Écrit par HateWeasel

248. Des Amis Sur Qui Compter.

Dès l'après-midi, Ciel s'était débarrassé du reste des Sept Sensationnels (Alois non inclus), et s'était rendu au quartier général de la police en ville afin de rapporter les preuves qu'il avait rassemblé. Avec un peu de chance, il obtiendrait également des pistes pour trouver le coupable de la vidéo, un pas de plus vers les imitateurs. Il avait autre chose en tête, cependant : le fait était que l'Inspecteur Bailey était passé à côté d'une telle information, malgré la rigueur dont l'homme faisait toujours preuve dans ses enquêtes.

Gabriel Bailey était l'une des rares personnes pour laquelle le Phantomhive avait du respect. C'était un homme avec un grand sens de la moralité, conscient qu'il ne pouvait pas sauver tout le monde, mais qui essayait toutefois. Il était têtu, et détestait demander de l'aide, à moins que cela soit pour la bonne cause. Bailey faisait souvent penser à Ciel aux héros des vieux dessins animés du samedi matin lorsqu'ils avaient commencé à sortir. Voilà tout simplement qui il était. Il était donc inconcevable, peu importe sous quel angle on voyait la chose, qu'il puisse être complice d'un plan machiavélique, aidant les imitateurs au lieu de les arrêter.

Il était toujours aussi occupé que d'ordinaire lorsque le duo de démons mit un pied dans son bureau. Le bleuté décrit la nature de la preuve, ainsi que son emplacement. Il tendit une clé USB à l'inspecteur avec une copie de la vidéo qui contenait la scène de l'enlèvement, et l'homme la brancha à son ordinateur.

Il resta assis un moment tout en la regardant sans dire un mot; sans aucune expression, bien que ses yeux révélaient tout ce qui lui traversait l'esprit; tout ce qu'il ressentait à cet instant. Une fois la vidéo terminée, l'Inspecteur Bailey s'adossa contre son siège en soupirant longuement, frottant ses tempes avec exaspération. Il resta ainsi quelques instants de plus avant de reprendre la parole.

- Je suis désolé, dit-il. C'est moi qui aurais dû enquêter sur la scène du crime. C'est à cause de moi que vous n'aviez pas accès à cette information.

- Que voulez-vous dire ? demanda Ciel, se penchant légèrement en avant. Vous aviez dit n'avoir vu aucun signe de lutte.

- Chez Almondine Bigby, pas Elena Lovejoy, répondit l'inspecteur, l'air déçu, surtout contre lui-même. Je n'étais que sur la scène de crime de Bigby. Quelqu'un d'autre s'est chargé de celle-là. Vous voyez ? demanda-t-il, tournant l'écran de l'ordinateur vers le duo de démons. Cette caméra a aussi enregistrée toute l'enquête. Je n'y suis pas. On dirait bien que c'est le nouvel inspecteur qui s'en est occupé.

- « Nouvel inspecteur » ? répéta Alois. On vous remplace ?

- J'en ai bien peur, blondinet, répondit l'homme en soupirant. Je me fais juste trop vieux pour rester debout à n'importe quelle heure pour résoudre des affaires…

- Alors vous prenez votre retraite, c'est bien cela ? interrompit Ciel, surprenant l'inspecteur et Alois.

Soupirant à nouveau, Bailey reprit.

- Oui. Désolé, petit.

D'une certaine manière sa réponse sembla agacer le bleuté. Ciel fronça les sourcils et parla sur un ton quelque peu contrarié, comme s'il le grondait.

- Et c'est tout ? demanda-t-il. Vous comptez juste partir ? Vous comptez laisser Londres entre les mains d'un nouvel amateur ? Comment suis-je donc censé m'en accommoder, bon sang ?

- Je ne suis simplement pas comme vous, mon petit, dit Bailey, sortant une cigarette de sa poche de chemise. Je suis « normal ». Je fatigue, et je vieillis. Je ne peux pas continuer à faire ça toute ma vie. Ça me tuera plus vite que cette clope.

- Alors arrêtez de fumer, dit Ciel, croisant les bras. Vous adorez ce travail, Bailey. C'est vous qui avez dit que « nettoyer les rues est la meilleure chose que je puisse faire de ma vie ». Vous ne pouvez pas abandonner comme ça.

- Vous vous en rappelez ? répondit l'homme en ricanant. J'avais vingt ans, quand j'ai dit ça. Maintenant, j'en ai cinquante. Je ne veux pas arrêtez, mais je n'ai pas le choix.

- Pourquoi ? Vous m'avez l'air en forme.

- Je suis plus fatigué que j'en ai l'air. Je ne peux plus rester éveillé des jours d'affilé. Je ne peux pas poursuivre des malfaiteurs, je ne peux pas résoudre les enquêtes comme je le faisais, je ne peux pas rester loin de ma famille non plus, dit Bailey. J'ai raté le mariage de ma propre fille, Ciel. Avez-vous une idée de ce que je ressens ?

Le silence régna quelques instants avant que le bleuté réponde, sa voix inhabituellement sincère.

- Je suis désolé.

- Bah, ce n'est pas grave, dit l'inspecteur, un sourire réapparaissant sur son visage. Tu me manqueras aussi, gamin !

Ciel resta assis de l'autre côté du bureau à côté de son associé, se contentant de regarder l'homme d'un air indifférent. La menace blonde l'observa un moment, anticipant sa réponse, mais quelque chose de parfaitement inattendu se produisit. Cela commença par un mouvement bref au coin de sa bouche, avant de se changer en sourire narquois, puis en sourire sincère. Aussitôt, le bleuté était en train de rire, et il riait avec l'inspecteur.

Une fois qu'ils se calmèrent, ils se firent leurs au revoir, l'inspecteur promettant de chercher toutes les informations qu'il pourrait trouver sur la personne dans la vidéo pour les envoyer au Phantomhive. La menace blonde et lui, quittèrent le commissariat de police dans un silence inhabituel, alors que le blond se demandait à quoi il venait bien d'assister. Il n'avait jamais vu qui que ce soit faire rire Ciel ainsi auparavant. De ce qu'il savait, il était le seul.

Son silence ne passa pas inaperçu, cependant, alors que le bleuté finit par s'arrêter, l'autre garçon imitant son geste. Alois se contenta de le regarder d'un air curieux, se demandant quelle était la raison derrière son action. Bien assez vite, toutefois, le bleuté demanda :

- Bon, qu'y a-t-il ?

- Comment ça qu'y a-t-il ? demanda le blond, levant un sourcil.

- Tu es silencieux, et tu fais une grimace, dit Ciel alors qu'il se remit à marcher. Tu penses à quelque chose.

- Je me demandais juste qu'est-ce que c'était que ce rire terrifiant que tu as eu, tout à l'heure, répondit Alois, marchant aux côtés du garçon. Depuis quand es-tu aussi copain-copain avec Bailey ?

- Jaloux, je me trompe ? demanda le bleuté avec un sourire narquois, faisant rougir le blond qui voulut retirer ce qu'il venait de dire. Pour être franc, quelque temps après ma première affaire avec lui. Il se trouve être l'une des premières personnes que j'ai réellement considéré comme un « ami ».

- Comme Sir Integra ? le taquina le blond.

- Je ne suis pas ami avec cette monstrueuse femme.

- Et moi ?

- Tu n'es pas non plus mon ami, dit le bleuté d'un air assez sérieux, effrayant le blond.

Il sourit d'un air espiègle en constatant la réaction de l'autre garçon.

- Tu es mon petit ami. C'est différent.

- Ne fais pas ça ! dit Alois, frappant de manière joueuse le bleuté au bras, gagnant un ricanement.

- On aurait dit un chiot abandonné.

- Tu es méchant ! Une horrible personne, voilà ce que tu es, tu le savais ça ?!

- Mais tu m'aimes quand même…

- Tais-toi !

- Je t'aime aussi, muffin…

- J'ai dit « tais-toi » !