Défi n°3 : « Écrivez un texte où un personnage du camp des vilains dans le canon est un héros. »
Personnage : Kai Chisaki (Overhaul)
Merci beaucoup, Moira-chan, pour ta bêta express et pour m'avoir donné ton avis sur ce texte ! T'es la meilleure, comme toujours !
Le monde est sale
La nuit était tombée depuis longtemps lorsque Kai put enfin rentrer chez lui. Il se sentait éreinté. Il avait eu une longue journée. Il avait passé des heures et des heures à tenter de sauver le plus de personnes possible après le déraillement d'un train causé par l'alter d'un vilain. Kai n'en pouvait plus. Tout son corps était tendu et n'aspirait qu'au repos. Pourtant, il devrait encore attendre un peu. En effet, dès qu'il eut retiré ses chaussures, Kai se dirigea vers la salle de bain, plutôt que vers sa chambre. Tout ce dont il avait besoin l'attendait déjà, bien plié, bien préparé sur le rebord de l'évier. Une attention de Keigo.
Dans la froideur de la pièce, Kai sentit ses épaules se détendre quelque peu. Il retira ensuite ses vêtements, qu'il mit directement dans le panier adéquat. Puis, après avoir enfilé ses habits de nuit, il enleva précautionneusement ses gants, révélant une peau rouge et marquée. Sans faire attention à son état, Kai la passa sous l'eau froide. Il commença aussitôt à frotter ses mains, les lavant de façon méthodique. Il comptait mentalement les secondes qui s'écoulaient. Il s'efforçait de passer dans le moindre repli. Sa peau rougissait encore plus. Elle en devenait même douloureuse, mais qu'importe. C'était nécessaire. Kai était sale. Si sale.
Le jeune héros frissonna en y songeant. Oui, aujourd'hui plus que les autres jours, il était horriblement abject. Toute la journée, il avait dû déstructurer un tas d'objets et même le sol. Puis, il avait tenté de sauver tous ceux qui pouvaient l'être. Ses doigts avaient été contaminés par bien trop de saletés. Ils étaient immondes. Kai s'acharnait sur eux, les frottant encore et encore. Il n'y avait pourtant plus rien sur sa peau depuis bien longtemps, mais il ne pouvait pas s'arrêter. Parce qu'il était sale. Il le serait toujours. Tant que son alter pulserait dans ses veines, Kai ne pourrait jamais se débarrasser des taches tenaces qui régnaient dans son corps. Tout ce qu'il pouvait faire, c'était frotter sa peau jusqu'à ce qu'il se sente apaisé. Bien sûr, le calme ne durait jamais longtemps, mais c'était déjà mieux que rien.
Kai faisait son possible pour s'en accommoder. Même s'il était dégoûtant, il utilisait son alter pour faire le bien autour de lui. Il suivait la voie de son sauveur. L'ancien Président de la Commission. Celui qui l'avait sorti de la rue, celui qui lui avait donné une vie. Kai l'admirait tant. Alors, quand ce dernier lui avait proposé de devenir un héros à la solde de la Commission, Kai n'avait pas hésité. Il voulait tant lui rendre tout ce qu'il lui avait donné. Etre un héros était donc une suite logique pour lui. À l'époque, Kai avait également pensé que ça l'aiderait à se sentir mieux. Il n'avait pas totalement eu tort, mais... mais le sentiment restait, malgré tout, accroché à sa poitrine. Il était souillé. Et peu importe le nombre de thérapeutes qu'il verrait, il serait toujours souillé. C'était un poids qu'il devait se résoudre à porter.
Il était sale.
Il frotte sa peau.
Le monde entier était sale.
Il frotte sa peau.
L'humanité était corrompue par les alters.
Il frotte sa peau.
Il n'y avait plus aucun retour en arrière possible.
Il frotte sa peau.
Son corps, leurs corps n'étaient qu'immondices.
Il-
Kai soupira. Il le savait. Il n'avait aucune échappatoire. Il ne pourrait jamais supprimer les alters. La saleté serait toujours présente. Autour de lui. En lui. Tout ce qu'il pouvait faire, c'était tenter d'apaiser ses maux. Même s'il était un héros de l'ombre, il aidait les autres. Il leur sauvait la vie. Il leur faisait croire en un monde meilleur, même si lui n'avait plus aucun espoir. Et peut-être que ses actes rendaient le coeur des gens un peu moins dégoûtant. Il aimait, en tout cas, se raccrocher à cette pensée.
Il aimait, oui... Kai inspira profondément, avant d'enfin couper l'eau. Il essuya ensuite délicatement ses mains douloureuses. Puis, il passa de nouveaux gants. Son corps était plus détendu, à présent. Il quitta alors la salle de bain pour se diriger vers la dernière porte du couloir. Il l'ouvrit silencieusement. Ses yeux se posèrent ensuite sur la petite silhouette qu'il pouvait apercevoir juste devant lui. Sa respiration était lente. Eri dormait profondément. Bien. Kai referma alors la porte. C'était plus fort que lui. Peu importe l'heure à laquelle il rentrait, il avait besoin de vérifier qu'Eri allait bien.
Après tout, Eri était la petite-fille de son sauveur. Et, depuis que ce dernier était tombé dans le coma, elle n'avait plus personne pour prendre soin d'elle. C'était donc normal que Kai la prenne sous son aile. Au fil du temps, il s'était même attaché à elle. Elle était tout ce qui lui restait de son sauveur. Et parfois... Oui, parfois, Kai la considérait comme sa propre fille... Rien que pour elle, il savait que ça valait la peine de continuer à se battre. Même si tout était sale, elle méritait de vivre pleinement sa vie. Alors il devait être ce héros qui rendrait son existence plus paisible.
Kai se cramponnait souvent à cette idée. Surtout lorsqu'il était épuisé... Si épuisé qu'il en venait à souhaiter disparaitre pour ne plus voir toutes ces souillures... Peut-être qu'il l'aurait déjà fait s'il avait été seul. Peut-être oui... Mais il ne l'était pas. Kai y songeait, tout en se dirigeant enfin vers sa propre chambre. Sans surprise, il remarqua, en y entrant, que son petit ami ne dormait pas encore. Keigo l'attendait toujours lorsqu'il rentrait tard de mission (l'inverse était également vrai, d'ailleurs). Kai n'avait pas la force de lui parler, ni même de lui sourire. Il se sentait juste épuisé. Heureusement, Keigo le connaissait bien. Il ne lui posa aucune question et le laissa faire son rituel d'avant sommeil, sans le déranger. Il savait que si Kai avait besoin de son toucher, il le lui demanderait. Sinon, il respecterait ses limites.
Kai lui en était reconnaissant. Certains soirs, le moindre contact pouvait le mettre dans tous ses états. Et il ne se sentait clairement pas la force de devoir s'expliquer à chaque fois que ça lui arrivait. Mais Keigo ne l'avait jamais brusqué. Et c'était si précieux pour lui. Kai savait qu'il pouvait se coucher de l'autre côté du lit sans que Keigo ne le prenne mal. Plus tard, il aurait surement besoin du poids rassurant de ses ailes sur son corps. Mais là, juste là, Kai ne voulait aucun contact. La présence seule de Keigo dans son dos était suffisante pour le rassurer.
Oui... Kai était sale... Le monde entier était sale... Mais, c'était indéniable... certaines personnes parvenaient quand même à le rendre plus beau. Et rien que pour ça... Oui, rien que pour eux, Kai était prêt à endurer toute cette souffrance...
