NdA : Merci pour les commentaires et le suivi. J'espère que la suite vous plaira aussi. :-)


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Quand le capitaine Toledano rouvrit les yeux, Zorro se tenait debout près de son cheval. Il faisait nuit.

– Qu'est-ce qu… oh, ma tête !

Il avait encore bougé trop vite. Le simple fait de s'asseoir était un supplice.

– Doucement, capitaine, vous êtes toujours blessé.

Arturo prit le temps de prendre plusieurs inspirations pour calmer le martellement de son crâne.

– Vous n'êtes pas en reste, fit-il remarquer au Renard.

– Je vais bien, rassurez-vous.

– Vous étiez comme mort tout à l'heure.

– J'ai pu me reposer depuis.

Toledano ne comprenait pas bien. Il se redressa, aussitôt secouru par le hors-la-loi qui l'aida à se maintenir debout. À sa poigne, le militaire se dit qu'il avait raison, il avait l'air d'aller bien.

– Où sommes-nous ? questionna-t-il. Ce n'est assurément pas le bord d'une rivière.

– C'est une grotte, confirma Zorro. Lorsque je me suis réveillé, deux heures avaient passé. J'ai pu vous hisser sur Tornado et nous amener en lieu sûr.

– Tu es donc Tornado…

Il flatta l'encolure du cheval noir, bien à l'abri dans son box.

– Et ceci est votre cachette. Depuis combien de temps nous avez-vous amenés ?

Il notait en effet les habits neufs du Renard.

– Vous avez dormi jusqu'au matin, capitaine. J'imagine que vous avez tenté de vous lever à la rivière et votre corps ne l'a pas supporté.

– Ma tête ne m'a jamais fait si mal, même après avoir bu plus que de raison.

Zorro sourit sous le masque.

– J'ai de bonnes nouvelles. Pendant que vous dormiez, le sergent Garcia et ses hommes ont arrêté les Limenes. Il semble que les prisonniers évadés sont tombés sur les lanciers dans leur fuite. Tous ont été mis à l'abri. Les soldats se sont ensuite lancés à la recherche des bandits et sont parvenus à les attraper.

– À la bonne heure. Ce brave sergent m'étonnera toujours. Que faisait-il dans les parages ?

– Vous lui demanderez, je vais vous emmener à Los Angeles.

– Soit.

Tornado était sellé. Le capitaine laissa Zorro l'aider à grimper. En un clin d'œil ils se retrouvèrent dehors.

Le soleil n'était pas levé, ils chevauchèrent dans l'obscurité la plus profonde jusqu'au pueblo. Le capitaine aurait été incapable de dire où ils se trouvaient.

Zorro l'aida à descendre puis frappa longuement à la porte de la caserne. Il disparut au moment où la porte s'ouvrait. Arturo le vit partir, soutenu par Reyes. Il se demandait de quel bois était fait cet homme qui chevauchait comme s'il n'était pas blessé et sans fatigue aucune.

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Zorro s'effondra à son retour dans la grotte. Il arracha le masque de son visage fiévreux d'un coup sec. Ses doigts se portèrent à sa poitrine. La plaie nécessitait des soins immédiats et Bernardo n'était pas là pour l'aider. Il ôta sa tunique avec peine.

Heureusement pour lui, l'adrénaline de la veille lui avait permis de les hisser avec Toledano en selle et de rentrer à la grotte. Il avait changé d'habits et refait un bandage puis s'était occupé de Tornado. Il avait gagné la demeure pour prendre de quoi manger. Comme un voleur, il avait chapardé quelques galettes de maïs et des fruits. Fuyant la pièce avant de se faire surprendre, il avait tendu l'oreille pour écouter son père se féliciter de l'arrestation des Limenes. Passant ensuite dans sa chambre, il avait ramené le nécessaire pour coudre la plaie et des onguents mais il n'était pas parvenu à s'occuper de lui. C'était tout juste s'il avait réussi à faire boire de l'eau au miel au capitaine avant de se laisser aller lui-même au repos.

Quand il s'était réveillé dans la nuit, il avait vu le militaire remuer. Le temps de seller Tornado et l'homme émergeait. À présent qu'il était de nouveau seul, il devait nettoyer en profondeur la plaie de sa poitrine, la recoudre vaille-que-vaille, appliquer un onguent cicatrisant, avaler une mixture infecte qui l'aiderait à lutter contre l'infection qui l'assaillait et se reposer.

Il avait anticipé son absence de l'hacienda à son départ pour les terres Joanes. Diego de la Vega avait salué son père avant de partir quelques jours pour San Juan Capistrano. Il souhaitait y acheter des livres. Il connaissait déjà par cœur sa bibliothèque. Don Alejandro avait accepté. Il était à même de gérer l'hacienda sans son fils comme par le passé.

Diego avait eu la présence d'esprit de prévoir de tels achats il y a un moment. Il reprendrait la jument, actuellement dans le corral, l'attellerait à la petite voiture qu'il était parvenu à loger dans la grotte – le capitaine ne l'avait heureusement pas vue – avant de regagner l'hacienda à la faveur de la nuit. Il justifierait ainsi que personne ne l'ait croisé sur les routes et le volume de livres emballés saurait taire tout doute possible.

Le jeune homme frictionna ses mains à l'alcool avant de se mettre à l'ouvrage. Un morceau de cuir entre les dents il commença à recoudre la plaie qui lui cisaillait la poitrine. Ce ne fut presque rien comparé à la douleur qui l'avait saisi lorsqu'il avait enlevé le bandage et nettoyé la plaie suintante. L'effort que lui demanda le nouveau pansement le laissa pantelant. Il lui fallut toute sa volonté pour avaler la potion et se lever.

Avec des gestes lents qui lui arrachaient des grimaces de douleur, il ôta les harnachements de Tornado. Il n'avait pas le courage de l'étriller mais le cheval lui pardonnerait cet oubli. L'animal avait à boire et à manger. Il pouvait se reposer sans crainte. Il s'affaissa plus qu'il s'allongea sur sa cape déployée dans la paille, et s'endormit aussitôt. Des besoins primaires le tirèrent du sommeil au crépuscule. Il parvint à se relever, étriller enfin sa monture, manger un morceau puis retourna à sa couche improvisée. Le lendemain le trouva plus vaillant mais affamé. Il n'avait plus de quoi refaire un bandage, il devait rentrer à l'hacienda.

Prenant sur lui, Diego de la Vega attrapa un livre. Il l'avança peu, oscillant entre sommeil et demi-sommeil l'essentiel de la journée. La fièvre était toujours là même si elle était légère et, sans médicaments, elle ne disparaîtrait pas.

Au soir, il siffla la jument et s'en alla sur les routes avant de prendre le chemin de l'hacienda. Trois jours après son attaque du camp Limenes, il poussa la porte de sa maison.