Écrit par HateWeasel

188. L'Enveloppe.

Ciel était assis dans son bureau, aux aurores du soir, portant un costume noir classique avec une cravate bleue, étant donné que l'événement auquel ils se rendaient était plus ou moins important, tandis qu'il attendait que la menace blonde se prépare. En réalité, Ciel était assez nerveux. Il n'était jamais réellement allé à un bal d'école auparavant, la chose ne l'ayant jamais particulièrement intéressée. Il ne savait absolument pas à quoi s'attendre. Cela ne lui était pas familier, le territoire social des adolescents modernes. D'une certaine façon, il se sentait étrange, mais en même temps n'était-ce pas la réaction attendue ?

Refuser de prendre part à de telles futilités allait de soi pour les Phantomhive, pourtant cette façon d'agir commençait à disparaître depuis quelque temps, et cela avec l'arrivée d'un certain blond. Pour Ciel, il s'agissait d'une véritable anomalie, la manière dont son ex-Némésis avait réussi à lui faire ressentir de la colère et de la malveillance puis des sentiments affectifs et capricieux. Peut-être étaient-ce les signes que le Chien de Garde de La Reine s'adoucissait et perdait de son mordant. C'était une idée qui déplaisait au bleuté, ce dernier n'ayant connu que l'amertume, la rancœur et l'indifférence pendant tant d'années. Ses pensées sur le sujet furent cependant interrompues lorsqu'il entendit frapper à la porte.

- Entrez, dit-il de son habituel ton désintéressé, levant un sourcil quant à l'arrivée plutôt tôt de la menace blonde.

Il s'était attendu à ce que le blond prenne au moins dix minutes de plus.

- C'est moi~ ! salua Alois, souriant au bleuté en entrant dans le bureau.

Ciel grogna afin de montrer qu'il avait bien remarqué le blond, faisant de son mieux pour garder l'illusion d'une certaine indifférence, une tâche assez ardue étant donné la tenue du blond.

Ce n'était rien d'indécent ou quoi que ce soit de la sorte. Non, c'était en réalité l'opposé, un simple costume noir, semblable à celui du bleuté, la seule différence étant la cravate violette au lieu d'une bleue. Ils portaient tous deux leurs « tenues de missions » puisqu'ils ne voyaient pas l'intérêt d'aller acheter de nouveaux vêtements pour l'occasion. Toujours était-il que, Ciel ne pouvait pas résister à l'envie de quelque peu lorgner le blond dans son accoutrement inhabituellement masculin. Le bleuté se maudissait chaque fois qu'il se distrayait et se mettait mater le garçon. Alois était censé être la « fille », non ? Alors, pourquoi dès qu'il portait quelque chose d'un peu plus viril, le bleuté le trouvait particulièrement attirant ? Ciel remettait souvent en question sa sexualité à cause de cela. Il n'avait jamais prévu d'être homosexuel, et s'était dit que s'il était bisexuel, il serait quelque peu « normal ». Peut-être était-ce ses mœurs Victorienne bien ancrées qui biaisaient une nouvelle fois son jugement.

- Prêt à partir ? demanda le blond, sortant brusquement le bleuté de ses pensées.

À en juger par le grand sourire sur le visage de Alois, il savait où l'œil visible de l'autre garçon se dirigeait.

- Oui, répondit Ciel, se levant de son siège et marchant vers la porte. Tu n'as rien oublié ?

- Rien. J'ai mon téléphone, mes clés, etc sur moi ! répondit Alois, faisant de son mieux pour garder un certain contrôle de son enthousiasme.

- Alors nous devrions y aller. Laisser ces deux là toutes seules pendant trop longtemps ne me dit rien qui vaille, dit le bleuté, longeant le couloir avec le blond à ses côtés.

Ils furent silencieux quelques instants, mais alors, le silence fut brisé en morceaux par la menace blonde.

- Tu portes ce costard, hein ? dit-il avec un grand sourire.

- Quel costard ? demanda le Phantomhive sur un ton confus. De quoi parles-tu ?

- Oh, je ne t'ai pas dit, hein ? demanda innocemment le blond. J'aime ce costard. Il te va bien, dit-il, faisant légèrement rougir l'autre garçon. Ça te fait aussi un joli petit cul, ajouta-t-il et le rougissement du bleuté s'amplifia, l'encourageant à lancer un regard mauvais qui fut pris à la rigolade.

Gloussant, le démon blond se mit à prendre de l'élan le long des couloirs dans une course dont il semblait être le seul participant jusqu'à ce que le bleuté se mette à le poursuivre.

Ils finirent par descendre les nombreuses marches et rejoignirent l'homme qui les conduirait à l'école ce soir. Ciel reprit immédiatement une allure « sérieuse » en compagnie du majordome. Il n'aimait pas montrer à Sebastian qu'il pouvait en fait agir comme un enfant. Peut-être était-ce parce qu'il était supposé être l'autorité suprême de la demeure, et qu'il désirait être pris au sérieux, ou peut-être était-ce parce qu'il était conscient qu'il n'était jamais devenu mature physiquement parlant, quoi qu'il en soit, le garçon n'aimait pas le montrer. Bien que l'homme en question remarquait les actes enfantins dont le bleuté faisait parfois preuve, Sebastian prétendait ne pas s'en rendre compte, se gardant bien de faire un commentaire afin de respecter la volonté du jeune maître.

Le trio de démons remplit la voiture, et prit la route vers Warwick Academy. L'école n'avait pas changé d'un poil depuis la dernière fois qu'ils y étaient venus le soir, la seule différence étant le manque de lumières extérieures, étant donné que l'événement ne se déroulait pas dehors dans le froid. Les ombres qui semblaient grimper les murs extérieurs du bâtiment la dernière fois englobaient désormais tout le campus, à l'exception d'une petite zone près de la salle de bal. Alors qu'ils s'approchèrent, ils entendirent les sons étouffés des basses de la musique qui semblaient faire trembler la bâtisse toute entière.

Ils s'approchèrent encore, jusqu'aux portes pour être exact, et ils reconnurent quelques visages, ignorant qui étaient les autres personnes présentes. Ils se dirent que les personnes qu'ils ne reconnaissaient pas étaient les Tamworthiens, et il s'agissait de leur seule manière de distinguer les élèves des deux écoles, étant donné qu'aucun d'entre eux ne portaient leur uniforme. Certains portaient les couleurs de leurs écoles afin de faire la différence entre leurs deux « équipes », cependant, et ces derniers étaient ceux que la sécurité devait le plus surveiller puisqu'ils étaient les plus enclins à causer des problèmes. Ils étaient généralement aussi ceux qui s'adonnaient à- ahem, des danses « inappropriées » sur la piste de danse, ce que le duo de démons trouvait dégoûtant.

Même Alois, qui était considéré comme étant plutôt pervers, était offensé. En fait, c'était Alois qui ne savait pas vraiment où poser ses yeux en entrant dans le bâtiment. S'il regardait d'un côté, il était presque aveuglé par les lumières multicolores, et s'il regardait d'un autre côté, il assistait à une danse entre mineurs à la limite de la pornographie, ce qu'il trouvait être plus « qu'un peu » perturbant. Toutes ces impressions ne firent qu'empirer avec les insupportables basses qui attaquaient ses tympans. Les basses étaient si fortes qu'il ne pouvait même pas considérer cela comme de la « musique » étant donné qu'il s'agissait de la seule chose qu'il arrivait à entendre sortir des enceintes, faisant légèrement trembler le sol sous ses pieds, ce qui ne faisait que le rendre encore plus confus.

Il se couvrit les oreilles et ferma les yeux, ne sachant pas quoi faire d'autre. Tout ce qu'il savait était qu'à cet instant il voulait que ce sentiment d'anxiété qu'il ressentait disparaisse. Ce n'était pas « amusant ». C'était terrifiant. Le sol tremblait, la musique n'en était pas, plutôt une série de sons désagréables à rendre fou, les lumières qui étaient ironiquement incapables d'éclairer correctement la pièce étaient aveuglantes, et les gens autour de lui s'étaient transformés en bêtes féroces. Il avait comme l'impression d'être entré dans une autre dimension complètement tordue, ou encore en Enfer, plutôt que dans une rencontre sociale.

Fermer les yeux ne fit que diminuer l'impact de ce soi-disant éclairage. Il pouvait toujours le voir à travers ses paupières. Couvrir ses oreilles ne fit qu'étouffer légèrement le vacarme tonitruant. Il pouvait toujours entendre. Il pouvait sentir chaque vibration dans ses pieds. La seule défense qu'il connaissait avait échoué, et il ne pouvait que réfléchir à une autre solution.

Le blond fut ramené de force à la réalité lorsqu'il sentit quelque chose se poser légèrement sur son épaule, le tissu de sa veste rencontrant sa peau, et une faible chaleur qu'il ne ressentit presque pas à travers la veste s'en émanant. Il se força à rouvrir un œil afin de regarder là d'où venait cette impression, tombant sur un certain bleuté qui le regardait d'un air inquiet. Le blond réalisa alors à quel point il avait du avoir l'air étrange à ce moment-là; à quel point il avait dû sembler ne pas agir comme à son habitude et avoir une réaction inattendue. Le blond força ses mains à s'éloigner de ses oreilles, et ses paupières à s'ouvrir pour regarder l'autre garçon tout en arborant un faux sourire et en riant nerveusement.

- Tout va bien ? demanda Ciel, se rapprochant un peu plus du garçon pour qu'il puisse l'entendre avec la musique.

- Hein ? O-oh, ouais… C'est juste un peu… étourdissant, c'est tout, répondit la menace blonde, faisant de son mieux pour parler sur un ton qui apaiserait les inquiétudes de l'autre garçon, échouant misérablement malheureusement.

- Nous ne sommes pas obligés de rester, tu sais, dit le bleuté en prenant la main du blond et la serrant quelque peu.

- Et Amélie et Charlotte alors ? demanda Alois, se rappelant de l'excuse que Ciel lui avait donné.

Il était lui aussi incertain quant à l'idée de laisser la Vampire et la loup-garou toutes seules (ou comme il les appelait : « la sangsue et le caniche »).

- Eh bien, et si nous essayions de trouver les autres afin d'ignorer tout ce raffut ? répondit le bleuté avec une autre question. Je ne comprends vraiment plus les adolescents modernes…

- Moi non plus, mais ça m'a l'air d'être une bonne idée… dit le blond, observant attentivement le visage de l'autre garçon alors que les lumières l'éclairaient de différentes coloris, créant de curieuses ombres ici et là.

Il se rapprocha inconsciemment, et le bleuté en fit de même, observant le même phénomène se dérouler sur le visage du blond.

- Pas tant que je serai là ! dit une voix sévère, faisant sursauter le duo.

Ils regardèrent de côté et aperçurent Monsieur Irons qui leur lançait un regard ferme. L'homme leva deux doigts et avec eux pointa ses yeux une seconde avant de retourner son poignet pour que les doigts pointent les garçons. Il semblait sous-entendre « Je vous aie à l'œil ». Ce fut à cet instant que les garçons réalisèrent que les règles de l'école s'appliquer probablement ici aussi, pourtant cela soulevait la question de pourquoi il n'arrêtait pas la danse provocatrice qui prenait place sur la piste de danse. Peut-être le problème était-il de trop grande échelle pour être maîtrisé.

Le duo ne fit que sourire d'un air gêné à l'homme avant d'acquiescer pour montrer qu'ils avaient compris. Ils se retirèrent ensuite plus loin dans la grande salle de bal à la recherche du reste des Sept Sensationnels. Ils trouvèrent Kristopherson, mais ils ne l'approchèrent pas étant donné qu'il était occupé à parler avec Cameron, d'un curieux enthousiasme. Ils étaient contents pour le garçon, et étrangement perturbé par cet inhabituel comportement en même temps. Ils trouvèrent Daniel, mais le laissèrent également tout seul, étant donné qu'il dansait avec Anastasia, ces deux-là étant l'une des rares paires sur la piste qui semblait montrer un tant soit peu de pudeur. Et pour finir ils trouvèrent Travis ainsi que Audrey, et se mirent à discuter avec eux, découvrant que le dernier membre, Preston, était apparemment parti aux toilettes. Pour le plus grand soulagement des démons, faire la conversation semblait être assez pour calmer le sentiment de chaos dans la pièce.

Pendant ce temps, alors qu'un certain garçon sortait des toilettes, il fut approché par un homme étrange, un homme qu'il n'avait jamais rencontré. Ledit homme portait un col roulé vert-olive, et une veste en jean, ainsi qu'un pantalon de treillis et des bottes tout terrain; son accoutrement le faisant plus que « légèrement » ressortir. Il semblait être dans le début de la vingtaine, avec des cheveux dorés et des yeux verts pétillants, mais ce fut sa façon de parler qui surprit le plus le garçon.

- Excuse-moi, mais est-ce que tu connais quelqu'un qui s'appelle « Ciel Phantomhive » ? demanda l'homme avec un léger accent allemand.

- O-Oui, je le connais. Pourquoi ? demanda Preston en hésitant.

Si une personne aussi étrange cherchait le Phantomhive, ce ne pouvait pas être une bonne chose. Pourtant, l'homme sourit joyeusement en entendant sa réponse, et il mit la main dans sa poche avant de sortir une enveloppe.

- Tu peux lui donner ça pour moi ? demanda l'homme, tendant l'objet au garçon. C'est très important.

Le garçon prit l'enveloppe, remarquant qu'elle n'était pas particulièrement lourde, contenant sans doute un petit papier. Cependant, le mystérieux contenu de ce papier était ce qui inquiétait Preston, cela pouvait autant à voir avec des meurtres, des missions d'espionnages, des menaces terroristes, qu'avec pratiquement n'importe quoi de grave et dangereux.

- D'accord… dit-il finalement, observant l'enveloppe blanche. Je lui donnerai.

- Un grand merci ! dit l'homme avec un sourire. Je compte sur toi.

Il se retourna et sortit du bâtiment comme s'il n'avait jamais été là en premier lieu.

Preston fixa l'enveloppe un moment, se demandant ce qui pouvait bien être à l'intérieur. Il songea à l'ouvrir, mais le bleuté le tuerait probablement s'il jetait un œil à des documents top-secret. Il ne pouvait s'empêcher de se dire que cette soirée allait tourner au vinaigre à n'importe quel moment.