Bonjour tout le monde ! Voici le chapitre cinq, qui devrait plaire à Worz (du Rosier et de la description !) ! Merci également à jane9699pour sa review. Bonne lecture!


Aussi loin qu'il puisse se souvenir, Evan Rosier avait toujours voué son existence à la magie.

Dès l'enfance, il espérait, et traquait la moindre goutte de magie qui pouvait sortir d'un corps, que ce soit le sien ou celui de ses parents, ou même des vieux elfes de maison de la famille Rosier. Il en avait analysé le moindre soupçon, et observait avec une attention qui occupait tout entier son être enfantin le processus d'extraction de la magie à un corps sorcier. Il était fasciné par les baguettes magiques, ces morceaux de bois qui pouvaient transformer la réalité, et bien qu'il n'y soit jamais parvenu, il avait échafaudé des dizaines de plan plus compliqué les uns que les autres pour voler celles des adultes qui évoluaient autour de lui.

A l'âge de 11 ans, il avait reçu sans surprise mais avec une excitation qu'il avait pris soin de dissimuler sa lettre pour Poudlard. Ce n'était, aux yeux de ses parents, qu'une formalité, mais pour Evan cela avait alors signifié le début d'une nouvelle vie, loin du glacial Manoir Rosier et de ses tout aussi glaciaux occupants, en compagnie d'amis d'enfance, et où il pourrait surtout, surtout, exercer la magie qu'il avait dû retenir durant ces onze premières années d'attente. Son père lui avait bien appris des sortilèges, mais il n'avait jamais pu les appliquer et de toute façon, ces savoirs étaient bien trop maigres pour sa soif de connaissance, intarissable. Il avait alors pris l'habitude de se glisser dans la bibliothèque du manoir, sans en toucher mot à personne, et menaçant les elfes de maison qui l'y découvraient. Là, il lisait avec avidité tous les grimoires traitant de magie, de son histoire, de ses différentes catégories, de son fonctionnement humain et il pouvait y passer des heures. Arrivé à Poudlard, il avait repris avec satisfaction cette habitude, complétant encore et toujours son savoir magique.

Sa répartition à Serpentard n'avait été une surprise pour personne – une nouvelle formalité, dont la vie d'Evan était remplie - et même le Choixpeau avait paru blasé de la simplicité de son choix. Il s'était intégré et acclimaté sans problème à la table des verts et argents, observant d'un œil désintéressé l'aîné des Black quitter leurs rangs, préférant ne pas penser à l'effet boule de neige que produirait sa répartition, et qui aboutirait sans aucun doute à une monstrueuse avalanche sur le très noble mais très réduit cercle des Sangs-Purs britanniques. Autour de lui, les murmures réprobateurs s'étaient élevés, teintés de mépris, et de fausse pitié pour la maison des Black, déjà affaiblie par la fuite d'Andromeda Black. Narcissa et Bellatrix, assises à quelques places d'Evan, semblaient en avoir pleinement conscience, et demeuraient silencieuses, dissuadant de leurs yeux noirs et froids les moindres commentaires.

Par la suite, Evan s'était fondu dans la masse des sorciers de sa promotion, travaillant discrètement mais efficacement, observant avec attention la faune qui l'entourait de son regard froid, et continuant à se documenter et s'entraîner sans cesse. Il avait rapidement pris part aux réunions du vieux Slughorn, qui passait, à chaque réunion, de longues minutes à s'épancher sur le prestige de la maison Rosier, des talents d'Evan, sans nul doute hérité de son père, Arcius Rosier, un homme brillant, que dis-je un pilier de la communauté sorcière, dont les entreprises sont toujours fructueuses n'est-ce pas, et comment va votre mère monsieur Rosier ? Une femme admirable elle aussi…

Evan souriait avec politesse, répondant des banalités, arrêtant d'un regard la conversation lorsqu'elle lui déplaisait, et observait, observait beaucoup. Il observait Dumbledore, bien sûr, le vieux fou, qui semblait intouchable dans sa chaire de directeur. Il observait également les autres professeurs, analysant leurs capacités, décidant ou non de leur accorder son respect – seule MacGonagall, qu'il détestait, avait cet honneur – et approfondissait chaque discipline avec une assiduité qui lui attirait l'admiration de certains, et le respect des plus dangereux, ces félons de Malfoy et Dolohov en particulier. Il observait, bien sûr et surtout, les autres élèves, de sa maison d'abord, puis de sa promotion entière, et enfin des autres années. Il consignait dans ses pensées avec soin les capacités de chacun, leurs particularités, ceux dont il fallait se méfier, ceux qui pouvaient être intéressants à utiliser. Il agissait peu, car ses ambitions n'étaient pas encore précises, et qu'il se concentrait, encore et toujours, sur sa magie. Celle-ci semblait faire osmose avec lui, ne l'abandonnait ni le décevait jamais, devenant sa meilleure amie.

Des amis, il en avait. Il s'était entouré des plus puissants, les plus intéressants, et qui même, parfois, l'amusaient. Il y avait Rabastan Lestrange, et Corban Yaxley, qu'il traitait comme des égaux, ou presque. Puis, dans un deuxième cercle, il y avait Regulus Black, Severus Rogue, et Virgo Dolioro, dont les recherches et lectures menées dans sa jeunesse lui avait permis de savoir qu'il valait mieux l'avoir de son côté. Derrière son regard clair et fou se cachait une sorcière dont la magie était plus pure, et plus ancienne que celle d'Evan, et dont la famille déchue avait abrité parmi les premiers sorciers de leur ère. Alors, malgré l'agacement qu'elle pouvait lui tirer, il la gardait à ses côtés.

Les filles à Serpentard étaient peu nombreuses, mais Evan avait rapidement compris qu'elles étaient aussi importantes que les garçons. Elles portaient avec elles tout le prestige de leur nom, et leur magie n'avait rien à envier à celles de leurs camarades masculins. C'est pourquoi il les avait toujours traité avec le même froid respect que celui qu'il accordait aux héritiers des grandes maisons, entretenant avec elles des relations cordiales, sans ambiguïté ni sentiments particuliers.

À l'annonce, au milieu de sa quatrième année, de ses fiançailles à Cheleb Selwyn, il avait ressenti un vague soulagement : les Selwyn étaient une vieille et prestigieuse famille, et leur union prouvait que les Rosier n'avaient rien perdu non plus de leur pouvoir. De plus, Cheleb était belle, intelligente, et elle savait honorer son rang par son attitude, semblable à celle de Narcissa Black. De froides poupées de porcelaine, à l'apparence parfaite et au maintien irréprochable, qui ne laissaient filtrer aucune émotion. En apprenant son union avec Evan, Cheleb avait agi de la même façon que lui, c'est-à-dire qu'elle n'avait marqué aucune réaction, et leurs rapports n'avaient pas changé. Ils se contentaient de se saluer à Poudlard, et d'apparaître aux mondanités ensemble.

En cinquième année, un nouvel événement avait heurté le cheminement méticuleux et ordonné d'Evan, sous la forme d'un scandale : Arcius Rosier, politicien avéré, avait été traîné dans la boue pour une affaire de corruption. Ce n'étaient pas les pots de vin qui avaient déstabilisé Mr Rosier en soi, mais la révélation de l'acte, et la proportion qu'elle avait prise. Plusieurs autres Sangs-Purs avaient été entachés, et la communauté avait été ébranlée par le coup porté aux élites du monde sorcier. Tous avaient compris qu'un équilibre s'effritait, déjà annoncé par la décadence des Black, le nombre croissant de familles traîtres à leur sang, le rétrécissement du cercle Pur, et Evan, du haut de ses seize ans, en avait parfaitement conscience. Et cette déchéance des 28 sacrés ne servait pas son intérêt, qui tenait en un mot : la magie.

La magie, la vraie magie, celle des origines, se perdait. Les premiers sorciers, il l'avait lu, ne pratiquaient pas la même magie que celle qui lui était contemporaine, et les différentes familles avaient leurs spécificités, à l'image des Dolioro dont la magie était violente et primitive, et qui naissaient presque tous Animagus. Mais le mélange des Sangs, et l'évolution des mœurs avaient peu à peu fait disparaître ces magies. Les recherches d'Evan sur la magie primitive des sorciers Rosier n'avaient que peu abouti, mais son caractère spécifique ayant été établi, il désirait ardemment la retrouver, et ses pensées s'étaient peu à peu entièrement tournées vers ce but. Il avait trouvé son ambition à la fin de sa cinquième année, mais il s'y était dévoué tout entier, s'intéressant à l'émergence du nouveau mage noir britannique, dont les intérêts croisaient les siens – un certain Lord Voldemort.

Sa famille, ravie des idées de cet homme, avait quasiment poussé Evan dans ses bras, et à tout juste 17 ans, il avait reçu la Marque, et commençait à remplir des missions d'importance. La dernière en date avait été la participation à l'élaboration d'une bombe, emplie de sortilèges de magie noire, posée dans un bar Moldu. Cette mission avait agacé Evan plus qu'autre chose, et il n'avait pris aucun plaisir à la scène morbide à laquelle ils avaient assisté, tandis que ses camarades, impressionnés, se congratulaient devant l'efficacité de l'arme.

Puis était venue la rentrée 1977, et avec elle, les prémices d'une guerre entre Voldemort, dont le pouvoir ne cessait de croître, et la résistance qui s'organisait. Evan avait passé un été calme, entre fêtes et réunions Mangemorts, sans réel incident, et qui lui avait permis de poursuivre ses recherches. Son dernier trajet pour Poudlard lui tira une vague mélancolie, qu'il ne laissa pas apparaître, et une fois assis dans la Grande Salle, sous le ciel étoilé et les chandeliers flottants, face à ses camarades qu'il avait fréquenté sept ans durant, il prit pleinement conscience du terme de sa scolarité. À nouveau, un vague sentiment nostalgique l'envahit, et il dut se forcer à entrer dans la conversation qu'entretenaient Dolioro et Yaxley pour le chasser.

- Et toi, Evan. Le maître t'a-t-il confié une mission ? demanda ce dernier, toisant Evan de son regard gris acier.

Le concerné prit son temps pour répondre, découpant puis avalant lentement un morceau de viande.

- Oui, finit-il par répondre, levant les yeux vers Yaxley et Dolioro, qui le regardait avec avidité. Il aimerait que j'aiguille vers lui de possibles recrus.

En réalité, ce n'était pas tout à fait vrai. Le maître n'avait pas demandé à Evan de lui trouver de la chair à canon, mais de dénicher de nouveaux pouvoirs, qui pourraient servir et renforcer leur cause, et, ravi de cette mission qui récompensait toutes les ennuyeuses et sanglantes tâches qu'il avait effectué, Evan s'était empressé d'accepter.

- C'est un travail intéressant, renifla Yaxley, sans en penser un mot. Tu ne vas pas être trop occupé ?

- Je m'arrangerai.

Et Dolioro de ricaner. Qu'elle s'amuse, songea férocement Evan en plantant son couteau dans la viande. Elle fera bientôt parti des rangs, qu'elle le veuille ou non. Sa magie est bien trop précieuse pour qu'on la laisse vagabonder entre deux camps.

En face de lui, les deux conversaient désormais sur leurs prochains achats illégaux. Ceux-ci étaient relayés dans Poudlard grâce à deux plaques tournantes du marché noir : Io Derviche, une Poufsouffle au visage angélique, et Augustus Rookwood, sang mêlé de son état et spécialiste des drogues en tout genre, jeux de cartes et alcools. Ils connaissaient toute l'école, et les secrets de quasiment tous les élèves, et quiconque se frottait à eux pouvait être l'objet de chantage, sans aucun scrupule ni de la part du Serpentard, ni de la Poufsouffle.

Il y avait d'autres figures importantes au sein de leur promotion, connus dans Poudlard. Les Maraudeurs bien sûr, ces quatre Gryffondors méprisés d'Evan et qui le lui rendaient bien, Lily Evans, Née-Moldue aux capacités magiques surélevées, ou encore Helmuta Brodbeck, Serdaigle joviale dont la puissance et le talent en Sortilèges avaient attiré l'attention des Serpentards. Il y avait également Sabrina Grimm et Puck, dont les auras magiques avaient tout de suite fait réagir Evan. Sabrina Grimm, il l'avait appris, était une descendante d'une vieille famille allemande dont la magie avait longtemps consisté à voir l'invisible aux yeux des Moldus. Pour Puck, c'était bien plus compliqué. Il n'avait pas de nom de famille, mais affirmait être originaire d'Angleterre, tandis que sa famille demeurait à New York. Il citait souvent Shakespeare, un auteur moldu inconnu d'Evan, et sa magie ne ressemblait à aucune autre. Les gens se méfiaient de ce garçon moqueur et bruyant, qui ne semblait accorder d'attention qu'aux sœurs Grimm.

Désintéressé, Evan se tourna vers Cheleb, qui conversait à mi-voix avec Caesaria MacGrant. Celle-ci était également d'un sang douteux, et tout le monde avait été surpris de voir la froide et hautaine héritière Selwyn fréquenter cette fille au caractère explosif.

- … prendre de ses nouvelles, murmura Caesaria, tirant Evan de ses pensées. Il n'allait vraiment pas bien la dernière fois que je l'ai vu, et je pense que V- pardon tu sais qui, le surestime.

- Le surestimer ? Le maître sait ce qu'il fait, et Hamza aussi. On ne devrait pas interférer.

- Je ne parle d'interférer Cheleb. Simplement de …

Ce fut le moment qu'Evan choisit pour intervenir, reposant soigneusement ses couverts dans son plat à moitié plein.

- Vous parlez de Shafiq ?

- Oui, asséna MacGrant en le toisant avec agacement. Elle ne l'aimait pas, et lui non plus.

- Il ne se porte pas si mal.

- Comment ça ?

- Eh bien, reprit nonchalamment Evan en laissant son regard vagabonder vers la table des Poufsouffle, il se trouve que je l'ai vu pas plus tard que ce week-end. Il avance bien dans sa mission, et il semblait satisfait de lui-même. Enfin, il avait bien quelques cernes, mais si c'est ce qui vous préoccupe, je peux me charger de lui conseiller de dormir plus.

Les deux filles le fusillèrent du regard, consciente de la moquerie sous-jacente, et Evan sourit froidement. Il connaissait l'attachement que portait leur promotion à leur ancien préfet, et lui-même l'appréciait assez pour prendre régulièrement de ses nouvelles. Mais Cheleb avait raison : personne ne devait interférer entre le maître et ses Mangemorts, mais si ce fut par simple affection. Et bien qu'Evan ait toujours haï la moindre domination, il se pliait aux règles, attendant son heure avec patience – une qualité qu'on lui avait toujours reconnue.

[…]

- Collé ? ricana Rabastan avec un air incrédule. Toi, collé ?

- Oui, moi collé, grinça Evan entre ses dents serrées, sa brosse à dent au poing comme s'il se fut agi d'une arme. Et ça ne m'amuse pas plus que ça.

- Mais comment t'as fait ? Et quel prof ?

- Chourave.

- Mais ! Elle te mange quasiment dans la main, s'insurgea Rabastan, postillonnant du dentifrice sur le miroir, qui grommela des insultes à mi-voix.

C'était vrai, et Chourave n'aurait sûrement pas réagi de la sorte si son croche pied n'avait pas eu des conséquences aussi désastreuses, et si cette pouffe d'Evans ne l'avait pas dénoncé.

À sa pensée, Rosier serra un peu plus sa brosse à dent, et le dentifrice oscilla dangereusement au-dessus de sa chemise.

- Alors ? pressa Rabastan. Qu'est-ce que t'as fait ?

- J'ai malencontreusement entraîné la chute d'une Gryffondor, et on m'a dénoncé comme si c'était de ma faute si cette greluche s'est ouvert le crâne.

Rabastan éclata bruyamment de rire, déclenchant une nouvelle nuée de crachats qui firent grimacer Evan. Par chance, la majorité retombèrent dans le lavabo, et le jeune homme prit le temps de se rincer la bouche avant de répondre, sourire aux lèvres :

- C'était qui, cette Gryffondor ? Me dis pas que c'était Meadowes, je comptais me la faire dans la semaine.

- Non, c'était l'autre, avec le prénom stupide et le nom qui ne veut rien dire. Et tu manques cruellement de classe Rabastan, Meadowes est une Née Moldue qui a déjà fricoté avec tout Poudlard, rétorqua Evan en regardant sa montre.

Il était déjà 22 heures 30, et bien que le sommeil de ses camarades fut la dernière de ses préoccupations, il n'aimait pas l'idée que l'on puisse écouter leur conversation. Rabastan et lui rejoignirent donc la Salle Commune, faisant fuir du regard ses derniers occupants.

- Tu as fait tomber Bangwalder ? reprit Rabastan en allumant une cigarette, faisant fi de la dernière remarque de Rosier.

- Ouais c'est ça. Je n'aime pas sa tête.

- Tu sais que c'est ma cousine ?

À ces mots, Evan se redressa, sourcils froncés. Il l'ignorait, et rares étaient les choses qu'il ignorait quant aux affiliations de ses camarades.

- Je croyais que c'était la cousine d'Augustus, rétorqua-t-il, tentant de masquer sa gêne.

- Aussi.

Il y eut un silence, durant lequel Rabastan observa Evan avec un sourire goguenard, fier de son effet et d'avoir réussi à moucher, même pour quelques instants, le chef des Serpentards. Celui-ci n'était d'ailleurs pas dupe, puisque son regard se durcit, et lorsqu'il reprit la parole, Rabastan sut qu'il reprenait le contrôle de la conversation.

- Tu es lié à Augustus ?

C'était une question rhétorique, destinée à insulter Rabastan : les Rookwood, d'une lignée assez trouble, était à des kilomètres sur l'échelle sociale des Lestrange.

- Bangwalder est sang-mêlée, et elle est franco-britannique. Son père est Né-Moldu, et je crois qu'il est cousin avec la mère d'Augustus.

- Et sa mère ?

- Sa mère fait partie de la branche française des Lestrange.

Evan se redressa, intéressé.

- Elle existe toujours ?

- Comme tu peux le voir. La mère de Bangwalder s'appelle Chimène Lestrange, et c'est une cousine très lointaine de mon père. Et je suppose qu'elle a quitté la France après avoir épousé un Né-Moldu, mais je ne sais pas grand-chose sur cette branche familiale.

- Donc Bangwalder est plus proche d'Augustus que de toi ?

Rabastan inclina légèrement la tête en signe d'assentiment, et tous deux se turent, plongés dans leurs pensées.

Evan n'avait pas menti, lorsqu'il disait qu'il n'aimait pas la Gryffondor – son nom lui échappait à nouveau. Elle était minable en magie, et son regard était constamment noir et agacé, comme si ce n'était pas à lui d'être agacé par son niveau ridicule qui ralentissait les cours. Pourtant, les Lestrange étaient une famille en théorie assez puissante – les lectures d'Evan lui avaient appris que les noms des vieilles familles sorcières étaient généralement liées à leur magie primitive, et celui de Rabastan lui semblait suffisamment évocateur.

- En parlant de familles, tu ne sais pas la dernière, reprit Rabastan, ménageant de nouveau son suspense.

- Non, mais je suppose que tu vas me la dire.

- Mon frère a été fiancé, tu ne devineras jamais à qui !

- Bellatrix, ricana Evan en haussant un sourcil moqueur. Ma tante est une sa mère, je te rappelle.

Rabastan esquissa une moue déçue, puis se reprit et ils restèrent silencieux pour de bon, observant les flammes danser dans l'âtre.

Le lendemain, lorsqu'Evan se réveilla, il sentit aussitôt que la journée allait être mauvaise.

Cela commença effectivement par le bol de café que Dolioro renversa accidentellement sur lui, signifiant ainsi la fin de leur alliance. Bien sûr, personne dans la Grande Salle n'avait perdu une miette de la scène, et Evan sentit une exaspération violente l'étreindre, qu'il contint avec peine – il n'était que huit heures, et créer un esclandre face aux professeurs était tout sauf une bonne idée. Alors il nettoya calmement sa chemise, sourit à sa camarade, et reprit son déjeuner comme si de rien n'était en réfléchissant déjà à un moyen de se venger qui lui assurerait la victoire.

Ensuite, Dumbledore leur annonça la mise en place de cours de self défense, assuré par deux Gryffondors, et Evan eut une envie pressante de se pendre.

En début d'après-midi, il y eut une rencontre particulièrement dynamique entre Maraudeurs et Serpentards, qui se solda par la défaite des verts et argents, mais Rosier eut au moins la satisfaction d'avoir éclaté la lèvre de Potter. Mais le clou de la journée fut l'annonce de l'arrivée de la congrégation des Français de Beauxbatons, au mois de novembre, ainsi que la dispense obligatoire de cours de français, qui lui procurèrent une sincère lassitude doublée d'une forte envie de terminer sa scolarité à Durmstrang, loin des idées stupides du vieux Dumbledore.

Lorsqu'il se coucha le soir, frappé d'un puissant mal de crâne, il réalisa que l'avancée de ses recherches allait être compliquée par l'année qui commençait.

[…]

Cheleb Selwyn poussa la porte de la Salle Commune avec agacement, rejetant de sa main libre les mèches blondes qui avaient glissé sur son épaule. Du haut des marches, elle parcourut la salle du regard, s'arrêtant sur son fiancé, assis dans un fauteuil et entouré de Lestrange et Yaxley.

Elle se dirigea d'un pas rapide vers lui, et lui toucha l'épaule pour l'avertir de sa présence.

- Oui, répondit poliment Evan, en relevant les yeux vers elle, posant son verre sur la table devant eux.

- Puis-je te parler ? demanda tout aussi poliment Cheleb, avec la froideur qui caractérisait leurs rapports.

- Ce n'est pas ce que nous faisons ?

Ils se contemplèrent avec agacement, refusant de céder à l'autre, et se furent finalement leurs trois camarades qui eurent la prudence de se lever et quitter la pièce, sentant l'atmosphère se refroidir à toute vitesse. Cheleb les regarda partir avec satisfaction, et s'assit gracieusement sur la place libre laissée par Yaxley.

- J'ai entendu dire que tu avais menacé Bangwalder.

- Tu as « entendu dire » ? Ce genre de rumeurs circule dans les couloirs ?

- Ne fais pas l'enfant. Le sujet n'est pas la façon dont je l'ai appris, mais ce que tu comptes faire.

Evan ne répondit pas, se contentant de fixer la jeune femme sans expression apparente, et Cheleb laissa échapper un claquement de langue, agacée.

- Je reformule : que comptes-tu faire à cette fille ?

- Je ne sais pas, grinça Evan. Je l'ai menacée pour lui faire peur et annuler ces retenues qui me font perdre mon temps.

- C'est une Gryffondor, pas une Poufsouffle. Leurs valeurs sont le courage et la fierté, je te rappelle.

Elle avait parfaitement raison, et il le savait. Il se contenta de lui décocher un regard assassin, qu'elle ne sembla même pas percevoir.

- Tu aurais dû réfléchir avant de faire l'idiot en Botanique, conclut-elle. Ce n'était pas digne de toi, ni de ton rang.

- Tu es venue uniquement pour me faire la leçon ?

- Je suis venue te mettre en garde, souffla sa fiancée en baissant la voix. Ne la mêle pas aux affaires des Serpentards. Tu es un Mangemort, Evan. Tu ne peux pas te permettre de faire de faux pas.

La fierté d'Evan lui dictait de l'envoyer paître, mais il se savait en tort. De plus, derrière le ton calme et froid, il savait qu'elle l'appréciait, et que ses mises en garde prouvaient qu'elle se sentait concernée par son sort.

- Fais attention à toi, conclut en elle en se relevant, étreignant brièvement son épaule. Puis elle quitta la Salle Commune, laissant Evan seul face à son verre.

Les positions de Cheleb étaient difficiles à cerner, et elle ne laissait rien filtrer de ses opinions. Ses parents étaient très conservateurs, et proches de Voldemort – ils avaient d'ailleurs salué l'enrôlement de leur gendre – mais elle n'avait jamais manifesté d'hostilité déclarée aux Né-Moldus ni aux Moldus, ni de volonté de rejoindre les rangs Mangemorts. Elle se contentait de dédaigner tous ceux qui n'étaient pas de Serpentards et de Sang-Pur, et de respecter les traditions.

Elle était intelligente, songea Evan tandis que ses camarades revenaient l'encercler. Et elle saurait toujours comment s'en sortir sans se départir de son honneur. Quel dommage que les Selwyn et les Rosier soient bientôt déchus … quelques siècles plutôt, leur union leur aurait conféré un prestige quasi-royal, il en était certain.

- Qu'est-ce qu'elle te voulait ? demanda Yaxley en regardant Cheleb disparaître derrière le tableau de la Salle Commune.

- Rien qui ne te regarde, répondit distraitement Rosier. Quand est le prochain entraînement de Quidditch ?

- Vendredi, répondit Rabastan en fronçant les sourcils. T'es capitaine et tu oublies nos horaires ?

Evan écarta la remarque d'un geste de la main, réfléchissant à un moyen efficace de renvoyer Dolioro de son poste de batteuse sans provoquer d'esclandre.

- Rabastan, marmonna Yaxley entre ses dents. Qu'est-ce que t'as foutu encore ?

- Hein ?

- Y'a MacGrant en haut des escaliers, et je crois qu'elle est en colère.

« Je crois qu'elle est en colère » était un euphémisme pour décrire l'état de Caesaria MacGrant à cet instant. Les cheveux ébouriffés, les yeux écarquillés par la rage, elle serrait sa baguette dans un geste qui n'était clairement pas pacifique. À sa vue, Evan roula des yeux.

Les guerres entre Serpentards étaient intemporelles. Dans la maison de la malice et de l'ambition, il était naturel que ses membres s'affrontent, et essaient constamment d'asseoir leur domination. Evan avait imposé la sienne sur le reste de la maison après le départ de Lucius Malefoy grâce à son nom, et surtout ses capacités magiques qui constituaient un moyen de dissuasion efficace. Cependant, les autres élèves demeuraient en lutte constante, et l'exemple le plus flagrant en était sans aucun doute la relation entre Rabastan Lestrange et Caesaria MacGrant.

- Elle ne va rien faire, déclara tranquillement Rabastan en ouvrant son journal. Evan l'a briefée sur l'honneur de la maison, elle sait ce qu'elle risque.

Et effectivement, Caesaria se contenta de sortir de la salle en claquant brutalement le tableau.

- Tu as dû être expressif alors, commenta Yaxley. D'habitude ça ne la dissuade pas, si ?

- D'habitude personne ne lui fait la morale.

- Faut croire qu'elle en avait besoin, ricana Rabastan. Vous avez lu la Gazette d'aujourd'hui ?

- Pas encore, répondit Evan. Pourquoi ?

- Y'a un petit article, sur une forme non identifiée que des sorciers auraient vu planer au-dessus des Highlands.

- Des articles comme ça, y'en a tous les mois, grommela Yaxley en allumant sa cigarette.

- Oui, mais d'habitude il y a une ligne dans les faits divers, et là c'est un petit paragraphe en deuxième page.

Yaxley haussa les épaules, mais Evan, intrigué, tendit la main vers le journal que Rabastan tendait.

Objet Volant Non Identifié, disent les Moldus. Ce phénomène a été observé dans la nuit 15 au 16 septembre en Écosse. En effet, plusieurs témoins, Moldus et sorciers, rapportent avoir vu une forme voler dans le ciel, de dimensions « gigantesques », au-dessus des Highlands. Bien que la taille évoque celle d'un dragon, la forme serait différente, et s'il s'agit d'un animal, il n'aurait jamais été recensé. Le Ministre, informé, a déclaré « garder un œil sur cette affaire ».

L'article n'était pas signé, ce qui était de moins en moins rare dans la Gazette. Evan rendit le journal à Rabastan, sourcils froncés. L'implication du Ministre l'étonnait.

- Bizarre, hein ?

- Je ne sais pas. Si ça se trouve, c'est encore un engin moldu et ils se sont inquiétés pour rien, répondit Evan en haussant les épaules.

- Mouais.

Ils se turent, plongés dans leurs réflexions.

[…]

- On a un problème, déclara Yaxley d'une voix blanche, qui fit se retourner brutalement Evan.

- Quoi, grogna ce dernier, pointant sa baguette sur son camarade.

- Je crois que nous ne sommes pas seuls.

Evan fronça les sourcils, et se retourna lentement, prenant garde à ne pas toucher les livres de la Réserve autour de lui. Il était une heure du matin, et il n'était pas certain que les hurlements d'un livre interdit lui permettrait d'atteindre son but initial : ce foutu bouquin de Magie Rouge, nécessaire pour le perfectionnement du prochain sortilège de Rabastan, et important pour ses recherches personnelles.

- Qu'est-ce que tu racontes, siffla-t-il, cherchant du regard la silhouette désillusionnée de Yaxley. Il n'y a personne.

Au moment où il prononça ces paroles, un bruissement se fit entendre au niveau du sol. Il baissa les yeux, et vit une petite forme sombre se glisser rapidement sous une étagère.

- Un rat, murmura-t-il, sourcils froncés. Il n'y en a jamais eu dans la bibliothèque, si ?

- Non, souffla Yaxley.

Evan réfléchit rapidement. La présence du rat n'était sûrement pas anodine, et il y avait très probablement un sorcier impliqué derrière. D'un autre côté, ils ne pouvaient pas se permettre de revenir les mains vides, et l'ouvrage qu'ils cherchaient n'était pas trop dangereux. Tant qu'ils n'étaient pas identifiés, leur larcin pouvait passer.

- Tu as trouvé le livre ?

- Oui, je l'ai.

- Alors on se tire.

Ils sortirent d'un pas rapide de la Réserve, tirant sa porte rouillée avec précaution, et un vague soulagement étreignit Evan. Mais en quelques instants, celui-ci fut remplacé par un sursaut de son instinct.

- On n'est pas seuls, souffla-t-il, répétant les précédentes paroles de Yaxley.

- Comment ç-

La phrase de son camarade fut brutalement coupée par un sortilège sorti de nulle part, qu'Evan évita miraculeusement en se jetant contre un rayon à sa gauche, mais que Yaxley se prit de plein fouet. Il tomba au sol, stupéfixé, laissant Rosier stupéfait quelques secondes. Il fut sorti de sa torpeur par un léger bruissement, et se décala violemment, laissant tout son poids basculer vers la droite pour s'écraser contre une nouvelle étagère. Le sortilège, bleu cette fois, passa à quelques centimètres de lui, et il serra les dents.

- Bon réflexe, Rosier, fit soudain une voix moqueuse. On vous entraîne aux attaques surprises chez les Mangemorts ?

Il se redressa légèrement, et avisa Sirius Black et son sourire goguenard qui le narguaient à quelques mètres de lui. Il semblait seul, mais Rosier savait qu'il ne pouvait pas se fier à sa seule vue. Il ne sentait pas d'autre présence magique, mais il demeura sur ses gardes.

- Tiens tiens, ricana-t-il. Le rejeton Black. Que me vaut le plaisir de ta présence ?

Malgré l'obscurité, il distingua le large sourire qui déforma le visage parfait de son ennemi.

- Je pourrais te retourner la question. Encore en train de fouiner dans les bouquins de magie noire, pour espérer plaire à ton maître ?

Il avait craché le dernier mot comme une insulte, et malgré la situation, Evan ne put s'empêcher de sourire. Black était bien un Gryffondor – un idéaliste aux idées enfantines et limitées, incapable de dissocier ses sentiments de ses intérêts – et ce n'était pas étonnant, finalement, qu'il n'ait pas tenu dans le cercle des « Toujours Pur ». Trop faible, songea Evan. Trop sentimental, trop utopiste.

- Pas tout à fait, répondit-il en levant doucement sa baguette dans son dos. Enfin, pas du tout même. Ce n'est pas parce que nous avons été répartis à Serpentard que notre vie tourne autour de Vol- PROTEGO !

Le sortilège fut dévié, et parti s'écraser contre l'étagère derrière lui, qui oscilla dangereusement. Black avait arrêté de simuler la politesse, et enchaînait à présent les sorts, à moitié invisible dans l'obscurité de la bibliothèque. Un informulé frôla Evan, qui sentit une vive brûlure s'aviver dans son bras.

- Il y a une raison à cet attentat ou tu t'ennuyais juste parce que Potter te préfère sa Sang de Bourbe ? ricana-t-il en se pressant l'avant-bras. Tu m'as l'air sacrément remonté ce soir.

Ce n'était pas dans ses habitudes de fanfaronner, mais il n'avait clairement pas l'avantage, et parler avait toujours constitué un moyen efficace de gagner du temps.

- Ferme la, siffla Sirius.

Sa voix était proche, un mètre tout au plus, et le Stupéfix informulé d'Evan le manqua de peu.

Il y eu soudain un « lumos », et Evan vit Yaxley détaler, le livre sous le bras. Black profita de cet instant d'inattention pour le désarmer, et sans réfléchir, Evan se jeta sur lui.

L'impact les fit rouler au sol, et Sirius lâcha les baguettes, qui glissèrent sur quelques mètres. Ils se redressèrent, et se campèrent face à face, se défiant du regard.

- Allez viens, gronda Black en fermant sa main droite. Viens les récupérer.

Une bagarre à la Moldue était tout sauf une bonne idée, songea Evan. Black et lui étaient du même gabarit, sans doute aussi hargneux l'un que l'autre, et l'affrontement durerait longtemps. Et s'ils se faisaient prendre, en train de se battre comme des gueux … l'image de Cheleb surgit dans son esprit, et il serra les dents. Il allait devoir frapper vite, et fort, et filer.

Il referma son poing gauche, bascula le poids de son corps du même côté, et fit mine d'avancer vers Black, qui se pencha vers la gauche. Alors Evan ramena toutes ses forces dans son bras droit, et son uppercut vint cueillir Black dans la pommette avec violence. Il y eut un craquement sinistre, et le Gryffondor oscilla vers l'arrière avec un grognement de douleur. Evan en profita, ramassa sa baguette en évitant le vague mouvement de Black pour l'arrêter, le stupéfixa, et s'enfuit à toutes jambes.

Sa course vers les cachots lui parut interminable, mais malgré le raffut qu'ils avaient provoqué, il ne rencontra personne. Il pénétra dans la Salle Commune avec soulagement, étonné de s'en sortir aussi bien face à un tel adversaire, et se figea en apercevant Cheleb, debout, dos au feu et bras croisé. Elle le fixait sans expression apparente, et il fronça les sourcils.

- Yaxley m'a raconté, dit-elle calmement en lui désignant le fauteuil face à elle – et Evan se surprit à lui obéir. Tu es blessé ?

- Non. Le livre est aux dortoirs ?

- Rabastan l'a récupéré.

Il renversa la tête en arrière avec soulagement. La seule chose dont il devrait se préoccuper à présent, c'était la revanche qui ne manquerait pas de venir des Maraudeurs.

- Il y avait un rat à la bibliothèque, souffla-t-il soudainement, redressant sa nuque. Tu en avais déjà vu ?

Cheleb secoua négativement la tête, sourcils froncés.

- Peut-être un Animagus.

- Encore un ?

- Qu'est-ce que tu veux dire ? interrogea Evan.

- Que nous en avons d'autres dans notre promotion. C'est rare, à 17 ans, d'être Animagus, tu sais ?

- Oui je le sais, marmonna-t-il. Et le rat était peut être là par hasard.

Elle haussa les épaules, et resserra les pans de sa robe de chambre en satin.

- Je t'attendais, mais vu que tu es là je vais aller me coucher. À demain, Evan.

- À demain.

Il resta assis devant les braises, songeur. Cheleb avait été pertinente, comme toujours : il y avait sûrement des Animagus chez les Gryffondors. Sans doute pas Pettigrow, il était bien trop faible, mais peut être Black et Potter étaient parvenus au terme du long processus qui permettait la création d'Animagi. Quant à Lupin, il n'en avait aucune idée, mais peut-être Rogue savait, lui qui passait tant de temps à détester et espionner les Maraudeurs.

Ses idées commencèrent à se mélanger, et il monta se coucher.

[…]

- Le problème, articula Rabastan avec peine, c'est ce sortilège.

Evan hocha la tête mécaniquement, tentant de desserrer discrètement la cravate qui l'étouffait.

- Je veux dire, c'est terrible non ? Nous enchaîner à la naissance à une inconnue, sous prétexte que cela arrange nos familles à un instant t. Mais le temps avance ! Rien n'est figé, par Merlin ! Est-ce qu'ils le savent ?

- Rabastan, tu parles trop fort, siffla Evan entre ses dents, en adressant un signe de tête poli à une vieille tante, Dalia Rosier, qui les regardait d'un air désapprobateur.

- Je les emmerde, rétorqua Rabastan, détachant chaque syllabe.

Mais il avait tout de même pris soin de baisser la voix, apercevant au loin son frère aîné traverser la pièce. Evan et lui se trouvaient aux traditionnelles mondanités des Black organisées pour Noël, et bien qu'aucun invité n'en apprécie l'ambiance, tous s'y retrouvaient chaque année.

- Regarde ça, reprit Rabastan d'une voix traînante en avalant une gorgée de Whisky. Flint et Crabbe. C'est honteux : elle est ravissante alors qu'il ressemble à un troll. Ça se voit qu'il la dégoute, et que leurs enfants seront gâchés par le sang Crabbe. Mais comme ça arrange les investissements de Môssieur Flint …

- Je ne te savais pas si réactionnaire, répondit Evan avec un rictus moqueur. Tu n'es même pas promis, à ce que je sache.

- Minchir Young a été déshéritée.

- Et ?

- Mes parents n'ont pas trouvé plus élevé, alors ils se sont concentrés sur Rodolphus.

Ils posèrent simultanément leur regard sur l'aîné des Lestrange, qui se tenait nonchalamment accoudé à une table, face à Bellatrix Black. Celle-ci avait pour l'occasion consenti à porter une robe noire à bustier, et avait relevé ses lourdes boucles sombres en un chignon dont s'échappaient des mèches éparses. Ses yeux noirs, caractéristique des Black dont Evan avait hérité, étaient soulignés de khôl et ses lourdes paupières baissées indiquaient clairement son ennui.

- Je n'aurais pas aimé être à sa place, d'ailleurs, ricana Rabastan.

Evan approuva intérieurement. On disait Bellatrix indomptable, créature sauvage dont même ses parents se méfiaient. Elle avait été marquée à quinze ans, de son plein gré, et on disait que c'était le seigneur des ténèbres lui-même qui lui avait appris son savoir en magie noire. Elle prenait part à toutes les opérations, tuait sans remord, voir avec plaisir, et torturait tant qu'elle pouvait. Cela faisait froncer le nez d'Evan, qui avait très vite été agacé par son exubérance et sa suffisance.

- Par contre, toi …

Les yeux d'Evan revinrent se poser sur ceux de Rabastan, rendus troubles par l'alcool.

- … tu es chanceux. Outre les qualités de Cheleb, vous semblez vous entendre à merveille. Vous ferez un couple de la haute.

- Tu me l'as déjà dit, répondit Rosier, saluant d'un signe de tête Regulus Black.

Celui-ci les salua, et s'assit à leurs côtés, impassible.

Comme à son habitude, songea Evan. Regulus Black était toujours calme, glacial et inexpressif. D'une façon différente de celle d'Evan, qui ne ressentait pas grand chose, il avait appliqué un masque parfait sur ses émotions, et rien n'en filtrait. Bien qu'il ressemblât de façon troublante à son aîné parjure, il y avait dans son maintien une raideur supplémentaire qui le faisait paraître plus âgé, plus grave. Il était mince, élancé, et plus petit que son frère, et il n'avait pas son charisme. Mais Regulus disposait d'un charme languide dont il était probablement inconscient, et d'une noblesse toujours pure. Voilà pourquoi il restait un héritier convoité, malgré le mépris qu'Evan croyait toujours discerner dans les yeux de Walburga Black.

- Dis-moi Regulus, entama Rabastan d'un ton distrait. Comment se porte ta cousine ?

L'œil noir du concerné glissa jusqu'à Lestrange, et le fixa avec froideur.

- Laquelle ?

- Celle qui a un nom de comète … l'aînée non ?

- Andromeda.

- Voilà !

Regulus toisa longuement Rabastan du regard, y recherchant la moquerie.

- Elle a été déshéritée cet été, répondit-il finalement

- Ah, à cause de son Sang-de-Bourbe ?

- Oui.

Le silence retomba, et les trois garçons regardèrent passer Cygnus et Orion Black, les deux hommes les plus influents de leur temps, en direction du somptueux buffet organisé par les elfes.

« Evan » siffla soudain une voix dans la tête de l'intéressé. « Viens immédiatement. »

Reconnaissant la voix de sa génitrice, il se leva avec tranquillité, et salua ses camarades avant de se diriger d'un pas mécanique vers l'opposé de la salle. Sa mère y discutait calmement à grand renfort de sourires brillants et de délicats éclats de rire, en compagnie du couple Selwyn.

- Oh, Evan, sourit sa mère lorsqu'il arriva – mais son regard glacé ne trompa pas son fils. Nous parlions justement de toi !

Celui-ci salua le couple en parfait héritier qu'il était, et remarqua l'absence de Cheleb.

- J'ai ouï dire, déclara pompeusement le père de Cheleb, Rigel Selwyn, que toi et Cheleb vous entendiez à merveille.

Bien que le qualificatif fut exagéré, Evan acquiesça sous le regard scrutateur de sa mère.

- N'oublie pas qui est l'homme, ajouta Monsieur Selwyn avec un regard de connivence, sans égard pour les deux femmes à ses côtés. Cheleb peut se montrer insolente, mais …

- Je vous assure que je n'ai pas ce genre de problème, Monsieur, coupa Evan avec un sourire glacé.

Les femmes, nous l'avons dit précédemment, n'étaient pas considérées par lui comme des êtres inférieurs. Il accordait son respect à ceux qui s'en montraient digne, et cela n'avait rien à voir avec le sexe. Aussi, entendre le propre père de Cheleb l'insulter, et insulter son épouse ainsi que la matriarche Rosier dont le pouvoir surpassait sans aucun doute le sien souleva en lui une vague de mépris et d'animosité qu'il peina à cacher.

- Je vous demande pardon, reprit-il, ma tante m'appelle. À plus tard, Monsieur Selwyn.

Sa mère darda sur lui son regard perçant, et il sentit la Légilimencie frôler ses tempes. Il se détourna juste à temps et rejoignit sa tante, qui le regarda arriver avec un rictus féroce.

Druella Black, anciennement Rosier, était un rapace dont il fallait se méfier. Elle avait surpassé son frère en réussissant à s'allier aux Black, et ses trois filles avaient longtemps fait sa fierté. Elle baignait dans la magie noire depuis sa naissance, et son assurance n'avait fait que croître au fur et à mesure que les réussites se succédaient.

La fuite d'Andromeda l'avait ébranlée, bien sûr. Mais loin de s'effondrer, elle s'était durcie, redressée avec raideur, et avait redoublé de férocité. Les autres sorciers avaient continué de la craindre, mais les murmures sur son passage s'étaient eux aussi durcis.

- Bonsoir, ma tante.

- Evan, salua-t-elle avec un regard moqueur. Mon cher neveu.

Il lui sourit avec diligence, et elle le fixa, lui faisant comprendre qu'elle ne ferait aucun effort pour entretenir la conversation.

- J'ai ouï dire que les affaires de votre mari se portaient mal.

- Eh bien, tu as mal entendu. L'activité de Cygnus prospère mieux que jamais, et les Black ne sont pas prêts de s'éteindre.

- Je suis ravi de vous voir si investie, répondit Evan avec un nouveau sourire fielleux. Vous serez probablement le dernier soutien des Black, si un jour leur fin venait.

- Comment se porte ton père, contre attaqua Druella en laissant un elfe de maison remplir sa coupe de champagne. Toujours contraint d'accepter des alliances douteuses et humiliantes pour tenter de maintenir son parti hors de l'eau ?

Evan laissa son regard filer vers Arcius Rosier, qui se tenait à l'opposé de la pièce. Fier et arrogant, ses vêtements respiraient le luxe et quiconque n'ayant connaissance de sa situation politique l'aurait pris pour un des hommes les plus fortunés et influents de la réception.

Seulement voilà, personne n'ignorait sa situation politique.

- Il se porte bien, répondit finalement Evan, découvrant ses dents dans un rictus. Comme vous pouvez le voir.

Druella hocha la tête, et Evan sentit l'hostilité qu'elle éprouvait envers son frère comme si elle eut été la sienne.

- Tu le salueras de ma part. Dis-lui que je lui accorderais peut être mon vote, qui sait … il me fait de la peine, et il faut s'entraider entre frères et sœurs.

- Fort bien, souffla son neveu en inclinant la nuque, faussement respectueux. Vous transmettrez mes amitiés à Andromeda également, voilà longtemps que je ne l'ai pas vue.

L'expression de douleur, haine et humiliation qui traversa brièvement le visage de Druella satisfit Evan, qui, sur une courbette moqueuse, laissa sa tante pour rejoindre ses camarades.

[…]

Il avançait d'un pas vif dans le chemin de traverse, sa cape claquant le long de son couteux pantalon. D'un geste assuré, il écarta un enfant de son passage sans même le regarder, et s'engouffra dans Gringotts.

Il vint se placer devant un Gobelin, qui le toisa avec dédain, avant de lâcher froidement :

- Monsieur Rosier. Votre dernier retrait était le mois dernier, si je ne m'abuse.

- C'est juste, répondit Evan en observant distraitement les comptoirs alentours.

- Bien. Suivez-moi.

La créature quitta son comptoir, et Evan lui emboîta le pas, ajustant ses longues foulées aux courtes jambes de son guide. Ils s'enfoncèrent dans un couloir sombre, où un wagon les attendait. Ils s'y installèrent, et celui-ci démarra, traversant les longs dédales sombres et humides de la Banque.

Plus les coffres étaient anciens, et plus loin ils se trouvaient. La famille Rosier ne faisant pas exception à la règle, le wagon ne cessa de rouler qu'au bout d'une dizaine de minute, pour s'arrêter face à une large porte ronde, marquée d'une rose noire.

Le Gobelin apposa ses mains griffues sur la porte de part et d'autre de l'emblème Rosier, et la porte s'ouvrit avec un grincement. Evan pénétra d'un pas mécanique dans le gigantesque coffre, et s'arrêta un instant pour observer son contenu.

Il avait encore diminué, depuis la semaine précédente et il serra les dents.

Son père allait faire leur ruine.


Voilà. Petit changement de point de vue, histoire que vous captiez un peu qui est le père Rosier, et quels sont ses objectifs. En gros, il faut retenir que c'est pas vraiment un dark bad boy torturé, c'est plus un intellectuel pas très joyeux qui essaie de tracer son chemin pour atteindre son but. Quant à cette histoire de magie originelle, je vous laisse voir si c'est du bullshit de sorcier conservateur ou non ;)

Pour Beauxbâtons ... Idée toujours pas de moi, vous aurez compris que cette fic me mène par le bout du nez. J'ai hésité à supprimer ces évènements, mais au final ça mobilise tellement de chapitres que je me suis dit que j'allais les garder et tant pis si c'est wtf. L'idée étant que cet échange soit tellement catastrophique qu'il fut le premier et le dernier organisé entre la génération des Maraudeurs et celle d'Harry Potter.

Lorsque j'ai écrit ce chapitre, c'était en octobre dernier, dans un aéroport ! On ne portait pas de masques à l'époque, et on pouvait voyager pendant les vacances ! Incroyable. J'espère que vous vous portez bien, et que vous gardez le moral, à la prochaine les amis :)