

Tout d'abord, il devait changer l'image. Une fois cela fait, il se leva de son siège afin de partir à la recherche de l'étrange blond pour lui faire face. Il s'aventura à nouveau dans les couloirs avec pour seul objectif de dire à l'autre garçon à quel point il était « idiot ». Peut-être qu'une fois cela fait, il pourrait avoir l'esprit en paix.

Le bleuté ne se donna même pas la peine de toquer à la porte du blond. Il ne le faisait jamais. Il ouvrit la porte, faisant sursauter l'outrageant Trancy qui regardait des vidéos sur Youtube sur son ordinateur. Ciel avait ouvert la bouche afin de crier sur lui et remettre en question son intelligence avec certaines insultes, mais une fois qu'il posa l'œil sur lui, il oublia ce qu'il était sur le point de dire. Visage rouge, il observa qu'Alois ne portait qu'une serviette autour de la taille.

Ses cheveux étaient encore mouillées, et il semblait être juste sorti de la douche, ne s'étant pas encore habillé. Ciel fut reconnaissant de ne pas avoir choisi de venir plus tard, lorsque le blond aurait été en train de se vêtir. Le garçon devant l'ordinateur tourna la tête pour faire face au Phantomhive.

- Ça te tuerais de frapper pour une fois ? demanda-t-il.

Le bleuté se racla la gorge avant de prendre la parole :

- C'est ma maison. Je n'ai pas à toquer.

- Tu n'es pas censé être un « gentleman » ? demanda le blond en levant un sourcil.

- Pas depuis que j'ai rencontré un certain « Quiqui la Quéquette », répondit le garçon légèrement plus petit en fronçant les sourcils.

Alois réfléchit un moment, essayant de comprendre ce qu'il venait de dire. Puis il se mit à rire.

- Tu viens seulement de le remarquer ? demanda-t-il. J'ai fait ça hier. Je m'ennuyais.

- Pourrais-tu ne pas toucher mes affaires lorsque tu t'ennuies ? demanda le bleuté.

- Mais toucher tes affaires c'est si amusant !

Le blond marqua une pause.

- Oh, ça peut porter à confusion...

- Tais-toi. Oh, et tant que tu y es, mets un pantalon ! répondit Ciel en essayant de ne pas basculer de ce côté là.

Il disait souvent ne pas être comme Alois, dont l'esprit semblait pratiquement vivre de ce côté. Cependant, en tant que démon anciennement humain de plus de cent ans piégé dans l'éternelle puberté, il était susceptible d'avoir ce genre de pensées.

- C'est ma chambre ! Je peux être nu si je le souhaite ! protesta Alois

- Ça m'est égal ! Ta chambre est dans ma maison, je t'ai dit de mettre quelque chose !

- Alors tu contrôles ma nudité ?! cria Alois un peu trop fort.

Il sourit narquoisement en voyant la réaction du bleuté. Ciel prit une profonde inspiration afin de tenter de calmer ses nerfs, et il se frotta les tempes.

- Alois, pourquoi, dis-moi, dois-tu être ainsi ? demanda-t-il finalement.

Il fit de son mieux pour regarder tout sauf le blond.

- J'sais pas. Tu es juste si mignon lorsque tu es embarrassé, dit l'autre garçon avant de revenir à son ordinateur et de reprendre l'épisode de My Drunk Kitchen qu'il était en train de regarder. Parfois, je pense que j'aime tester tes limites...

- Quelles limites ? demanda le bleuté.

À quel moment s'était-il autant rapproché ? Il était désormais en train de regarder l'écran par-dessus l'épaule du blond, sans réellement y prêter attention. Alois hésita avant de répondre.

- Les limites de ta fierté, dit-il.

- Ce n'est pas bien de taquiner les gens, tu sais ?

- Cela ne te plaît pas ? Alors pars. Je dois m'habiller de toute façon.

Il fit un signe de la main à l'autre garçon, lui disant silencieusement de « ficher le camp ».

- Tu insistais tant pour rester ainsi. Pourquoi changer d'avis ? demanda le bleuté.

- Un pervers est apparu.

- Qui est le « pervers » ici, exactement, monsieur « je dessine des images de pénis sur les ordinateurs des autres ».

- La personne qui respire en ce moment même sur ma nuque en faisant semblant de regarder Youtube par-dessus mon épaule, dit Alois, se retournant vers le bleuté. En d'autres termes; toi.

- Oh, non. Tu es à un tout autre niveau, « Jimmy », dit le bleuté avec un sourire narquois.

C'était désormais à son tour de sourire espièglement en observant la réaction de l'autre.

- Ne m'appelle pas comme ça, dit le blond de manière indignée.

Il poussa un petit cri aigu, surpris lorsqu'il sentit des lèvres contre les siennes. Lorsque l'autre garçon se recula finalement, son visage était rouge comme une tomate, jusqu'à ses oreilles, ce qui contrastait étrangement avec ses yeux bleus glacés grands ouverts.

- Tu sais, tu es plutôt mignon lorsque tu rougis toi aussi, dit Ciel après avoir examiné le visage du blond un moment.

- F-Ferme-là, espèce-espèce... (le blond ne trouvait pas de bonne répartie), espèce de vierge centenaire !

- Je te demande pardon ?!

- Ne fais pas semblant !

- À propos de quoi ?!

- Est-ce que c'est pour cela que tu ne fais pas le premier pas, Ciel ?

- Très bien ! Je vais enlever la serviette, dans ce cas !

- Jeune maître, si je puis me permettre de vous donner un conseil...

Les garçons écarquillèrent les yeux, et ils se tournèrent rapidement vers la source du bruit, apercevant le majordome, Sebastian Michaelis, se tenir à l'entrée.

- … Il est généralement mal vu de faire ce genre de choses la porte grande ouverte, dit l'homme aux cheveux noirs, et il ferma la porte, les laissant seuls.

Ciel et Alois fixèrent la porte un bon moment, le visage rouge, sans voix. Ils furent incapables de regarder Sebastian en face durant le reste de la semaine.