Je ne suis pas une pauvre imbécile, que ce soit clair.

J'ai mes petits problèmes, certes, et je suis plus lente à la comprenette que certains. Mais je ne suis pas pauvre, et pas imbécile. J'ai mes qualités.

Qu'est-ce que j'en ai à faire de cette bestiole ? Qu'est-ce que j'en ai à faire de Rosier ?

Mais c'est quand même grave, quand j'y pense, d'aller se fixer comme ça sur la vie des autres. Qui fait ça ? Qui mène des enquêtes sur les inconnus de la sorte ? Je pense sérieusement que ce n'est pas moi, le problème de cette histoire. C'est Rosier qui devrait se remettre en question.

Je jette un caillou dans l'eau, et un crapaud plonge avec un coassement courroucé.

Que Rosier aille au diable.

[…]

Mon quotidien est tout de même plutôt redondant.

Au cours d'une semaine, vous pouvez être sûrs que j'écoperai d'une note ridiculement basse et d'un avertissement fatigué d'au moins un professeur au sujet de mes Aspics, que Fenwick tentera de me faire rougir avec des compliments ridicules, et que je me prendrai les pieds ou que je tomberai quelque part. Ajoutez à cela les magouilles d'Io, les regards mauvais des Serpentards, et la lettre désormais hebdomadaire de Jelena qui s'assure que je ne suis pas morte, tuée par les mages noirs de France et de Navarre.

On a beau être dans une école de magie, nous sommes tous touchés par la routine. Même les Nés-Moldus finissent par être aspirés par la déprime de la pluie perpétuelle, et l'amoncellement de devoirs, proprement monstrueux à l'approche des examens de fin d'année.

Et franchement, ça me fait mal de l'avouer, mais la seule chose encore capable de rompre la monotonie du quotidien, c'est la bêtise intersidérale de Black et Potter.

Comme ce matin, par exemple.

- Les Aspics par-ci …

J'ai levé les yeux de mon porridge, et Potter a déjà jeté son parchemin dans la panière à pain, et a renversé le pichet – vide, fort heureusement – de jus de citrouille au passage.

- Les Aspics par-là, chantonne Black en retour.

- Les Aspics ceci …

- Les Aspics cela …

Lupin et Pettigrow regardent le duo des débiles avec lassitude. Au loin, MacGonagall a relevé les yeux de son journal, et fixe notre table avec une insistance plutôt inquiétante.

- Euh c'est bon là ?!

- Ras le bol.

- RAS LE BOL !

Lancaster observe Black sans rien dire, la tête appuyée contre son poing. Evans a adopté une attitude à peu près similaire vis-à-vis de Potter, et Marlene n'a pas relevé les yeux de sa fiche de révision.

- Il est temps de mettre un peu d'animation à cette table ravagée par le travail.

- Ravagée ? Sinistrée, même !

- Je n'aurais pas mieux dit.

- Il est temps de …

Black sort un tambour de nulle part, et commence à marquer le suspense de vigoureux coups de baguettes.

- DE TRAVAILLER ENCORE PLUS !

- LES ASPICS NE SE PASSERONT PAS TOUS SEULS !

- Ce show est sponsorisé par le professeur Minerva MacGonagall, dont le bureau est ouvert à vos requêtes et questions – dans la limite du raisonnable bien sûr – de huit heures à vingt heures, du lundi au samedi.

- Pour toute demande de soutien ou de tutorat, veuillez vous diriger vers l'incroyable Benjy Fenwick, assis en bout de table …

Le concerné cesse de mâcher son scone, et fronce les sourcils, visiblement pris au dépourvu.

- Ou bien la douce Lily Evans, à ma droite.

- Nous vous souhaitons, sur ce, une excellente journée, marquée par le travail, le sérieux, l'ambition et la REUSSITE !

Et ils s'esquivent aussi rapidement qu'ils le peuvent, sous les regards atterrés de notre table.

- Ils ont été payés ? demande Fenwick, sourcils toujours froncés d'incompréhension.

- Retenues annulées jusqu'aux vacances, répond Lupin. Ça leur a couté d'accepter l'opération de propagande de MacGonagall, mais ils avaient plusieurs dizaines d'heures alors …

- La fin justifie les moyens, conclut Pettigrow avec son détestable ton docte.

A la table des Serdaigles, Io se coule aux côtés de Johnson pour lui glisser quelque chose dans sa main. Il le regarde rapidement, lâche quelques mots, et se redresse avant de quitter la Salle. Restée seule, Io se sert un bol de café, et commence à le boire en sondant la salle de ses yeux de chat.

Le seul fait qu'elle respire suffit à faire d'elle l'élève la plus louche de la Salle.

Cela dit, prenez en compte que les Serpentards ne sont pas encore arrivés.

MacGonagall a détourné son regard de nous, et c'est au tour de Dumbledore de nous jauger. Je détourne la tête, mal à l'aise, et concentre mon attention sur Fenwick, qui entreprend de tartiner son morceau de scone de cinq fois son poids en confiture.

- Ça va tomber, je l'informe d'un ton neutre.

Il lève vers moi un regard étonné, et la confiture vacille.

Il faut dire que je parle relativement peu de mon plein gré le matin.

- Mais non. Je l'ai déjà fait des milliers de fois.

Il ajoute une couche supplémentaire, et Marlene baisse ses fiches pour contempler le désastre à venir.

- Ça va tomber, déclare-t-elle à son tour.

- Dix mornilles qu'elle ne tombe pas, rétorque Fenwick, sans quitter son scone des yeux.

- Tenues, je rétorque. Fenwick, regarde-moi pour voir ?

Il dépose précautionneusement sa cuiller, puis lève les yeux vers moi.

- Tu es très beau ce matin.

Il cligne des yeux, lâche un « hein ? » des plus délicats, et l'intégralité de la confiture vient s'écraser sur la table.

Je me lève avec toute la grâce dont je suis capable, enjambe le banc, et lâche :

- Tu déposeras les dix Mornilles dans mon sac, en potion.

Voilà de quoi égayer ma maussade routine.

[…]

- Alors, Jabbie. Quels sont les ragots ?

- J'ai décidé d'arrêter les ragots, je réponds d'un ton neutre.

Io m'adresse un regard dubitatif.

- Vous dites tous ça, et puis vous recommencez. Fais-moi gagner du temps, et dis-moi avec qui Dorcas Meadowes a couché hier soir.

- J'en sais rien.

- Bien sûr que si, elle est dans ton dortoir.

- Je ne passe pas ma vie à la surveiller.

- Foutaises.

- Non. Et parle moins fort, Evans nous entend.

C'est à se demander si elle n'est pas payée pour être aussi insupportable.

- Tu te rappelles la première fois qu'on s'est parlées ?

Binns lève les yeux de son parchemin un bref instant, et Io fait mine de rédiger sagement des notes imaginaires.

- Non.

- Menteuse. Malefoy venait de te bousculer, et je t'ai aidée à ramasser tes livres. C'était en première année.

Je jette un regard excédé à Io, dont la séquence nostalgie ne laisse rien présager d'autre qu'un lavage de cerveau destiné à sa collecte d'information.

- Aucun souvenir.

- Tu mens, répète-t-elle. Ce jour-là, j'ai su que malgré ta maison, tu aurais toujours besoin d'aide.

- Retire ça et calme ton complexe du sauveur, s'il te plaît.

- J'ai raison, et tu le sais.

- Rosier t'a payée pour me dire ces conneries ?

Io incline la tête avec intérêt, Evans tourne brièvement son regard vers nous, et je me retiens de me frapper le front.

- Quel est le rapport avec Rosier ?

- Aucun. Potion dans une heure.

- Tu es sûre ?

Je ne réponds pas, et pose ma tête sur mes bras croisés, prête à dormir. Io me tire une mèche de cheveux, et je lui adresse un regard méchant.

- Lâche-moi. Vraiment.

- Répond, pour Dorcas.

- Je t'ai dit de me lâcher.

- Je te paye ta prochaine sortie aux Trois Balais ?

Je soulève mon bras et pèse le pour et le contre en regardant le rictus triomphant de ma camarade.

- Non.

Rictus triomphant se transforme en moue déçue, et je savoure ma victoire.

[…]

- Tu te rappelles quand on est allés en France ?

- Oui.

Je mâchonne le bout de ma plume, sourcils froncés face à l'abominable dissertation que nous a imposée MacGo, la veille pour le lendemain. Soi-disant pour nous aider à réviser, tu parles.

Cette femme est terrifiante.

- C'était quand même chouette hein ?

- C'était génial.

Je ne comprends même pas l'intitulé du sujet. Comment ça, « énoncer la typologie des sortilèges de métamorphose résiduelle et commenter leurs apports et limites sur la matière humaine » ?

Cette femme est TERRIFIANTE.

- Ça me manque … J'ai presque envie de revoir ce Piet.

Mon esprit passe dans un mode automatique avancé, les paroles de Marlene devenant un bourdonnement lointain, et les mots tracés sur mon parchemin se séparent en lettres dansantes.

Je déteste les cours. Je déteste les dissertations. Je déteste réfléchir.

Qu'est-ce qui m'a pris de continuer jusqu'aux Aspics ?

J'aurais dû ouvrir ma boutique de Whisky pur feu après les Buses. Ou devenir dresseuse de hiboux. J'aurais au moins eu un salaire décent, et je ne réfléchirai pas au sens du mot résiduel à vingt-deux heures, un mercredi soir.

Et dire que les études ne sont même pas terminées après ce diplôme ridicule. Qu'il faut encore enchaîner avec des années à ingérer du contenu vide et abstrait, et des sortilèges dont on ne se servira peut-être jamais. Il y a de quoi devenir fou, sérieusement.

- … pourtant pas si mal. Mais bon, tant pis.

J'adresse mon regard le plus vitreux à Marlene, et me repenche sur mon parchemin.

Semaine pré-Aspics : jour 1

- Quel est le sortilège utilisé pour faire léviter les objets, et quel est le mouvement de poignet associé ?

Je lâche un grognement, la joue appuyée contre la table de la Bibliothèque, et Marlene m'adresse un regard sévère derrière ses lunettes. En vérité, sa vision est parfaite mais elle trouve que les lunettes l'aident à se concentrer, et elle arbore donc depuis deux semaines d'énormes verres jaunes qui lui donnent un air d'insecte. Woodhouse n'a bien sûr pas manqué de se moquer d'elle, poussant le vice jusqu'à les lui casser trois fois en une semaine, jusqu'à ce que Marlene à bout de nerfs ne lui fende la pommette avec son dictionnaire de runes.

- Accio ? je propose mollement, sans lever la tête.

- Non. C'est un sortilège d'attraction. Je te demande celui de lévitation.

Je me redresse prestement, le temps que Madame Pince passe en grommelant à la recherche du moindre prétexte pour nous mettre dehors, puis repose ma tête sur la table, dans l'espoir que le bois rafraîchisse ma migraine naissante.

- Locomotor Mortis ?

- Oui ! Et le mouvement à exécuter ?

Je mime un coup sec du poignet au hasard, et un soupir excédé me répond.

- Tu as révisé au moins ?

- Pas vraiment, je réponds de mon ton le plus contrit.

En réalité, je suis vraiment contrite de lui faire perdre son temps. Mais j'ai la tête ailleurs depuis la confrontation de Rosier, et les Aspics sont honnêtement le dernier de mes problèmes à l'heure actuelle.

- Ça ne sert à rien alors, m'assène Marlene en rangeant ses livres dans son sac. Autant aller manger tout de suite.

- Il est 11 heures, Marlene.

- Contrairement à toi je me suis levée tôt pour réviser, et j'ai FAIM. Au plaisir.

Mon amie se lève brusquement, et quitte la bibliothèque à grands pas, visiblement énervée. Restée seule, j'observe mes livres d'un œil vitreux, et je replie mes bras dans le but de faire une petite sieste réparatrice qui me permettra de fuir tous mes problèmes, lorsque le raclement d'une chaise en face de moi me tire de mes pensées.

- Je peux me mettre là ? me demande poliment Evans, qui est déjà assise en train de sortir ses cahiers.

Je hoche la tête, et la regarde étaler posément livres, parchemins, plumes et baguette sur la table, avant de me fixer d'un œil interrogateur.

- Tout va bien, dans tes révisions ?

- Pas vraiment, je réponds dans un nouveau bâillement.

- Tu as besoin d'aide ?

- Marlene a déjà essayé, mais je ne pense pas pouvoir réussir à rattraper une année en une semaine.

Evans continue de me regarder, sourcils froncés, avant de se pencher pour murmurer :

- Il y a quelque chose qui t'empêche … te concentrer ?

Je fronce les sourcils, essayant de composer ma mine la plus étonnée.

- Non, pourquoi ? Qu'est-ce qui te fait dire ça ?

- Tu as une mine affreuse.

Comme toute l'année.

- J'ai mal dormi, je réponds sèchement, un peu vexée.

- Quelque chose te tracassait ? rebondit aussitôt Evans, une lueur amusée dans les yeux.

Je lève les yeux au ciel, exaspérée, et commence à rassembler mes affaires, dans le but de continuer ma sieste dans mon lit, histoire d'exploiter cette semaine de révision comme il se doit.

- Il y a des rumeurs qui courent à ton sujet, déclare soudain Evans, me faisant relever la tête de mon sac.

- De quel ordre ? je demande d'un ton pincé, en saisissant mon encrier d'un geste brusque.

- Il paraît …

Elle tortille une mèche de cheveux, feint de réfléchir, et sans me quitter des yeux, complète sa phrase d'un air ingénu :

- … que tu entretiens une relation avec Rosier.

J'aimerais vous dire que j'ai poussé un « COMMENT ?! » retentissant dans toute la bibliothèque, cassé la table d'un coup de poing puis suis sortie à la recherche de la source de cette rumeur pour l'exterminer, mais tout ce qui se produit, c'est la chute de mon encrier encore ouvert sur mes genoux.

- Merde, je bredouille en regardant la tâche s'étaler sur ma jupe, et couler lentement sur la chaise.

Evans est visiblement tout aussi surprise de mon manque de réaction que moi, et elle hausse les sourcils.

- Ne me dis pas que c'est vrai ?

- Bien sûr que non, je réponds violemment. Recurvite !

La tâche ne frémit même pas.

Voilà qui est bon signe pour mes Aspics.

- Recurvite, soupire Evans. Au cas où ça t'intéresserait, Remus a entendu cette rumeur de la bouche de cinquièmes années de Serdaigle.

- De … Hein ?!

- En tout cas, si cette rumeur est vraie, sache que nous ne te jugeons pas – en tout cas, pas moi. Mais tu devrais faire attention à toi, tout le monde sait que Rosier n'est pas des plus fréquentables.

- Mais que … Ce n'est pas vrai Evans ! Jamais je ne … Argh !

Cette fois mon air dégoûté semble la convaincre, et un demi-sourire apparaît sur ses lèvres.

- Je te dis que je ne te juge pas.

En fait non, je ne l'ai pas convaincue.

- Ecoute, je murmure en me penchant vers l'avant. Rosier me parle souvent, c'est vrai. Mais c'est parce que … enfin … Bon tu les connais, les Serpentards, ils adorent essayer de faire chanter les autres. Mais j'ai la situation bien en main, ne t'en fais pas.

Une nouvelle lueur passe dans les yeux verts d'Evans, et avant que je n'aie pu ajouter quoi que ce soit, c'est son tour de se pencher sur moi, en établissant d'un geste une bulle de silence.

- J'ai menti, susurre-t-elle. Il n'y a pas de rumeurs, en tout cas pas qui soient remontées aux oreilles des Gryffondors. Mais je savais que Rosier te faisait chanter. C'est en rapport avec le Jaseroque, n'est-ce pas ?

Je pensais que ça n'arrivait que dans les films, mais ma bouche s'ouvre sous le choc, tandis que ma camarade affiche un sourire satisfait.

- Je ne comprenais pas pourquoi tu étais si paniquée lorsque James a découvert ton prénom complet. Et puis, soudain, je me suis souvenue d'une vieille histoire que j'avais lue enfant. Ça s'appelait Alice au pays des merveilles, et l'homme qui l'a écrit n'était autre que Lewis Carroll, de son vrai nom Charles Dodgson. C'était en réalité un sorcier, mais étant né-Moldu, il a préféré vivre dans leur monde toute sa vie, et a écrit pour des enfants des récits fabuleux. La plupart des éléments étaient inventés, mais certains étaient directement inspirés de ses sept années vécues dans le monde sorcier.

Elle marque une courte pause, le temps de ménager son effet, puis reprend :

- Le Jaseroque est une créature quasi mythique. Il n'en existe qu'un, et il semblerait qu'il vivait déjà du temps de Merlin. Carroll était fasciné par cette légende, et il fait partie des rares sorciers à avoir mentionné son existence depuis des siècles. Voilà pourquoi ton prénom a suscité ma curiosité. En revanche, je ne m'expliquais pas l'intérêt de Rosier, Sang-Pur qui n'a sans doute jamais entendu parler d'Alice au pays des merveilles et de son auteur. Donc j'ai poursuivi mes recherches, et c'est comme ça que j'ai découvert que le Jaseroque existait, ou du moins avait existé. Et il ne fallait pas être bien intelligent pour comprendre que si tu dissimules ton prénom comme ça, c'est que tu as un rapport avec lui, qui ne doit pas se savoir, mais qui a attiré la convoitise de Rosier, et donc sans doute de Voldemort. Et tu n'es pas sans savoir que cet animal est bien réel, puisqu'il a récemment attaqué Poudlard.

- Attaqué … Hein ?

Evans a un mouvement d'impatience, et je me sens inexplicablement irritée, au milieu de l'océan de confusion dans lequel baigne ma pensée.

- Rookwood l'a vu. Il en a parlé à Derviche, et elle a monnayé l'info aux Maraudeurs, apparemment. Mais ce n'est pas le plus important. Nous parlions de Voldemort.

Je crains d'avoir sous-estimé le cerveau de cette fille pendant toutes ces années.

Et surestimé le mien, vue la facilité avec laquelle elle vient d'exposer un raisonnement qui ne m'est jamais venu à l'esprit en dix-sept ans de vie.

- Ce qui m'amène au second point que je voulais aborder, murmure Evans en jetant un discret sortilège de confusion à un Serdaigle qui approchait de nous. Voldemort se fait de plus en plus puissant. Les grandes familles ruinées se joignent à lui, des attentats ont lieu et sont de plus en plus meurtriers, et il commence à avoir de l'influence au Ministère. Si personne ne se dresse en face de lui, qui sait jusqu'où il sera capable d'aller ?

Je hoche la tête, le cerveau cotonneux, comme chaque fois qu'il doit se mettre en route.

- Le professeur Dumbledore est tout aussi préoccupé que nous. C'est pourquoi il a convoqué certains de nous, qui sommes majeurs et avons déjà montré des signes de résistance à Voldemort, et nous a proposé de joindre un mouvement qu'il est en train de créer afin de lui faire face. Ce mouvement s'appelle …

Elle griffonne trois mots sur un parchemin et me le tend, toute trace de légèreté disparue de son visage. Je le saisis, et lis « Ordre du Phénix ». Dès que je relève la tête, elle enflamme le papier d'un geste du poignet, et reprend :

- Il y a un sortilège posé par Dumbledore sur ces mots. Si tu les répètes à quelqu'un qui n'en fait pas partie sans son autorisation, tu risques gros.

- Alors … je murmure faiblement. Le professeur Dumbledore veut que …

- Le professeur Dumbledore est au courant pour ton prénom et ce qui va avec depuis ta première année. Il a tenté de t'alerter sur la résurgence du Jaseroque, et sur les mauvaises intentions autour de toi, mais tu n'as pas réagi et il trouve désormais la situation trop préoccupante pour te laisser te promener dans la nature.

- Comment sais-tu tout ça ?

- Parce que c'est moi qui suis venue lui faire part du comportement de Rosier à ton égard. Et il n'est pas bête, il a bien compris à quelles conclusions j'étais parvenue.

- Et … je chuchote pitoyablement. Ma mère … ?

- Ta mère ne sait rien d'autre que ce que tu lui dis.

Une étincelle de mépris traverse son regard vert, et je suis tentée de me ratatiner sur moi-même, avant de me souvenir que cette attitude me rappelle bien trop Pettigrow, et que je ne peux pas tomber si bas, fut-ce à un moment aussi critique de ma vie.

- Le professeur Dumbledore te veut dans son bureau dès que tu auras pris ta décision. En attendant …

Elle fouille dans son sac, et en jette un exemplaire de la Gazette, avant de se lever.

- Tu devrais lire ça. A plus tard, Bangwalder.

La bulle de silence éclate avec son départ, et les bruits feutrés de la bibliothèque me parviennent de nouveau tandis que je baisse les yeux sur le journal étalé sous mon nez.

Sur la première page s'étale la photo d'une maison sinistrée, au-dessus de laquelle flotte un crâne vert, duquel jaillit un large serpent, la gueule ouverte sur des crocs énormes.

Triple meurtre à Manchester, indique le titre. J'ouvre le journal, la nausée au bord des lèvres, et me force à lire.

Melinda Sivaro, Jonas MacMillan et Ignatus Abbot ont été retrouvés morts hier soir dans la maison de M. Abbot, à Manchester. Les trois sorciers, connus pour être des sympathisants Moldus en faveur d'un rapprochement entre les communautés sorcières et non-magiques et occupant respectivement des postes au département de la justice magique, des mystères, et de la coopération magique internationale semblent avoir subi une énième attaque des « Mangemorts » comme en témoigne la marque au-dessus de la maison. Il s'agit de la quatrième attaque du mois au sein de la communauté sorcière, qui vient s'ajouter à la longue liste des persécutions subies par les sorciers en faveur d'un traitement égalitaire entre les statuts de sang ainsi que d'un rapport meilleur avec la communauté non-magique. Interrogé à ce sujet, le ministre de la Magie a déclaré « enquêter au mieux afin de comprendre les motivations et l'organisation de ce groupe terroriste », tandis que l'ancien dirigeant du Magenmagot, Alistair Rosier, affirmait que les actions de ce mouvement sont « bien plus largement soutenus qu'on ne le pense ». Interrogé sur sa propre adhésion à Lord Machin, il a répondu « se soucier de l'évolution des vieilles familles sorcières au sein de la société sorcière ». Une préoccupation visiblement partagée, puisque …

Je tourne la page, dégoûtée par ce que je lis, et découvre un article occupant une demi-page au sujet de la « bête des Highlands ». Sauf que cette fois, je sais de quelle créature il s'agit.

Après avoir disparue pendant près de deux semaines, la créature des Highlands est réapparue en dépit des prévisions des experts au-dessus des montagnes de nouveau. Des témoins ont cependant rapporté avoir trouvé des traces de sang sur son passage, mais les prélèvements n'ont permis aucune découverte à son sujet. Il semblerait que l'animal, blessé par une source inconnue, ait regagné son lieu d'apparition – de naissance ? – afin de s'y régénérer. Les experts ont définitivement exclu la piste du Dragon inconnu, après avoir découvert qu'aucune photographie de l'animal n'était possible, à l'image des vampires. De plus, les dragons sont connus pour se nicher près des sources de richesses – telles que des mines d'or, ou des volcans diamantés – tandis que les Highlands ne comptent aucune richesse minérale particulière.

Je repose tout doucement le journal, légèrement secouée, et les tempes douloureuses.

Evans a raison, je n'ai rien fait du tout. Je ne me suis même pas intéressée à ma propre identité, ni au danger dont mes parents pouvaient me protéger, ni même aux conséquences de mes actes. Je me suis laissée intimider par les Serpentards, instrumentaliser même, et je ne me suis pas renseignée sur ce qui se passait autour de moi, hors de Poudlard. La seule chose qui m'a préoccupée cette année, c'était mon confort et la manière la plus efficace de repousser Fenwick, qui est bien la seule personne à trouver quoi que ce soit d'intéressant en moi.

Je suis méprisable, il faut le dire.

Semaine pré-Aspics : jour 2

Le professeur Dumbledore m'observe sans rien dire pendant quelques secondes, son visage dénué de tout sourire, les mains croisées sur son bureau dans une attitude sévère. Puis, il daigne m'accorder un minuscule signe de tête, et me désigne la chaise en face de lui.

- Asseyez-vous, Miss Bangwalder.

Je m'exécute maladroitement, et son regard se fait plus indulgent.

- Je crois que nous avons quelques discussions à rattraper, n'est-ce pas ?

Je hoche la tête, la bouche sèche.

- Miss Evans est venue me voir hier soir, et m'a rapportée votre échange. Je dois dire que j'avais bon espoir de vous voir venir aujourd'hui.

Tout en parlant, il pousse vers moi une assiette couverte de sucreries, mais mon estomac est trop noué pour pouvoir avaler quoi que ce soit. Il doit s'en apercevoir, puisqu'il murmure gentiment :

- Par où voulez-vous commencer ?

- Eh bien, je commence maladroitement, le Jaseroque …

Il m'adresse un regard encourageant que je ne pense pas mériter, et je baisse les yeux sur mes genoux.

- Pourquoi a-t-il attaqué Poudlard ?

Je sens son regard peser sur moi quelques instants, avant qu'il ne soupire et s'adosse à son fauteuil. Il a soudain l'air très vieux et très fatigué, et un vague malaise m'envahit.

- Je me doutais bien que certains auraient vu ce qui s'est passé cette nuit-là. Tous les professeurs étaient réquisitionnés à repousser l'attaque, et malgré les quelques sorts que nous avons jeté aux dortoirs afin de maintenir les éventuels curieux dans le château, j'avais la crainte que certains élèves aux compétences élevées puissent les détourner. Dans votre cas, je pense ne pas me tromper en affirmant que c'est le Jaseroque qui vous a attiré, de par la malédiction qui vous lie.

- La … pardon ? Je croyais qu'il s'agissait de …

Je me tais quelques secondes. Que m'a dit ma mère, déjà ? Que mon arrière-grand-mère avait un don en divination, et qu'elle n'avait pas apprécié le déshonneur jeté par le mariage de ma mère …

- Alors elle m'a maudite ? je souffle, les yeux écarquillés.

Le professeur Dumbledore me contemple avec tristesse, et ne répond rien.

- Je pensais, je murmure pour moi-même, je pensais que ce n'était pas de son fait. Qu'elle l'avait lu dans les étoiles ou je ne sais quoi. Mais c'était intentionnel ?

- Votre arrière-grand-mère était extrêmement puissante, pour réveiller une créature telle que le Jaseroque et l'enchaîner à un bébé. Mais on ne sort pas un monstre millénaire du néant en un claquement de doigt, et il lui a fallu près de dix-sept ans pour recouvrer ses forces. C'est la raison pour laquelle vos forces magiques s'amenuisent de semaines en semaines.

- Mais, pourquoi pas Jelena ? C'est l'aînée. Pourquoi n'a-t-elle rien subi ?

- Je peux me tromper, répond lentement Dumbledore, les yeux fixant un point au-dessus de moi, mais je pense que cela est dû au fait que lorsque votre mère est tombée enceinte de votre sœur, elle était toujours en Angleterre, et travaillait au département des mystères. Les forces immenses qui gravitent là-bas l'ont sûrement protégée. De plus, votre mère et votre père n'étaient pas mariés, et votre mère n'avait donc pas encore été déshéritée.

J'ouvre la bouche, prête à objecter, mais rien ne vient et je la referme.

- -Quant à l'attaque, pour répondre à votre question, il s'agissait simplement du Jaseroque qui venait vous chercher.

- Me chercher ? je lâche sans réfléchir. Pourquoi faire ?

- Lui seul le sait. Je suppose qu'il voulait sans doute achever sa tâche, et vous vider de vos derniers pouvoirs. À moins qu'il ne souhaitât simplement voir à qui il avait été enchaîné. On sait peu de choses au sujet de cette créature, et quasiment rien sur son intelligence.

- Et moi, je demande timidement, j'ai un quelconque pouvoir sur lui ?

- Je crains que non, répond Dumbledore, et il semble sincèrement peiné de cette réponse.

Un silence lourd s'étire, tandis que je réfléchis.

- Et Voldemort, je commence d'un ton incertain. Sait-il que …

- Voldemort lit les journaux, comme tout le monde. Oui, il sait. Cependant, il est trop occupé à avancer ses pions sur l'échiquier politique pour se préoccuper de cette créature pour le moment. Mais votre question m'amène à un point que je voulais aborder, et qui se trouve être Monsieur Rosier.

Ma main se crispe brièvement sur l'accoudoir de la chaise, et le visage de Dumbledore se durcit.

- Evan Rosier semble avoir entamé une lutte de pouvoir au sein de l'école. Vous n'êtes pas sans savoir qu'il est affilié à Voldemort, et je me doutais que la résurgence du Jaseroque ne passerait pas inaperçu auprès de lui, et qu'il ferait sans doute le rapprochement avec vous. Je vous avoue que je ne pensais pas que cela se ferait si vite, en revanche.

- C'est parce qu'il a découvert mon prénom, je réponds piteusement. Potter …

- Miss Evans m'a déjà tout raconté, ne vous en faites pas. Et je sais qu'une fois que Monsieur Rosier se lance sur une piste, il est difficile de l'en détourner. Cependant, j'ai un reproche à vous faire, et c'est que vous n'ayez pas cherché à vous informer sur votre situation, malgré mes avertissements. Vous auriez ainsi pu prendre une longueur d'avance sur lui, et mieux appréhender ses stratégies.

Il se tait brièvement, le temps que ses paroles s'imprègnent bien dans mon cerveau, et je sens une boule se former dans ma gorge.

- Oui, je murmure. J'en ai conscience.

Des larmes stupides commencent à s'accumuler au bord de mes paupières, et je serre les dents si fort que ma mâchoire me fait mal.

- Ce qui est fait est fait, reprend Dumbledore d'un ton plus doux. Vous êtes une Gryffondor, miss Bangwalder, mais vous semblez souvent l'oublier. Vous n'avez jamais ployé l'échine devant les tentatives de chantage de monsieur Rosier, et vous voilà aujourd'hui dans mon bureau afin de prendre votre destin en main. Vous n'êtes pas méprisable, mais vous ne croyez pas assez en vous.

Une, deux larmes coulent sur mes joues, et je m'empresse de les essuyer, fixant la cage du phénix derrière le directeur afin de tenter d'endiguer le flot d'émotion qui m'envahit.

- Votre situation n'est pas aisée. Je dirais même que vous portez un sacré fardeau. Mais vous n'êtes pas obligée de le porter seule. Miss Evans s'est préoccupée de votre sort tout au long de l'année, et moi de même. Je pense même pouvoir affirmer que les Maraudeurs ont gardé les Serpentards à l'œil après l'incident de Botanique, en début d'année.

Je hoche vaguement la tête, incapable de formuler la moindre réponse cohérente.

- Vous êtes majeure, et votre choix vous appartient. Mais étant donnée la situation dans laquelle vous vous trouvez, j'ai pensé qu'il serait judicieux de vous proposer d'intégrer l'ordre du Phénix. Nous pouvons vous aider à lutter contre les forces qui vous menacent, et vous pouvez vous joindre à la lutte contre ces mêmes forces. Je n'attends pas votre décision dans la minute, mais n'hésitez pas à me faire savoir votre choix lorsque vous aurez eu le temps d'y penser.

Nouveau hochement de tête.

- Quant à Monsieur Rosier …

Dumbledore se penche en avant, mains croisées, et la lueur bienveillante de ses yeux s'éteint.

- Je ne peux guère le confronter comme je viens de le faire pour vous. Cependant, je peux vous mettre en garde. N'acceptez aucun de ses plans. Ne rentrez pas dans son jeu. Mais s'il s'ouvrait à vous au sujet de quoi que ce soit …

Je le coupe d'un hoquet incrédule, les yeux écarquillés.

- Sauf votre respect, professeur, ça m'étonnerait que Rosier s'ouvre à moi. Nous n'avons pas vraiment ce type de liens, je pensais que vous le saviez.

Mais au lieu de me reprocher mon impolitesse, il me sourit avec indulgence.

- Cela fait plusieurs décennies que j'exerce le métier de directeur, et plus d'un demi-siècle que je suis professeur à Poudlard. Je commence à connaître les étudiants, Miss Bangwalder.

Comme je continue à le fixer, sourcils haussés, il poursuit.

- Je pense pouvoir affirmer sans me tromper que Monsieur Rosier éprouve pour vous un certain intérêt – indépendamment du Jaseroque, s'entend.

Ma bouche s'ouvre sous le choc, et mes sourcils doivent désormais fusionner avec mes cheveux tellement ils sont levés haut.

Il m'adresse un nouveau sourire, un brin moqueur cette fois.

- Enfin, ceci ne sont pas mes affaires. Je vous souhaite bon courage dans vos révisions, Miss Bangwalder. N'oubliez pas que vos Aspics vous seront nécessaires dans les temps à venir. Ne les négligez pas.

Comprenant que l'entretien s'achève là, je me lève lentement, sourcils froncés, un trop plein d'informations bouillonnant dans mon crâne.

- Au revoir, professeur, je m'entends dire d'une voix lointaine.

Je redescends lentement les escaliers, et lorsque je me retrouve dans le couloir, j'ai à peine le temps de faire un pas hagard que je me fais happer par une tornade rousse.

- Alors ? murmure Evans en jetant des regards inquiets vers les gargouilles, qui nous écoutent avec attention. Alors ?

- Il croit que Rosier m'aime, je bredouille, complètement sonnée.

- Que … Hein ?! Attends, attends, allons dans un coin plus discret, tu vas me raconter ça.

Elle m'entraîne d'un pas rapide vers la tour d'astronomie, grimpe la moitié des escaliers en me jetant des regards inquiets en me voyant trébucher à chaque marche, puis finit par m'arrêter de force pour me regarder droit dans les yeux, le visage grave.

- Explique-moi.

La marche m'a légèrement remis les pensées en place, et je parviens à lui raconter l'entrevue dans son entièreté ou presque.

Elle m'écoute avec attention, ses yeux verts ne me lâchant pas du regard un instant jusqu'à m'en donner mal à la tête, et lorsque j'ai terminé, elle commence par prendre une longue inspiration avant de parler.

- Bon, alors pour te remettre dans un état plus normal, sache que je ne pense pas que Rosier t'aime.

- Dumbledore …

- Le professeur Dumbledore a sous-entendu que Rosier pouvait éprouver un intérêt envers toi comme des sorciers peuvent en éprouver pour des sorcières, pas qu'il comptait te demander en mariage.

- Mais c'est impossible ! je m'exclame, ma voix résonnant dans les escaliers.

- Oh, voyons Jab. Ne me dis pas que ça ne t'avait jamais effleuré l'esprit ?

- Vraiment pas, non, je réponds avec véhémence.

Et pour une fois, je ne mens pas. La simple idée que Rosier puisse éprouver des sentiments me paraît aussi incongrue que d'imaginer Grindelwald faire caca, ou MacGonagall acheter des sous-vêtements.

- Bon, soupire Evans. Eh bien maintenant tu le sais. Pour être honnête, ça crève les yeux depuis un bon bout de temps, maintenant.

Je refuse que la petite amie de Potter me fasse des leçons sur la subtilité.

- Il te regarde beaucoup, il s'est accaparé ton binôme de potions toute l'année, il n'adresse la parole à aucune autre fille que toi …

- Il est fiancé, je rappelle mollement. Et il ne me parle qu'à propos du Jaseroque. Et puis, je réagis soudain, de quoi essayes-tu de me convaincre ? Je ne veux pas savoir tout ça !

- A ta guise, répond Evans en levant les mains.

Un léger silence s'étend, avant qu'elle ne me demande timidement :

- Que vas-tu faire, pour l'Ordre ?

Je laisse passer quelques instants de réflexion, avant de répondre.

- Accepter, je pense. Dumbledore a raison, je ne tiendrais pas longtemps seule.

Elle hoche la tête, approbatrice.

- Tu fais bien, murmure-t-elle. J'ai été dure avec toi hier, mais je me fais sincèrement du souci pour toi.

- Oui, je réponds un peu plus sèchement que je l'aurais voulu. Je me doute.

Mes quelques sursauts Gryffondor n'apprécient pas vraiment que l'on compatisse ou s'inquiète pour moi, comme si je n'étais pas majeure, vaccinée, cracmolle, et incapable de maîtriser la moindre situation.

- Je vais te laisser, poursuit Evans, à qui l'amertume dans ma voix n'a pas échappé. On se voit plus tard, Bangwalder.

Je hoche la tête, et je reste assise sur les marches, en écoutant le bruit de plus en plus lointain de ses pas qui s'éloignent. Puis, lorsque je ne risque plus de la rattraper ou de la croiser dans le couloir, je m'engage à sa suite, et gagne la bibliothèque sans grande motivation. Après l'avoir parcourue en long et en large sans trouver Marlene, un grondement de mon ventre me rappelle qu'il est l'heure de déjeuner, et je rejoins la Grande Salle d'un pas plein d'entrain. Je visualise aussitôt Marly, qui mange délicatement son rôti face à Black, qui l'enfourne par grandes fourchettes, visiblement maussade. Quelque chose semble cependant retenir son attention, et alors que je m'assois à côté de lui, face à mon amie, je repère la raison de son regain de bonne humeur. Les Serpentards viennent de rentrer de leur entrainement de Quidditch, couverts de poussière et de sueur, et d'une humeur visiblement massacrante.

- Leurs vestiaires ont explosé, me déclare Black avec l'air satisfait de celui qui a réussi sa journée.

Je refixe mon attention sur les Serpentards. Rosier est à leur tête, à son habitude, et je note distraitement son catogan lâche, à moitié défait, l'angle dur de ses pommettes, et la raideur de son pas. Son regard impavide se lève vers moi, et au lieu de détourner les yeux à mon habitude, je sursaute et laisse bruyamment tomber mes couverts dans mon assiette.

Idiote.

Lestrange plisse les yeux avec suspicion, et Rosier reporte son regard mort sur le banc, qu'il enjambe pour s'assoir à côté de Cheleb. La vision de cette dernière agit sur moi comme un électrochoc, bien plus efficace que la chute de mes couverts, et je détourne le regard, mortifiée.

Je ne vais quand même pas me laisser déconcentrer par quelques paroles d'Evans, ni changer ma vision des gens sur des suppositions aussi dérangeantes qu'erronées !

Comme pour appuyer mes pensées, Fenwick vient se laisser tomber face à moi, des cernes noires venant souligner ses yeux, et le même air morose que Black affiché sur son visage.

J'hausse un sourcil face à son allure de zombie, avant de remarquer que la plupart des élèves de septième année autour de moi ont l'air fatigués, stressés, et tout un tas d'autres émotions négatives dues aux Aspics. Il n'y a que moi et le couple Evans-Potter qui n'avons pas l'air au bord de la dépression nerveuse.

- Alors ? me demande Marlene à côté de moi, et je sursaute en voyant sa mine sinistre à côté de mon visage.

- Alors quoi ?

Je tente de me reculer le plus subtilement possible, mais mon épaule rencontre celle de Meadowes, qui la regarde comme s'il s'agissait d'une perruque constituée de cheveux de Rogue.

Ce qui me fait penser que je devrais arrêter de me moquer de Rogue. C'est sûrement à cause de ces années à me moquer de ce pauvre garçon que je me retrouve dans la situation dans laquelle je suis.

- Alors tes révisions ?

- Ah ! je m'exclame d'un ton joyeux tout à fait artificiel. J'ai super bien avancé. Et toi ?

Mon amie me contemple par en dessous, visiblement pas dupe, et ne prend pas la peine de répondre. De toute façon, sa tête parle pour elle. Je me demande même si elle a dormi ces derniers jours.

- Tu veux que je t'aide en métamorphose ?

Je contemple Fenwick, surprise.

- Je risque de te faire perdre ton temps, je réponds franchement.

Puis, me rappelant des paroles de Dumbledore, je change d'avis :

- Enfin, oui, pourquoi pas.

Il hoche la tête, sans afficher le moindre signe de satisfaction.

- Ce soir, après le dîner, dans la Salle commune.

J'opine du chef, et il se replonge dans l'ingération méthodique de ses frites.

J'échange un regard perplexe avec Marlene, que notre échange a réveillé de sa léthargie, puis, surprenant le regard d'Evans, je lève un sourcil interrogateur. Celle-ci me désigne d'un mouvement minuscule du menton la table des Serpentards, et levant les yeux, je découvre le regard pensif de Rosier posé sur Fenwick. Celui-ci n'a rien remarqué, et Evans, demi sourire aux lèvres, revient à sa conversation avec Potter.

Dans les livres de Marlene, lorsque l'héroïne remarque de son ennemi ténébreux l'aime secrètement, elle est troublée, étonnée, flattée, tombe amoureuse ou que sais-je. Pour ma part, bien que la situation diffère – Merlin merci – je ne ressens rien d'autre que du stress et un certain malaise.

- Salut les Gryffons !

Je sors de mes pensées, et l'ensemble de la table relève la tête vers Io, qui arrive comme un rayon de soleil au milieu de notre table de nuages gris.

- Alors les révisions ? roucoule-t-elle en commençant à se beurrer une tartine, comme si de rien n'était.

- Tiens, Derviche ! s'exclame Black, ravi d'être tiré de son ennui. Qu'est-ce que tu racontes ?

- Rien de spécial, répond Io en tirant vers elle un pichet de jus de citrouille. La routine. J'en ai marre des révisions. Une soirée, ça vous dit ?

- Sûrement pas, intervient Lupin. Après les Aspics, si tu veux, mais avant, c'est hors de question.

Io répond par une moue déçue.

- Pas très courageux, pour des Gryffondors.

Black a un sourire appréciateur, mais Meadowes prend la parole d'une voix réfrigérante :

- Excuse-nous d'utiliser notre courage pour refuser des propositions idiotes comme les tiennes plutôt que de flinguer notre avenir. On laisse le manque d'ambition aux Poufsouffles.

Toute la table retient son souffle, attendant l'explosion. Pendant quelques secondes, rien ne se passe, Io se contentant de mastiquer sa tartine en regardant Meadowes. Puis, d'un geste souple, elle déverse le contenu de son verre dans l'assiette de notre camarade. Quelques gouttes giclent sur sa chemise blanche, et Io se lève avec majesté, nous salue de la main, et quitte la table d'un pas tranquille.

Elle fait la maligne, mais il est peu probable qu'elle soit encore en vie demain matin.

[…]

- Mais, siffle Fenwick en serrant si fort son livre que les jointures de ses mains blanchissent. Tu as travaillé cette année ?

- Pas vraiment, je réponds poliment, en me penchant sur le schéma illustré de la transformation d'un rat en théière. J'ai séché pas mal de cours, et j'ai eu deux trois soucis personnels.

- Tu vas rater tes Aspics, déclare gravement Fenwick. Je suis désolé de te le dire, Bangie, mais tu n'as aucune chance d'en avoir.

- Je sais.

Le fait est que c'est faux. J'ai travaillé sérieusement l'histoire de la magie depuis notre retour de France, et j'ai de bonnes bases en soin aux créatures magiques. J'ai bon espoir de réussir à faire quelques petites choses en Botanique aussi.

En revanche, je ne me fais aucune illusion sur la métamorphose, les sortilèges, la DFCM, et les potions.

- Tu n'es pas plus paniquée que ça ?

- Ma mère va me tuer, je réponds en remballant mes parchemins remplis de notes, griffonnées pendant le cours magistral que Fenwick vient de me donner pendant presque deux heures. Mais bon, beaucoup de gens réussissent leur vie en ayant simplement leurs BUSES.

Fenwick dodeline de la tête, à moitié convaincu, et me regarde ranger mes affaires en silence.

- Tu souhaites toujours travailler avec les créatures magiques ?

Je hausse les épaules.

- Pourquoi pas. J'ai eu un Optimal à mes buses en Soins, et je pense pouvoir m'en sortir aux Aspics.

Il hoche la tête, vaguement convaincu, et je quitte l'épais tapis pour m'assoir sur un fauteuil à côté du feu.

- Tu sais, Bangie, reprend Fenwick d'un ton hésitant, je me demandais … Enfin, Evans m'a dit que Dumbledore t'avait parlé de l'Ordre et … Enfin, je voulais savoir si ça t'embêtait qu'on continue à se voir après Poudlard ?

Je le contemple sans répondre, abasourdie par sa manœuvre alambiquée. Puis, une vague d'affection pour l'idiot qui se tient devant moi me parcourt, et je souris avec sincérité.

- Tu sais, Fenwick, je réponds spontanément, ça a mis beaucoup de temps à venir, mais je t'aime vraiment bien.

Il me regarde avec un air ébahi qui m'aurait vexée si mon entrevue avec Dumbledore ne m'avait pas laissée dans une douce humeur que rien ne semble pour l'instant altérer.

Semaine pré-Aspics : jour 3

Un groupe de sixième année vient de passer devant nous dans le parc en ricanant face à nos fiches de révisions.

- Retiens-moi, grommelle Marlene, qui ressemble furieusement à un pitbull à l'approche des examens. Je vais en faire de la chair à pâté de ces petits …

- Calme-toi, fredonne Io en contemplant ses doigts de pieds, qu'elle vernit en bleu clair. Ils seront dans la même galère l'année prochaine.

L'argument semble convaincre mon amie, qui replonge dans ses notes en grommelant, et je retourne à la contemplation du lac. Black le cadet semble conter fleurette à une Serdaigle de sixième année, Woodhouse, Selwyn et Young discutent ensemble sur un banc, des livres posés sur leurs genoux. Woodhouse jette des regards fréquents à Marlene, qui ne relève pas la tête, et plus loin, les Maraudeurs complotent. Lancaster tient la chandelle auprès de sa meilleure amie sous un chêne, et Rogue est assis seul, révisant si furieusement que ses yeux semblent flous (à moins que cela ne soit dû à la distance ?). Plus loin, Brodbeck discute avec Fenwick et Lovegood ainsi qu'une sorcière que je ne connais pas en mangeant des bretzels de sa confection, enfin je suppose.

Bref, une après-midi normale dans le parc. À un détail près.

White et Lupin se galochent sous un châtaignier. Et croient visiblement être discrets.

Je ricane en les regardant, lorsque des bruits de pas m'obligent à relever la tête pour voir l'odieux personnage osant nous déranger en pleines révisions. Odieux personnage qui se révèle être mon odieux cousin.

- Jab, murmure-t-il sans même regarder Io, qui elle le contemple avec froideur. Tu peux venir s'il te plaît ?

C'est-à-dire que je suis plutôt bien là, assise sous le soleil à regarder les autres travailler.

- Pour ?

- Viens, je t'explique en chemin.

Je le contemple un instant, utilisant mes mains pour protéger mes yeux du soleil, et consent à me lever. Presque aussitôt, il part à pas vif vers le château, et j'adresse un regard désolé à mes amies avant de le suivre.

- La tante Madria est morte, murmure-t-il une fois que nous nous sommes éloignés du groupe, et je cligne des yeux, déstabilisée.

Augustus et moi sommes liés par nos pères respectifs, qui sont cousins. La branche Rookwood est sorcière depuis quelques générations, tandis que mon père est le premier sorcier des Bangwalder. La tante Madria était une sorcière, sœur du père d'Augustus. Je ne la connaissais pas vraiment, et l'air contrarié de mon cousin m'intrigue.

- Mes condoléances, je réponds poliment. Et ?

Ses yeux jaunes rétrécissent sous la suspicion. Mon air détaché l'agace visiblement, mais ne sentant en lui aucun chagrin, je ne fais aucun effort pour le simuler à mon tour.

- Elle a été tuée par des sorciers.

- Oh. Elle avait des ennemis ?

- Non, c'était un malheureux accident. Bien sûr que oui, pauvre idiote !

- Et qui étaient-ils ? je demande calmement, tout en craquant les articulations de mes doigts pour contenir ma colère.

Il jette un coup d'œil méfiant autour de lui, avant de se pencher vers moi.

- Des membres d'un mouvement qu'on appelle « l'Ordre ».

Il se redresse pour mieux guetter ma réaction, et je reste impassible. Je n'ai même pas besoin de me forcer, les muscles de mon visage se détendant alors que je réfléchis rapidement.

- Tu es ridicule, Gus, je murmure enfin, et le surnom de notre enfance le fait à peine tiquer. La tante Matria n'avait pas d'affinités avec Voldemort, son sang n'était pas assez pur. Je sais que tu es marqué ou compte l'être, et ce n'est pas en décrédibilisant les mouvements de résistance à ton maître que je vais vous rejoindre, toi et Rosier, qui est sûrement derrière ton intervention.

- Alors tu es des leurs, siffle mon cousin. Tu es des leurs ou tu comptes l'être, comme tu dis. Tu aurais pourtant des avantages à rejoindre…

- C'est Rosier, qui t'a envoyé ?

- Qu'est-ce que ça peut faire ? aboie-t-il, visiblement touché dans son égo. Ce qui compte, c'est que toi et Io vous êtes dans ce mouvement stupide, et que vous vous opposez au véritable ordre.

- Épargne-moi tes discours de pseudos vérité, je rétorque sèchement. Mon propre père est né-Moldu. Un statut que ton pote souhaite exterminer, si je ne me trompe pas ?

Il ne répond pas, blême de colère, et je poursuis.

- Tu n'as aucun droit sur les choix de Io et moi. Et tu devrais réfléchir par toi-même, au lieu de suivre les ordres de Rosier et de ce taré au dessus. Tu vas te salir les mains et commettre des atrocités au nom de principes auxquels tu ne crois pas, tout ça pour un peu d'influence ? C'est ridicule. Il n'est pas trop tard pour renoncer, Augustus.

- Tais-toi. Tu ne sais rien. Et pas trop tard ?

Il soulève quelques centimètres de sa manche, et je peux voir le serpent noir onduler contre les veines de son poignet.

- J'ai fait mon choix. Tu as visiblement fait le tien. Je pense que tu ne vois pas d'objection à ce que je ne t'appelle plus « cousine » ?

- Pas la peine d'être aussi mélodramatique, je réponds avec un ricanement. Nous n'avons jamais été très proches. J'espère juste qu'on ne sera pas amenés à se battre l'un contre l'autre.

Il me jette un regard dégoûté, visiblement peu convaincu, et tourne les talons. Restée seule, je retourne vers mes amies, et la bêtise de mes paroles me saute à l'esprit et distrait un instant mon chagrin.

J'aurais dû jouer l'ignorante, au lieu de ne pas nier mon implication et ma connaissance du mouvement. L'intégralité de mes paroles sera sans doute répétée à Rosier, et ce dernier va redoubler d'efforts pour atteindre son but. Mais l'angoisse qui m'étreint est brève. Les paroles pleines de calme et de confiance de Dumbledore me reviennent, et je chasse mon inquiétude en m'asseyant de nouveau entre Io et Marlene.

- L'une de vous aurait-elle le journal ? je leur demande d'un ton affable, tandis qu'elles m'observent avec inquiétude.

Sans un mot, Io sort un exemplaire de la Gazette et me la tend. Je l'ouvre et tourne les pages sans hésiter jusqu'à la rubrique nécrologique. Je trouve ce que je cherche en un coup d'œil :

Décès de Madria Smith. Femme et mère, 1900-1977. Objet du décès : dragoncelle.

Je referme le journal avec un sourire amer. Se servir de la mort de sa tante pour tenter de me manipuler, on fait difficilement plus minable. Nul doute sur le cerveau de cette affaire.

- Il t'a parlée de l'Ordre ? m'interroge Io d'un ton faussement dégagé qui ne me laisse pas dupe.

- Oui. Comment peut-il être au courant de son existence ?

Io hausse les épaules.

- Ce n'est pas moi qui lui en ai parlé. Le maléfice de Dumbledore m'en aurait empêchée. Je pense qu'il le sait par l'extérieur.

- Des gens hors de Poudlard combattent Voldemort ? je demande, étonnée.

- Bien sûr. Le ministère n'en parle pas parce qu'ils ont peur de donner de l'importance au conflit. Ils ne veulent pas admettre que nous sommes en guerre. D'ailleurs, j'ai appris par Evans qu'hors de Poudlard, il ne faudra plus prononcer le nom de Voldemort. Il a posé un sort dessus, et quiconque le prononce est immédiatement tracé et repéré.

Je reste bouche bée.

- Ils ont failli avoir mon frère comme ça, m'apprend Marlene. Il a eu de la chance d'en réchapper. C'est comme ça que l'Ordre a su.

Le visage du frère de Marlene, Andy, me revient à l'esprit, et je l'ajoute à ma liste mentale des membres de l'Ordre.

- Bah punaise, s'exclame Io qui a toujours le mot juste dans les situations difficiles. On n'est pas sortis de l'auberge, avec ces illuminés !

- Comme tu dis, grommelle Marlene. C'est quoi, déjà, la quatrième exception à la loi de Gamp ?

Semaine pré-Aspics : jour 4

- J'ai pris ma décision.

- Vous m'en voyez ravi.

- J'accepte de rejoindre l'Ordre.

- Vous m'en voyez doublement ravi.

- Des Serpentards au sein de l'école en connaissent l'existence.

- Je m'en doutais.

- Ça ne vous inquiète pas plus que cela ?

Dumbledore m'adresse un sourire paisible, mais ses yeux restent sérieux.

- Je trouve cela très inquiétant, en effet, de découvrir que plusieurs de mes élèves sont impliqués dans des mouvements aussi sordides que celui de Voldemort. Le fait qu'ils connaissent l'existence de l'Ordre en tant que tel ne m'inquiète pas – c'est sa vocation de combattre Voldemort. Cependant, je suis profondément horrifié et attristé de voir qu'il parvient à diviser idéologiquement des camarades … Voir même des familles.

Je secoue la tête, serrant mon emballage de Suçacide dans ma main.

- On ne peut rien vous cacher.

- Au sein de cette école, j'admets qu'il est difficile de me dissimuler quoi que ce soit.

Une pensée me revient soudain, et je révèle précipitamment :

- Rosier sait que vous m'avez proposée de faire parti de l'Ordre.

- Il le supposait sans doute avant notre entrevue. C'est en utilisant monsieur Rookwood qu'il l'a appris, me contredit poliment Dumbledore.

- Je suis désolée de ne pas avoir nié.

- Ce qui est fait est fait. Je ne vous reproche pas votre réaction, Jabberwocky. Il n'est jamais aisé de s'opposer à ses proches.

Je hoche vaguement la tête, avant qu'une autre information me vienne à l'esprit.

- Que pensez-vous de Cheleb Selwyn, monsieur ?

Il me sourit, comme s'il avait anticipé ma question, et croise ses mains sur son bureau avant de me répondre.

- C'est une sorcière très intelligente, qui tire admirablement bien les épingles de son jeu.

- Elle m'a aidée lorsque Rosier a commencé à me faire chanter. C'est elle qui m'a dit pourquoi il s'intéressait à …

Je ravale la fin de ma phrase, gênée par son double sens.

- … vous savez.

- Cela ne m'étonne pas.

Il me regarde avec bienveillance, et je comprends qu'il n'ajoutera rien.

- Je vais retourner réviser, je reprends donc en me relevant précautionneusement, de peur de renverser un des nombreux objets précieux autour de moi.

- Vous faites bien, répond aimablement Dumbledore. Je vous tiendrais au courant de ce que vous devez savoir au sujet de l'Ordre par le biais de vos camarades. Bonne soirée, miss Bangwalder.

Je hoche la tête, et sort à pas lents. Je croise Black, qui sort du bureau des professeurs, l'air morose, et lui tapote l'épaule.

- Ah, Bangwalder. Evans te cherchait.

- Okay, mais sinon tu te souviens de la poudre d'asphodèle que tu m'as volée il y a six mois ?

- Hein ?

Je le regarde fixement, dans l'espoir de l'intimider suffisamment pour qu'il me rembourse dans l'immédiat, mais ma tactique échoue visiblement puisqu'il se contente de me regarder en fronçant les sourcils.

- Ne fais pas l'innocent. Je veux que tu me rembourses complètement.

- Mais je ne t'ai rien volé !

- NE ME PRENDS PAS POUR UNE IDIOTE !

J'avoue que ce vol est toujours un sujet sensible.

- Cinq points en moins pour Gryffondor.

J'adresse un regard mauvais au Serpentard sournois de sixième année qui vient de passer, son badge de préfet étincelant sur sa poitrine.

- Je t'assure que je ne me souviens pas. Tu l'avais eue où cette poudre ?

- À ton avis ? j'aboie. Je voulais la proposer à Augustus, donc c'était forcément par Io !

- Aah ça me revient ! Il y avait aussi Regulus.

- Je m'en fous qu'il y ait eu Regulus, Merlin ou France Gall avec lui ! Je veux que tu me rembourses cette poudre.

- Mais c'est de l'histoire ancienne, Bangie …

- Ne t'avise pas à m'appeler comme ça.

- Alors Fenwick est un privilégié ?

- Ne change pas de sujet où je te colle un sort.

- Ne me fais pas rire, Bangie.

Les tableaux ricanent à notre échange, et je fulmine.

- Je ne te rembourserai pas, conclut Black. Oublie cette histoire.

Semaine pré-Aspics : jour 5

- La cagoule, c'était nécessaire ?

- Oui.

- Black saura que c'est toi qui a cambriolé sa valise, avec ou sans cagoule. On aura juste l'air bête.

- Io, tu arrêtes de discuter, et tu enfiles cette cagoule. Je t'ai donné les infos que tu voulais sur Meadowes, oui ou merde ?

- Et si je n'ai plus envie ?

- Et mon poing dans ton nez, tu en as envie ?

Je suis un poil tendue ce matin. Il faut dire que je prépare mon tout premier cambriolage, et que je suis un petit peu stressée.

Io enfile sa cagoule en maugréant, se désillusionne, et nous sortons sur la pointe des pieds.

- Tu sais que c'est ridicule, commence-t-elle. Ils sont tous dehors pour l'entraînement, ou les révisions et …

- Io, tu te tais. Je t'ai promis 50%, à ce prix là j'ai le droit à ton entière coopération, non ?

- Non mais sérieusement …

Je la fusille du regard à travers ma cagoule, et elle ne rit pas, sans doute consciente qu'elle est aussi ridicule que moi.

- On y va, je murmure en entendant les deux filles de quatrième année qui étaient dans la salle la quitter.

Nous nous glissons hors des dortoirs pour atteindre ceux des garçons sans encombre. Joffrey me file entre les jambes en feulant, mais à part ça, aucun bruit ne se fait entendre.

Le dortoir des garçons de Gryffondor ressemble un peu à celui de Serpentard, en plus chaleureux. Et un peu plus bordélique.

En fait, en carrément dégueulasse.

- Ça pue, chuchote Io en fronçant le nez.

Oui, cette idiote a enlevé sa cagoule.

- Lequel des lits est celui de Black ? je murmure.

- Celui au fond a gauche.

- Comment tu sais ça ?

Elle ne répond pas, et je me rue vers sa malle. Io me l'ouvre, et je la fouille.

- Il n'y a pas sa bourse, je murmure d'une voix blanche.

- Elle est dans un de ses caleçons, dans son armoire.

- Comment. Tu. Sais. Ça.

- T'occupe.

Je lève ma cagoule sur mon front, et regarde Io lancer un Accio sur l'armoire. La bourse en sort, et vient atterrir dans sa main.

- Vingt gallions, tu disais ? me demanda-t-elle d'un ton détaché alors que je frétille d'impatience. Il n'y a que dix mornilles et quatre noises, dans son porte-monnaie.

- C'est une blague ?

J'en laisse tomber ma baguette.

- On prend tout quand même, je décide, mon mental impalpable de politicienne reprenant le dessus. Et son porte-monnaie avec. Tu ne saurais pas où il pourrait cacher la poudre, par hasard ?

- Il n'en prend plus depuis Noël.

- Merde.

- On repart ?

Je suis Io en traînant des pieds, la mort dans l'âme.

- En voilà, du temps perdu, soupire mon amie en jetant ses gants par terre. Garde l'argent, j'en ai pas besoin. On va voir le match ?

Je hoche la tête, dépitée, et lorsque nous arrivons, Serpentard mène avec 70-40. Les Gryffondors se prennent visiblement une raclée, si j'en crois l'air furieux de Potter qui hurle des directives tout en jouant.

- Alors ? demande Marlene, sans quitter le terrain des yeux.

- Un échec monumental, je grommelle tandis que Io poursuit son chemin pour rejoindre Bonnie et Billie, assises plus haut. Il n'avait même pas un gallion dans son porte-monnaie.

- Oh, mince.

Sous nos yeux, Dolioro envoie un Cognard d'une violence assez exceptionnelle à Shawn, qui ne l'évite que grâce au coup d'épaule de Rosier, qui reprend le Souaffle au passage.

Ce match n'est pas vraiment officiel, du moins les septièmes années sont normalement dispensées, pour leurs révisions. Mais Potter, à son habitude, a si bien plaidé sa cause à MacGo qu'ils ont eu l'autorisation d'y participer.

- NOUVEAU BUT DE ROSIER, 80 À 40, LONDUBAT TU FOUS QUOI ?!

Lancaster est toute rouge, échevelée, et visiblement prête à attraper le balai de Londubat pour lui montrer comment on défend des buts correctement.

- Rosier évite le Cognard de Black, descend en piquet pour semer Potter, remonte … et c'est le COGNARD DE FORTESCUE QUI LE FORCE À LÂCHER LE SOUAFFLE ! SHAWN LE RÉCUPÈRE … 80 A 50 !

En face de nous, Woodhouse et Selwyn conspirent comme des siamois. J'ai toujours trouvé ce duo étrange, Woodhouse étant un parvenu arrogant et bien peu subtil, tandis que Cheleb est la figure même de l'aristocratie britannique sang-Pur.

À son habitude, le regard de Woodhouse vient régulièrement s'attarder sur le visage de Marly, qui ne le voit même pas. La vague pitié que je ressentais pour lui avant ne m'étreint plus, et je félicite intérieurement mon amie pour sa droiture. Je réalise soudain que cette année nous a éloignées, et qu'elle ne sait rien sur le Jaseroque, contrairement à Evans, que je connais pourtant peu.

- COGNARD DE BLACK À LESTRANGE, MAIS LE SOUAFFLE EST RÉCUPÉRÉ PAR YAXLEY … LES ATTRAPEURS SEMBLENT AVOIR VU QUELQUE CHOSE ! ILS ACCÉLÈRENT ET … REGULUS BLACK A LE VIF D'OR ! LES SERPENTARDS GAGNENT 260 À 240, ET LAISSEZ MOI VOUS DIRE QUE LES GRYFFONDORS ONT MENÉ UNE PARTIE MAGNIFIQUE, AVEC UNE TACTIQUE MAIS SURTOUT UN FAIR PLAY A TOUT ÉPREUVE, N'EN DÉPLAISENT À LEURS ADVERSAIRES OUI VRAIMENT ILS PEUVENT ÊTRE FIERS D'EUX !

- Pas de fête ce soir, déduit tristement Marlene en se levant, et nous nous joignons au flot de la foule qui quitte le stade, tandis que les Serpentards autour de nous s'étreignent en chantant.

[…]

C'est le dernier week-end. Les Aspics commencent lundi, et le Poudlard Express quittera Poudlard dimanche.

Je reporte mon regard sur la fenêtre des dortoirs. Il pleut.

Je ferais mieux de réviser.


Bon.

Je sais que je reviens comme une fleur après un retard monumental, mais j'ai mûrement réfléchi sur la conduite à tenir avec cette fic. Vous l'aurez sans doute vu, j'ai écrit en parallèle les Molosses, dont le registre diffère radicalement, et depuis j'ai du mal à me remettre pleinement dans Le pays des merveilles. Malgré tout, je suis attachée à cette fic, et je ne me sens pas de l'abandonner comme une vieille chaussette (surtout que j'ai des super revieweuses que je n'ai pas le cœur à décevoir ...).

Enfin bref, j'ai pris une décision (enfin) : au lieu de réécrire les chapitres comme je le faisais, je vais simplement vous publier les anciens, corrigés et retouchés, comme c'est le cas de celui-ci. J'espère qu'ils vous conviendront quand même : pour ma part je ne me sens plus vraiment capable d'écrire des choses rigolotes et sensées dans ce style.

Merci beaucoup à Aselye et feufollet pour leurs messages sur le précédent chapitre : je vous dédie pleinement ce nouveau sachez-le !

A bientôt à celles et ceux qui passeraient par ici, et bonne fin de soirée à vous.