Écrit par HateWeasel
199. Être Humain.
Ciel était assis et fronçait les sourcils tout en regardant de haut la zone délimitée par des barrières qui se trouvait en bas, ainsi que les recrues en face de lui qui regardaient également la zone depuis leurs petites tours, presque identiques à la sienne. Il ne faisait pas la tête à cause du test plus ou moins éthiquement discutable qui allait se dérouler, mais à cause de la femme assise à côté de lui, fumant un cigare avec un petit sourire suffisant. Il savait qu'elle ne souriait pas par rapport au test, étant donné qu'elle n'était pas d'une nature aussi sadique. Non, il savait que Sir Hellsing souriait narquoisement à cause de son comportement plus tôt avec la menace blonde, alias « Alois Trancy », ou « Jim Macken ».
- Vous n'allez jamais me lâcher avec cela, n'est-ce pas ? demanda-t-il, son sourcil tiquant avec agacement.
- C'est beaucoup trop drôle pour que je m'en prive, répondit Sir Hellsing, faisant légèrement glousser sa propre domestique blonde vampire assise à sa gauche.
Le bleuté pouffa quant à la réponse de la femme, fusillant du regard le majordome à sa droite qui venait de ricaner. Il posa son regard sur la tour juste en face de la leur, à environ deux étages au-dessus du sol. Il ne pouvait s'empêcher de se demander ce qui ne tournait pas rond dans la tête des examinateurs, alors qu'il observait les enfants recharger avec prudence leurs fusils, puis viser l'énorme conteneur au centre de la petite zone clôturée du camp, situé juste au centre. Même Sir Hellsing semblait quelque peu irritée.
Il s'agissait d'enfants, pourtant on leur donnait un tel fardeau, devoir toucher une goule à la tête. La plupart des humains étaient incapables de tuer un être vivant, encore moins quelque chose ayant une forme humaine. Même les soldats les plus endurcis avaient du mal à ôter la vie. C'est ainsi que fonctionnait la société. Tuer n'était pas une solution, quoi qu'il arrive. Une moralité très humaine.
Une fois que tous les enfants furent prêts, ils attendirent, les yeux braqués sur le conteneur, appréhendant nerveusement son ouverture. De la sueur commençait à perler sur leurs fronts et certains d'entre eux tremblaient, se demandant à quoi ressemblait réellement une goule. Seuls trois des participants au test n'étaient pas effrayés, étant donné qu'ils en avaient déjà vus. Charlotte, Amélie, et Alois. Audrey n'en avait pas vu, et avec le peu d'expérience qu'il avait par rapport au surnaturel, ainsi qu'avec les armes à feu, il était nerveux comme tous les autres. Tous semblaient retenir leurs souffles alors que l'un des examinateurs présent dans chacune des tours commença le compte à rebours.
- Prêt ? demanda-t-il, les enfants se préparant mentalement à ce qui allait suivre. Partez !
Un petit explosif connecté aux portes du conteneur se déclencha, cassant le verrous pour que personne n'ait à être en bas afin de relâcher les monstres. Ce ne fut que lorsque la détonation prit fin, et que les enfants purent entendre les grognements et les gargouillements des cadavres ambulants, qu'ils connurent la véritable peur. Cette peur monta d'un cran lorsque la fumée s'évanouit, et qu'elles furent visibles.
Pas un seul tir ne retentit, quoique leurs cibles étaient juste devant eux. Certains enfants fermèrent les yeux pour échapper à cette vision, d'autres lâchèrent leurs armes et se cachèrent au fond de la tour, et d'autres encore furent incapable de se mouvoir immobilisés par la peur. Ils n'arrivaient pas à se résoudre à tirer.
De véritables goules en chair et en os; des cadavres ambulants qui se nourrissaient de chair humaine. C'était réel. Ce n'était pas comme en jouant aux jeux vidéos. Aucun jeu vidéo ou film d'horreur au monde n'auraient pu les préparer à cela. Aucune histoire racontée par un membre de leur famille en ayant vu, peu importe à quel point leur description de l'apparence macabre de ces créatures était détaillée, n'auraient pu les préparer à affronter cette réalité. Ces horreurs putréfiées et abominablement laides avaient un jour été humaines, et on s'attendait à ce qu'ils tirent. S'ils ne tiraient pas, ils devraient faire des pompes, ou frotter les toilettes avec une brosse à dents, et certains enfants préféreraient largement cette option. Tout mais pas ça.
PAN !
Soudain, un tir retentit, et une goule s'écroula, sa matière grise en décomposition giclant là où elle se trouvait. Les autres cherchèrent du regard la source du tir, grimaçant en entendant le vacarme d'un nouveau tir. C'était le démon blond. Évidemment. Seul un démon pouvait être aussi vicieux.
Mais alors, un autre tir retentit, et un autre, et encore un autre, tous de différents endroits. Les autres êtres surnaturels s'étaient joints à la mêlée, remplissant leur mission. Ils s'étaient vite remis du choc initial qu'avait engendré la vue de ces créatures, et avaient commencé à les liquider. Même Audrey, pour qui tout cela n'était pas du tout familier, les avait rejoints.
Il n'était pas très emballé à l'idée de tuer ces choses. C'était amusant dans un jeu, mais dans la réalité, c'était difficile, émotionnellement parlant. Il était dur d'oublier le fait qu'il s'agissait d'anciens humains, mais il se souvint de la philosophie de H.E.L.L.S.I.N.G. qui avait été ancrée dans leurs têtes avant le test.
- Ces gens ne voulaient pas finir comme ça. Les tuer est le seul moyen de les laisser reposer. Les tuer est un acte de compassion, dit-il à voix haute, rafraîchissant la mémoire de ceux autour de lui.
Cela sembla les aider, étant donné qu'ils se joignirent également à la mêlée. Lentement, les goules commencèrent à tomber, bien que ce soit surtout leurs membres, étant donné qu'elles étaient touchées par la précision inexacte des enfants. Même Nigel Irons, qui s'en sortait bien à l'entraînement, était en difficulté à présent, ses nerfs prenant le dessus. L'entraînement était une chose, la réalité en était une autre. Ses yeux s'écarquillèrent lorsqu'il remarqua quelque chose.
- Elles… se rapprochent… murmura-t-il faiblement.
Les goules commençaient à s'attrouper vers les tours, là où se trouvaient les humains. C'était la chose la plus naturelle à faire pour elles, et Nigel le savait. Il savait aussi qu'ils étaient bien au-dessus des créatures, avec une clôture pour les empêcher de s'approcher des tours, mais ça le terrifia tout de même.
Nigel se leva afin de mieux viser les goules qui approchaient, tirant plusieurs balles depuis son nouvel et curieux angle, abattant un certain nombre d'entre elles. Inconsciemment, il se pencha en avant pour viser avec encore plus de précision, mais alors l'imprudent garçon perdit l'équilibre, et tomba. Dieu soit loué, le sol était plutôt mou, amortissant pas mal la chute, mais en essayant de se relever, une horrible douleur perçante le lança dans la jambe. Il la regarda, et vit sa cheville tordue d'une manière qui n'était définitivement pas normale.
Cette nouvelle constatation le terrifia, mais alors, il entendit les grognements qui avaient glacés son sang tout à l'heure devenir étrangement plus fort. Ce fut à cet instant que sa terreur atteint un niveau critique qu'aucun enfant ne devrait connaître. Lentement, il leva les yeux, et réalisa où il se trouvait. Il était dans la zone.
Il ne pouvait pas fuir. Il ne pouvait pas se lever. Il ne pouvait pas escalader le grillage pour accéder à la liberté. Il n'y avait pas d'échappatoire. Les goules l'aperçurent, le bruit de sa chute les alertant de sa présence, et elles se traînèrent vers lui. Tous les agents de H.E.L.L.S.I.N.G. prirent un pistolet et se mirent à tirer, empêchant les créatures de s'approcher davantage du garçon. Ils n'avaient pas besoin d'attendre les ordres de Sir Hellsing pour agir. La femme se leva, horrifiée par ce qui venait d'arriver. Elle passa même sa main dans son manteau, agrippant fermement le manche de son pistolet personnel avant d'ouvrir le feu à son tour.
- Que quelqu'un sorte ce garçon de là ! ordonna-t-elle.
Le Phantomhive se leva, se préparant à descendre et à porter secours au garçon humain, bien qu'il savait qu'il ne pourrait pas y arriver à temps. Les goules étaient trop proches. Beaucoup trop proches. Elles étaient presque pile sur le garçon, les bras tendus, prêtes à l'attraper et à le déchirer en morceaux.
C'en était fini pour Nigel Irons. Il ne pouvait pas échapper à cela. Personne ne pouvait lui venir en aide. Il ferma les yeux, les larmes coulant sur son visage. Tous les muscles de son corps se crispèrent alors qu'il se contenta d'attendre, gémissant, prêt à accepter son destin.
Mais ce ne fut pas le cas. L'Irons sentit un liquide froid et malodorant gicler sur son visage, ainsi que la surprise simultanée des personnes au-dessus de lui. Les coups de feu s'arrêtèrent un moment, bien que les grognements des créatures continuèrent. Le temps passa, et il ne sentit rien d'autre, il se força alors à ouvrir un œil, et vit devant lui un garçon blond dont les cheveux étaient coiffés en une assez petite queue de cheval, du sang sur ses poings serrés, dos à l'humain. Une goule morte se trouvait à ses pieds, son crâne brisé. Ce qu'il ne vit pas, cependant, était que les yeux du blond luisaient en rouge, ses pupilles fendues.
Alois regarda en direction de la tour où était le bleuté, comme s'il demandait au garçon la permission pour ce qu'il s'apprêtait à faire. Lorsque sa requête silencieuse fut acceptée avec un acquiescement, il sourit, levant le fusil qui était toujours dans sa main libre. Il agrippa le canon, tenant l'arme comme une batte de cricket, et il frappa, fracassant le crâne d'une autre goule avec la crosse de l'arme. Ce n'était pas une arme de corps-à-corps, alors il improvisa.
Il répéta cette action encore et encore jusqu'à ce que l'arme tombe en morceaux, le bois de la crosse volant en éclats, seuls ses poings restant. Il continua à frapper, mais les créatures se rapprochaient encore, alors il fit la seule chose logique à laquelle il pouvait penser, et s'embrasa. La substance noire enflamma plusieurs goules l'entourant, les brûlant. Nigel avait du mal à rester aussi près de la chaleur, refermant les yeux et protégeant son visage avec ses bras. Lorsqu'il les rouvrit, lorsque la chaleur disparut, le garçon avec qui il avait partagé un dortoir pendant environ trois semaines avait lui aussi disparu. À sa place, se trouvait un démon.
Un démon avec des cornes sortant des deux côtés de sa tête, se pliant en avant comme celles d'un taureau, et une queue blonde, comme celle d'un singe. Il avait des oreilles pointues, des yeux rouges et des canines aiguës clairement visible avec son sourire. Les ongles noirs du blond avaient poussées pour devenir des serres, et son uniforme s'était changé en une étrange tenue noire. Le haut du démon s'arrêtait au niveau de sa cage thoracique, révélant son abdomen, sans manches pour laisser à nu ses épaules. Il y avait une plaque de métal attachant le devant où le mot « JUDAS » était inscrit. Il portait de longues mitaines qui montaient un peu plus haut que ses coudes, ainsi que de hautes bottes noires et un mini-short, ne laissant paraître qu'un bout de peau là où les deux accessoires ne se rejoignaient pas.
C'était donc cela, un démon ? Ce garçon, qui avait été si gentil auparavant, et qui avait sauté à la rescousse de l'Irons, dégageant à présent une aura corrompue et malveillante qui n'allait en rien avec son sourire ? Alois tendit les bras, comme s'il allait enlacer les créatures devant lui, avant de rapidement les élancer en avant, amenant en même temps des plantes grimpantes qui surgirent du sol derrière lui de chaque côté du garçon humain qui s'appuyait contre le grillage. Les plantes servirent de barrière entre eux et les autres monstres pendant un moment avant que le blond ouvre ses bras une nouvelle fois. Elles se mouvaient comme si elles étaient ses bras, envoyant valser les goules qui menaçaient d'encercler les garçons.
Le blond plia légèrement les poignets, guidant les plantes à s'enrouler autour de l'humain qui était coincé en bas avec lui, avant d'étirer les bras en l'air, propulsant Nigel au-dessus de la clôture et dans la tour d'où il venait. Il fallut un moment aux examinateurs pour sortir de leur stupeur, mais une fois cela fait, ils vinrent immédiatement en aide au cadet blessé. Alois, cependant, laissa ses mains retomber le long de son corps, transpirant quelque peu et fronçant les sourcils. Ce serait sa limite avec les plantes rampantes. S'il continuait à les utiliser, il ne tiendrait pas longtemps.
À son mécontentement, les goules qu'il avait fait reculer avaient commencées à se relever, étant donné qu'il n'avait pas pris la peine de percer leur têtes ou leur cœurs. Il n'avait simplement pas l'énergie ou le temps de le faire. Les coups de feu s'étaient arrêtés, le laissant seul pour se défendre.
- Comme c'est malpoli… murmura-t-il. On sauve la vie de quelqu'un, et personne ne lève le petit doigt pour aider ?
Cependant, il sourit lorsqu'il releva les yeux vers les goules qui se rapprochaient.
- Je suppose que ça veut dire que je peux me lâcher.
Alois chargea la horde devant lui en rugissant. C'était sa manière de relâcher la pression et la frustration de ces trois dernières semaines. Pour tous les exercices, tous les ordres hurlés par des hommes adultes incroyablement intimidants, et pour toute la discrimination qu'il avait subie parce qu'il était un démon. Pour la nourriture de basse qualité au réfectoire, qui l'avait fait passer à un régime sans nourriture humaine, et pour toutes les folies qui allaient avec la conformité que l'on imposait aux enfants en leur niant opinions et individualité par tous les moyens. Pour avoir été arraché à son foyer, au bonheur, et amené dans cet endroit qui le rendait claustrophobe et lui donnait l'impression d'être piégé. C'était en soit une punition. À chaque coup de poing, de pied, il se défoulait, faisant passer toute sa frustration sur quelque chose qui ne lui vaudrait pas d'ennuis.
Soupirant, le bleuté se rassit sur son siège tout en observant. Il aurait bien arrêté le blond, mais Ciel savait pertinemment que le garçon en avait en quelque sorte besoin. Sir Hellsing, cependant, était horrifiée alors qu'elle regardait le garçon exterminer violemment la masse mort-vivante.
- Quoi… ? fut tout ce qu'elle put dire, ignorant elle-même ce qu'elle demandait.
Ce garçon qui avait été si affectueux et avait semblé si faible auparavant était actuellement en train de décimer à lui tout seul de dangereux monstres mangeurs de chair.
- Laissez-le, dit le Phantomhive, la sortant de son hébétement et attirant son attention. Il va bien. Si les choses vont trop loin, je l'arrêterai.
- « Trop loin » ?! demanda la femme. Qu'est-ce qui se qualifie de « trop loin », selon vous ?!
- Lorsqu'il commence à perdre de vue qui il est, il va trop loin, répondit l'autre noble.
- Pouvez-vous l'arrêtez, au point où nous en sommes ?
- Probablement. Il fait seulement une crise, pour l'instant. Il vaut sans doute mieux le laisser se fatiguer.
- Vous appelez cela une « crise » ?!
- Oui, dit le garçon, marquant une pause afin de croiser le regard de Sir Hellsing. C'est ainsi qu'est Alois. Il nourrit beaucoup de souffrance, et de haine, contre lui-même, principalement. Cela vient de son passé. Même si l'on est l'une des personnes les plus fortes, si l'on donne pas lieu à nos émotions cachées de temps à autres, on explose.
Sir Hellsing marqua une pause pendant un bon moment avant de reprendre la parole.
- Pourquoi les cacher, dans ce cas ?
- Vous savez très bien que c'est impossible. Tout le monde cache ses émotions parfois, que l'on soit humain, ou non.
- Mais pourquoi comme cela ? demanda la femme.
Elle regarda de nouveau le terrain alors que les autres évacuaient, ne laissant que les soldats de H.E.L.L.S.I.N.G. derrière.
- Il doit y avoir un autre moyen, sûrement…
- S'il y en avait un, il ne se défoulerait pas ainsi, si ?
- Ce garçon est malade…
- Oui, mais il est tout aussi malade que moi, dit le bleuté avec un léger sourire narquois, piquant l'attention de la femme.
Il était si facile pour elle d'oublier que ce petit garçon l'était parfois, mais c'était dans ces moments-là qu'elle s'en rappelait. Le bleuté devant elle était un monstre à l'air humain.
Mais alors, quelque chose d'autre vint à l'esprit de la Hellsing. C'était cela. C'était la raison pour laquelle le bleuté avait laissé une telle personne être aussi proche de lui, malgré le fait qu'ils étaient fondamentalement aussi différents. C'était parce que, au plus profond d'eux-mêmes, ils étaient pareils, ils partageaient cette « maladie ».
- Êtes-vous certain de pouvoir l'arrêter ? demanda-t-elle, regardant à nouveau le blond s'adonner à un massacre sanglant. Actuellement, il ne ressemble même pas à un humain…
- Certes… dit le Phantomhive, se levant et regardant la scène en bas. Mais même les humains, intrinsèquement, sont des animaux. Qu'est-ce qui rend les humains si spéciaux ?
Il sourit narquoisement alors qu'il attendit une réponse de la part de la femme, pensant lui avoir posé une colle avec la même question qui l'avait lui-même empêcher de dormir la nuit.
- Notre volonté et notre ténacité, dit-elle finalement, surprenant sincèrement le démon.
Ciel se contenta de lever les sourcils.
- Quoi ? demanda-t-il.
- Effectivement les humains ne tuent pas par plaisir, ou par satisfaction. C'est ce que font les monstres. Un humain combattra un monstre, en sachant qu'il y a une forte probabilité qu'il mourra, ou même en ayant la certitude de mourir, parce que c'est son devoir. Un humain n'abandonnera jamais, quoi qu'il arrive.
- Est-ce là votre manière de justifier le fait que vous tuez pour Sa Majesté ?
- Non, dit la femme, Je suis directement responsable de mes propres actes. Je me débarrasse des forces du mal justement parce qu'il s'agit de mon devoir en tant qu'humaine, et non parce qu'on me l'ordonne.
Elle regarda avec véhémence le garçon, réussissant d'une manière ou d'une autre à le faire frissonner.
- Je ne suis pas un chien comme vous.
Ciel ne put que prendre un moment pour tout assimiler, clignant des yeux plusieurs fois. Une fois l'information passée, il laissa un ricanement s'échapper de sa gorge avant de s'esclaffer. Cela, évidemment, rendit l'autre noble furieuse.
- Qu'y a-t-il de si drôle, exactement ?! demanda-t-elle. Répondez !
Le bleuté fit de son mieux pour mettre fin à son rire, réussissant à l'étouffer et à le contenir.
- Alors c'est cela un « humain » ? demanda-t-il, souriant. Ils refusent d'abandonner même face à la mort et la défaite ?
- Et ? Qu'y a-t-il ?
- Alors Alois est humain ! dit le garçon, ricanant de nouveau.
Les yeux de tous ceux présents dans la tour s'écarquillèrent en entendant cette affirmation, ceux de Sebastian inclus avant qu'il se mette à sourire à sa manière. Quelle chose intéressante à dire.
- Quoi… ? demanda la femme, quelque peu abasourdi par ce qu'il venait de dire. Cette… chose ?
- Il n'est pas une « chose ». Selon votre philosophie, il est « humain », répéta le bleuté. Alois est « humain », justement parce qu'il refuse de mourir; de simplement dire adieu à la vie. Il est « humain », parce qu'il a échappé à l'Enfer, et qu'il a l'audace de rechercher le bonheur dans une vie qui l'a laissé tomber.
Sir Hellsing resta sans voix face à cette accusation.
- Oui, mais en même temps, il semble passer un bon moment en massacrant des goules actuellement, cela ne fait-il pas de lui un « monstre » ? demanda-t-elle finalement, souriant quelque peu narquoisement elle aussi.
- Il ne fait que suivre des ordres, et prendre sa revanche sur ce qui a menacé son camarade. Relâcher la pression n'est qu'un plus.
Ciel arrêta de parler un instant afin de jeter un œil à la bataille à sens unique en bas, observant le démon blond commencer à perdre du poil de la bête.
Alois était recouvert de sang de la tête au pieds, et il commençait à être fatigué à force de se déchaîner. Peu importe combien il en tuait, il semblait toujours y en avoir davantage. Il commençait à se demander s'il pouvait réellement y arriver seul. Il s'épuisait, comme le bleuté l'avait prédit. Bien qu'il souhaitait en finir par lui-même, il commençait à penser que ce serait impossible. Néanmoins, il continua à lutter, mais ses coups de poings semblaient avoir perdu de leur impact, rendant le combat plus dur.
Il se retourna en entendant le bruit de quelque chose touchant le sol quelque part au fond de l'arène, voyant des flammes noires détourner l'attention des goules dans cette direction. Lorsque les flammes disparurent, là, se trouvait un autre démon. Un démon aux cheveux d'un étrange noir bleuâtre, avec des cornes noires sortant de sa tête, s'enroulant en arrière. Ce démon montrait beaucoup moins de peau que le blond, habillé d'un ensemble à l'air plus militaire d'une teinte similaire. Tandis qu'il était content de voir le bleuté, et de recevoir de l'aide, le blond était également quelque peu déçu de ne pas pouvoir gérer la situation tout seul.
Ciel attendit simplement que les goules se rapprochent. Il attendit qu'elles marchent sur son ombre, qui était dupliquée des quatre côtés par les angles des fortes lumières qui illuminaient le camp la nuit, il avait donc l'avantage. Dès que les morts-vivants furent assez proches, le bleuté sourit narquoisement. Il avait appris une nouvelle magie, et il était ravi d'avoir l'occasion de s'en servir.
Les ombres empalèrent les goules, jaillissant du sol dans toutes les directions, perçant les corps à divers endroits, les « tuant ». Il attrapa son pistolet à sa ceinture, visant tout en répétant les attaques avec son ombre. Alois était abasourdi en assistant à cette démonstration de pouvoir.
Même maintenant, après tout l'entraînement qu'il avait enduré, après être devenu tellement plus fort, il n'était toujours pas de taille face au bleuté. Il le savait. Il le savait très bien. Pourtant, même ainsi, il se releva et reprit le combat, refusant d'être de côté. Il agit ainsi, parce qu'à un certain point, quelque part sous son apparence démoniaque, et sous son esprit tordu, il était encore très « humain ».
Sir Hellsing se contenta d'observer depuis en haut alors que le duo de démons combattait ensemble, chacun tentant de surpasser l'autre à sa manière. Elle observa tout en repensant à ce que le bleuté avait dit sur le fait d'être « humain ». Plus elle regardait, plus elle commençait à se demander s'il avait oui ou non raison, bien qu'elle détestait l'admettre. Étaient-ils des humains ressemblant à des monstres, ou des monstres ressemblant à des humains ?
Finalement, la dernière goule tomba des mains des deux démons. Alois tomba à genoux, s'asseyant dans une position inconfortable sur ses jambes tout en essayant de reprendre son énergie. Il était fatigué, couvert de crasse, et sa réputation auprès des enfants était ruinée, ces derniers étant probablement terrifiés par lui désormais si ce n'était pas déjà le cas. Le pire dans tout cela restait que Ciel semblait être encore plus loin qu'auparavant, avec cette nouvelle capacité. Il resta assis là, se sentant simplement sans espoir tandis que l'autre garçon s'accroupit devant lui.
- Tu vas bien ? demanda le garçon, le blond répondant d'abord par un soupir.
- Je suppose… dit Alois, se grattant la tête. Mon ego en a un peu pris un coup, par contre.
- Pourquoi cela ? demanda Ciel, inclinant légèrement la tête.
- Pourquoi est-ce que tu as un nouveau pouvoir ? se lamenta quelque peu le blond. C'est déjà assez dur comme ça de te suivre...
- Tu continues avec ça ? Tu es très bien comme tu es. Accepte-le.
- C'est facile à dire pour toi…
- Je l'ai seulement appris pour être à ton niveau, imbécile.
Alois faillit sursauter en entendant cela, levant les yeux pour regarder le visage de l'autre garçon afin de savoir s'il était sérieux ou non. Ciel fronça les sourcils et reprit.
- Tu as appris cette habilité avec les plantes en un rien de temps, alors bien sûr que je voulais développer ma propre capacité… dit-il, rougissant légèrement.
Le blond continua à le fixer, stupéfait.
- Tu… voulais être à… mon niveau ?
- Oui. Maintenant arrête de te plaindre en te disant faible, le gronda Ciel, donnant une légère chiquenaude sur le front du garçon. Ouvre les yeux et voit à quel point tu es fort, enfin. C'est agaçant.
- J-Je n'y peux rien ! Tu es Ciel Phantomhive, et je suis juste…
Le blond hésita avant de dire la suite, comme si cela allait ramener les goules autour d'eux à leur non-vie.
- Je suis juste… Jim Macken…
Le bleuté donna un petit coup sur la tête du blond pour oser dire cela, surprenant Alois.
- Idiot. C'était à cause de cela ? C'est si stupide, dit le Phantomhive, fronçant les sourcils. Je me fiche que tu sois Alois Trancy, ou Jim Macken. Je me fiche également de ton passé. Je t'aime, non ? Combien de fois devrais-je te dire que tu es très bien ainsi ?!
Il regarda le blond, qui se contenta de lui rendre son regard d'un air choqué.
- Nous nous revoyons pour la première fois depuis des semaines, et ça finit encore ainsi… bon sang…
Le bleuté s'arrêta immédiatement de parler en voyant des larmes couler le long des joues du blond. Alois pleurait, ses lèvres tremblant et ses yeux rouges et larmoyants. Le blond regarda le sol lorsqu'il s'en rendit compte.
- … J'ai juste… peur… dit-il tout bas, sa voix craquant.
Il ne pensait pas pouvoir parler plus fort.
- … J'ai peur… J'ai peur que tu… me laisses… Je dois être aussi bon que toi… pour que je puisse rester à tes côtés… Et si tu changeais d'avis ? Et si tu te lassais de moi ? J'ai peur… Je ne veux pas être seul-
Il fut interrompu alors qu'on le prit et qu'il fut poussé dans les bras du bleuté.
- Arrête, ordonna l'autre garçon.
- Ciel ? Qu'est-ce que tu fais?! demanda le blond, essayant de se dégager. Je suis recouvert de sang, c'est dégueu ! Tu vas te salir…
- Ça m'est égal.
- Mais Sir Hellsing va voir-
Il fut de nouveau interrompu par les lèvres de l'autre garçon.
- Tu es plus important. Je ne te laisserai pas être comme ça, dit le bleuté lorsqu'ils se séparèrent à nouveau, continuant à tenir le blond d'une poigne de fer.
- Mais-
- Je ne te laisserai pas non plus débattre sur ça.
Le blond se contenta de bouder.
- Alors que me laisseras-tu faire ?
- Je te laisserai rester à mes côtés, là où je veux que tu sois, dit le bleuté, arborant l'une des expressions les plus douces qu'il ait pu faire jusqu'à présent. Je ne plaisante pas sur ce genre de choses. Tu le sais.
- Mais tu ne seras pas énervé quand Hellsing te taquinera à propos de ça, plus tard ? demanda Alois.
- Probablement, mais ça n'a pas vraiment d'importance. Continue à sourire comme tu le fais toujours, et tout ira bien. Arrête d'avoir peur.
- … Comment arrives-tu toujours à trouver les mots exacts ?
- Je ne sais pas… J'ai plutôt l'impression de dire n'importe quoi...
