SALUT LES AMIS !

Après un mois de calme, me revoici avec le chapitre 11. Au programme : des Français, des embrouilles, et du sport (parce qu'un chapitre sans sport n'est pas un chapitre) !


Je trempe délicatement ma plume dans mon encrier, contemple un instant le plafond de la bibliothèque, puis me penche sur mon parchemin avec sérieux.

Mon cher Papa, ma chère Maman.

J'espère que vous vous portez à ravir. Pour ma part, tout va parfaitement bien. Je me trouve à Beauxbâtons avec Jelena, et vous imaginez bien que je suis ravie. Mes notes sont en net progrès, et les professeurs sont optimistes quant à mes Aspics.

Voilà une accroche prometteuse !

En vérité, seule MacGonagall m'a prise à part avant de partir pour m'annoncer avec son habituel air pincé que mes moyennes étaient moins pires, et que participer aux Aspics pourrait être envisageable si je redoublais d'effort. Mais ça, mes parents ne sont pas obligés de le savoir.

Si je vous écris peu, c'est tout simplement parce que je suis souvent occupée, et que je ne vois pas le temps passer. De plus, Hermès s'est récemment foulé la patte suite à un atterrissage mal contrôlé dans l'assiette d'un de mes camarades.

Hermès se porte en réalité parfaitement bien, et se complait dans le chômage que je lui impose. Quant à mon temps soi-disant occupé … Un délicat mensonge destiné à faire croire à mes parents que ma vie amicale, voire amoureuse, est trépidante. Ce qui est inutile, quand j'y pense, puisque Jelena connait désormais le désert de solitude sociale dans lequel je baigne. Après un court instant de réflexion, je raye la première phrase, trop peu crédible.

Ne vous en faites pas, grâce aux cours de soin aux créatures magiques, j'ai réussi à le soigner en le mettant aux repos suite aux conseils du professeur Brulopôt. D'ailleurs, il te passe le bonjour papa.

Première vérité dans ma lettre. Enfin, il m'a demandé transmettre ses amitiés à mon père l'an dernier si je me souviens bien, mais ça m'était complètement sorti de l'esprit.

Il se souvient probablement de ta fameuse anecdote que tu nous racontes toujours, lorsque tu t'es fait cramer les cheveux par un Scroutt furieux. C'est probablement à ce moment que Maman est tombée amoureuse de toi, d'ailleurs.

Je souris légèrement au souvenir de ce récit, que notre père nous raconte régulièrement, faisant soupirer ma mère.

Le professeur Slughorn m'a parlé de toi, Maman. Après sept ans dans son cours, il a fallu qu'il voit le nom de Jelena sur la liste des élèves de Beauxbâtons pour qu'il comprenne que j'étais ta fille. Il te transmet ses amitiés, et te félicite pour tes « investissements fructueux dans tu sais quoi ». J'espère que tu comprendras, parce que moi, non.

Le message sibyllin de Slughorn remonte au moins à décembre, mais elle n'a pas non plus besoin de le savoir. En vérité, lorsque Slughorn m'a fait cette illusion, une vague d'irritation m'est venue à l'idée de ne pas être au courant des affaires de ma propre mère, quand la plupart des Sangs Purs trempent déjà dans le métier familial.

Mais je ne suis pas de Sang Pur, après tout.

Joffrey se porte comme un charme. Il est en France comme chez lui, et séduit toutes les minettes du château. Il effraie la plupart des Françaises, mais ça n'a pas l'air de lui poser de problèmes.

Jelena m'a dit que vous vous inquiétiez quant à mon orientation. Ne vous en faites pas, je dois voir le professeur MacGongall à ce sujet dès notre retour à Poudlard, et je compte continuer à me documenter sur le sujet pendant mon séjour en France. J'ai déjà quelques pistes.

Quel doux baratin. En réalité, je chasse le sujet dès qu'il me vient à l'esprit. C'est trop angoissant de penser qu'à quelques mois de la fin de ma scolarité, je n'ai toujours pas la moindre idée de ce que je vais faire de ma vie. Sans compter que mes capacités magiques lamentables me ferment l'accès à de nombreuses filières.

Beauxbâtons est un très beau château, je comprends pourquoi Grand-mère en est si fière.

J'aimerais m'étendre sur le sujet, et poser d'avantages de questions à ma mère, sur la famille Lestrange. Mais je sens que ce ne sera pas apprécié, ni par elle ni par mon père.

J'aimerais inviter Marlene cet été, soit à Edimbourg soit en Bourgogne. Dites-moi si c'est faisable, que je puisse la prévenir à l'avance.

Je vous embrasse,

Jabberwocky.

Alors que je trace le « y » de mon prénom, un sentiment de stress glacé se déverse dans mon estomac. J'avais presque oublié l'objectif initial de cette lettre, à savoir avertir ma mère que trois cafards – pardon, élèves, ont la connaissance de mon prénom complet.

Ça ne doit pas être si grave que ça. Et quel est l'intérêt de masquer un prénom, que mes parents ont choisi de me donner ?

Le même sentiment de malaise m'envahit que lors de ma discussion avec Cheleb. Ma tête commence à être oppressée par le sang qui bat dans mes tempes, signe d'une migraine à venir, et avant que je n'aie pu y réfléchir, je me dirige d'un pas raide vers une Française assise à une autre table de la bibliothèque, pour lui demander un morceau de parchemin. Elle s'exécute en me regardant d'un drôle d'air, et je retourne m'asseoir à ma table sans la remercier.

Je ne comprends pas vraiment la brutalité de mon changement d'état, et lorsque je saisis ma plume, les vestiges de ma bonne humeur ont définitivement disparu.

Maman,

Je t'écris une lettre à part au sujet de choses qui me sont arrivées, que j'ai omis de te raconter à Noël, et dont j'ai pensé que tu devrais être informée. Il y a quelques temps, un garçon de ma maison a découvert je ne sais comment mon prénom complet, et l'a malencontreusement prononcé devant une Née Moldue de ma maison, ainsi qu'un Serpentard le fils du père Rosier qui travaillait au ministère. Ils m'ont promis de ne pas le répéter.

En vérité, Rosier ne m'a rien promis du tout, et son rictus n'avait rien de rassurant. Mais comme je sens la colère froide ma mère comme si elle était à côté de moi, en train de lire la lettre, je préfère limiter les dégâts.

Il ne s'est rien produit depuis, et personne d'autre ne l'a appris. Mais avant que tu ne m'obliges à leur jeter un Oubliette qui me vaudrait un renvoi pur (si seulement j'étais capable de le lancer), j'aimerais comprendre pourquoi vous m'avez donné un prénom que vous m'obligez de cacher. Ainsi que la raison pour laquelle Jelena et moi portons un nom différent.

En réalité, je n'y avais jamais vraiment pensé avant que Cheleb ne me le souffle à l'oreille, mais ma situation est plutôt vexante. On dirait que ma mère essaie à tout prix de camoufler mon existence.

Oh, et par ailleurs mon arrivée a révélé notre lien de parenté. Rabastan Lestrange, le fils de

Je cesse d'écrire, consciente de ne pas connaître la moindre affiliation de Lestrange. Un frisson de culpabilité me parcourt lorsque je réalise que je ne peux prétendre à quoi que ce soit de ma mère en étant aussi passive. Je raye donc mes derniers mots, et poursuis sans que ma main n'ait cessé de trembler.

Rabastan Lestrange a découvert que nous étions lointains cousins, et cela semble l'intéresser. Tu n'es pas sans savoir que lui et la plupart de sa promotion sont affiliés au nouveau mage noir qui inquiète la communauté britannique, ni que nous avons été rayés de la carte Lestrange et sommes donc aussi vulnérables que n'importe quels sang-impurs. C'est pourquoi, sans vouloir faire preuve d'insolence, j'aimerais comprendre pourquoi Jelena s'appelle Lestrange et moi non.

Réflexion.

Et savoir d'où vient ce prénom affreux que je porte.

Je me gratte la tête, pensive. Puis je griffonne à la va-vite mes dernières interrogations :

Ainsi que la raison pour laquelle tu as des affaires dans deux pays. Et éventuellement, si tu ne pouvais te résoudre à quitter ton statut, pourquoi as-tu épousé Papa.

Lâchant ma plume, je masse mon poignet crispé, et relis mes mots sans oser y croire. Il y a quelques mois, jamais je n'aurais osé écrire cela, pour la bonne raison que ces incohérences ne m'étaient jamais venues à l'esprit. Mais maintenant que toutes ces personnes qui m'avaient toujours ignorée sont entrées dans mes affaires, je sens mes pensées se désordonner, ainsi qu'un léger sentiment de révolte – qui sera probablement maté avec rapidité et efficacité par ma mère.

J'espère que tout va bien à la maison. Embrasse Grand-Mère pour moi, et à bientôt.

Jabberwocky

Je range rapidement mes affaires, et me lève, quittant d'un pas rapide la Bibliothèque de Beauxbâtons pour partir à la recherche de leur volière. Je traverse d'impressionnants dédales de couloirs, qui sont lumineux à la différence de ceux de Poudlard, et ce sans croiser plus de dix élèves. La plupart sont en effet dehors, à profiter du beau temps pour goûter aux plaisirs du parc et de la plage, et nous ne sommes qu'une poignée d'irréductibles à être restés au château. Après dix bonnes minutes de marche, je trouve finalement la volière, où une dizaine de hiboux ouvrent un œil pour me toiser méchamment, dont Dorothée, la chouette de Jelena, qui a l'air démoralisée par le long trajet que je représente à moi seule. Je traverse la pièce pour aller jusqu'à elle, et attache soigneusement la lettre à sa patte.

- Dépose ce paquet à la maison, à Edimbourg, je murmure en flattant sa petite tête grise. Prend un peu de repos là-bas, si tu veux.

Elle me contourne avec mauvaise humeur, et s'envole par la fenêtre.

Je me tourne ensuite vers les hiboux laissés à la disposition des élèves n'en possédant pas, et choisis un Grand-Duc presque noir, qui a l'air courroucé du contact de la lettre à sa serre.

- Et toi, mon grand, tu vas me déposer ça au Manoir en bordure de Noyers-sur-Serein, en Bourgogne. Ne le donne qu'à Chimène Lestrange : c'est une grande femme, avec des longs cheveux noirs, et des yeux noirs aussi. Elle a une quarantaine d'année. Tu trouveras ?

Il fait claquer son bec, l'air de se demander pour qui je le prends, et il monte sur mon bras avec majesté. Je nous dirige également vers la fenêtre, et il s'envole avec plus de prestance que Dorothée.

Ma tâche accomplie, je m'extrais de la volière et ses fientes pour retrouver le monde extérieur. Il est déjà 16 heures, et notre emploi du temps est encore chargé : d'ici une demi-heure devrait avoir lieu notre cours d'introduction aux langues, suivi de celui de mathématiques, puis après le dîner, des entraînements «nocturnes» de Quidditch ont lieu pour les volontaires – et cela va de soi que Marly et Jelena m'ont obligée à m'y rendre avec elles.

- Hé, Balgiser !

Fronçant les sourcils, je me retourne pour voir qui porte un nom aussi affreux. Malheureusement, je ne vois que Paul, et j'en déduis que c'est à moi qu'il s'adressait.

- Bangwalder, je rectifie d'un ton sec.

- Oh, excuse-moi. Tu as bien allemand ?

Je hoche la tête, déprimée à cette simple pensée.

- Tito m'a demandée de te dire qu'elle se mettrait à côté de toi pour t'aider à suivre le cours. Il commence à 16h15, au bâtiment Molière.

- Au bât… Quoi ? Ce n'était pas seize heures trente, l'horaire ?

- Ben non. Tu devrais te dépêcher, il est déjà dix!

Merci Merlin d'avoir placé cet idiot sur mon chemin. Je me rue en direction de la sortie sans prendre le temps de le remercier, et découvre avec effarement qu'il n'y a personne dehors, ce qui signifie que tous doivent déjà être dans leurs salles respectives.

- Tu es retard, déclare soudain une voix me faisant sursauter.

Je sursaute et me tourne vers la personne qui vient de m'adresser la parole, et qui se trouve être une surveillante d'âge mûr, les cheveux rouges, les mains sur les hanches et au fort accent marseillais.

- Euh … oui.

- Tu as cours où ?

- J'ai allemand, je réponds en tapant nerveusement du pied.

Elle laisse échapper un ricanement.

- Monsieur Brad ne va pas te louper. Ce bâtiment, deuxième étage, première porte à gauche. File !

Je m'exécute aussitôt, et monte les escaliers quatre à quatre, manquant de tomber à chaque marche. Lorsque j'arrive, la porte est bien évidemment close, et je prends quelques secondes pour reprendre mon souffle, avant de toquer deux coups discrets sur la porte en retenant ma respiration.

La porte s'ouvre, et j'ai le déplaisir de me retrouver face aux fameux Herr Brad, plus glacé que jamais, et derrière lui, une quarantaine de visages tournés vers moi.

- C'est votre premier et dernier retard dans mon cours, me signale-t-il en s'écartant pour me laisser entrer. Votre nom ?

- Bangwalder, je bredouille en cherchant Tito dans la classe.

- Allez-vous asseoir.

Je me dirige vers la table de la Croate, et m'assoit le plus silencieusement possible à ses côtés.

- Il a noté ton nom, chuchote-t-elle tandis que je sors prudemment ma trousse. Ça veut dire qu'il t'a à l'œil. Si tu arrives plus de trois fois en retard …

Elle mime un couteau tranchant sa gorge, et malgré l'exagération du geste, je déglutis.

- Bien, reprend Herr Brad en me jetant un coup d'œil mauvais. Maintenant que nous sommes au complet, nous allons pouvoir reprendre. Quelqu'un peut-il me dire ce que nous avons fait la dernière fois, histoire de plonger nos chers Britanniques dans le bain ?

Les chers Britanniques se trémoussent sur leur chaise, mal à l'aise, (la plupart n'ayant probablement pas compris un mot de son français) et quelques mains se lèvent dans la classe.

- Oui, Chloé ?

- Nous avons travaillé sur les propositions subordonnées, déclare la dénommée Chloé, et je vois Lancaster froncer le nez.

- Voilà qui est plutôt imprécis. Quelqu'un peut-il être un peu plus spécifique ?

Il balaye de nouveau la classe de son regard froid, et Tito lève la main. Il la désigne du menton, et cette dernière prend la parole avec assurance :

- Nous avons parlé de l'accord des noms et du choix des articles en fonction de la place de la subordonnée, ainsi que sa nature.

Il hoche la tête, et se tourne vers le tableau pour écrire les rappels. Derrière moi, j'entends les Maraudeurs murmurer, et un éclat de rire étouffé retentit dans la classe silencieuse. Herr Brad se retourne lentement, et je vois Tito se mordre la lèvre pour ne pas ricaner.

- Un problème, peut-être ? Le cours n'a pas commencé que vous n'arrivez déjà plus à suivre ?

La classe est redevenue aussi bruyante qu'un cimetière, et si les Français semblent habitués, nous Britanniques nous crispons un peu plus.

- J'espère que les capacités de certains ne sont pas aussi limitées qu'elles en ont l'air, où nous n'irons pas très loin, achève-t-il en fixant un point derrière moi qui est très probablement Potter ou Black. Revenons-en au cours, maintenant.

Il s'est exprimé de façon très lente en détachant chaque syllabe, et cette fois tout le monde a dû comprendre, même les moins assidus du cours de Valou.

La pensée de notre excentrique et chaleureux professeur de français me tire un soupir de nostalgie.

- Il ne s'est pas fait des amis en disant cela, marmonne Lancaster en mi-voix devant nous.

Pour une fois, elle n'aurait pu mieux dire. A la sortie du cours, le couloir est rempli de discussions en anglais à toute allure concernant le professeur d'allemand, et celles-ci sont globalement très négatives.

- C'est littéralement la version adulte de Servilo, grommelle Black qui a écopé de deux heures de retenue pour avoir jeté une boulette de papier dans les cheveux de Pettigrow.

- Clairement, approuve aussitôt Potter. Il faut faire quelque chose pour faire diminuer sa confiance en lui, à ce rat.

Tito les approuve vigoureusement, et je dois dire que l'idée ne me semble pas si mauvaise.

- Moi je ne l'ai pas trouvé si mal, déclare Fenwick en nous rejoignant.

- Pardon ? s'horrifie aussitôt le groupe.

- Il a sûrement des soucis personnels pour être aussi sévère, mais son cours était intéressant. Pas comme ceux de Binns, quoi.

Malheureusement, il ne rencontre aucun soutien ni approbation, et tout le trajet de la salle d'allemand à celle de mathématiques est consacré à son lynchage.

Lorsque nous arrivons, la porte est close et Tito nous explique que notre professeur, le docteur Yi, expert en mathématiques et ingénierie sorcière est un homme rarement ponctuel, pour ne pas dire toujours en retard.

- Ça doit être un sacré dragueur, déclare Fenwick qui se tient appuyé sur le mur à côté de moi.

Je m'empresse de faire un pas de côté, et il m'adresse un regard inexpressif. Heureusement, la gêne est dissipée par l'arrivée du professeur de maths, un homme jovial d'origine asiatique.

- Bonjour les jeunes ! nous salue-t-il en anglais, sourire aux lèvres, tout en introduisant sa clé dans la serrure de la porte.

Il a l'air plus sympathique que le professeur précédent, et au fur et à mesure du cours, je sens l'ambiance se détendre progressivement. Même les Maraudeurs bavardent peu, et font preuve de bonne volonté en répondant aux questions et en s'intéressant à la leçon du jour, qui porte sur une notion pointue d'arithmétique. N'ayant pour ma part pas étudié cette matière depuis l'école primaire, je suis complètement perdue et les « mais c'est super simple pourtant ! » de ma voisine ne m'aident absolument pas. Par chance, le docteur Yi n'a pas le temps de tous nous interroger, et le cours s'achève sans qu'il n'ait pu découvrir ma nullité profonde concernant les suites arithmético-géométriques. Il tente de nous donner des devoirs à faire, mais sa voix est couverte par les raclements des chaises et les éclats de voix surexcités, dus aux sélections de Quidditch pour le match France-Angleterre. Par compassion, je note ses dernières recommandations sans même les comprendre, avant que Marlene et Tito ne m'entrainent vers l'extérieur avec précipitation.

- A mon avis, il y aura Black et Potter, déclare Marlene d'un ton catégorique.

- Dans les Français, je pronostique Gilbert. C'est le plus rapide des Attrapeurs.

- Ah, vraiment ? Moi je vois bien Regulus Black en attrapeur.

- Il est de sixième année, je signale à Marlene. Il est resté à Poudlard.

- Ah oui, c'est vrai … Ça sera sûrement Johnson alors …

Nous grimaçons de concert sous le regard dubitatif de Tito. Quelques mètres plus loin, alors que nous approchons l'immense file qui s'est formée à l'entrée du stade, nous sommes rejointes par Mathilde et un dénommé Lorenzo des Tulipes, qui claquent la bise à Tito.

- Où est Io ? me demande soudainement Marly en se décarcassant la nuque pour tenter d'apercevoir la Poufsouffle.

Je constate également son absence, et lève les yeux au ciel.

- Elle a dû se présenter comme Poursuiveuse.

- Elle a ses chances, déclare une voix froide derrière nous.

Me retournant, j'ai la désagréable surprise de découvrir Serio et Young, qui nous toisent sans aménité. Marlene, ravie, se tourne aussitôt vers elles, et je reviens aux Français.

- Tu les connais ? murmure Tito, à qui ma grimace n'a pas échappée.

- Vite fait, je réponds en haussant les épaules.

- Elles sont dans les dortoirs d'une fille que je connais. Il paraît qu'elles sont un peu bizarres.

Comme je ne raffole pas de ragots, je ne renchéris pas, et laisse des Tulipes dévier de nouveau la conversation vers le match. La file avance avec lenteur, ce qui nous laisse supposer que des profs fouillent les élèves à l'entrée du stade, et nous avons le temps de parier sur l'intégralité des équipes de nos écoles. Nous sommes même rejoints brièvement par Woodhouse, qui en profite pour tirer la tresse de Marlene avant de filer vers l'entrée des joueurs. Je croise également le regard de Cheleb, qui m'adresse un signe de tête avant de revenir à sa conversation avec Lestrange.

- Tiens, il ne se présente pas, lui ?

- Il est blessé, déclare la voix de Fenwick à ma droite, et je fais un bond monumental qui me projette contre Tito.

Cet abruti va me causer une crise cardiaque, un de ces jours.

- Arrête de lire dans mes pensées, je siffle en époussetant mon pull pour me redonner une contenance – ce qui est peine perdue, vu son regard moqueur.

- Je n'en ai même pas eu besoin, tu le fixais sans cligner des yeux. Ton idée était écrite au-dessus de ta tête.

- Ben voyons. Tu n'es pas censé aller te pointer à l'entrée des joueurs ? je rétorque en désignant son équipement de Quidditch, et son balai jeté sur son épaule.

- Si, tout à fait. Je passais juste m'assurer que tout allait bien !

Il bondit en avant, m'ébouriffe mes cheveux, et disparait dans la foule.

- C'est malin, je râle en défaisant mon chignon qui gît désormais pitoyablement sur le côté de mon crâne.

Je suspends mon geste en surprenant les regards suggestifs posés sur moi, et sens mes joues chauffer doucement.

- Arrêtez, je signale aussitôt. Vous me mettez mal à l'aise.

- C'est le but, m'informe Tito en observant ses ongles avec intérêt. Alors dis-moi, quand est-ce que vous vous mettez ensemble ?

- Jamais.

- Mouimouimoui, roucoule Marlene en papillonnant des cils. Moi je sens ta carapace se fissurer, Jabbie.

- Tu délires, je grommelle en glissant les doigts dans mes cheveux pour les démêler.

Madame Pomfresh a vraiment abusé dans la repousse. Si elle voulait une tête à coiffer, elle n'avait qu'à s'en acheter une au lieu de reproduire ses rêves d'enfant sur des élèves sans défense.

- Attend, je vais t'aider, soupire Mathilde en se glissant derrière moi.

En deux temps trois mouvements, mon chignon oscillant est transformé en tresse solide. La file avance progressivement, et notre débat passionnant sur les meilleures tomates entre les rouges et les jaunes est malheureusement interrompu par la présence des deux surveillants de la plage, à qui nous devons présenter nos sacs et poches, afin d'éviter tout explosif dans le stade.

- Avant, les Terminales amenaient toujours des pétards, soupire Tito. Ça explosait dès qu'il y avait des buts marqués, ça mettait de l'ambiance. Mais maintenant, on n'a plus le droit.

- On n'y avait pas le droit de base, signale Mathilde. Ils corrompaient juste Monsieur Escalier et Madame Ohème avec des beignets et des instruments moldus traficotés.

- Pas faux. N'empêche que maintenant, ils nous fouillent.

Mathilde hausse les épaules avec fatalisme, et nous entrons dans le stade déjà bondé. Un coup d'œil à ma montre m'informe qu'il est dix-huit heures passées, et que nous devrions quitter le stade à vingt heures pour arriver à l'heure au dîner.

- Ils ont intérêt à se dépêcher, grommelle Serio qui s'est malheureusement assise à nos côtés. J'ai des trucs à faire après le dîner.

Comprenez : sauter un élève quelconque.

Sur le stade, les Français se sont agglutinés d'un côté, et les Anglais de l'autre. Notre équipe est en rouge, et les Français en bleu, et je comprends qu'ils vont s'affronter chacun leur tour, pays par pays, afin de sélectionner les meilleurs de chaque équipe. Le match aura lieu dans les prochains jours.

- Ah, vous êtes là, s'exclame Evans en s'approchant péniblement, enjambant les spectateurs déjà installés. On peut se mettre avec vous ?

« On » comportant notamment Dorcas Meadowes, je suis tentée de dire non.

- Bien sûr ! s'exclame des Tulipes. Tu viens voir James ?

- Comme s'il n'y avait que lui dans l'équipe, bougonne Lily avant de s'asseoir devant nous, suivie de Meadowes, Lancaster et Fortescue.

- En effet, déclare Marly en fourrant une poignée de pop-corn sorti d'on ne sait où dans sa bouche. Il y a aussi Fenwick et Black, qui ont heureusement des amies venues les encourager.

Fortescue pouffe, avant de se prendre une tape de sa meilleure amie derrière le crâne.

- Vous êtes pénibles, je signale calmement en m'emparant du seau de popcorn. En plus, je suis pour les Français.

Ignorant les exclamations scandalisées de mes camarades, j'enfourne plusieurs popcorns tout en détaillant les postulants de chaque équipe. De Beauxbâtons, je ne connais que Gilbert, et reconnait vaguement le garçon aux cheveux bouclés qui avait attiré mon attention après la chasse au trésor. A Poudlard en revanche, j'aperçois Rosier et Fenwick côte à côte, ce qui me procure un pressentiment désagréable. A leurs côtés, Potter et Black discutent en faisant de grands gestes avec Io, tandis que Londubat essaie de calmer un Diggory à l'air plutôt stressé. Dolioro est également de la partie, son air de requin semblant effrayer Brodbeck, qui tente de faire diversion en se cachant derrière Patil. Quant à mon cousin, il baille appuyé sur son balai aux côtés d'un grand blond que j'identifie comme Yaxley.

Et oui, je vois tout cela des gradins, à cinq mètres de hauteurs. Je suis très perspicace.

- Votre attention s'il vous plaît !

Levant la tête vers la tribune des professeurs, j'ai la surprise de voir le fameux Monsieur Escalier, micro devant le visage, l'air un peu moins déprimé que les fois précédentes.

- Les sélections vont commencer. Beauxbâtons, c'est à vous de commencer. Les équipes sont déjà constituées, alors montez sur vos balais et à mon coup de sifflet, le match commence.

Les Français s'élèvent dans les airs, chacun se mettant à son poste, et le coup de sifflet retentit tandis que les balles sont lâchées. Je remarque aussitôt que Gilbert est attrapeur, et que le batteur le plus féroce semble être …

- Pedrioski, ce minable, a osé se présenter, siffle Tito. C'est un tricheur né.

- Peut-être, signale Lorenzo, mais c'est le plus efficace.

- Evidemment puisqu'il ne respecte rien.

- Chhht, souffle Lancaster. Concentrez-vous.

Je jette discrètement mes miettes de popcorn dans son écharpe, et reporte mon attention sur le match. Le garçon aux cheveux bouclés – appelons le Bouclettes – s'est immédiatement emparé du Souaffle, et file à toute allure vers les anneaux. Il irradie de concentration et de détermination, et les batteurs ne parviennent pas à atteindre sa trajectoire. Même Pedrioski, dont la violence à l'encontre des Cognards me fait froid dans le dos ne parvient qu'à le frôler, et Tito ricane. Finalement, Bouclettes consent à passer le Souaffle à un dénommé Thimothée Dupont, dont la carrure musclée ne l'empêche pas de se prendre un cognard. La balle chute, et est rattrapée de justesse par un autre Français inconnu au bataillon. Je commence déjà à bailler, tandis que les passes s'enchaînent, et Marly échange avec moi un regard ennuyé. Leurs matchs sont autrement moins animés que les nôtres, et le commentateur ne déchaîne pas vraiment les foules.

Seul Pedrioski parvient à mettre de l'animation. Il n'hésite pas à « confondre » souaffle et cognards, et sa hargne à l'égard de l'équipe adverse semble inépuisable. Finalement, au bout de quarante minutes de jeu, c'est son équipe qui remporte le match.

Cela va sans dire que Tito est verte de rage.

- Il me DEGOUTE ! tempête-t-elle en arrachant des mains de Mathilde son paquet de chips, lui aussi apparu de nulle part. Ce sale rat ! RENVOYEZ-LE !

Mais l'arbitre est trop loin pour l'entendre, et elle doit se rasseoir avec fureur.

Je la soupçonne d'avoir été pour l'autre équipe uniquement pour la présence de Curly, mais vu son état de rage, je me tais sagement.

- Les Anglais, maintenant, déclare monsieur Escalier d'un ton morne.

Aussitôt nos camarades s'élèvent à notre hauteur, et j'ai la surprise de découvrir Rosier et Fenwick dans la même équipe. En réalité, Rosier est le seul Serpentard de leur équipe, tandis que celle adverse a pour seul Gryffondor un Sirius Black à l'air particulièrement remonté.

- Le match … commence !

Aussitôt, Potter s'empare du Souaffle, et le passe presque directement à Fenwick en évitant de justesse le cognard de Dolioro. Patil et Johnson échangent des regards agressifs en dépit de leur appartenance à la même maison tout en tournoyant au-dessus des joueurs, et les quatre batteurs, Dolioro, Black, Augustus et Io semblent aussi déterminés à s'attaquer mutuellement qu'à défendre leur équipe. Quant aux attrapeurs – Londubat, Fenwick, Potter et Rosier d'un côté, Yaxley, Brodbeck, Young et Woodhouse de l'autre – chaque passe à un membre d'une maison adverse a l'air de les dégoûter au plus haut point. Surtout dans le cas des Serpentards.

- Cognard de Derviche sur … Hey ! Faute ! s'anime monsieur Escalier. On ne tire pas sur les gardiens !

Pauvre Diggory. Io l'ignore somptueusement, et tape dans la main de mon cousin avant de reprendre sa position, tandis que le Souaffle repart, calé sous le coude de Rosier.

- Rosier marque. Souaffle à Young, cognard de Rookwood … Passe à Woodhouse, passe à Yaxley, Yaxley marque.

Lancaster baille profondément, et Mathilde, la tête posée sur l'épaule de son cher et tendre, lit distraitement un petit roman.

- Le Souaffle à Fenwick. Cognard de Black, il l'esquive, passe à Rosier, Rosier marque. Les Attrapeurs ont trouvé le Vif !

En effet, les deux Serdaigles filent à toute allure coude à coude, bras tendus vers un petit point doré qui monte brutalement en piquet.

- Cognard de Dolioro !

Elle est complètement dingue. A cette hauteur le Cognard peut aussi bien toucher Johnson que Patil. Une longue huée monte de la foule, à laquelle se joignent Tito et Lancaster, et les deux attrapeurs s'écartent brutalement pour éviter le Cognard. Le vif disparaît, et je vois distinctement Black menacer Dolioro de sa batte, vivement encouragé par Lancaster.

Bien sûr, rien de cela n'a échappé à l'œil expert de Tito la commère, et elle m'assène un coup de coude dans le ventre suivi d'un regard suggestif. Je me contente de hausser les épaules, et reporte mon attention sur le stade, où Potter vient, dans une pirouette spectaculaire, d'éviter un Cognard tout en marquant un nouveau but.

Cela va sans dire qu'Evans applaudit à tout rompre.

- Le Souaffle à Londubat. Passe à Young, Young à Brodbeck, Brodbeck ma … Le Souaffle est raflé au dernier moment par Fenwick !

- Quel homme ! s'écrit Lancaster en jetant une poignée de popcorn dans les airs comme si c'étaient des confettis. J'en connais un qui ne va pas dormir sur le canapé ce soir !

- Ferme-là, je grince en applaudissant vaguement le but marqué par Londubat.

Fort heureusement, les hurlements de Fortescue font diversion, et l'énergie de Lancaster se tourne de nouveau vers le match.

- Souaffle à Woodhouse ! Esquive du Cognard de Rookwood ! Il traverse tout le terrain, et marque !

Je dois admettre que c'était spectaculaire, mais le regard mauvais de Marlene empêche tout applaudissement ou manifestation positive dans un rayon de dix mètres, et aucun de nous ne marque de réaction.

- Yaxley se réveille, commente Monsieur Escalier, et tente d'arracher le Souaffle à Potter en le déstabilisant. Woodhouse vient le prendre en sandwich de l'autre côté, passe de Potter à Rosier.

Ces mots me choquent.

- Passe à … Les Attrapeurs ont vu le Vif !

Honnêtement, Patil n'a aucune chance face à la sauvagerie de Johnson. Son balai a beau être moins récent, il est beaucoup plus agressif : d'une main, il tente d'atteindre le vif, et de l'autre il repousse le balai de son adversaire.

- Le balai de Patil est plus rapide, commente Escalier. Il accélère, et … OH !

Tout le stade lâche une exclamation alarmée tandis que, scandalisé par l'avantage de son adversaire, Johnson s'éjecte littéralement de son balai pour se cramponner au Vif, avant de chuter comme une pierre.

- IL EST MALADE ! hurle Tito en s'arrachant les cheveux.

Quelques rangs plus loin, une jolie Serdaigle blonde a bondit de son siège, et si son amie ne l'avait pas retenue, elle aurait probablement sauté aussi. Tout le stade est en effervescence, et Johnson ne doit son salut qu'à la rapidité des réflexes d'un surveillant, qui l'arrête d'un geste du poignet. Aussitôt, avant même de le remercier, il brandit le Vif en hurlant, et Potter, qui atterrit quelques secondes après, lui assène une gifle monumentale.

Nouvelles exclamations, calmées par l'étreinte virile que Potter lui accorde immédiatement, tandis que leur équipe atterrit progressivement, et que la fièvre de l'action redescend.

- Les Anglais sont fous, répète Lorenzo en secouant la tête. On a beau être sorciers, si personne n'avait réagi …

Nous restons hébétés, tandis que le stade s'ouvre et que les spectateurs se lèvent progressivement dans un gigantesque brouhaha.

- A table, déclare Lancaster que rien n'émeut, avant de s'éloigner en entraînant Fortescue à sa suite.

Nous sortons sans nous précipiter, Marlene et Tito comparant les niveaux de mesquinerie de Pedrioski et Woodhouse, et Mathilde et son copain roucoulant derrière. Je marche donc seule en tête, en tentant de me rappeler de notre emploi du temps du lendemain, lorsque je suis stoppée par une vision des plus dérangeantes. Devant nous, indifférents à la foule autour, ma sœur marche au bras de Rosier, qui a conservé sa tenue de sport et son balai en travers de l'épaule. Lestrange, Cheleb et Woodhouse marchent à leurs côtés en devisant tranquillement, et je reste bouche bée. La foule mouvante les engloutit rapidement, et mon groupe d'amis me rejoint sans rien remarquer.

Je reprends ma marche, à un rythme bien plus lent cette fois, tandis qu'une tempête se déclenche sous mon crâne. A quoi joue Jelena ? Elle n'est pas du genre cœur d'artichaut, au contraire. En plus, elle jouait la carte de l'amitié avec Cheleb, alors pourquoi … ?

A moins que l'action ne vienne de Rosier, ce qui me semble tout aussi étrange et me met curieusement mal à l'aise. Mais les avertissements de Cheleb me reviennent en tête, et la possible stratégie de rapprochement et campagne d'information me paraît bien plus crédible. Mais alors quel intérêt pour Jelena d'accepter ?

Malheureusement, je ne suis pas assez intelligente et rapide pour comprendre les plans machiavéliques des grands méchants de cette école, et je reste sourcils froncés et visage crispé sans réussir à trouver de réponse digne de ce nom.

- Tu as mal au ventre ?

- A la tête. C'est dû à ta présence.

- Sympa cette tresse, poursuit Fenwick sans s'émouvoir, en esquissant un geste pour la toucher.

Je m'écarte juste à temps, mais le laisse marcher à mes côtés.

Je me ramollis avec l'âge, que voulez-vous.

- Tu as bien joué, je lâche tandis que nous arrivons sur les marches du château. Une bonne partie de votre équipe sera sûrement sélectionnée.

- Merci, Bangie. L'équipe d'Helmuta et Sirius se débrouillait bien aussi.

- Johnson va être suspendu ?

Il ricane en se remémorant la gifle de Potter, et fait glisser son balai le long de ses épaules pour passer ses bras le long du manche.

Quel frimeur.

- Flitwick n'est pas là, et les Français ne le connaissent pas. A mon avis, ça va être serré pour choisir entre lui et Patil. Ils sont vraiment bons.

Je hoche la tête par pure formalité, et rejoint Marlene qui m'attend avec un demi sourire le long d'un pilier du Hall. Fenwick la salue d'un signe de tête et s'éloigne vers l'aile réservée aux salles de bain.

Oui, les Français ont une aire « salle de bain ». Ces bourgeois.

- On va dîner, je déclare aussitôt, coupant court à toute tentative de sous-entendus.

Marlene me suit sans rien dire, et nous nous installons à une table où Io, cheveux encore mouillés, dévore déjà une plâtrée de pâtes au fromage.

- Contente de toi, l'athlète ? j'interroge en me servant une ration de salade de riz revisitée.

Elle hausse les épaules, et adresse un regard froid à Marlene qui commence à se servir en pâtes.

- Bof. Dolioro s'est drôlement améliorée, alors que Rookwood manque de puissance.

Ça sent la dispute de couple. Je jette un coup d'œil à la Grande Salle qui se remplit progressivement, et repère Jelena parmi les Serpentards de nouveau. Io, qui a suivi mon regard, plisse les yeux et se penche vers moi. Ses cheveux frôlent son assiette, et je grimace.

- Elle ne les a pas quittés de la journée.

- Tu espionnes ma sœur ? je rétorque sèchement.

- Non, je surveille Rosier. Et elle était avec lui.

Je me sers à mon tour en pâtes pour masquer mon trouble, et Io se redresse, les yeux rivés sur la table des concernés.

- Ils ont quand même l'air très proche non ?

- Jelena est majeure.

- Et Rosier est Mangemort.

- Depuis quand ça te dérange ? Je te signale qu'Augustus trempe sûrement dans ces conneries.

- Ce n'est pas la même chose.

- Si j'étais toi, je n'en serais pas si sûre.

Un raclement de gorge de Marlene nous fait taire, tandis que deux Français s'installent à notre table. Je reconnais sans peine Pedrioski, accompagné d'un garçon que je ne connais pas, aux cheveux noirs et à l'air tout aussi voyou que son voisin.

- Continuez, continuez, déclare celui-ci en perçant le silence qui s'est installé. Ça m'avait l'air intéressant.

Je ne réponds pas, et commence à enfourner mes pâtes en échangeant avec Io des regards agressifs. Plus loin, je vois les Serpentards, leur repas fini, se lever et quitter la salle. Parcourant de nouveau le réfectoire du regard, je croise celui de Tito, qui me pointe Pedrioski du doigt avec un air contrit. Je hausse les épaules, et reportant mon attention sur notre table, je remarque que le garçon inconnu n'a rien manqué de notre échange. Gênée, je replonge dans mon assiette.

Marlene, que le silence met mal à l'aise, a commencé à les questionner sur le match de Quidditch. Pedrioski répond avec enthousiasme, et son voisin se contente de ponctuer ses phrases de hochements de tête. Quant à Io, elle s'est plongée dans ses pensées, et ne marque aucune réaction aux moqueries quant à l'équipe britannique.

Quelques minutes plus tard, c'est Rookwood qui vient se glisser à notre table, l'air morose. Io l'ignore superbement, et je le vois se pencher vers elle pour lui glisser quelques Gallions. Elle les empoche sans même le regarder.

Bizarre.

- Ça va, Jab ? me demande maladroitement mon cousin en attrapant un plat de haricots.

Tiens, il se rappelle de moi, maintenant ?

Toujours pas digéré qu'il soit prêt à me laisser seule en retenue avec un type capable de m'ouvrir la tête, tout ça pour se faire bien voir alors qu'il est déjà reconnu comme le pouilleux de l'école. Mais comme je suis une gentille cousine, je hoche la tête.

- Tu as pensé quoi du match ?

Bien sûr, c'est à ce moment que les Français choisissent de se taire pour fixer leur attention sur nous.

- Tu sais que je n'y connais rien en Quidditch, je réponds en regardant les plats disparaître pour être remplacés par une myriade de desserts colorés, signés Madame Paquet.

- Vous jouez comme des sauvages, fait remarquer Pedrioski.

- Culotté de la part de celui qui ne sait pas distinguer un Cognard d'un joueur, je marmonne pour moi-même.

Malheureusement, j'ai sans doute parlé un peu trop fort puisqu'il m'adresse un regard surpris.

- Tu insinues que je triche ?

- C'était la rumeur qui courait, et visiblement elle n'est pas fausse, je rétorque en haussant les épaules.

Le petit éclair au café me tente bien. Je tends la main pour l'attraper, mais Pedrioski est plus rapide et le rafle d'un geste.

- Donc tu me traites de tricheur. Tu veux régler ça après le dîner ?

Je relève lentement les yeux, et observe la table. Plus personne ne parle, et même le regard d'Io est incertain. J'en déduis que cet imbécile est sérieux.

- Non, merci, je décline donc en me rabattant sur une tartelette aux fraises.

On n'est plus au XVIIème siècle, sérieux. Et puis je suis sûre de perdre. Et mes parents me tueraient.

- Tu es sûre que tu es à Gryffondor ? ricane Pedrioski avec un air satisfait.

Dites-donc, il prend la confiance ce mariole lorsqu'il est en terrain connu.

Pour toute réponse, je lui jette ma tartelette au visage, et me lève pour quitter le réfectoire à grands pas.

Il n'est pas dit qu'un petit abruti comme lui me manquera de respect aussi facilement.

[…]

Sept heures viennent de sonner, et je mâchonne avec lenteur le porridge que j'ai réussi à dégoter. Je suis seule à une table, et nous sommes tout au plus quinze dans le réfectoire, avec des têtes de zombie, en train de petit déjeuner avec lenteur. La plupart se sont levés tôt afin de réviser, et semblent prêts à se pendre.

Quant à moi, j'étais réveillée depuis cinq heures, et ne parvenant pas à me rendormir, suis descendue afin de voir si les cuisines étaient ouvertes. Elles l'étaient, les boulangers s'activant à préparer pains, brioches et viennoiseries, et j'ai passé un bon moment assise près de la vitre à les observer sans être vue. Ensuite, je suis descendue, et j'ai découvert avec étonnement que le château était déjà en action, dans le plus grand silence : fenêtres ouvertes pour l'aérer, jardiniers en train de tailler les buis, et Cracmols en charge de l'entretien des bâtiments en train de lustrer les escaliers. Arrivée au réfectoire, j'ai même eu la surprise de découvrir d'autres élèves déjà levés. Donc, sans me faire prier, j'ai commencé mon petit déjeuner.

- Mademoiselle ?

Je lève la tête avec surprise, et découvre une jeune femme à l'air altier, une robe bleue et un tablier blanc autour de la taille.

- Oui ?

- Un hibou attend à l'entrée, est-ce le vôtre ?

Tournant la tête vers le point qu'elle m'indique, j'ai la surprise de découvrir le hibou Grand-Duc que j'avais envoyé à ma mère. Aussitôt, un sentiment d'appréhension me tord le ventre, et je hoche la tête, incapable de prononcer le moindre mot.

La jeune femme lève le bras, et le hibou, comprenant le signal, s'envole gracieusement pour venir s'y poser. Elle détache avec délicatesse la lettre, et me la tend avec un sourire, avant de renvoyer le hibou.

- Merci, je murmure en inclinant brièvement la tête.

- Je vous en prie.

Elle s'éloigne d'une démarche de danseuse, et je reste assise, comme prisonnière d'un rêve. Je regrette soudain de m'être levée si tôt, perdue dans l'immensité de la salle, dont l'ambiance étrange m'oppresse presque.

J'ouvre la lettre – preuve que ma répartition à Gryffondor n'est pas totalement infondée, la déplie sur mes genoux, et avec lenteur, commence à la lire.

Jabberwocky,

J'entends tes questions. Je ne préfère pas y répondre par écrit. Si tu es en France, nous pouvons nous rencontrer au village à côté de l'école, lors de ta prochaine sortie scolaire – en fin de semaine, si mes souvenirs sont bons. Demande la date à ta sœur, je vérifierai de mon côté.

Ta grand-mère t'embrasse,

Chimène Bangwalder

Je laisse échapper un énorme soupir, qui fait lever la tête de mes plus proches voisins, et chiffonne le parchemin pour le fourrer dans ma poche. Mon stress est reporté à plus tard.

Par contre, « grand-mère t'embrasse » ? Quel fieffé mensonge. Ma mère ne savait juste pas comment finir sa lettre, mais je ne suis pas dupe. Grand-mère Leta, en apprenant mes questions – si ma mère les lui a transmises – a dû s'énerver, plaidant que les jeunes doivent se taire et obéir.

Sacrée mamie. Elle me manque, tiens.

Mon terrible effort de lecture m'ayant épuisé, je me lève, et me dirige vers les dortoirs, bien décidée à me recoucher.


Merci pour vos reviews ! C'est vraiment chouette de lire vos retours (surtout lorsqu'ils concernent les mollets poilus de Rosier). Merci à feufollet pour avoir pris le temps de relire la fic et de la commenter de nouveau en relevant des détails très pertinents (oui Valou est totalement un plaisir que je m'accorde), à Zod'a d'avoir également apporté son regard mature et rigoureux sur les personnages (pour ma part, j'imagine Rogue avec une pilosité des mollets assez conséquente, mais c'est intéressant d'être confrontée à d'autres points de vue). Et merci aussi à Aselye pour la longueur et la qualité de ses messages ! Io en chat du Cheshire, c'est totalement approprié comme comparaison ;)

J'ai mis beaucoup de temps à publier ce chapitre parce que je n'en étais pas vraiment satisfaite. Et après un mois à me creuser le crâne, je ne l'ai quasiment pas changé, donc je ne suis toujours pas vraiment convaincue. En tout cas, on se revoit rapidement normalement, le prochain chapitre est presque prêt (et y'a du nouveau) (et du sport évidemment).

La bise, portez-vous bien !