Écrit par HateWeasel
137. Puisse Des Roses Éclore Dans Ton Cœur.
Le monde est injuste, certains individus privilégiés sont placés au-dessus des autres, mais ce genre d'inégalités sociales sont celles qui permettent l'existence d'établissements telle que l'élégante et raffinée Warwick Academy. Il s'agit d'un parfait exemple de l'excellence académique, tous ses élèves sont bien instruits, cultivés, sachant déjà à quoi s'attendre avant même d'être diplômés et d'entrer dans l'inconnu appelé « monde réel ». Warwick Academy est quasiment parfaite sous tous les aspects pour cette même raison. Elle possède de grandes exigences concernant l'éducation, la culture, ainsi que les bonnes manières. Warwick est réellement parfaite, pas une serviette n'est froissée au réfectoire.
Cependant, chaque bonne chose dissimule quelque chose de plus perfide, et cette école n'y fait pas exception. Voyez-vous, Warwick a eu des problèmes de « disparitions » d'élèves par le passé, et récemment, avec l'incident à la bombe au match de rugby organisé par l'établissement, faisant scandale. Les élèves ont peur que le responsable soit leur propre voisin de classe en cours d'Anglais, ou même leur binôme en science. Dans une période aussi perturbée, il est essentiel de soulager rapidement et efficacement. Qui serait assez audacieux et noble pour venir en aide au corps étudiant ? Eh bien, après la sonnerie de quinze heures trente, si l'on se rend à la bibliothèque de Warwick, on est chaleureusement accueillis par huit jeunes gentlemen.
Il y a Lawrence, du type princier, Travis, fort et mystérieux, Preston, le gentil garçon, Kristopherson, le tempéré, Audrey, le Gothique, et Daniel, l'andouille, à ne pas confondre avec Alois, le farceur. En ajoutant le distant, Ciel, on obtient l'assortiment parfait d'hôtes pour répondre à toutes sortes de besoins. En théorie en tout cas, mais l'un des « personnages » en particulier, avait du mal à se forcer à donner du sien.
Ciel, l'essentiel « distant », n'appréciait pas toute cette attention. Le garçon n'avait jamais été social. Il était plutôt ermite, et n'était pas très enthousiaste à l'idée de devoir interagir avec toutes ces étranges filles.
Toutes les filles n'arrêtaient pas de le bombarder de stupides questions, quel était son film préféré, sa couleur préférée, ses passions, etc. Il répondait souvent avec indifférence, leur donnant sans le vouloir cette impression de désintérêt qu'elles recherchaient. Il était autre part. N'importe où; n'importe où, sauf ici. Il préférait penser à son travail, et à son programme de la semaine, ou le menu du soir, mais peu importe à quel point il s'égarait, son esprit revenait toujours brusquement à un endroit spécifique de la pièce lorsqu'il entendait glousser. Lentement, son œil saphir se traîna vers ledit endroit avant de se concentrer sur un blond en particulier.
La Menace Blonde était assise sur l'un des nombreux canapés de la bibliothèque qui étaient disponibles pour les élèves qui souhaitaient lire (ou ici, parler), avec quelques unes des filles sur le canapé en face de lui, et l'une d'entre elles assise à côté de lui. Elles souriaient et riaient toutes chaque fois que le blond racontait quelque chose. Il parlait avec beaucoup d'enthousiasme, faisant des gestes et parfois des bruits pour bien être compris.
- Une fois, j'étais derrière le manoir, et j'ai trouvé un lézard... commença-t-il. J'ai joué avec un moment avant de le ramener à l'intérieur pour le montrer à Ciel. J'espérais que ça l'embête. Bref, je suis rentré, et j'ai vu le grille-pain sur le plan de travail de la cuisine. Mesdemoiselles, je vous préviens, c'est là que l'histoire devient un peu tordu; à ce moment-là, je me suis demandé si le grille-pain pouvait griller autre chose que du pain...
Il marqua une pause afin de laisser les filles glousser et lâcher des « aw » avant de reprendre :
- Donc le lézard finit dans le grille-pain, aussi cruel et inhabituel que ce soit chez moi, et j'attends. Quelques instants plus tard, je vois de la fumée sortir du grille-pain et j'étais genre : « ça ne peut pas être bon », et j'ai couru essayer de l'éteindre. Cette foutue machine a pris feu, et je l'ai jetée sur le comptoir. L'alarme incendie s'est déclenchée, j'ai paniqué, et Sebastian, le majordome, est arrivé et a vu ce qu'il se passait. J'attends toujours de le voir refaire une tête pareille. Il prend l'extincteur, et Ciel arrive...
Alois marqua de nouveau une pause afin de laisser les filles calmer leur envie de glousser en s'imaginant le bleuté si sérieux voir cette scène.
- La tête qu'il a fait à ce moment-là, c'était sans doute l'une des plus belles choses que j'ai pu voir de ma vie, dit-il.
Les deux garçons gardaient un bon souvenir de cet incident. Bien que ce ne fusse pas amusant sur le moment, en y repensant, ils ne pouvaient s'empêcher de trouver cela drôle. Ciel se mit à sourire légèrement sans s'en rendre compte, un sourire qui disparut lorsqu'il entendit les gloussements de ses propres clientes. Il regarda curieusement le groupe de filles, inclinant quelque peu la tête sur le côté.
- C'est mignon de voir à quel point tu te fais du souci pour Alois, dit l'une d'elles.
Davantage de gloussements. Il rougit brièvement et fronça les sourcils.
- Je ne m'inquiète pas pour lui, insista-t-il. Il peut s'occuper de lui tout seul.
Sa remarque sembla ne faire que clapir davantage ces filles. Il comprit alors. Elles étaient ce que Alois appelait des « filles à pédés ». Combien y en avait-il dans cette école ?
- Apparemment, il ne baissera sa garde qu'autour d'Alois, dit l'une des filles aux autres.
- Ouais, vous avez vu comment il a souri tout à l'heure ?
- C'était tellement mignon, j'aurais pu en mourir !
Si elle continuait à faire ce genre de commentaire, cela pourrait très bien s'arranger. Elles discutaient entre elles à présent, plutôt qu'avec le bleuté. Il était mitigé, soulagé qu'il n'ait plus à les ménager, mais agacé qu'il soit le sujet de conversation. Il jeta à nouveau un coup d'oeil au blond et le vit le regarder. Le garçon ria, et revint à ses propres clientes. Cela agaça le Phantomhive pour on ne sait quelle raison.
- Oui, j'aime taquiner Ciel, dit le Trancy avec un grand sourire. Il est vraiment mignon lorsqu'il est embarrassé, et ça me donne encore plus envie de l'embêter !
Son expression changea, cependant, lorsqu'il regarda les filles devant lui et qu'il remarqua que leurs visages avaient également changé. Elles semblaient être en train de se retenir de rire. Mais ce qui le dérangeait réellement, c'était l'aura qu'il sentait derrière lui.
Il sentit l'avant-bras du garçon contre le dos du canapé. Il ne se retourna pas- ce n'était pas nécessaire. Soudainement, son menton fut prit entre l'index et le pouce du garçon, alors que le bleuté le guidait pour qu'il le regarde droit dans l'œil. Il arborait un sourire narquois. Alois resta muet comme une carpe, oubliant les filles dans la pièce, malgré le fait qu'elles poussaient des cris si aiguës, que seuls les chiens devraient pouvoir les entendre.
- Ce n'est pas bien d'embêter les gens, Alois, dit le cyclope bleu. Mais tu es toi aussi adorable lorsque tu es embarrassé.
Le visage du blond prit une teinte rosâtre, et les filles ne purent plus se contenir. Peut-être était-ce ce que Lawrence appelait « service ». Les cris attirèrent l'attention des autres « hôtes ». Ils se retournèrent afin d'essayer de trouver la cause de tout ce raffut. Ils furent alors extrêmement confus en l'apercevant. C'était comme s'ils étaient dans un monde parallèle, où Ciel draguait sans gêne, et où Alois était timide. Mais le plus étrange dans tout cela restait le fait que les demoiselles puissent s'emporter pour une telle chose.
- Bordel ? On peut m'expliquer ? demanda Daniel à haute voix, n'arrivant pas à comprendre ce qu'il voyait.
- Je crois que j'ai vu quelque chose de similaire dans un anime une fois, dit Audrey. Je ne me souviens pas du nom, par contre...
- Alors c'est une stratégie commerciale ? demanda Daniel.
Ces diablotins avaient prévu leur coup pour avoir plus de clientes !
- Oui ! C'est magnifique ! cria Lawrence en se levant. C'est exactement le genre de service dont nous avions besoin ! Une telle relation taboue entre hommes piquera forcément l'intérêt de la gente féminine !
Les autres passèrent de la confusion à l'étonnement en voyant ce que l'acteur venait de faire.
- Wow ! Est-ce que tu viens de faire apparaître des roses derrière toi ?! s'exclama Daniel.
- Ne sois pas stupide. C'est impossible. Personne ne peut faire éclore des fleurs en un claquement de doigts, monsieur Westley, répondit Lawrence. Je ne peux le faire que dans le cœur des gens !
- Pourquoi est-ce que j'ai la soudaine envie de tout désinfecter ? demanda Kristopherson.
Daniel se retourna pour faire face au garçon à la cravate rose.
- Comment penses-tu qu'on se sente, Kris ?! On est même pas de ce bord là !
Tout l'échange fut observé par le duo de démons qui s'était arrêté pour voir d'où venait tout ce bruit. Ciel était maintenant assis à côté d'Alois, et les clientes du bleuté s'étaient déplacées. Ils reprirent la parole :
- Ils parlent de faire éclore des roses ? demanda le bleuté. Je ne vois rien.
- Moi aussi, mais apparemment, il peut faire « éclore des roses dans le cœur des gens », répondit le blond.
- Cela m'a l'air préoccupant.
- N'est-ce pas ?
Les filles gloussèrent, en venant toutes à la même conclusion concernant l'acteur et sa soi-disant capacité. L'une d'entre elles, cependant, posa une question :
- Oh, d'ailleurs, est-ce que vous avez une fleur que vous aimez particulièrement ? demanda-t-elle.
Les autres acquiescèrent pour on ne sait quelle raison. Les deux garçons réfléchirent un instant, puis Ciel dit :
- Eh bien, j'aime moi aussi les roses. Les roses blanches, surtout.
Les filles semblèrent toutes être d'accord, comme si elles s'imaginaient le garçon entouré de la fleur de son choix, tout comme Lawrence.
- Et toi, Alois ? demanda une autre.
Hésitant, le blond répondit.
- Ça n'a rien d'élégant comme les roses... dit-il en marquant une pause. Mais j'aime beaucoup les jacinthes.
- Vraiment ? Ça ne te ressemble pas, dit l'une des clientes.
- Oui, je pensais que tu aimerais quelque chose de plus symbolique, dit une autre.
- Oui, mais les jacinthes, elles... me rappellent mon frère... répondit le blond.
Les filles eurent le souffle coupé, surprises. Alois Trancy avait un frère ? Mais comment ? Le bleuté écouta attentivement. Ce n'était pas le fait qu'il ait un frère qui le surprenait. C'était la fleur. Il désirait savoir pourquoi elle lui rappelait le garçon. Il fut cependant interrompu alors qu'il y songeait par l'une des clientes.
- Tu as un frère, Alois ? demanda-t-elle.
- Oui. Nous avions l'habitude de cueillir des jacinthes et de les mettre dans nos cheveux. Ensuite, nous faisions semblant d'être des filles, répondit le blond en ricanant légèrement à la fin.
Un rire forcé, et sa manière de parler semblait presque mélancolique, il n'était donc pas dur de comprendre que son frère était décédé.
- Que lui est-il arrivé ?
- Il... est mort dans un incendie... mentit à moitié le garçon.
Il ne pouvait pas vraiment leur dire toute la vérité. Heureusement pour lui, son ton suffit à décourager les éventuelles questions. Il releva les yeux vers les filles qui le regardaient au bord des larmes.
- Mais maintenant j'ai Ciel et le reste des Sept, alors je ne suis plus seul, dit-il avec un sourire.
Aucun doute, ce terrain était la spécialité du blond. Il était capable d'émouvoir le cœur et l'esprit de quasiment n'importe qui, il lui suffisait juste de jouer un peu la comédie. Il mélangeait la vérité avec le mensonge, afin de rendre le tout crédible. Il s'agissait de son arme la plus puissante, et il s'en servait pour se hisser en haut. Les filles se mirent alors à le conforter.
- Tu nous as nous aussi, Alois ! dirent-elles.
Elles étaient comme des chiots entre ses mains. Se sentant mis de côté, le bleuté mit fin à son long silence afin de mettre ses bras autour du blond et de le rapprocher de lui.
- Veuillez m'excuser, mesdemoiselles, dit-il, mais je ne sais pas si je souhaite réellement le partager.
Un vrai travail d'équipe. Alois semblait véritablement surpris et embarrassé, probablement parce qu'il l'était. Le bleuté n'avait commencé à agir ainsi que depuis peu, mais seulement lorsqu'ils étaient seuls. Il le faisait en public désormais ? Quelle mouche l'avait piqué ? Ce qui avait commencé par être un caprice, s'était changé en « jeu » pour lui. Il aimait voir le blond être aussi embarrassé, chose étrange chez ce dernier. Alois était connu pour ne pas connaître la honte et pour sa confiance en soi débordante, mais à cet instant, le bleuté l'avait privé de tout cela, le réduisant à un simple embarras. L'idée d'embarrasser son bien-aimé était celle du blond à la base, mais son plan avait été volé par le bleuté en question, et utilisé contre lui. Il se frappa intérieurement pour s'être laissé avoir. Il cacha timidement son visage contre le torse du bleuté afin que les filles ne le voient pas, faisant rire le garçon et couiner davantage les clientes. Satané Phantomhive.
Jusqu'à ce que la panique s'atténue à l'école, ce fut ainsi que se passèrent les après-midi qui suivirent. Les garçons parlaient avec les clientes de tout et de rien, et le duo de démon offrait parfois des « services », comme le dirait si bien Lawrence. Cette chose appelée « Club d'hôtes » était un succès, faisant de Warwick Academy une fois de plus un lieu sain et sauf pour les plus riches.
