Bonjour !
Mille excuses pour ce mois sans poster, mais j'avais comme qui dirait le syndrome de la page blanche. Je ne sais pas trop quoi penser de ce chapitre, je le trouve un peu hétéroclite mais j'espère quand même qu'il vous plaira !
décembre
Affalé sur un banc, Ringo Woodhouse laisse sa nuque tomber en arrière, offrant son visage au soleil qui perce les nuages.
Il fait exceptionnellement beau pour une après-midi de janvier à Wrexham, et il n'est pas le seul à en profiter. Dans le petit parc où il se trouve, des enfants, des adolescents, et des vieillards déambulent à leur rythme, appréciant les éclaircies qui entrecoupent la traditionnelle grisaille galloise, et tous s'accordent à dire qu'il s'agit d'une belle journée. Le parc, légèrement en hauteur de la ville, laisse apercevoir les méandres paresseux de la Dee, qui scintillent doucement, et il y règne comme une atmosphère de vacances.
Les passants les dévisagent en coin. Ringo est assis au milieu d'une petite bande de jeunes de son âge, issus de la même ville de banlieue que lui, et leurs blousons de cuir et leurs cigarettes suscitent la méfiance des badauds. Ses comparses discutent larcins, jolies filles et nouvelles motos, et Ringo savoure en silence la quiétude de cette dernière après-midi avant son retour à Poudlard.
Comme eux, il est né dans un village environnant de Wrexham, et comme eux, il est petit-fils de mineurs. Il a été élevé seul par sa grand-mère, pendant que ses parents couraient Londres afin de faire fortune, et il en a conservé un attachement féroce à son pays, et à sa région. Et qu'importe si ses amis d'enfance ne sont pas des sorciers : eux, au moins, ils savent s'amuser.
Ringo a mis du temps à s'acclimater complètement à Poudlard. Il s'amusait beaucoup dans sa petite école primaire sans magie, entre bagarres et école buissonnière, et une fois passé l'émerveillement provoqué par le château aux courants d'air et son plafond magique, il avait rapidement eu envie de rentrer chez lui.
Sa grand-mère était une sorcière, et il avait toujours trouvé normal de se servir de la magie comme d'une aide au quotidien. Mais lorsque ses parents, ravis de sa scolarisation sorcière, avaient refait surface, il avait compris qu'il était tombé dans un traquenard.
Au début, il détestait les garçons de son année. Ils ne se bagarraient pas, ils n'étaient pas drôles, ils étaient snobs. Ils parlaient comme les adultes, et ils avaient tout de suite tenté de placer Ringo en bas de leur hiérarchie. Ringo n'avait pas apprécié.
Mais à Poudlard, il avait découvert quelque chose de nouveau. Quelque chose qu'il n'avait encore jamais approché, et dont la découverte avait compensé quelque peu son inimitié avec les garçons de son année : ce quelque chose était les filles. A Wrexham, les filles n'existaient pas. En tout cas, pas dans son champ de vision. A Poudlard, elles étaient omniprésentes, et l'une d'elle s'était rapidement démarquée de la masse, avec ses cheveux lisses et sa main tendue, sa voix calme et sûre décrétant leur alliance.
Il apprécie vraiment Cheleb, constate-t-il en regardant la fumée de sa cigarette s'élever en tourbillons lascifs. Les autres sont plus ou moins intéressants, plus ou moins amusants, mais Cheleb vaut le retour en Ecosse.
- A quoi tu penses, Woodhouse ? demande soudain Alwyn Bale en saisissant sa nuque, rictus narquois aux lèvres.
- A ta sœur, répond distraitement Ringo.
Alwyn n'a pas de sœur, alors il se contente de ricaner, de lui proposer une taffe de son joint, et revient à sa conversation, tandis que Ringo replonge dans ses pensées.
« Tu connais les Mangemorts ? »
Le visage d'Evan Rosier vient s'imprimer dans sa tête, et l'image de ses yeux étranges et ses pommettes pointues suffit à ternir la bonne humeur de Ringo. Il n'aime pas Rosier, parce que Rosier le croit son chien de garde, pauvre brute à sa disposition. Rosier est un aristocrate, Rosier est riche, Rosier est un sorcier, Rosier est tout ce que Ringo ne sera jamais. Mais le vrai danger, c'est que Rosier est un type intelligent, et un type qui joue avec son monde.
Ringo n'aspire qu'à être tranquille. A finir sa scolarité, et à revenir vivre à Wrexham une vie tranquille, entrecoupée d'après-midis tranquilles, à zoner sur des bancs ensoleillés. Mais Rosier, il le sent, est un obstacle à ce projet. Il rôde, il observe, il manipule, il menace, il fait chanter.
Bien sûr que Ringo connaît les Mangemorts. En revanche, il ne voit pas pourquoi on l'emmerde avec ces conneries, alors qu'il n'a jamais employé le mot « Moldu » pour s'en distinguer, et que la magie n'est pour lui qu'un confort supplémentaire. Rosier l'emmerde, avec son regard traînant, et alors qu'il ne représentait jusqu'alors qu'un leader naturel, sa vision devient peu à peu une source d'inconfort pour Ringo.
Un éclat de rire plus bruyant le tire de ses pensées. Un jeune garçon qui passait devant eux à vélo vient de tomber un peu plus loin sur le chemin, et ses compagnons s'esclaffent, imitant son exclamation surprise. Les joues rouges, le cycliste se relève sans oser les regarder, et s'éloigne en tirant sa bicyclette, tordue par la chute.
Ringo a commencé à observer Rosier. Pourtant, ce n'est pas dans sa nature, d'observer. Mais la maison Serpentard l'oblige à faire fonctionner ses méninges, activité qui l'agace plus qu'autre chose puisqu'elle est toujours synonyme de danger imminent. Il a donc commencé à observer, avec une répugnance d'autant plus grande qu'il s'agit du mode d'action privilégié de tous les ennemis de Rosier, et qu'il se pensait donc incapable d'en apprendre davantage que ces chiens hargneux, qui rôdent autour du trône depuis des années.
Il s'est forcé à suivre des yeux les faits et gestes de Rosier. Ça l'a d'autant plus irrité qu'il se savait peu discret, et que Cheleb elle-même s'est mise à observer Ringo. Mais il a remarqué des détails qu'il ne se soupçonnait pas capable de voir.
Rosier, dans les vestiaires de Quidditch, qui s'assoit, fixe le mur pendant quelques instants au milieu de l'agitation ambiante. Les cernes qui semblent alors lui manger le visage.
Rosier, dans la serre de botanique, qui effleure avec une délicatesse surprenante les pétales d'une Amaryllis Laudase, qui ronronne de plaisir en retour.
Rosier qui verrouille la porte de la salle de bain, puis baisse deux fois de suite la poignée pour s'assurer de l'efficacité de son sort.
Rosier ressemble à un homme. Il en a la silhouette, le regard, le visage, et l'attitude. Mais tous ces fragments volés montrent sa complexité d'adolescent. Même Cheleb, muette d'attente et de dévotion froide, ne s'en rend pas encore compte. Mais Cheleb est plus intelligente que Ringo. Lorsqu'elle comprendra, elle saura comment agir en conséquence, tandis que Ringo ne sait que faire de ces conclusions. Alors, il se contente d'attendre avec incertitude, et le filtre de sa cigarette, consumée par le vent, lui brule les doigts.
Il en allume une nouvelle, machinalement, et en glissant son briquet dans sa poche, sa main rencontre un petit objet, à la surface douce et souple. Il sourit, d'un sourire de requin, parce qu'il avait oublié l'espace d'un instant qu'il avait avec lui le ruban de Marlene MacKinnon. Son contact ranime en lui une pulsion primaire et heureuse, chasse Rosier et Cheleb loin de ses pensées.
Il aime Marlene MacKinnon.
Ça lui a pris comme ça, comme une explosion soudaine et inattendue, il ne saurait dire quand ni comment. Tout ce qu'il sait, c'est qu'elle n'existait pas, et puis un beau jour, elle est apparue et il n'y a plus eu qu'elle. L'envie et l'attirance n'ont fait que s'accroitre avec le temps, et il la désire désormais tellement qu'il a envie de la mordre, de la blesser, de l'humilier, tout pourvu qu'elle soit sienne.
Marlene. Il se répète ce prénom, se figure ses épais cheveux d'or, ce visage expressif, cette énergie bouillonnante, ces émotions fortes et changeantes. Il trouve qu'ils se ressemblent, au milieu de l'océan d'indifférence de Poudlard, ancré dans la grisaille écossaise. Marlene est de Liverpool. C'est proche de Wrexham : sa famille ne doit pas être riche. Comme il aimerait l'amener à Wrexham !
En face, un enfant les regarde. Alwyn, qui est dans un bon jour, lui jette une piécette :
- Va t'acheter des bonbons. File !
Le gamin décampe. Il est originaire du village d'Alwyn et Ringo, d'où les bonnes grâces de l'adolescent. Ringo ne dit rien : l'énergie qu'il déploie à Poudlard pour conserver son rang, se protéger, préserver les apparences, le laissent toujours calme et fatigué lorsqu'il rentre à Wrexham et jette son masque. Ses amis s'y accommodent difficilement aujourd'hui cependant est une belle journée, et aucun n'a le cœur à la discorde.
[…]
janvier
Une silhouette solitaire se tient recroquevillée en haut des gradins du stade. Le vent qui malmène les étendards et hurle dans les hauteurs ne semble pas la déranger outre mesure, et Ringo, curieux, commence à gravir les marches pour la rejoindre. Lorsqu'il arrive à sa hauteur, un sourire narquois se dessine sur son visage.
- Salut, MacGrant. Tu te caches ?
Caesaria MacGrant lève son visage pâle et agacé vers lui. Ses joues se sont creusées, et ses yeux, vierges de tout maquillage, semblent ressortir davantage, soulignés par des cernes sombres. Elle qui prenait tant soin d'elle-même lui apparaît soudain bien pitoyable.
- Dégage, Woodhouse.
Il reste debout face à son corps prostré, lui masquant les maigres rayons de soleil perçant les nuages. Il ne ressent pas de compassion pour la déchéance de sa camarade seulement une vague curiosité qui le pousse à rester.
- On ne te voit plus, aux repas. Lestrange est de plus en plus désagréable. Je crois que tu lui manques.
- Dégage, répète-t-elle.
Elle serre quelque chose entre ses mains un recueil de poésie. Cette idée lui semble si incongrue qu'il laisse échapper un ricanement. Elle est seule, misérable, et elle ne trouve rien de mieux que de se réfugier au-dessus du sol pour lire des poèmes ? Décidément, il ne comprendra jamais pourquoi le Roi l'a évincée, lui qui a un tel goût pour le tragique.
- On est déjà en mars, poursuit-il d'un ton badin. Plus que trois mois à tenir. Tu feras quoi, après ?
Elle ne se lève pas, ne part pas, parce qu'elle n'a nulle part ailleurs où aller. Ces gradins sont devenus son refuge il paraît qu'elle y a même déjà dormi.
- Je ne sais pas. Qu'est-ce que tu me veux ?
Il consent enfin à s'assoir à côté d'elle, et lève un instant le visage vers les nuages noirs qui s'amoncellent dans le ciel. Il hume la saveur de la pluie, écoute chanter les bourrasques, et lorsque le soleil disparaît totalement derrière l'orage qui monte, il répond enfin :
- Il va pleuvoir. Je ferais mieux de rentrer.
Caesaria MacGrant s'est bien battue.
Mais elle a perdu, et il n'est jamais bon de s'associer aux perdants.
[…]
février
Le soir, au dîner, Ringo échange quelques mots avec Yaxley en enfournant ses pommes de terre. Il prend garde à parler assez fort pour alimenter le bruit ambiant, sans pour autant irriter Rosier et Lestrange. Cheleb n'est pas là – un devoir d'histoire de la magie à terminer. Lestrange jette des paroles agacées à Dolioro : son visage est crispé, et les gestes qu'il fait avec son couteau en direction de sa camarade sont de mauvais augure. Elle ricane, comme toujours, et ses mèches rousses dissimulent en partie Rookwood, assis à ses côtés.
Rosier mastique avec sa lenteur coutumière. Ses yeux fixent un point précis de la Salle, et de temps à autre, il daigne les ramener sur Lestrange ou Dolioro, après un éclat de voix plus fort que les autres. Puis, inlassablement, il pose à nouveau son regard à la table des Gryffondors. Ringo suit ce regard depuis le début du repas.
Assise à ladite table, Io Derviche déchiquette son pain et en jette régulièrement des boulettes sur un Gryffondor dont il a oublié le nom. La Poufsouffle l'a toujours intrigué. Elle a un visage poupin, avec des cheveux et des yeux couleur miel, mais son regard est acéré. Ils forment un drôle de couple, avec Rookwood : deux vautours au regard charmeur, avides et moqueurs.
Mais ce n'est pas elle que regarde Rosier. Il a jusqu'alors déjà porté son attention sur la table des Gryffondors : il se bat parfois avec les Maraudeurs, en particulier avec Potter et Black. Il observe parfois Evans, parce que Rogue, ce petit personnage froid et austère l'observe aussi. Il observe cette folle de Rapunzel White parce qu'elle est un danger public, et son adversaire comme joueuse de Quidditch. Mais jamais encore il n'a porté son regard sur la voisine de Derviche.
C'est une fille à première vue profondément commune. Elle est grande, certes, et elle a de beaux et longs cheveux noirs. Mais Ringo sait qu'elle ne fait pas d'esclandre dans les couloirs, qu'elle ne rit pas fort aux repas. Elle ne tient pas tête aux professeurs, ne se retrouve pas en retenue ou à l'infirmerie après des bagarres. Elle ne fait pas de Quidditch, n'est pas particulièrement puissante. Elle ne fait pas de commerce illicite, s'habille normalement, n'est ni assez laide pour être sujet de moquerie, ni assez belle pour être sujet de convoitise. Elle n'est ni populaire ni rejetée. Elle est ordinaire. Une fille profondément commune, même.
Ringo a remarqué son existence seulement parce qu'elle fréquente Marlene. Mais Rosier ? Quelles raisons peut-il avoir de suivre ses moindres gestes, de son soupir agacé lorsque le garçon roux lui parle, au mouvement gracieux de ses mains qui attachent ses cheveux humides en un chignon vacillant ?
Rosier n'aime personne, excepté peut-être lui-même. L'idée qu'il puisse éprouver le moindre sentiment pour cette fille est si incongrue que Ringo ne l'envisage pas un seul instant. Elle ne peut être qu'un moyen de réaliser ses ambitions personnelles.
Si ce n'est que cela, il s'en fiche un peu.
Pourvu que leur chef ne s'approche pas de Marlene.
[…]
Aujourd'hui est un jour sombre, et je ne parle pas de la couleur des nuages.
L'atmosphère est lourde, noire et épaisse, et le monde n'est que douleur et violence.
La paroi superficielle de mon utérus se détache, furieuse de ne pas accueillir d'embryon ce mois encore, j'ai des crampes au ventre, un mal de dos atroce, et l'impression de tanguer, et une colère noire contre le monde entier.
En gros, j'ai mes règles.
- Tu devrais manger quelque chose, Jab, déclare Marlene, qui s'est assise au bord de mon lit. Tu ne vas pas te sentir bien.
- Parce que j'ai l'air de me sentir bien ? je grince en rabattant ma couverture sur mon ventre, agacée.
- Non, mais ce que je veux dire c'est que t'affamer ne t'aidera pas.
- Je n'ai pas faim.
- Oui, mais c'est prouvé par la médecine que sauter le petit déjeuner est nocif. C'est le repas le plus important de la journée, et tu risques de dérégler ton système digestif.
- Marlene ?
- Oui ?
- Je m'en cogne.
Marlene soupire, abdique, et je me replonge dans un demi-sommeil douloureux. Les rideaux tirés de mon lit ne laissent filtrer qu'une maigre lueur de soleil, et les dortoirs sont silencieux.
Vers midi, je parviens à m'extirper de ma torpeur. Je repousse les couvertures, me frotte consciencieusement les yeux, baille profondément, et pose mes pieds nus par terre. La froideur des dalles m'arrache un frisson, et je me lève complètement, pour atteindre l'épais tapis qui serpente entre les lits. La chambre tangue un peu autour de moi, j'agrippe le bateau du lit en attendant que le monde se stabilise, et je me dirige vers la salle de bain.
C'est peu dire que j'ai une sale gueule. Mes traits sont gonflés de sommeil, de larges cernes bordent mes yeux, mes cheveux sont emmêlés et collés au niveau des racines, et ma peau luit de transpiration. Même les produits de beauté de mes colocataires qui s'étendent sur l'ensemble des lavabos ne me semblent guère salutaires, et après un brin de toilette, je retourne dans les dortoirs pour me saisir de l'uniforme. En nouant ma cravate devant le miroir, je réfléchis au samedi qui s'ouvre devant moi.
Enfin, s'ouvre. Il est midi, vous l'aurez compris.
Je n'ai aucune envie de rejoindre Marlene à la bibliothèque pour contempler des grimoires dans le blanc des yeux pendant des heures. Et encore moins envie d'aller dans la Grande Salle pour déjeuner. Un léger mal de crâne me guette, et je ne suis pas d'humeur à supporter le bruit et les éclats de rire. Sans compter que Fenwick, roi des casses pieds, et Marlene, qui a un peu trop tendance à se prendre pour ma mère, risquent d'essayer de me dicter mon repas, et que je n'ai pas l'énergie de me battre contre eux.
C'est pourquoi je décide de rompre mon pacte avec moi-même de ne plus aller aux cuisines, et je me retrouve dans les couloirs menant aux sous-sols avec appréhension. Lorsque je suis accueillie par les elfes, j'ai le soulagement de découvrir que je suis seule, et m'assois à une table dans un coin reculé pour savourer le thé qu'ils m'amènent.
Malheureusement, ma tranquillité est de courte durée, et avant même que je n'ai bu la moitié de ma tasse, des éclats de voix s'élèvent depuis l'entrée de la cuisine. En les entendant, mon corps se crispe, et je me voûte instinctivement contre le mur, en espérant m'y fondre.
Quatre silhouettes se dessinent au travers des volutes de vapeur qui inondent la cuisine, et vont s'assoir à une table non loin de moi. Les cravates vertes et grises achèvent de me tétaniser, et je me glisse silencieusement derrière un énorme chariot d'aliments, en prenant garde à faire le moins de bruit possible, tout en tendant l'oreille.
- Un thé à la camomille.
- Une tisane au miel.
- Un citron pressé.
- Qu'est-ce que tu prends, Lidye ?
- Rien, merci.
- Tiens donc. Tu es toujours au régime ?
- Tais-toi Jocaste !
Des filles. Cinquième année, peut-être sixième – je connais mal les Serpentards en dehors de ceux de ma promotion. Des rires cristallins et moqueurs retentissent en écho aux dernières paroles, qui flottent toujours dans l'air.
- C'est calme, remarque l'une des filles. J'aurais pensé qu'avec le retour des Septièmes, il y aurait plus de monde.
- Ils sont punis. Travaux d'intérêt général.
- De quel genre ?
- Du même que les retenues traditionnelles, je suppose.
- C'était vraiment une drôle d'idée, cet échange. Dumbledore est encore plus bête qu'on ne le dit.
- Si tu penses ça, c'est toi qui n'a rien compris.
Un silence interrogateur vient peser sur le petit groupe, que la voix de la dénommée Lidye vient rompre :
- Explique-toi, Jocaste.
- Dumbledore essaie de distraire les Septièmes années parce qu'il sait que certains s'engagent déjà dans la Cause. C'est pour ça qu'il fait venir des Français, qu'il organise des cours de self-défense, qu'il fait multiplier les activités physiques où il mêle les élèves de toutes les maisons, qu'il diversifie les programmes …
- Tu es bien une Serdaigle, d'avoir pensé à ça.
- Il n'y a pas besoin d'être à Serdaigle pour le voir, rétorque durement une troisième voix. Les garçons de ma maison l'ont remarqué aussi, et ça ne leur plaît pas vraiment.
Je fais signe à un elfe qui s'approche de ne pas faire de bruit, et lui tend ma tasse vide avec un signe de remerciement.
- Tu parles du plan de Lestrange et Yaxley ?
Nous arrivons dans la partie de la conversation que je ne suis pas censée entendre. Mon ventre se tord d'appréhension (et de douleur rappelons-le), et je serre les dents pour contenir ma crainte d'être découverte.
- Oui.
- S'ils se font prendre, ils seront renvoyés.
- Ils ne se feront pas prendre. Ils risquent pire, si c'est le cas. L'ordre vient d'en haut.
- D'en haut ?
- Rodolphus Lestrange. C'est Yaxley qui s'en est vanté.
- Oh …
Elles savourent leur thé en échangeant des banalités sur le mal qu'elles côtoient, et le contraste est si saisissant que j'en ressens un malaise pressant. Malheureusement, la porte est loin et je vois mal comment partir sans être découverte.
- Espionner Dumbledore, c'est quand même risqué.
- C'est plus qu'espionner. C'est découvrir ses intentions et ses plans. Sans compter que Dumbledore doit s'y attendre.
- On ne devrait pas parler de ça ici, intervient abruptement la fille au ton dur. A Poudlard, les murs ont des oreilles.
Elles acquiescent, et terminent leur boisson silencieusement. Lorsqu'elles se lèvent pour partir, leur sujet de conversation concerne les bijoux gobelins de Cheleb Selwyn, et elles quittent les cuisines sans avoir tourné la tête dans ma direction. Après avoir emprunté une bouillote aux elfes, je les imite, et retourne à la tour d'un pas lent.
C'est rare, voyez-vous, mais aujourd'hui je suis d'humeur à réfléchir. Je n'aurais jamais trouvé seule que Dumbledore tentait de distraire les Serpentards de leur ralliement à Voldemort, et la mission de Yaxley et Lestrange m'intrigue. Je suppose que leur patron a dû leur demander de voir ce que prévoyait notre directeur en matière d'opposition, mais je ne pensais pas que des missions étaient confiées à un âge aussi jeune. Lestrange et Yaxley sont certes vicieux et brutaux, et à ce titre probablement considérés comme prometteurs, mais de là à parvenir à espionner le plus grand sorcier de tous les temps ?
Je dirais qu'il ne faut pas pousser mémé.
Je gravis pensivement les marches qui mènent au quartier général des Gryffondors, la bouillote serrée contre mon ventre douloureux. Fort heureusement, mes travaux d'intérêt général ont eu lieu en début de semaine – rien de bien original, comme les prévoyaient les Serpentardes : rangement de la Bibliothèque, récurage de chaudron, désherbage dans les serres. Tous ceux qui sont partis à Beauxbâtons y ont droit, et les protestations des plus fayots n'ont rien pu y faire. Autant dire que la rancune divise actuellement notre promotion, et que les professeurs doivent s'en frotter les mains.
Je stationne quelques instants sur la plus haute marche d'un escalier mouvant, attendant que celui-ci termine sa rotation, lorsqu'un spasme de douleur me fait tressaillir. Je regagne la Salle Commune à petits pas, la main contre le mur de pierre pour ne pas tomber, et me glisse dans le dortoir avec soulagement. La pièce est vide seule un bruit de rires étouffés m'informe de la présence de Fortescue et Lancaster dans le dortoir d'à côté. Je referme mes rideaux, insonorise le lit d'un sortilège à l'efficacité relative, et m'affale un peu plus contre le traversin en attendant que les crampes s'estompent. Finalement, gagnée par le sommeil, je sens mes paupières s'alourdir, lorsque le visage de ma mère surgit soudain de mes pensées.
Autrement, ce serait le début des vrais ennuis pour toi.
Je rouvre les yeux, dérangée par ce souvenir. Quels vrais ennuis ? Ceux que je rencontre actuellement – absence de magie et chantages reptiliens – me paraissent suffisamment réels pour être qualifiés de vrais.
Je refuse de croire que le débile des Ténèbres puisse s'intéresser à moi. Je n'ai jamais manifesté de particularité. J'étais une enfant normale, puis une élève normale. Je n'ai pas accompli de prodiges, et je n'ai pas subi d'amnésie ni de traumatisme. Je ne vois même pas ce que mon aïeule a pu avoir en tête en me donnant ce prénom idiot, sans signification ni écho. Je l'ai toujours trouvé laid, et sa troncature tout autant : apprendre qu'il a été imposé par une vieille sorcière aux intentions malveillantes ne fait que renforcer mon malaise à son égard.
Dumbledore sait-il quelque chose ? Lui aussi est un as des phrases sibyllines, et se méfie des Serpentards. Sans compter ses avertissements bizarres au sujet de l'actualité. Pourtant, à part des attentats et cette histoire de bestiole ailée dans le nord, je n'y ai rien trouvé d'intéressant.
Je ne suis pas un Obscurial, n'est-ce pas ? Ma magie n'a pas disparu. Elle s'atténue petit à petit, et mes recherches pour l'exposé m'ont convaincue d'une chose : rien ne se perd, rien ne se crée, mais tout se transforme. La magie des Obscurial est refoulée, mais elle ne disparaît pas. La mienne n'est pas reléguée, prête à bondir en une explosion de violence : elle s'extirpe peu à peu de ma personne, comme si elle était aspirée. Mais pour aller où ?
Mystère.
[…]
- Je peux te couper les cheveux ?
Marlene m'adresse son regard le plus enjôleur, assorti d'un sourire accommodant, et j'avale ma cuiller de porridge en fronçant les sourcils.
- Hors de question, je réponds d'un ton sec.
D'une part, je n'ai toujours pas digéré la catastrophe de la dernière fois, ni la passivité totale de Marlene face à l'humiliation que m'a infligée Black.
D'autre part, j'aime bien mes cheveux longs finalement. Je crois que White mise à part, ils sont un record dans le château, et cette idée me plaît bien.
- S'il te plaît …
- Non. Propose à Meadowes, je trouve ses pointes un peu sèches en ce moment.
Je précise que la concernée ne se trouve pas à notre table en cette charmante matinée hivernale, et ma pique passe donc – heureusement – relativement inaperçue.
- Ça sera répété et amplifié, postillonne soudain Black, trois sièges plus loin.
Je fronce les sourcils, et le contenu de ma cuiller vient s'écraser au fond de mon bol avec un « sploutch » peu engageant. Au même moment, un groupe de Septième années franchit la porte de la Grande salle, m'ôtant la lourde tâche de répondre.
- Ah, déclare Marlene en haussant les sourcils. Travaux d'intérêt général dans la Forêt Interdite.
Fenwick, Woodhouse, et Johnson s'avancent d'un pas lourd, le visage fermé. Leurs vêtements sont tâchés de boue, et leurs traits tirés indiquent une corvée de longue haleine.
Bien fait pour leur pomme. Fenwick s'est moqué de mes courbatures aux bras après une soirée à récurer des chaudrons, Woodhouse se surpasse depuis notre retour en Ecosse dans ses méchancetés, et Johnson n'a rien fait de spécial mais sa tête ne me revient pas.
- Salut Benjy, déclare Marlene avec amabilité.
- Tu pues, je constate en fronçant le nez.
Fenwick, qui vient de se laisser tomber face à nous, m'adresse un regard las.
- J'ai qu'un quart d'heure pour manger, maugrée-t-il. Et il paraît qu'on a une interrogation, en Histoire de la magie.
- Ah bon ?
- UNE INTERROGATION EN QUOI ?!
Lancaster, à l'autre bout de la table, a bondi du banc, et une bonne partie des Gryffondors présents nous fixent désormais avec des yeux de merlans frits.
- Histoire, répète Fenwick en tirant vers lui le saladier de porridge. C'est pas vrai, Potter t'as encore fini le jus de citrouille ?
- Fallait arriver plus tôt.
- J'étais en retenue !
- Pas mon problème.
Le regard de Fenwick se fait polaire, et Marlene laisse échapper un gloussement.
- On a contrôle, lâche sèchement Evans, qui vient de se lever. Dépêchez-vous de manger, au lieu de faire du bruit.
Ni une ni deux, Marlene revient à ses fiches, et moi à mon fond de bol. En face de moi, le journal appuyé contre une carafe de lait attire une nouvelle fois mon regard, et je contemple d'un œil vide le visage de Rosier senior. Il a réussi on ne sait comment à repousser son procès, et sa dernière conférence de presse était, semble-t-il, une manifestation d'arrogance et de provocation. En arrière-plan, on aperçoit ma mère dans sa robe de magistrate. Elle a la tête penchée pour écouter ce qu'un sorcier lui glisse à l'oreille, mais son regard est vissé sur le dos de Rosier. Je me demande ce qu'elle pense à cet instant précis.
[…]
Bangie,
Lumière de ma vie,
Soleil de mes nuits,
A Pré-au-Lard je désire me rendre mercredi :
Souhaites-tu m'honorer de ta compagnie ?
Sincèrement-i,
Fenwick Benjy
Un nouveau gloussement de Io me tire un soupir exaspéré.
- Arrête de rire, Derviche. Et mets-moi le feu à ce parchemin.
Il ne manquerait plus que Lancaster tombe dessus, et je ne serai plus jamais en paix.
- Mettre le feu à une telle œuvre ? Hors de question. Je rêve que ton cousin m'en écrive une comme ça !
- Je ne veux pas savoir de quoi tu rêves avec mon cousin. Maintenant rends-moi ce torchon, au lieu de rire bêtement !
Malheureusement mon autorité naturelle laisse à désirer, et ma camarade amorce un geste pour le glisser dans son sac – et chacun sait que son sac est enchanté et qu'elle est la seule à pouvoir y passer la main.
- Rends-moi ça Derviche. Y'a écrit BANGIE dessus, tu t'appelles Bangie toi ?
- Non, mais toi non plus.
- Io, tu veux que je m'énerve ?
- Oula non !
Son air ironique achève de m'agacer, et je me jette sur la table dans l'espoir de lui arracher le papier des mains. En vain, puisque tout ce que je gagne c'est l'irruption la bibliothécaire, qui m'adresse un regard lourd de menaces.
- J'ai un marché à te proposer, murmure Io lorsque la vieille mégère daigne nous tourner le dos. Je te rends ton papelard si tu m'expliques pourquoi MacGrant a été exclue des Serpentards.
- Pardon ?
Alors là, je suis sur les fesses.
Depuis quand je représente la porte-parole des Serpentards aux yeux de la reine du crime de Poudlard ?
- Augustus m'a dit que Lestrange te parlait.
- Augustus devrait apprendre à se mêler de ses oignons.
- C'est oui ?
- C'est va te faire voir, Derviche. Garde le papier si ça te chante.
Je me lève avec dignité, et quitte la bibliothèque d'un pas rapide. Comme je l'ai déjà dit, Io finit toujours par me pomper l'air quand je la fréquente trop longtemps. Mais jusqu'ici, je n'avais jamais figuré dans ses combines, et ça m'allait très bien.
Pour être sûre de ne pas la recroiser, je me rends directement à la Salle commune de ma maison, et en y découvrant Fenwick et Londubat en train de réviser, je file dans nos dortoirs en rasant les murs.
- Ah, Bangwalder, déclare distraitement Fortescue en levant la tête de son livre de Métamorphoses. Benjy te cherchait.
Qu'il cherche donc. Je ne suis pas prête de lui répondre, à celui-là.
Je me dirige vers le lit de Marlene, et tire brutalement les rideaux, prête à épancher mon agacement auprès d'elle. Mais en voyant, elle sursaute, et lâche précipitamment un objet de petite taille qui m'est étrangement familier.
- Qu'est-ce que tu fous avec cette saleté ? Tu sais que tu pourrais te faire virer ?
- Ferme les rideaux !
Je lui obéis, m'assois face à elle, et elle ressort la poupée vaudou des draps.
- Elle est ratée, murmure-t-elle. Depuis le début.
- Comment tu le sais ?
Elle brandit son horreur sous mon nez. Ses deux yeux sont crevés.
Effectivement, la dernière fois que j'ai croisé Woodhouse – c'est-à-dire ce matin, sa vue était suffisamment bonne pour qu'il repère Marlene et aille lui chercher des noises.
- Pourquoi est-ce que tu gardes ce truc, alors ?
- Ça me défoule. Tu devrais en faire une, toi aussi.
Je laisse échapper un ricanement.
- Je ne déteste personne assez fort pour pouvoir me détendre en lui crevant les yeux.
- Même pas Meadowes ?
Je dodeline de la tête. L'argument a son poids.
- Tu vas à Pré au Lard, mercredi ?
- Euh, je réponds avec éloquence. C'est-à-dire que …
- Attends, je reformule. Tu vas y aller avec Benjy ?
J'ouvre la bouche. La referme. Puis lance soudain, sourcils froncés :
- Mais qu'est-ce que vous avez tous, à l'appeler par son prénom ?
J'ai esquivé la question initiale sans même m'en rendre compte, et un petit sourire flotte sur les lèvres de Marlene.
- Il est sympa, il est marrant, il est accessible et amical. Donc le prénom vient plus facilement. Donc tu y vas, mercredi ?
- Non. J'ai besoin de rien. Je vais réviser.
- N'importe quoi. Tu m'as dit ce week-end que tu n'avais plus de parchemin, et que ta plume commençait à se fendiller !
- Oui mais j'ai trouvé une solution entre temps.
Marly m'adresse un regard incrédule et, lassée, je saute du lit.
Pas le temps de niaiser, ici.
[…]
Salut Jab, salut Marlene !
J'espère que vous allez bien. J'écris cette lettre en français pour pouvoir en dire plus, j'espère que Marlene ne m'en voudra pas trop !
Ici à Beauxbâtons, on s'ennuie un peu depuis que vous êtes partis. Martinet n'a pas été renvoyé – étonnamment – mais il se tient à carreau et il a été dégradé au rang de surveillant. Le nouveau conseiller d'éducation est monsieur Escalier !
Herr Brad est toujours en colère, il faut dire qu'il a la mémoire longue, surtout avec les mauvais élèves. On enchaîne les interrogations, et même Chloé Limaçon, sa chouchoute, subit sa mauvaise humeur.
Sinon, pour revenir sur un sujet plus sérieux, la venue de certains de vos camarades a eu quelques répercussions. Je pense notamment à une certaine maison que je ne nommerai pas, et qui a, semble-t-il, fait germer des idées moyennement saines dans la tête de certains Français. Un indice : les élèves issus des familles les plus aristocrates ont été les plus intéressés …
Il paraît que Dumbledore lutte contre ces idées, alors je suppose que vous êtes plus ou moins en sécurité dans l'enceinte de Poudlard. Mais ici, à Beauxbâtons, elles sont trop neuves pour que les autres élèves s'en alertent : dans l'idéal, il faudrait filtrer les correspondances, mais en France, un tel dispositif susciterait une Révolution !
Enfin bref, j'espère ne pas sous-estimer ces mouvements, et je vous souhaite bon courage dans votre lutte en Grande-Bretagne. Si vous aviez besoin de soutien, je sais déjà que je ne serai pas la seule à répondre présente !
Sur un tout autre sujet – mais non moins important – Pedrioski se vante de correspondre avec Marlene. Je ne veux pas sembler intrusive, ou guidée par mes propres inimitiés, mais je ne pense que garder contact avec ce macaque décérébré apporte quoi que ce soit à notre amie. A titre purement amical, je lui conseille donc d'accepter ce colis de Bombabouses neuves pour les joindre à sa prochaine lettre.
Sur ce, le devoir m'appelle : un match de Cognepoings aura lieu cette après-midi, et je ne connais toujours pas le nom des joueurs alors que j'en suis la commentatrice.
Bonne semaine et bonne continuation à vous deux ainsi qu'à vos amis de Gryffondors, en espérant vous revoir bientôt !
Tito Kesnevic
Un magnifique colis de Bombabouse trône en effet à côté de la lettre, entre mon assiette et celle d'Evans, assise en face de moi. Celle-ci grimace à leur vue, et s'interrompt dans son découpage minutieux de bacon pour en vérifier la provenance.
- C'est pour les Maraudeurs ? demande-t-elle avec méfiance.
Ces crétins sont assis un peu plus loin, en train de faire un test de personnalité du dernier SorcièreHebdo.
- … en amour vous êtes : un cœur de pierre, réponse A, un cœur sensible, réponse B, un cœur de pruneau, réponse C, lit Potter d'un ton docte.
- Un cœur de pruneau ? répète Lupin, dubitatif.
- Moi je suis un cœur de pierre, répond Pettigrow en carrant les épaules.
- Moi aussi, décrète aussitôt Black.
- Euh non, Sirius. La semaine dernière t'as pleuré parce que la chouette de Remus était morte. T'es plutôt un cœur de pruneau.
- J'ai pleuré à cause de mes allergies. Et de toutes façons ça n'a aucun rapport, là on parle d'amour humain, pas de sensibilité !
- Bah si, c'est lié. Mais t'as raison, t'es plutôt un cœur sensible du coup.
Evans et moi échangeons un regard consterné, avant de reporter notre attention sur le colis de Bombabouse.
- C'est pour Pedrioski, j'explique. Il est hors de ta zone de juridiction, tu peux fermer les yeux pour cette fois, non ?
Et comme la détestation de Pedrioski rassemble les peuples, elle finit par hausser les épaules, et accepte de réduire la taille du colis pour que je puisse le glisser dans ma poche.
- Quelles sont les nouvelles de France ? demande soudain Fenwick, depuis l'autre bout de la table.
- Rien de spécial.
Je glisse la lettre dans ma poche également, et me replonge dans mon repas. A côté de nous, les Maraudeurs s'animent soudain en découvrant leurs résultats :
- Peter, tu as une majorité de C, hein ? Alors tu es Radagast le Brun. Comme lui, tu es sensible à la nature et au monde qui t'entoure, et tu détestes la confrontation, que tu ne choisis que pour sauver tes amis !
- Ahlala c'est totalement moi.
- Sirius, majorité de A … tu es Saroumane le Blanc. Comme lui, tu …
- Mais c'est pas un connard lui ?
- Si, totalement. C'est un traître pour le compte des Ténèbres
- Putain !
- Remus sans surprise tu es Gandalf le Gris. Empli de sagesse, tu sais déjouer les sorts de tes ennemis pour avancer vers la lumière !
- Je ne veux pas te vexer Lunard, mais ça aurait dû être moi.
- Oui, Sirius, si tu veux.
Londubat et Fortescue les regardent, perplexes, Fenwick et Meadowes discutent arithmancie, Marlene révise ses Runes, bref, l'atmosphère est plutôt sereine.
- Mais je n'ai pas bien compris, du coup, ce sont des vrais mages ces types ?
- Bah oui.
- J'avais jamais entendu parler de magiciens avec des noms de couleur.
- Tu t'appelles bien Sirius Black, non ?
- Oui enfin c'est pas pareil, Queudver.
Je ne comprendrais jamais ce que les gamines de premières années trouvent à ces types.
Ni ce que Meadowes trouve à Fenwick, d'ailleurs.
Et cette réflexion n'a rien à voir avec le fait qu'elle pose sa main sur son bras pour éclater de rire à chacune de ses plaisanteries – et je peux vous dire d'expérience que lesdites plaisanteries ne valent pas un tel amusement.
« Sincèrement-i » quoi.
Même mon père n'aurait pas osé.
Je repense au rire de Io, puis à son marché, et je fronce les sourcils. Il va falloir que je me méfie d'Augustus, désormais.
Est-ce que c'est ça, la vie d'adulte ? Ne plus faire confiance aux gens et ne rien comprendre à ce qui nous arrive ?
Mon regard dérive de nouveau vers les Maraudeurs, qui s'esclaffent toujours autour de leur magazine féminin, et je révise mon jugement.
Personne autour de cette table n'est encore un adulte.
[…]
J'ai dit à Fenwick que j'étais d'accord pour aller boire un verre avec lui à Pré au Lard, mais seulement si Marlene pouvait venir. Sauf que Marlene devait voir Serio, donc elle l'a amenée à notre table. Lupin, qui est intrigué par la magie rouge et connait les on dit à propos de la Poufsouffle, s'est ajouté l'air de rien. Et comme Pettigrow n'est rien sans Lupin et que Potter et Black n'étaient pas là, il s'est incrusté également. Après quelques minutes d'un silence un peu gênant, dû à l'hétérogénéité de notre groupe, l'ambiance s'est détendue, et tout le monde discute désormais autour d'une pinte de Bieraubeurre. Dehors, il pleut, encore et toujours.
Ça commence à m'agacer d'ailleurs, cette affaire.
Parce que figurez-vous que les sorciers ne sont pas foutus de prévoir la météo. En même temps, quel intérêt puisque la magie compense ses désagréments ? Sauf que voilà, il y a des sorciers qui n'utilisent pas la magie. Et ceux-là, on les prend rarement en compte !
Toujours est-il qu'il pleut depuis une semaine sans discontinuer, et que même si je ne suis pas une créature des tropiques, j'en ai ras le bol des bourrasques humides qui nous frigorifient à longueur de journée.
En face de notre table, un groupe de filles de Serpentard, d'un ou deux ans nos cadettes, discutent en serrant des tisanes entre leurs mains. Sans doute les donzelles des cuisines. A côté, des garçons de Serdaigle les reluquent en plaisantant, récoltant des œillades méprisantes à intervalles réguliers.
Quant à moi, je m'ennuie ferme, à écouter le débat de ma table.
- … les statistiques, ce ne sont pas des maths. Bon bah la divination, c'est pareil, ce n'est pas de la magie ! déclare Fenwick.
- Ce n'est pas vrai, répond vertement Marlene. Et puis, pourquoi tu parles d'abord ? Tu ne suis même pas cette matière.
- Bah non, mais ma grand-mère fait partie d'une communauté gitane d'Irlande, et elle pratique la divination. Pourtant, c'est une Moldue !
- Ça ne veut rien dire. Peut-être qu'elle le pratique différemment.
- Pas sûr qu'il y ait quarante façons de lire dans une boule de cristal ou des feuilles de thé.
Serio, qui fumait jusqu'ici en silence, approuve d'un signe de tête les dires de Fenwick.
- Au Bénin, ça se passe de la même façon. Certains sorciers ne pratiquent pas la magie comme nous : ce sont des rituels, qui font circuler des énergies, et qui ont des effets, mais ce n'est pas la même magie que la nôtre.
Fenwick hoche la tête, et je laisse échapper un énième baillement.
- Et toi Bangie ? Une opinion subversive à nous partager ?
Depuis quand a-t-il du vocabulaire, ce manant ?
- Pas vraiment, non.
- Tu as une petite mine, observe Marlene en plissant les yeux.
Deux heures de travaux d'intérêt général avec Brodbeck et Rogue ce soir, tu parles que j'ai une petite mine. A l'heure où je vous parle, la défenestration me semble plus séduisante que cette retenue de malheur.
- Je m'ennuie, je réponds cependant poliment.
Au même moment, la porte des Trois Balais s'ouvre, laissant entrer un filet de vent froid et humide qui me fait frissonner. Les nouveaux arrivants, à savoir Woodhouse, Yaxley et Dolioro, plissent les yeux, à la recherche d'une table libre – enfin j'imagine, je ne suis pas dans leurs têtes – et apercevant Marlene, le visage de Woodhouse s'illumine, tandis que mon amie laisse échapper un soupir à fendre l'âme.
- Tiens, Billie Serio, ricane-t-il en s'approchant. Tu frayes avec la racaille, maintenant ?
Elle ne répond pas, se contentant de siroter son cocktail, sourcils haussés, et il tire une chaise pour s'assoir face à elle – tout en prenant soin de passer son bras par-dessus le dossier de Marlene.
- On peut savoir ce que tu fais ? grince cette dernière en se raidissant à l'extrême.
- On œuvre pour la mixité sociale, rétorque Dolioro en se coulant entre Lupin et Pettigrew.
C'est à mon tour de me crisper, tandis qu'elle m'adresse un sourire immense, tout en tirant à elle ma pinte.
Seul Yaxley, qui a levé les yeux au ciel en voyant ses camarades faire, tourne les talons.
Quel snob. Au moins, Dolioro et Woodhouse font semblant d'être cordiaux.
- Tu as la dragoncelle ?
- Hein ?
Je tourne de nouveau la tête vers Dolioro, interloquée.
- Bah euh non ?
- T'es sûre ? insiste-t-elle en repoussant ma pinte avec suspicion. Parce qu'il y a un variant de la dragoncelle, maintenant. Tu peux l'avoir sans être malade.
- Ah, d'accord, je réponds avec un air conciliant, après un léger silence.
Je n'ai rien compris à son charabia, mais face aux personnes imprévisibles il vaut mieux adopter une attitude calme et rassurante. En tout cas, c'est ce qui a toujours fonctionné avec les elfes dégénérés de ma grand-mère.
- Tu t'es jamais demandée pourquoi on n'avait plus de cours de self-défense ?
- … parce qu'on était en France ? Et qu'ils n'ont pas de club là-bas ?
- Bah non. C'est à cause du variant de dragoncelle.
Je hoche prudemment la tête, et elle vide le reste de ma pinte d'un trait, sous le regard ironique de Fenwick – et vous remarquerez que ça rime.
En face, Woodhouse drague comme il en a le secret.
- T'as un teint affreux, MacKinnon. Tu dors, la nuit ? Parce que vraiment, t'as une tête à faire peur. Tu révises ? J'ai entendu Slughorn te mettre un D, au dernier cours. Ou alors, tes notes coulent parce que tu ne dors plus. Tu préfères faire du sport nocturne avec Johnson, hein ? Il a ton mot de passe ? Ou toi le sien ? Pas très légal, tout ça, j'ai du mal à croire qu'Evans ferme les yeux.
- Il est à l'infirmerie depuis quatre jours, pauvre con.
- Bah je sais bien, c'est moi qui l'y ait envoyé.
Il ricane méchamment, et Marlene, excédée, se lève d'un bond. Elle saisit son verre de jus de citrouille, et d'un geste rageur, en projette le contenu sur le pantalon de Woodhouse, avant de tourner les talons. Avant qu'il n'ait pu la suivre, Rosmerta se dirige vers nous, le visage sombre, et je m'empresse de déguerpir.
Mixité sociale, tu parles !
A part une visite de Cardiff il y a belle lurette, je ne connais pas du tout le pays de Galles, donc je n'ai aucune idée de la façon dont on voit la Dee à Wrexham.
Sinon merci à feufollet, Aselye (je t'ai mis la dose de Ringo, j'espère que ça t'a plu !) et Worz (welcome back sur ff net) pour leurs reviews :)
Comme les vacances commencent, je risque de laisser passer un peu de temps avant de poster le prochain chapitre. D'ici-là, portez-vous bien !
