Écrit par HateWeasel

155. Ce Comparse, Dans l'Air du Temps.

Le soir Warwick Academy prenait une toute autre apparence beaucoup plus morose, de même que n'importe quel lieu recouvert par le sombre voile de la nuit. Les ténèbres réveillaient une sorte de peur primitive, presque enfantine, dans le cœur des êtres humains, pourtant ce soir-là, ce n'était pas tout à fait le cas. Les lumières illuminaient l'extérieur de l'académie là où la scène était installée, une musique électro générique retentissant. Les fortes basses rendaient d'une manière ou d'une autre mal à l'aise les garçons présents dans les coulisses; une sensation qui devint plus remarquable encore lorsque le Westley plaisanta sur le fait qu'il s'agissait du « genre de musique qui pouvait n'être entendu que dans trois endroits : un défilé de mode, un club d'électro, ou un club de strip-tease ».

Sa plaisanterie lui valut des regards mauvais de la part des autres qui se sentaient encore plus anxieux et gênés désormais. Tous ceux présents en coulisses étaient extrêmement angoissés, pour de nombreuses raisons, notamment le trac. Chaque fois que l'un d'eux jetait un coup d'œil à la foule depuis leur cachette, les papillons dans leurs ventres semblaient s'agiter davantage. Le public dehors était composé d'importantes personnalités pour eux, leurs parents, leurs camarades de classe, les professeurs inclus, sans mentionner le fait que certaines personnes pourraient bien être de futurs investisseurs dans les affaires de leurs familles, ne les mettant pas seulement eux en danger, mais également leurs parents.

Cependant, Kristopherson était le pire d'entre eux, rongé par une anxiété maladive. Il était celui qui avait le plus à perdre, ici. C'était ses idées, sa future carrière dans la mode qui étaient en jeu. Le faux-blond savait parfaitement bien qu'il y avait de grands stylistes ainsi que des propriétaires de marques renommées dans le public, ces derniers ayant sacrifié de leurs temps afin d'être présents ici, et s'il les décevait, il pouvait dire adieu à sa carrière dans la mode. Il ne savait pas comment il prendrait leurs critiques. Son égo ne supporterait probablement pas d'être brisé avec une telle force et intensité. Il se sentait malade, mais il avait tout de même l'air fabuleux.

Il portait « quelque chose de simple qu'il avait mis à la dernière minute », un ensemble dont il doutait également. Il portait une chemise noire dont les deux premiers boutons étaient déboutonnés, avec une veste rose pétant par-dessus. Son pantalon était blanc, et sa ceinture noire, assortie à ses chaussures. Kristopherson avait passé la veille à se refaire une beauté, coupant finalement et décolorant à nouveau ses cheveux pour qu'ils retrouvent leur teinte blond pâle. Il avait utilisé de l'anti-cerne pour masquer les cercles noirs qui s'étaient formés autour de ses yeux durant les dernières semaines à cause du manque de sommeil, ainsi que d'autres choses pour que son visage soit présentable sous les aveuglantes lumières des projecteurs. Il jurait pouvoir entendre Alois Trancy dans l'autre pièce crier et protester pour ne pas mettre de maquillage, mais il n'y fit pas attention, ayant plus important à faire. Le garçon en rose fut cependant surpris lorsqu'il releva les yeux et vit un autre blond se tenir devant lui en souriant.

- Salut, dit Cameron. Nerveux ?

- Salut... dit Kristopherson en retour. Je pense que « nerveux » c'est assez précis pour décrire ce que je ressens là tout de suite...

- Je ne pense pas que tu aies à t'en faire. Toutes tes tenues ont l'air géniales, et tant que tes mannequins sont capables de faire transparaître le temps et les efforts que tu y as passé, je suis certain que le public va les adorer, dit le Tamworthian, ses joues légèrement roses.

- Hum, merci...

Kristopherson, cependant, ne savait pas trop quoi répondre. Il sentit son visage se réchauffer et les papillons dans son ventre semblèrent adopter une autre danse; pas un signe d'anxiété, mais de bonheur. Le garçon aimait que l'on prenne le temps d'apprécier le travail qu'il faisait en créant des vêtements. Un simple « ils sont bien » ne lui suffisait pas. Il semblait y avoir un déséquilibre entre le travail qu'il fournissait, et les retours qu'il recevait. Pour être franc, il était assez frustré lorsqu'il n'était pas correctement félicité, même si ce n'était pas la raison pour laquelle il faisait ce qu'il faisait.

- Tu es redevenu blond, dit le garçon légèrement plus âgé, sortant l'élève de Warwick de ses pensées. Je me demandais à quoi tu ressemblerais en brun. Je parie que tu serais plutôt mignon.

Kristopherson devint immédiatement plus rouge en entendant cette remarque. Il se mit à inconsciemment jouer avec ses cheveux chimiquement abîmés.

- Pourquoi est-ce tu ne me l'as pas dit plus tôt ? demanda-t-il si bas qu'il aurait très bien pu l'avoir chuchoté.

Avant que l'autre garçon puisse répondre, cependant, un cri retentit dans la pièce où la « menace blonde » de Warwick se faisait maquiller, attirant l'attention des deux garçons vers la porte.

- Tu as failli me crever l'œil avec ça, putain ! cria Alois à la fille qui essayait de lui mettre de l'eye-liner.

Il détestait mettre du maquillage. Autant que le bleuté assis à côté de lui qui subissait le même sort. La seule différence étant que Ciel pouvait rester en place et le supporter, Alois en étant incapable.

Il fronçait les sourcils, bougeait la tête loin des applicateurs, et se débattait, en somme, il se comportait de manière inappropriée. Ses ébats ne firent que rendre le processus plus long que nécessaire, et le temps qu'il finisse, son compagnon bleuté en avait déjà terminé et attendait Alois. Ciel devait l'admettre, c'était assez drôle à voir.

Le bleuté portait un costard noir croisé, avec quelques symboles militaires telles que de petites fermetures éclairs sur les épaules, l'une d'elles tenant une corde en argent qui s'enroulait autour de son pectoral gauche avant de retourner à l'épaule. Les boutons du manteau étaient également argentés, le noir permettant de les faire ressortir, et une rayure argentée descendait jusqu'à sa jambe gauche, atteignant ses chaussures noires. Le pantalon était intentionnellement un peu plus court afin que les chaussettes blanches soient visibles. Pourquoi Ciel devait-il toujours être habillé dans un style militaire, cela restait un mystère.

Il regarda le blond avec amusement, la tenue de ce dernier ne semblant pas collé avec le comportement rustre du garçon. La tenue d'Alois était l'inverse de celle de Ciel, son costard étant blanc, les ornements argentés remplacés par du doré. Il portait même une chemise noire et des chaussettes noires, avec une cravate blanche et des chaussures de la même couleur ainsi qu'un cache-œil médical à l'œil droit afin de faire un contraste avec celui de Ciel. C'était à croire qu'ils étaient vêtus ainsi pour créer un effet miroir. Il y avait d'importants détails tel que le côté où se trouvaient les boutons du manteau, les cordes, et les cache-œil qui devaient rester au même endroit pour garder ce que Kristopherson appelait un « ordre », étant donné que les côtés où les boutons se plaçaient étaient différents qu'il s'agisse d'un manteau d'homme ou de femme, et les cordes-épaules étaient traditionnellement portées du côté de la main non-dominante du porteur. Les garçons n'avaient pas posé davantage de questions afin que le faux-blond ne se lance pas dans un discours de deux heures trente sur la signification de détails aussi mineurs.

Bien que beaucoup de choses aient changé depuis la dernière fois qu'Alois ait eu à subir ce rituel de préparation pour monter sur scène, le blond détestait cela. Le fait qu'il ait mûri depuis n'y changeait rien, et en résultat, les deux garçons étaient un peu en retard par rapport au programme.

- Quand je pense, commença le bleuté avec un grand sourire, que tu vas devoir refaire cela lorsque tu passeras aux robes. Tu devras porter encore plus de maquillage.

- Pourquoi est-ce que j'ai accepté de faire ça ?! demanda le blond de manière rhétorique.

- Parce que tu es en manque d'attention, dit Kristopherson d'un ton agacé en jetant un œil dans la pièce pour découvrir l'origine du cri. Arrête de te plaindre et dépêche-toi !

Il repartit aussitôt, claquant la porte derrière lui. Le garçon pouvait être effrayant lorsqu'il était stressé.

Finalement, l'équipe de maquillage fut en mesure de finir l'eye-liner d'Alois après avoir demandé à Ciel de tenir la tête de ce dernier en place afin qu'il arrête de gigoter, et ils furent fin prêts. Alois se rendit à droite de l'entrée de la scène, et Ciel à gauche, et ils attendirent leur feu vert. Ils marcheraient en même temps pour cet aller-retour en particulier avant de revenir en coulisses pour rapidement se changer et recommencer. Il était prévu que parfois ils soient ensemble, parfois avec quelqu'un d'autre, et de temps à autre seuls.

Il était incroyable de voir toutes les créations uniques que Kristopherson était capable de créer en moins d'un mois. C'était impressionnant, mais ça ne servait à rien si la foule n'aimait pas le fruit de son travail. Alors que le défilé démarra, le faux-blond avait des sueurs froides en coulisse avant même que Lawrence rentre sur scène afin de souhaiter la bienvenue au public et de présenter le programme de la soirée. Il était content de voir que Lawrence était aussi impliqué, sans lui, il n'y aurait simplement pas eu de défilé. Même s'ils avaient miraculeusement convaincu le proviseur eux-mêmes, ils n'auraient pas réussi à rassembler autant de personnes. L'acteur était un élément essentiel de l'équipe.

Lawrence devait monter sur scène, chauffer le public, présenter la collection des hommes, partir avant de revenir et de présenter celle des femmes. Il serait également dans le défilé en tant que mannequin, et il en était ravi au vu de sa démarche assurée sur la scène. Il était réellement dans son élément, et il appréciait sa garde-robe qui était constituée d'une chemise grise claire et d'une cravate grise foncée mise dans une veste-sweat grise avec un blazer assorti à la personnalité excentrique du garçon. Le vêtement était d'abord gris foncé en haut avant de passer à une teinte plus clair au milieu, pour finir par un jaune-vert clair en bas, donnant vie à la tenue autrement monotone du garçon. Le pantalon de l'acteur était lui aussi gris clair, mais il était mis en valeur par ses chaussures qui n'étaient pas des chaussures de soirée comme l'on pourrait s'y attendre, mais des baskets d'un mélange de jaunes et de verts. Bien que la majeur partie de sa tenue soit grise, elle renvoyait un sentiment de joie et de dynamisme, et lorsque le public le vit arriver, ils furent ravis et applaudirent.

- Bonsoir~ ! dit-il dans le micro, réalisant le premier de ses devoirs sacrés. Comment allez-vous ? Mon nom est Lawrence Rose, et je serai vôtre hôte ce soir !

Il marqua une pause afin de laisser le public applaudir. Décidément, il était fait pour le métier.

- Mesdames et messieurs, je suis ravi de vous voir ici, ce soir, reprit-il. Voyez-vous, Warwick est une merveilleuse école, où se trouvent de talentueuses et merveilleuses personnes, et je suis le mieux placé pour vous le dire. Je viens ici tous les jours !

Il marqua de nouveau une pause pour laisser l'audience rire. Il ne savait pas exactement pourquoi c'était drôle, mais il fit avec. Son ton devint alors soudainement sérieux.

- Mais Warwick, mesdames et messieurs, a dû faire face à de durs événements cette année, et nous faisons de notre mieux afin de faire de ce malheur notre force, pour nous préparer à un meilleur lendemain. Ce passé ne définit pas Warwick. Warwick est mon école, et elle me tient à cœur. Warwick est remplie de personnes fortes, talentueuses et intelligentes, et ce soir vous allez avoir un aperçu de la vraie Warwick ! Ma Warwick ! Notre Warwick ! Ce défilé, mesdames et messieurs, est Warwick !

Le discours de Lawrence sembla émouvoir le public, alors qu'ils se mirent à applaudir et à l'acclamer. Il avait parfaitement fait son travail. Il se mit ensuite à introduire la collection des hommes comme prévu, faisant entrer Ciel et Alois en premier sur scène.

Le duo marcha de manière synchronisée, mettant le même pied devant l'autre alors qu'ils marchaient côte à côte. Ce n'était pas intentionnel au départ, mais ils s'y firent, étant donné que le thème du « miroir » de leurs costumes était renforcé. Aloi était incroyablement mal à l'aise en marchant avec un cache-œil. Il ne pouvait même pas voir le garçon à ses côtés. Il se sentait exposé alors qu'il était conscient d'où il se trouvait, pourtant il continuait de sourire et de prétendre vouloir être ici.

Son image miroir, le bleuté, était lui aussi stressé, et il pouvait voir le mal être du blond sur son visage. L'œil de Ciel était capable de voir ce qu'il y avait vraiment sous le masque de pratiquement n'importe qui, peu importe le jeu d'acteur. Il effleura doucement la main de l'autre garçon avec la sienne, guidant le bout de ses doigts à l'intérieur de la paume d'Alois, l'incitant à bouger d'une certaine manière.

Lorsque l'adolescent blond le regarda pour voir ce qu'il faisait, Ciel en fit de même afin de ne pas briser l'effet miroir. Puis Alois réalisa ce que le bleuté faisait. Ils tendirent leurs bras, touchant la paume de leurs mains pour qu'ils sachent tous les deux où étaient l'autre au bout de la scène. Se touchant toujours, ils placèrent en même temps leurs mains libres sur leurs torses avant de se courber devant le public. Puis ils se retournèrent, se séparant finalement et retournant de l'autre côté de la scène.

Le bleuté était impressionné par le fait qu'un simple toucher suffise à calmer son bien-aimé. Il avait vu le visage du blond passer d'un sourire forcé à un sourire sincère en quelques secondes, mais ce sourire avait maintenant disparu de son champ de vision alors que le blond marchait à présent à sa droite. Bien qu'il ne puisse plus le voir, il arrivait tout de même à savoir que le garçon arborait un grand sourire bêta. Alois se sentait beaucoup mieux maintenant qu'il pouvait de nouveau voir le bleuté, et il n'arrivait presque plus à tenir en place avec le simple geste que ce dernier avait initié.

Ils retournèrent là d'où ils venaient, Ciel du côté gauche et Alois du côté droit, puis d'autres prirent leurs places, Audrey et Preston qui furent ensuite remplacés par Travis et Daniel, et ainsi de suite. Pendant ce temps, Ciel et Alois allèrent se changer. Lorsque Ciel vit la tenue qu'il devait porter pour son prochain tour, son cœur faillit s'arrêter.

C'était une robe.


La Rubrique : Foire aux Questions

Question : « Pourquoi pas des choses sur leurs enfances un peu comme un 'draw my life', mais sans les dessins. » de woooimmafox1305

SUITE

Réponse d'Alois : « Ciel est un dégonflé, et il ne m'a pas laissé répondre en premier ! Je voulais le taquiner !

Bref, jusqu'à mes cinq, ou six ans, je vivais avec mes parents. Nous n'étions ni riche ni pauvre, juste... normaux. Nous étions contents avec ce que nous avions.

Mais ensuite ils sont morts...

Après, j'ai vécu dans la rue et j'ai dû me débrouiller pour survivre. J'ai volé. Beaucoup volé. Comment aurais-je pu survivre autrement ? Je devais bien manger parfois, vous savez ! Ma vie a été misérable pendant un moment, puis j'ai rencontré Luka, et les choses se sont un peu améliorées. Même si les villageois nous traitaient comme de la merde, nous étions là l'un pour l'autre, et ça nous allait. Nous nous aidions à trouver de la nourriture et à rassembler des biens, et nous jouions ensemble, évidemment. Parfois nous prenions des jacinthes pour les mettre dans nos cheveux et prétendions être des dames. Nous faisions comme si nous étions bien élevés comme les « gens normaux ».

'Oh, Lucine, ma chère, voudriez-vous un scone ?'

'Mais bien sûr, Mlle Jane, j'adorerai !'

C'était hilarant. Je trouve TOUJOURS que s'habiller en fille est amusant. Nous faisions aussi des farces aux villageois. Une fois, nous avons trouvé un énorme scarabée, et nous l'avons mis dans le linge de cette vieille sorcière pendant qu'il séchait. La tête qu'elle a fait en ramassant un sous-vêtement et en voyant l'insecte était génial !

En tout cas, on s'amusait comme ça. J'adorais ce petit. Il me manque encore parfois, mais maintenant j'ai l'impression qu'une partie de lui est encore là, un peu comme le pouvoir des plantes de Hannah. Maintenant quand je pense à lui, je ne suis plus triste. Je souris juste et je me rappelle de tous nos bons souvenirs ensemble.

C'est tout ce que je tiens à raconter J'ai pas envie de parler de touts les mauvaises choses qui sont arrivées. Je ne veux me souvenir que des bonnes. »