POV : Souvenir du 16 octobre 1996
La salle commune des Serpentard était bien peu peuplée ce soir-là.
Blaise et Daphné étaient assis côté à côte sur le canapé accolé au feu vert qui ronflait, tandis que Pansy, installée sur les genoux de Théodore, répandait les derniers ragots de l'Ecole.
Blaise écoutait sa camarade d'un air distrait, tout en échangeant des regards tantôt complices tantôt moqueurs avec Daphné.
- Vous croyez que Serpentard a des chances de remporter le match ? S'inquiétait Pansy.
- Avec toi comme supporter, ils n'oseraient quand même pas perdre ! La rassurait Théodore, en lui caressant le dos.
Théodore l'amoureux transi ! Cela faisait bien rire Blaise. Il n'avait pas de doute que Théodore n'était qu'une passade pour Pansy. A la seconde où Drago prononcera ne serait-ce que la première lettre de son prénom, il était persuadé que Pansy aura ci-tôt oublié Théodore, ses lunettes et son air permanent du type louche qui cache quelque chose.
- Je n'ai pas l'impression que Dra... que, enfin, que l'attrapeur de l'Equipe soit en grande forme ces jours-ci, déclara Pansy d'un air innocent.
Le regard entendu que Théodore lança à Blaise à ce moment permit à ce dernier de comprendre qu'il n'était dupe de rien.
Blaise se leva en étirant longuement ses bras. Pansy jeta un regard interrogatif à Daphné qui articula en silence « il va courir ». Sceptique, Pansy se retourna vers Blaise.
- Bah alors Blaise, tu vas déjà te coucher ? Lui lança-t-elle.
- Je vais courir, lui dit-il en se penchant vers Daphné pour déposer un baiser sur son front.
Pansy afficha un air incrédule tandis que Daphné souriait en couvant Blaise du regard tandis qu'il rejoignait les dortoirs.
Après avoir fait plusieurs tours du parc, Blaise entreprit une séance d'étirement tout en observant le terrain de Quidditch. Un entraînement semblait avoir lieu, alors qu'il était déjà plus de vingt-deux heures.
Il s'étira longuement et au bout de quelques minutes, il vit les joueurs du Quidditch quitter le terrain un à un, couverts de boue. Il s'aperçut que c'était l'équipe de Gryffondor quand il distingua la silhouette dégingandée de Dean Thomas qui traînait des pieds. Blaise était bien surpris de le voir seul et se demanda où était sa chère et tendre.
« Ce n'est certainement pas ton problème » se dit-il. Il tourna les talons pour retourner dans les cachots des Serpentard. Il fit quelques foulées en direction du château, mais ne put s'empêcher de regarder si Ginny se trouvait avec l'équipe. En ne la voyant pas, il fit demi-tour et retourna vers le terrain de Quidditch.
Entouré par ses tribunes géantes, Blaise se sentit bien petit au centre du stade.
Il regarda autour de lui et observa les emblèmes de chaque maison représentés sur les tribunes dans un format géant. Il se demanda ce que les joueurs pouvaient bien ressentir en portant les couleurs de leur maison face à tout le monde qui les observait et qui attendait d'eux qu'ils gagnent et qu'ils les rendent fiers. Il se sentait si minuscule, si vulnérable au milieu du terrain avec le vent qui battait son plein. Quand il vit un mouvement au pied d'une des tribunes. Il se rapprocha prudemment quand il vit que c'était Ginny. Elle était assise dans la boue, grelottante et en pleurs.
Blaise était tétanisé, il ne savait absolument pas ce qu'il devait faire. Weasley serait furieuse si elle savait qu'il l'avait vue dans une pareille posture ! Et il n'était vraiment pas la personne la plus apte à lui fournir une quelconque aide... si tant est que l'état mental de Weasley soit la dernière de ses préoccupations.
Il hésita un long moment avant de repartir. Sur le chemin, il croisa des élèves de première année qui se cachaient derrière un buisson en envoyant des objets sur le Saule Cogneur.
Blaise fonça vers eux. Ils se liquéfièrent en voyant son regard noir.
- Des première année, hors de leur dortoir à cette heure-ci ? Je me demande ce que le Professeur Mc Gonagall en pensera, déclara Blaise en apercevant leurs bonnets rouge et jaune.
- Non, non s'il vous plaît Monsieur, ne dites rien, on voulait juste voir le Saule Cogneur de plus près, s'il vous plaît Monsieur, l'implora l'un des deux enfants d'une voix criarde.
- Je n'ai pas le choix de vous dénoncer, c'est pour votre sécurité, je suis désolé. A moins que...
- Que quoi, que quoi ? Cria le garçon, désespéré.
- A moins que vous me rendiez un petit service. Il y a un élève de votre maison, Dean Thomas, je crois qu'il cherchait sa copine, vous pouvez lui dire que vous l'avez vue au stade de Quidditch ? Demanda Blaise en leur jetant un regard sévère.
- Oui Monsieur, bien sûr Monsieur, merci ! S'exclama le petit garçon en saisissant sa camarade qui était restée figée et ils détalèrent vers le château.
En retournant dans son dortoir, Blaise pensa être seul. Il n'entendait aucun bruit et ne vit personne. « Encore dans une soirée bizarroïde dont seuls les Serpentard ont le secret ! »
Il s'installa sur son lit et sortit son journal quand il entendit un bruit étouffé. Quelqu'un pleurait. Il se leva et regarda les lits de ses camarades, tous recouverts de couvertures moelleuses. Sur l'un des lits, il vit s'échapper une touffe blonde de la couverture.
Malefoy ?
Blaise se rapprocha doucement. Malefoy l'entendit et sortit sa tête de la couverture pour le regarder d'un air apeuré. Ses yeux étaient rougis et gonflés. Sa peau paraissait encore plus pâle et translucide que d'habitude.
Sans qu'il n'eut le temps de prononcer le moindre mot, Blaise entendit ses camarades discutant bruyamment qui approchaient du dortoir. Il se précipita à l'entrée en en barrant l'accès avec ses bras.
- Salut les gars, ça va ? Ça vous dérange de me laisser quelques minutes avant de rentrer? J'ai ramené une fille et j'aimerais bien lui permettre de se rhabiller pour filer en douce, dit Blaise, précipitamment en souriant d'un air goguenard.
Les garçons se mirent à rire grassement en tapant dans le dos de Blaise. Crabbe crut bon d'imiter un gémissement féminin évocateur avant de faire demi-tour.
Soufflant, Blaise laissa ses bras tomber. Il se dirigea vers son lit et se figea quelques instants.
- Tu as quelques minutes, lança-t-il en direction du blond.
En se réinstallant dans son lit, il crut entendre un léger « merci ». Il entendit Malefoy quitter brutalement son lit et sortir du dortoir.
POV : Journal de Blaise - 23 octobre 1996
Le collège est plongé dans une effervescence à peine supportable. Si ce n'est pas le Quidditch, c'est la perspective d'Halloween.
Fort heureusement, je parviens à me préserver de tous ces débordements d'excitation futiles. A l'aide de ma chère et tendre, Daphné. Parfois je me demande si elle lit dans mes pensées, tant elle paraît toujours au fait de mes besoins et de mes contrariétés. Elle a très vite appris à me connaître sur le bout des doigts. Elle comprend quand quelqu'un m'agace, quand je suis stressé par une échéance, quand j'ai besoin de me défouler, et quand j'ai envie de passer du temps avec elle, sans que je n'aie à dire la moindre chose. Si bien que ma solitude n'est pas réellement troublée même lorsque je suis avec elle, tant tout est facile à ses côtés. Quel cadeau, cette fille.
J'ai fini par lui confier que j'aimais écrire. Elle ne m'a pas paru surprise. Elle m'a paru touchée. Je lui ai montré un ou deux textes, elle a de nouveau eu la réaction adaptée : elle ne m'a pas envahi de questions sur le sens ou la portée de ce que j'avais écrit.
En somme je suis très satisfait de notre arrangement petit copain, petite copine.
J'ai revu les élèves de première année de la dernière fois. Ils m'ont assuré avoir rempli leur mission, mais je n'en suis pas vraiment certain en réalité. En tout cas, le lendemain au petit déjeuner, Weasley avait l'air de se sentir mieux.
Je respecte le fait que ses exigences sportives la mettent dans de tels états.
C'est une fille qui a la gagne et elle semble se mettre une vraie pression pour le premier match de la saison contre les Serpentard.
Je ne comprends toujours pas l'intérêt de ce sport débile, mais en pénétrant dans le stade, je me suis rendu compte comme ça pouvait être angoissant pour les joueurs.
Je suis persuadé qu'elle sera excellente sur le terrain et qu'elle mettra sa misère à Malefoy, qui ne semble d'ailleurs pas avoir besoin d'elle pour ça.
Je suis réellement intrigué par les états d'âme de ce crétin. Depuis l'épisode de la chambre, il me salue d'un signe de tête à chaque fois qu'il me croise, comme si j'avais gagné son respect. Je le vois bouillir dans son coin chaque fois qu'il assiste aux... témoignages d'affection de Pansy et de Théodore. Je me demande si Drago se rend compte que Pansy ne fait ça que pour l'énerver et si Pansy se rend compte que ça marche vraiment. Ils jouent si bien leurs rôles. C'est presque respectable.
Presque.
POV : Souvenirs de Blaise - 23 octobre 1996
Blaise sortait de son cachot « personnel ». Il semblait très satisfait, après avoir réussi à avoir rédigé un chapitre entier de son roman en devenir. Il perçut des bruissements dans le couloir. Il se demanda si c'était le Baron, qu'il tenait absolument à saluer.
A l'angle du mur, il aperçut effectivement le Baron mais il vit que le bruit provenait d'Urquhart, de Crabbe et de Goyle qui chuchotaient précipitamment.
- Vous ne vous rappelez pas où se trouve la salle commune ? se moqua Blaise.
Les garçons firent volte-face en entendant Blaise. En l'apercevant, ils soufflèrent de soulagement tout en ricanant.
- Ah c'est toi Zabini, dit Urquhart d'un ton stupide. On a cru que c'était un prof. On est sur un plan en or là, il faut pas qu'on se fasse prendre !
Blaise haussa un sourcil. Il n'était absolument pas intéressé par la moindre des choses que ces garçons pouvaient appeler un plan. Il passa devant eux pour rejoindre la salle commune.
- Attends Zabini ça va te plaire ! On a prévu de lui faire sa fête à la fille Weasley ! On lui a piqué son boursoucrotte en lui laissant une note pour lui dire qu'il se trouvait dans les cachots ! S'exclama Urquhart, d'un ton réjoui.
Blaise pivota lentement vers lui. Qu'est-ce que ce crétin congénital venait de dire ?
- On n'a pas l'intention de la laisser nous emmerder sur le terrain de Quidditch ! On va lui donner une bonne leçon, tu verras elle ne sera plus en mesure de reposer son popotin de traîtresse sur le moindre balai, ajouta Urquhart, ravi.
Crabbe et Goyle hochaient vigoureusement la tête. En effet, Crabbe semblait avoir une bestiole gesticulante dans sa poche. Le Baron passa lentement dans le couloir sans leur accorder le moindre regard.
- Mais il n'en est absolument pas question, dit Blaise.
Ses camarades se figèrent. Crabbe et Goyle commencèrent à serrer des poings tout en lui jetant des regards méfiants.
- Êtes-vous dépourvus de la moindre once de dignité en plus de votre absence totale d'intelligence ? Vous attaquer à la fille Weasley, chouchoute des Gryffondor et sœur du préfet de Gryffondor, c'est vraiment votre idée du siècle ? Sans parler des problèmes que vous allez attirer à Serpentard avec vos conneries quand vous vous ferez battre par Weasley puis attraper par McGonagall ? Demanda Blaise, furieux.
Il tentait du mieux qu'il pouvait de lisser l'expression de son visage.
- Dis donc Zabini, il va falloir choisir dans quel camp tu es, dit Urquhart en se rapprochant de lui avec ses deux comparses. On n'en a rien à foutre de la fille Weasley et personne ne nous attrapera car personne n'est au courant... à part toi.
Blaise leva le menton d'un air de défi. Ses camarades le menaçaient, et il n'avait pas la moindre peur d'eux.
- A part moi, pour l'instant, répondit Blaise tout en sortant sa baguette de sa poche. Vous n'avez...
- Endoloris !
Blaise fut projeté au sol et hurla de douleur.
- Mais tu fous quoi Goyle ? T'es malade ! Cria Urquhart. Putain, on se tire !
Les garçons partirent précipitamment. Blaise se tordait encore de douleur sur le sol. Il resta allongé pendant un long moment, le front en sueur collé contre la paroi glaciale du mur en pierre. Il n'arrivait pas à se lever, il avait comme l'impression que ses membres avaient été coupés, et qu'en tentant de se mettre debout, son cœur allait exploser.
- Ils ne t'ont vraiment pas épargné, lança une voix traînante.
Quelqu'un saisit le bras de Blaise pour tenter de l'aider à se tenir assis. C'était Malefoy. Il affichait une mine franchement réjouie.
- Le Grand Zabini à la merci de Gregory Goyle, alors ça c'est hilarant, dit Drago en lui adressant un sourire éclatant.
Blaise avait l'impression que sa tête pesait cent kilos. Il n'était pas en posture de répondre à Drago ou de se protéger d'une autre attaque.
- J'ai croisé le Baron, il m'a demandé de venir traîner par là. J'ai récupéré la bestiole dégoûtante. Je leur ai dit que j'allais m'en occuper moi-même. Y a des petits cons de sa maison qui vont sagement le rendre à Weasley. J'ai cru comprendre qu'ils avaient prévu le crime parfait, annonça Drago d'un air moqueur.
Blaise eut du mal à assimiler les informations. Il leva difficilement les yeux vers Drago qui penchait la tête sur le côté pour lui parler.
- On est quittes, maintenant, ajouta-t-il en se relevant. Ne t'inquiète pas, Daphné ne va pas tarder à arriver pour t'aider, je lui ai dit qu'un cours de potion avait mal tourné. Allez, bonne soirée.
Blaise referma les yeux, soulagé. Ils allaient le payer très cher. Très très cher.
