Ce chapitre sort beaucoup plus tard que d'ordinaire, mais une des assos de ma fac projetait un film en soirée. Adorant "La Traversée du Temps", je ne pouvais pas laisser passer cette chance de le revoir sur grand écran !
Écrit par HateWeasel
190. La Raison De Mon Combat.
Ciel bougea juste à temps pour éviter la baïonnette au bout du pistolet de Heinrich. L'homme attaquait par en-dessous, par en haut, ne coupant que le vide. Il braqua le jumeau de son pistolet sur le garçon, défendant son torse qui était vulnérable à une attaque à cause de ses mouvements de bras, et appuya sur la gâchette, manquant de peu la tête du bleuté. Il changea de posture, se préparant à lancer ses prochaines attaques. Le Phantomhive sortit sa propre arme, le Zamiel, attrapant la poignée de cette dernière et bougeant rapidement son bras pour la montrer.
Mais alors, le peu de lumière que reflétait la lune fut bloquée. Le partenaire de l'allemand, aux proportions semblables à celles d'un gorille, mit son bras en arrière pour s'apprêter à asséner un coup au garçon, le distrayant un moment. Floyd n'alla jamais au bout de son attaque, cependant, lorsqu'il sentit un poids sur son dos. Il ne pouvait pas voir de quoi il s'agissait, étant donné que la menace blonde couvrait ses yeux, et il ne pouvait pas non plus se débarrasser du garçon, Alois ayant enroulé ses jambes autour du torse de l'homme, s'agrippant fermement.
- Devine qui c'est! cria le blond sur un ton plaisantin alors que l'homme à la chemise Hawaïenne bougeait les bras dans tous les sens.
- Dégage, gamin ! rugit l'homme de son étrange accent, qui semblait être américain pour le garçon.
- Faux ! Ce n'est pas mon nom ! plaisanta-t-il, agaçant encore plus son adversaire. Ne t'inquiète pas, Ciel ! J'ai les choses en mains !
- Je n'en ai pas l'impression! répliqua le bleuté, évitant un autre mouvement vif de la part de son opposant.
Alois ouvrit la bouche pour parler, mais l'homme contre qui il luttait attrapa son manteau, et le força à descendre, l'envoyant balader. Alois atterrit sur ses pieds, et se remit droit afin de faire face à l'homme.
Il écarquilla les yeux lorsqu'il eut une meilleure vue du visage dudit homme. Floyd avait un nez plat, des yeux perçants, un menton carré, un visage ridé, et une ou deux cicatrices. Il devait bien avoir la quarantaine, au moins, avec une carrure impressionnante qui était principalement composée de muscles. Sa silhouette suffisait à déstabiliser Alois, et voir tout cela fit bouillir son sang.
Le blond fronça les sourcils et serra les dents, ses propres yeux devenant plus acerbes devant ce qu'il voyait. Ce n'était pas « Floyd » qu'Alois voyait. Non, c'était quelqu'un d'autre; quelqu'un du passé; quelqu'un du nom de « Trancy ». Son esprit s'embruma avec les souvenirs de l'homme, celui qu'il avait autrefois appelé « père ». Tout le sang stocké dans le visage du blond se dirigea vers ses membres alors qu'il se prépara à combattre ou fuir.
Que choisirait-il ? Combattre ? Fuir ? Combattre. L'homme qui l'avait entrevu devant lui était l'un de ses ennemis mortels, un ennemi qui n'était pas « chéri » comme le Comte Phantomhive. Non, cet ennemi ne méritait que de disparaître. Un ennemi que Alois combattrait jusqu'à qu'il ne soit que poussière sous les pieds d'Alois.
Ce fut pour cette raison que le blond n'avait aucune peur d'affronter cet ennemi. Il ne ressentait plus la crainte qu'il aurait ressentie avait-il encore été humain. Désormais, il ne ressentait qu'une rage débordante pour cet homme. Ce fut pour cette raison, qu'Alois sourit. Enfin, il pourrait vaincre son ennemi, et être en paix. Il vaincrait cet homme, qui l'avait sali; cet homme, qui l'empêchait de se sentir digne d'être aux côtés de Ciel. Il se délivrerait de ce doute dans son cœur. Il l'arracherait, et le détruirait.
Oui, c'était ce pourquoi Alois souriait. C'était ce pourquoi il chargea aveuglément l'homme. Ce fut cette croyance qui fit combattre le blond non pas en tant que « Alois Trancy», mais « Jim Macken». Il n'était plus ce misérable petit garçon qui était incapable de lutter contre les forces qui l'entouraient, et qui ne pouvait que s'associer avec elles afin d'arriver à ses fins. Il allait enfin combattre; sans coups-bas ou manipulation, mais avec sa propre force; sa propre volonté. Il se battrait de la manière qui lui convenait. Il se battrait avec dignité, et défendrait son honneur. Il se battrait, et il gagnerait.
Il mit son bras en arrière et l'élança maladroitement en avant, frappant dans le vide. Il ajusta sa position et frappa à nouveau, cependant l'homme fut en mesure d'esquiver aisément. À son tour, Floyd prépara un coup de poing, heurtant le garçon du premier coup.
Les poings américains laissèrent d'énormes marques violettes foncées sur la peau du garçon, à cause de la force avec laquelle ils étaient utilisés. Même si une telle blessure guérirait en un rien de temps, cela ne changeait rien au fait que le garçon ressentait tout de même la douleur, heureusement atténuée par sa physiologie surnaturelle. Ce simple coup avait suffit à littéralement couper le souffle d'Alois. Il ne pouvait s'empêcher d'être quelque peu découragé en conséquent. La rage bouillonnante ainsi que la confiance sans limite qui l'avaient envahies plus tôt s'étaient métamorphosées en crainte alors qu'il était, mentalement, redevenu ce pauvre petit garçon qu'il avait été il y a si longtemps.
Le bleuté avait lui aussi des difficultés, étant donné que son adversaire était d'une manière ou d'une autre capable de suivre sa vitesse. L'allemand ne gâcha pas un seul mouvement, ne laissant aucune ouverture. C'était comme si son style de combat était une véritable chorégraphie.
Il ne tendait que rarement le bras pour rester protégé, mais lorsqu'il le faisait, l'arme dans son autre main prenait les devants, et tirait sur le bleuté alors qu'il était difficile pour le garçon d'esquiver. Il ne désirait pas particulièrement se lâcher sur un humain, mais Heinrich rendait la tâche plus compliquée. Il voulait désespérément regarder du côté du blond pour savoir comment ce dernier s'en sortait tout seul, mais il savait que dès qu'il détournerait l'œil, il serait poignardé ou fusillé.
Ciel tira quelques balles de son propre pistolet en espérant qu'avec la distance qui les séparait il pourrait au moins gêner l'homme. Cette chose qui était apparemment « humaine» avait des sens et des réflexes qui n'avaient rien d'humain. Le bleuté se mit à courir sur les côtés afin d'essayer de couvrir une zone plus large, mais Heinrich le suivait, imitant la stratégie de manière agaçante.
En ayant assez de se tourner autour, le bleuté finit par décider de mettre un terme à tout cela. Son œil luisit de rouge, et tout ce qui entrait dans son champ de vision sembla ralentir. Ils semblaient tous deux ralentir, et ce fut grâce à cela, qu'il fut en mesure de remarquer d'infimes détails. De la lueur dans les yeux verts du blond à chaque petit mouvement qu'il faisait, Ciel était à présent capable de le voir. Il tendit le bras afin de tirer, mais il attendit. Il attendit que Heinrich braque son arme sur lui à nouveau. Lorsque Heinrich s'exécuta, le bleuté appuya sur la gâchette, indiquant au temps de reprendre son cours.
Une balle ricocha sur le pistolet de l'homme. Surpris, il le lâcha, et il tomba vers le bord du bâtiment puis sur la pelouse en bas, dans un bruit sourd. L'allemand leva rapidement son autre bras afin de compenser sa perte, mais l'arme dans cette main disparut tout aussi rapidement, rejoignant son compagnon.
- Tu es bon, « Chien de Garde», dit l'homme, détournant le regard de là où son pistolet était tombé afin de regarder le garçon avec un sourire.
- Je vous retourne le compliment, « Chien de Guerre », répondit le bleuté, le pistolet toujours braqué sur Heinrich. Dites-moi, pourquoi cherchez-vous à venger votre employeur, exactement ? Votre intégrité est-elle en jeu ?
Le sourire de Heinrich s'effaça et il fronça les sourcils.
- Tu sais vraiment rien, hein, « Chien de Garde» ? demanda-t-il, grognant presque. Victor… c'était un homme bon. Le meilleur. Tout ce qu'il voulait c'était que son fils soit heureux et qu'on s'occupe de lui, alors il travaillait tout le temps. Il s'en est voulu jusqu'à la fin pour ce qui est arrivé à Johnathan…
- Mais pourquoi ? Il n'était pas présent. Il n'y a rien qu'il aurait pu faire, répondit le garçon.
- C'est justement pour ça qu'il s'en voulait ! cria en colère l'allemand. Il regrettait plus que tout de pas avoir été là pour aider son fils ! Il essayait désespérément de trouver un moyen de tourner la page, comme Johnathan l'aurait voulu! Il continuait d'essayer de réaliser les souhaits de son fils après qu'il soit parti ! Victor aimait Johnathan plus que n'importe quoi; pas l'argent, le pouvoir, mais son propre fils et de tout son cœur ! Un homme comme ça- !
Il marqua une pause, regardant le sol avant de reprendre.
- Un homme comme ça… qui commet d'horribles crimes, vend des armes qui apportent que la mort et la destruction, condamne des nations et se condamne lui-même à l'Enfer, tout ça pour le bonheur et le futur d'un seul petit garçon solitaire… au fond, il est bon peu importe comment on le voit… continua-t-il, sa voix plus douce. Nous tous… on admirait un tel homme… il était la preuve que dans un monde chaotique et cruel, il pouvait y avoir un être humain qui soit sincèrement bon. Qu'une telle personne doive souffrir autant… perdre la chose pour laquelle il se battait constamment… et être arrêté avant même d'avoir la chance de dire «au revoir»…
Il releva les yeux, le regard déterminé, étant pourtant au bord des larmes.
- … Ça prouve qu'il y a vraiment pas d'espoir pour cette foutue planète après tout ! cria-t-il, serrant les poings.
Ses ongles laissaient de petites marques en croissant de lune sur sa peau, mais cela lui était égal. Toute son attention était sur le bleuté devant lui. Ciel, baissa son arme un instant et dit :
- Dieu n'existe pas. Qu'importe le nombre de fois où quelqu'un prie, rien n'arrivera; pas tant que cette personne ne se lèvera pas et agira. Les êtres humains doivent se battre pour ce qu'ils désirent, parce que Dieu ne le leur servira pas sur un plateau d'argent. Ce sont ces êtres humains qui se battent toujours plus, qui vivent réellement. S'ils venaient à périr durant le processus, ils auront pleinement vécus, donnant tout ce qu'ils avaient à la vie.
Ciel releva son arme et continua.
- C'était Victor Beattie. Son combat était noble, et ses intentions pures. Il n'avait que le bonheur et le bien être des autres dans son cœur, mais votre combat est-il noble ? Vous battez-vous pour Victor, ou pour vous-même ? Est-ce ce qu'il aurait souhaité ? Il vous a dit de vous échapper, je me trompe ? Il vous a dit de vivre.
Heinrich cligna des yeux, abasourdi par les paroles du garçon. Il était stupéfait. Il se tenait sur le toit du gymnase de Warwick, sans aucune défenses, pourtant ce n'était pas ce qui le travaillait. Non, c'était l'importance que le garçon semblait transmettre, qui captivait son attention. Peut-être que le garçon comprenait vraiment, après tout.
L'allemand fut tiré hors de sa transe par une voix. Cette voix n'était pas celle du bleuté, ni la sienne. Ce n'était pas celle de son complice, ni du blond qui combattait actuellement ce dernier. Non, cette voix était familière. Cette voix était douce et espiègle, quoi que quelque peu sévère.
- Comptes-tu aller à l'encontre des ordres, Heinrich? demanda-t-elle, et enfin, l'homme la reconnut.
Il s'agissait de la voix de son employeur, Victor Beattie.
Là, devant lui, se tenait l'homme, comme s'il était encore en vie. Il portait son habituel costume marron, avec une chemise bleue et sans cravate, les deux premiers boutons défaits. Sa cicatrice se trouvait sur son sourcil droit, cicatrice qu'il avait eue lors d'un marché qui avait mal tourné. Son expression semblait quelque peu le réprimander, pourtant il y avait toujours ce côté légèrement enjoué par nature, mais dans sa main, il tenait le pistolet du bleuté, et il était toujours braqué sur Heinrich.
- Patron… fut tout ce que l'allemand réussit à articuler. Pourquoi… Pourquoi vous nous avez abandonné ? On aurait pu aider… On aurait pu…
- Non, vous n'auriez pas pu, dit Victor avec un sourire bienveillant. Si vous aviez continué à vous battre, vous seriez tous morts, et je ne voulais pas ça. Je ne voulais pas que d'autres êtres chers meurent.
- Mais c'est notre devoir de vous protéger! Vous êtes pas censé nous protéger !
- Je sais. Mais ça m'est égal. Je vous ai protégé parce que je le voulais. Vous pensez pouvoir pardonner mon égoïsme ?
-C'était pas égoïste ! Il y a rien à pardonner !dit Heinrich, au bord des larmes.
Sa voix se mit à craquer et il regarda de nouveau le sol.
- Si je peux pas vous protéger… ou être à vos côtés… qu'est-ce que je dois faire ?
Le trafiquant d'armes leva les sourcils de surprise en entendant ces mots, avant de les rebaisser et de sourire.
- Tu trouveras. Tu dois faire ton propre chemin maintenant, Heinrich, dit-il. Tu dois continuer à te battre, quoi qu'il arrive. Fais ce que je n'ai pas pu faire.
- Mais patron- ! commença l'allemand, relevant les yeux.
Cependant, son employeur n'était plus là. Le bleuté était à sa place, portant un cache-œil.
- Que comptez-vous faire, « Chien de Guerre » ? demanda le garçon, son arme toujours levé. Que. Comptez. Vous. Faire ?
Heinrich hésita avant de répondre, comme s'il devait y réfléchir. Il leva un bras, et essuya les larmes qui menaçaient de couler avant de remettre ledit bras le long de son corps. Soudain, il serra les poings et regarda le bleuté droit dans l'œil, plus déterminé que jamais, et il prit une position de combat.
- Je vais me battre, dit-il, et le bleuté sourit légèrement.
- Soit, dit Ciel, donnez tout ce que vous avez.
L'allemand chargea alors sans plus attendre, fonçant tout droit sur le bleuté comme s'il ignorait le fait que le garçon avait un pistolet, et Ciel le laissa faire. Il attendit qu'il arrive à une certaine distance avant d'appuyer sur la gâchette, blessant l'homme à la jambe. Heinrich se contenta de gémir en sentant la forte douleur, mais il continua à charger un peu plus lentement qu'il l'aurait voulu. Il comptait aller jusqu'au bout, qu'il y ait un trou dans sa jambe ou non.
Un coup de feu retentit, et il sentit alors une douleur similaire dans son autre jambe qui le fit tomber en avant sur le toit, ses mains amortissant plus ou moins sa chute, et son visage s'écrasant dessus. Il leva les yeux, fusillant du regard le garçon qui se tenait à seulement quelques pieds de lui, et il grogna alors qu'on le regardait de haut. Ciel détourna l'œil de sa personne, concentrant son attention autre part.
-Vous êtes vraiment insensé, dit-il enfin. On vous offre la chance de vivre, et vous la rejetez sur le champ. Vous êtes un idiot.
- Je suis peut-être un idiot, « Chien de Garde», dit Heinrich, mais au moins je peux dire que j'ai « vécu ».
- Pourquoi au passé ? Vous êtes encore en vie, non ? Tâchez de le rester, dit Ciel, portant son attention sur son propre complice, se sentant quelque peu moins inquiet en sachant comment il s'en sortait, mais toujours un peu en voyant l'état dans lequel le garçon était.
Du sang coulait du nez d'Alois ainsi que du coin de sa bouche, légèrement étalé sur son visage après qu'il ait essayé de l'essuyer, et des gouttes tachaient son costume. Il semblait avoir reçu quelques coups, pourtant il guérissait plutôt vite, ce qui était rassurant. Mais en même temps, le bleuté ne pouvait s'empêcher de s'inquiéter du fait que le garçon refusait de prendre sa forme démoniaque afin de vaincre son adversaire, choisissant à la place de rester « humain », rallongeant ainsi le combat. L'expression sur le visage du garçon était tout aussi alarmante, étant donné qu'elle n'était absolument pas familière au bleuté. C'était un étrange mélange de détermination et de rage qui habillaient les traits du blond, alors qu'Alois commençait à comprendre quelque chose.
Il s'élançait trop lorsqu'il attaquait, créant une ouverture pour une contre-attaque de son adversaire. Il devait simplement attaquer plus vite, frapper davantage et avec moins de force afin d'épuiser son opposant. Il devait rester calme et réfléchir à ses attaques, plutôt que de foncer dans le tas. Alois n'avait pas besoin de changer de forme pour gagner, mais de stratégie.
Le blond ne saurait l'expliquer si on lui demandait, mais il ne voulait pas changer de formes. Pour lui, il s'agissait d'un problème « humain », de ce fait il devait être « humain» pour le résoudre. C'était aussi simple que cela. Il sentait qu'il n'arriverait à aucune conclusion autrement. Alors il devait le faire de cette manière, pour sa propre fierté « humaine ».
Ayant l'impression que ça ne ferait que le gêner, le blond enleva sa veste et la jeta sur le côté, ne cherchant pas à savoir où elle atterrirait. Il n'avait d'yeux que pour son adversaire. Alois retroussa les manches de sa chemise blanche, et prit une position similaire à celle de l'homme contre qui il se battait, imitant plus ou moins une position de boxe.
Prenant une grande inspiration, il commença à se calmer, vidant son esprit de toutes pensées qui ne l'aideraient pas à obtenir une quelconque victoire. Puis, il força ses jambes à avancer; avancer vers la source de sa colère et de son manque de confiance en lui. Alois savait très bien qu'il ne s'agissait pas réellement de l'homme qu'il connaissait, pourtant il ne voulait pas reculer. Il souhaitait l'écraser avec tout ce qu'il avait, et que personne n'interfère; et personne ne se mettrait en travers d'eux.
Ciel était beaucoup trop dérouté par l'inhabituel sérieux du garçon pour l'aider. Non, il savait qu'il ne devrait pas aider. Il savait que pour Alois, cela touchait d'une manière ou d'une autre à sa fierté, en conséquent, il attendrait.
Jusque là, le changement de raisonnement du blond fonctionnait, étant donné qu'il pouvait à présent asséner plusieurs coups consécutifs sur le mastodonte, laissant de large bleus sur sa peau. Occasionnellement, son adversaire attaquait, mais grâce à son changement de position, Alois était désormais en mesure de bloquer facilement. Malheureusement, cependant, bloquer n'était pas la meilleure des choses à faire contre les armes de l'homme, étant donné qu'elles faisaient quelques dégâts, laissant d'inélégantes marques marron foncé et violettes sur la peau du blond à la vue de tous depuis que ce dernier avait retroussé ses manches. Par la même occasion, la régénération du blond était également visible, les marques rétrécissant avant de complètement disparaître sans laisser de trace.
Floyd s'arrêta momentanément pour observer le phénomène bouche bée. Il n'avait jamais vu une chose pareille, et il avait vu beaucoup de choses étranges. Pas étonnant que ce garçon ne s'évanouisse pas sous ses coups. Pas étonnant que ce garçon ne meurt pas. N'importe quel humain lambda serait mort depuis longtemps, ou aurait au moins souffert de séquelles permanentes causées par l'assaut brutal.
Ce jeune garçon devant lui n'était clairement pas normal. Ses blessures guérissaient quasiment instantanément, et il ne mourait pas. Malgré sa plus petite taille et sa stature, il battait à plate couture un homme adulte habitué au combat. Floyd commençait à avoir peur du garçon, et cette peur se reflétait dans ses yeux, le garçon s'en délectant.
Alois mit son bras en arrière une dernière fois, frappant son adversaire en plein dans la mâchoire. L'homme à la chemise Hawaïenne tituba en arrière avant de s'écrouler sur le toit dans un bruit sourd. Il ne se releva pas. Il était inconscient, mais même ainsi, le démon n'était pas satisfait. Pour qu'Alois soit satisfait, cet homme devait périr.
- Floyd ! cria Heinrich de là où il se trouvait, ignorant la douleur dans ses jambes un moment afin d'appeler son ami. Floyd ! Debout !
Il n'y eut aucune réponse. Pas même un faible grognement ou un spasme. Floyd était évanoui. Arborant un grand sourire tordu, les yeux du blond luisirent de rouge, et il se tint sur son adversaire inconscient, le bras haut en arrière, visant directement la tête de l'homme. L'impact briserait le ciment, et enverrait des gouttelettes rouges partout autour de lui. Il était évident que Floyd n'allait plus jamais se réveiller.
Pourtant, le démon se prépara à frapper à nouveau l'homme, levant son poing en l'air. Au moment où il fut sur le point d'abattre son coup, cependant, il fut arrêté par une main attrapant son poignet qui mit brusquement fin à son attaque. Le blond fronça les sourcils avant de se tourner pour faire face à celui qui avait osé, et il découvrit le bleuté arborant une expression quelque peu surprise.
- Alois ? l'appela-t-il, mais le blond ne répondit pas.
De sa main libre, Ciel tint la tête du blond en place afin que le garçon le regarde.
- Voyons. Calme-toi. Tu vas bien.
Le rouge des iris du blond disparut, remplacé par le bleu glacé habituel, et son expression se détendit, passant de la colère à la culpabilité, comme s'il avait honte de ses actions.
Les secours ainsi que la police arrivèrent discrètement afin de ne pas alerter les élèves qui étaient toujours en train de profiter des festivités. Ils ignoraient tous les uns comme les autres la violence qui avait pris place il y a seulement quelques instants, et il était préférable que cela reste ainsi. Les seuls élèves qui seraient mis au courant de l'incident seraient les Sept Sensationnels.
L'ambulance qui emmena l'un des assaillants, un certain monsieur Heinrich Strumer, fila à travers la ville jusqu'à l'hôpital. L'homme était blessé par balle dans les deux jambes, et il aurait besoin d'être opéré afin qu'on lui retire les projectiles. Cette nécessité, ainsi que le fait qu'il était recherché par Scotland Yard pour avoir travaillé pour le trafiquant d'armes international, Victor Beattie, ne lui rendrait pas la tâche facile pour revenir à Warwick un jour.
Il repensait aux événements du jour, ne sachant presque pas quoi en dire, et ignorant quoi ressentir. Revoir Victor, et la vision de son seul collègue ayant survécu être tué devant ses yeux, était surréel. Il savait une chose, cependant. Il voulait continuer à se battre.
Attends un peu, « Chien de Garde », pensa-t-il, serrant les dents, la prochaine fois, je laisserai pas mes émotions prendre le dessus. Je te tuerai sans hésitation, toi et ton laquais blond. Tu verras. Je te combattrai jusqu'au bout…
Pendant ce temps, à Warwick, le duo de démons attendait que leur chauffeur vienne les chercher, étant donné qu'ils ne pouvaient pas retourner à la soirée couvert de sang comme ils l'étaient actuellement. Maintenant que les coups de feu s'étaient arrêtés, ils étaient en mesure d'entendre les basses de la musique venant de la salle de bal, étouffées par les énormes barrières ainsi que par la distance à laquelle ils se trouvaient. L'air de décembre était froid, alors Alois remit son manteau, tandis qu'il essaya d'agir comme s'il ne s'était absolument rien passé, mais en réalité, il se sentait bizarre.
Il ne savait pas s'il était content de s'être « prouvé », ou s'il avait honte d'avoir tué cet homme avec une telle brutalité. Il ne savait pas ce qu'il ressentait. Extérieurement, il avait plutôt froid, mais intérieurement, il ne savait pas, et c'était étrange. Soudain, il fut tiré hors de ses pensées par une main chaude se posant sur la sienne. Regardant le bleuté, il vit un regard inquiet habiter le garçon.
- Es-tu certain que tu ailles bien ? demanda Ciel en parlant de ce qu'Alois avait fait plus tôt, ainsi que du regard abasourdi qu'il lui adressait.
Le blond cligna plusieurs fois des yeux avant de répondre.
- Ouais… dit-il, … J'en suis presque sûr.
- Mais en es-tu sûr et certain ?
- Je sais pas…
Ils restèrent silencieux pendant un moment, Ciel se demandant s'il devait continuer sur sa lancée ou non, et Alois ne sachant pas quoi dire d'autre. Enfin, jusqu'à ce qu'il trouve.
- Eh, Ciel ? demanda-t-il, attirant l'attention de l'autre garçon.
- Oui ? répondit le bleuté, se tournant vers Alois.
- … Laisse tomber… C'était stupide… dit le blond en secouant la tête.
- Et alors ? Vas-y.
Ciel se rapprocha afin d'entendre ce que l'autre garçon murmurait.
- E-Eh bien… je me demandais… commença Alois, quelque peu timidement.
Il murmura et détourna le regard en disant :
- S-Si tu pouvais… dire mon nom… Tu sais… Mon vrai nom ?
Le bleuté devait l'admettre, il était quelque peu pris de court par l'étrange requête du blond, surtout parce qu'il savait que ce dernier était extrêmement gêné par ledit nom. Cependant, il était tout de même prêt à obtempérer, ouvrant la bouche pour parler.
- Jim, dit-il, purement et simplement.
Ce n'était qu'un mot; un mot court et plutôt anodin. Pourtant il sembla tout de même faire réagir le blond d'une manière ou d'une autre, qui tourna rapidement la tête pour faire face au bleuté. Il rougissait, et son visage ne tenait pas en place comme s'il essayait de ne pas sourire, pleurer, ou les deux à la fois.
- Jim Macken, dit de nouveau le bleuté pour voir quelle genre de réaction il obtiendrait.
Cette fois, le blond tourna vivement la tête.
- Je… commença-t-il, hésitant à parler, … Je-Je pense que…ce n'est pas si mal après tout…
- Quoi ? « Jim» ? demanda Ciel avec un sourire, s'amusant avec les différentes réponses qu'il recevait en répétant le mot.
Il se rapprocha afin de chuchoter dans l'oreille du blond.
- Je pensais que tu ne l'aimais pas ?
- Oui, dit Alois. Mais ce n'est pas dérangeant venant de toi…
- « Jim Macken», tu veux dire ? demanda le bleuté, et le blond frissonna légèrement.
- Réflexion faite, arrête, dit-il, braquant les épaules de manière défensive. C'est embarrassant…
- J'aime bien, moi, répondit Ciel. Surtout si ça te rend aussi mignon.
- Tais-toi… dit le blond.
- Mais pourquoi, Jim ? le taquina le Phantomhive.
- Je te préviens- !
- Quoi donc, Jim ?
- La ferme ! dit Alois, couvrant ses oreilles avec ses mains.
Cependant le bleuté attrapa ses poignets et les retira.
- Souhaites-tu en parler, Jim ?
- Tu es vraiment un enfoiré !
- Je t'aime aussi, Jimmy.
